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Insuffisance cardiaque

Publié le 14 déc 2014Lecture 8 min

Qu’attendre de l’IRM dans l’étiologie de l’insuffisance cardiaque ?

J. GAROT, Laboratoire d’IRM cardiaque, Hôpital Jacques Cartier, ICPS, Générale de Santé, Massy

L’insuffisance cardiaque est une pathologie fréquente dont la prévalence est en constante augmentation, du fait notamment du vieillissement de la population et de l’amélioration des thérapeutiques médicamenteuses, interventionnelles et chirurgicales. L’IRM cardiaque joue un rôle prépondérant dans l’évaluation des patients souffrant d’insuffisance cardiaque. Elle permet de dresser « l’état des lieux » en précisant la morphologie et la fonction ventriculaire gauche (VG) et droite (VD). Mais sa principale valeur ajoutée réside dans l’amélioration spectaculaire du diagnostic étiologique, permettant parfois d’instituer des thérapeutiques spécifiques. L’IRM est également très sensible pour diagnostiquer la présence de thrombus intracavitaire. 

La prévalence des thrombus chez les patients qui présentent une fraction d’éjection inférieure à 50 % (ischémiques et non ischémiques) a été évaluée en IRM à 7 %(1). La prévalence des thrombus augmente avec la baisse de la fraction d’éjection, l’origine ischémique et la présence de cicatrices myocardiques. Enfin, l’IRM a un rôle croissant dans l’évaluation pronostique, notamment en mettant en évidence la présence et l’extension de la fibrose intramyocardique. Cet article tente de souligner la valeur de l’IRM chez les patients souffrant d’insuffisance cardiaque, en centrant l’analyse sur son apport étiologique. L’IRM représente l’examen de référence pour la mesure des volumes et le calcul de la fraction d’éjection(2). Elle permet d’obtenir les mesures les plus précises et les plus reproductibles des volumes VG. Elle est indiquée : si le patient est peu échogène, s’il existe une discordance entre deux techniques ou opérateurs, ou si une mesure de référence est nécessaire. La méthode de mesure des volumes en IRM doit respecter des règles strictes. Les recommandations de la Society for Cardiac Magnetic Resonance pour la mesure des volumes, de la masse et de la fraction d’éjection VG sont standardisées et font référence(3). Les valeurs normales de volumes et de masse VG dépendent du genre, de l’âge, de la taille et du poids des patients. Les mesures doivent être indexées par rapport à la surface corporelle. Le diagnostic de CMD est retenu pour un index télédiastolique supérieur à 100 ml/m2 chez l’homme et 90 ml/m2 chez la femme associée à une fraction d’éjection inférieure à 45 %. Lorsque la fraction d’éjection se situe entre 45 et 55 %, le diagnostic est difficile et incertain. La pratique soutenue de sports d’endurance est à l’origine de modifications morphologiques et fonctionnelles du myocarde qui peuvent aboutir à une augmentation du volume télédiastolique et une diminution de la fraction d’éjection VG et VD. Ces modifications apparaissent chez les personnes pratiquant plus de 10 heures de sport par semaine. Ce remodelage ventriculaire est caractérisé par une augmentation de la masse et du volume VG dans des proportions équivalentes. Il est calculé en divisant la masse myocardique VG par le volume télédiastolique avec une norme aux alentours de 0,9 ± 0,1. Le remodelage concentrique est défini par une augmentation de cet index (HTA, certaines CMH, etc.) et le remodelage excentrique par une diminution de cet index (CMD). Le volume VG est augmenté chez les sportifs d’endurance au prorata de la masse VG, ce qui ne modifie pas l’index de remodelage VG. À l’inverse, le remodelage ventriculaire excentrique au cours des cardiomyopathies dilatées est caractérisé par une augmentation plus importante du volume VG que de la masse.   Dysfonction systolique et dilatation VG   Distinction entre cardiopathie ischémique et non ischémique La recherche d’une cause ischémique est très importante pour deux raisons : 1) il existe une forte prévalence des lésions coronaires chez les patients qui présentent une dysfonction systolique gauche, 2) la dysfonction ventriculaire d’origine ischémique est potentiellement réversible par revascularisation. Les examens à la recherche d’ischémie dans cette indication peuvent être à l’origine de faux positifs, notamment avec le SPECT(4). Il est démontré et admis que chez les patients ayant une FE < 35 %, l’absence de lésions de type ischémique sur l’IRM de rehaussement tardif permet d’affirmer l’origine non ischémique avec une grande valeur diagnostique (98-99 %) (figure 1)(5). De par sa grande sensibilité et sa bonne résolution spatiale, l’IRM de rehaussement tardif permet de mettre en évidence des séquelles d’infarctus passé inaperçu (figure 2). Il est démontré qu’environ 10 % des patients souffrant d’une dysfonction/dilatation VG avec coronaires angiographiquement normales présentent une prise de contraste sous-endocardique. Ainsi, la présence d’une ou plusieurs cicatrices sous-endocardiques n’est pas spécifique à 100 % d’une étiologie ischémique(5,6). Dans les recommandations européennes, les cardiomyopathies dilatées sont définies par la présence d’une dilatation VG et d’une dysfonction cardiaque systolique en l’absence de cause ischémique, hypertensive, malformative ou valvulaire suffisante pour être à l’origine de la dysfonction(7,8). Figure 1. Dysfonction et dilatation VG d’étiologie inconnue. Rehaussement tardif de type non ischémique avec une bande linéaire intramyocardique septale (fibrose non ischémique) et respect du sous-endocarde. Figure 2. Dysfonction et dilatation VG d’étiologie inconnue. Rehaussement tardif de type ischémique avec une séquelle de nécrose antérieure concernant le sous-endocarde et avec extension transmurale.   Myocardites virales et inflammatoires Une petite proportion de myocardites peut se présenter ou évoluer vers une cardiomyopathie dilatée avec dysfonction VG et insuffisance cardiaque (5- 10 %). L’IRM a une valeur diagnostique unique pour mettre en évidence les myocardites d’origine virale ou inflammatoire, en révélant des lésions œdémateuses intramyocardiques (T2 STIR) (figure 3) et/ou de rehaussement tardif sous-épicardiques ou intramyocardiques nodulaires ou linéaires en bandes (respect du sous-endocarde) (figure 4). L’IRM est importante pour le diagnostic de maladie de Chagas en Amérique du Sud (étiologie fréquente de CMD non ischémique). Un certain nombre de formes particulières de cardiomyopathies dilatées peuvent être diagnostiquées à l’IRM et sont donc importantes à connaître. Figure 3. Œdème intramyocardique avec hypersignal T2 dans le cadre d’une myocardite aiguë inflammatoire. Figure 4. Rehaussement tardif linéaire en bandes sous-épicardiques chez le même patient que figure 3. Non-compaction du VG La NCVG est une affection congénitale causée par un arrêt du processus intra-utérin de compaction. Initialement, les fibres myocardiques forment un réseau lâche et sont vascularisées directement par le sang de la cavité. Le processus de compaction consiste à la transformation de ce réseau de fibres en un muscle compacté et à l’apparition des capillaires myocardiques. L’arrêt de ce processus est à l’origine de la persistance de l’aspect trabéculé du myocarde (figure 5). L’IRM permet de quantifier l’ensemble des trabéculations et de les rapporter à la masse myocardique totale pour évaluer le pourcentage de myocarde trabéculé(9). Figure 5. Aspect de non-compaction du VG avec dilatation et dysfonction systolique VG. La fibroélastose endocardique Cette affection est détectée par la mise en évidence d’un rehaussement sous-endocardique circonférentiel et non dans un territoire coronaire systématisé.   La cardiopathie mitochondriale Cette affection est en général gravissime et peu de sujets sont diagnostiqués à l’âge adulte. Cette affection peut se manifester comme une cardiopathie hypertrophique ou dilatée. Les rehaussements tardifs peuvent être évocateurs de l’affection(10).   La cardiomyopathie hypertrophique primitive   La CMH est une affection d’origine génétique qui est définie par une augmentation de l’épaisseur d’au moins un segment myocardique de plus de 15 mm en l’absence de cause pouvant expliquer cette hypertrophie. L’apport de l’IRM réside essentiellement dans : - une meilleure sensibilité des formes apicales et antéro-latérales difficiles à diagnostiquer en écho (figure 6) ; - une meilleure sensibilité de détection des infarctus et anévrysmes apicaux (figure 7) ; - une meilleure visualisation 3D de l’ensemble des parois VG avec une bonne détection de l’épicarde pour des mesures précises d’épaisseur myocardique ; - une bonne analyse de l’appareil valvulaire et sous-valvulaire mitral souvent touché par l’affection ; - l’étude de la présence de fibrose intramyocardique par le rehaussement tardif (valeur pronostique) (figure 8). Figure 6. CMH apicale (épaisseur diastole 18 mm). Figure 7. CMH médioventriculaire avec anévrysme apical (déformation apicale en diastole, rehaussement tardif transmural, et petit thrombus apical). Figure 8. Rehaussement tardif en patchs intramyocardiques indiquant une fibrose myocardique dans le cas d’une CMH apicale (à gauche) et d’une CMH plus diffuse (à droite).   Amylose myocardique, cardiomyopathie de la maladie de Fabry, surcharge intramyocardique en fer (hémochromatose, drépanocytaires multitransfusés)   Ces pathologies de surcharge sont à l’origine d’une hypertrophie VG en général modérée mais assez diffuse et homogène. Elles s’accompagnent parfois d’autres aspects phénotypiques évocateurs (par exemple épanchement péricardique modéré, épaississement du septum interauriculaire dans l’amylose). L’atteinte cardiaque de la maladie de Fabry prédomine chez l’homme (liée à l’X) et consiste souvent en une HVG diffuse et homogène. Il faut penser à ces pathologies lors de certains contextes cliniques évocateurs (atteintes neurologiques, rénales souvent associées). L’IRM procure parfois des aspects très spécifiques permettant de poser le diagnostic étiologique (rehaussement tardif diffus en rails dans l’amylose myocardique avec difficulté de réglage du temps d’inversion (figure 9) ; temps de relaxation T2 court < 20 ms dans la surcharge en fer). Figure 9. Aspect spécifique de rehaussement tardif en rails du VG dans le cas d’une amylose myocardique. La sarcoïdose   Dans un contexte clinique et biologique évocateur, l’IRM n’offre pas d’aspects spécifiques mais permet d’affirmer l’atteinte myocardique inflammatoire (œdème myocardique en T2) (figure 10) et/ou la présence de granulomes sarcoïdosiques intramyocardiques chroniques en rehaussement tardif (figure 11). Figure 10. Lésion myocardique inflammatoire hyper-T2 chez une patiente présentant une sarcoïdose médiastinale aiguë. Figure 11. Granulomes chroniques de sarcoïdose myocardique en rehaussement tardif. Tako-Tsubo   Dans un contexte particulier (souvent femme de 60 ans ou plus, stress émotionnel, douleur thoracique, signes ECG, ballonisation segmentaire apicale étendue dépassant le territoire coronaire, faible élévation des troponines, coronarographie sans lésions critiques de l’IVA), l’IRM confirme la large ballonisation apicale et ne présente aucune lésion de rehaussement tardif, avec parfois un œdème apical modéré mais étendu. Les formes symétriques médioventriculaires ou basales existent mais sont plus rares.   DVDA   Nous ne rappellerons pas le contexte familial, les événements cliniques rythmiques, les aspects ECG ou échographiques. À l’IRM, le diagnostic positif étiologique est posé sur des critères majeurs quantitatifs : présence obligatoire d’une asynergie segmentaire du VD, et présence d’au moins un des 2 critères suivants (figure 12) : - un VD dilaté < 110 ml/m2 chez l’homme (100 ml/m2 chez la femme) ; - une FEVD < 40 %(11). L’IRM met souvent en évidence une infiltration graisseuse intramyocardique, la présence de fibrose intramyocardique VD et/ou VG, avec une atteinte biventriculaire fréquente. Mais ces aspects plus difficiles à analyser et non spécifiques ne représentent pas des critères diagnostiques majeurs. Figure 12. Dysplasie du VD (dyskinésie sous-infundibulaire [flèches], VD dilaté, FEVD < 40 %). Au total   Quelques étiologies rares ainsi que les pathologies congénitales évoluées n’ont pas été volontairement abordées. Outre cet apport au diagnostic étiologique dans l’insuffisance cardiaque, l’IRM a désormais un rôle pronostique indépendant dans quelques pathologies, par la démonstration de la présence ainsi que de l’extension de la fibrose intramyocardique. C’est le cas notamment dans les CMH et les CMD idiopathiques d’origine non ischémique(12,13). En l’absence de contre-indication, tout patient souffrant d’insuffisance cardiaque, quel que soit l’aspect échographique (CMD, CMH, dilatation du VD, etc.), devrait bénéficier d’une IRM cardiaque de base pour confirmer les aspects phénotypiques, préciser la fonction VG et VD, rechercher une étiologie particulière parfois à l’origine d’un traitement spécifique (cardiopathies ischémiques et viabilité myocardique, maladie de Fabry, surcharge en fer, certaines formes d’amylose myocardique, sarcoïdose, maladie de Chagas, etc.) et préciser le pronostic.

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