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Insuffisance cardiaque

Publié le 15 nov 2023Lecture 6 min

Diagnostic et traitement de l’insuffisance cardiaque aiguë et chronique : mise à jour

Raphaël COHEN, Unité INSERM 970, Interne en cardiologie, Paris

Du fait des nombreux essais cliniques mis en œuvre depuis 2021(1), l’ESC a décidé de mettre à jour précocement ses recommandations sur l’insuffisance cardiaque(2).
Insuffisance cardiaque chronique : tout comme l’insuffisance cardiaque à FEVG réduite (HFrEF), les iSGLT2 font désormais l’objet d’une recommandation de classe I (A) pour les patients ayant une insuffisance cardiaque avec fraction d’éjection modérément réduite (HFmrEF) et préservée (HFpEF).
Insuffisance cardiaque aiguë : l’ESC préconise une intensification des soins avec mise en place et titration rapide des traitements oraux de l’insuffisance cardiaque avant la sortie des patients hospitalisés pour insuffisance cardiaque aiguë. Un suivi étroit après la sortie d’hospitalisation devra être mis en place afin de poursuivre cette titration, classe I (B).
Comorbidités : cette mise à jour insiste sur la prise en charge des comorbidités en particulier le diabète de type 2 et l’insuffisance rénale chronique. Ces patients bénéficieraient d’un traitement par iSGLT2 pour réduire la mortalité et le nombre d’hospitalisations, ainsi que la finérénone afin de diminuer le nombre d’hospitalisations.
• Enfin, chez des patients symptomatiques, la supplémentation martiale est recommandée afin de réduire les symptômes et améliorer la qualité de vie, classe I (A) et pourrait réduire le nombre d’hospitalisations pour insuffisance cardiaque, classe IIa (A).

Insuffisance cardiaque aiguë, frapper vite et fort   Diurétiques Malgré l’essai CLOROTIC (ajout de 25 à 100 mg d’hydrochlorothiazide) montrant une perte de poids plus importante qu’avec le furosémide seul, et l’essai ADVOR (ajout d’acétazolamide en sus du traitement standard) améliorant la décongestion, ainsi que l’aggravation de la fonction rénale dans les groupes traités de ces 2 essais, l’ESC ne recommande pas l’adjonction de ces traitements en systématique.   iSGLT2 L’essai EMPULSE a montré que l’introduction hospitalière, à l’issue d’une décompensation cardiaque, de l’empagliflozine diminuait la mortalité, le nombre d’hospitalisations et améliorait la qualité de vie, et ce indépendamment de la FEVG. Les iSGLT2 pourront donc être introduits dès la stabilisation du patient, en prenant des précautions en cas d’antécédents de diabète de type 2 (risque d’acidocétose).   Une titration agressive et rapide des traitements oraux est désormais la règle (figure 1) Figure 1. Proposition de schéma de titration, de surveillance et de suivi des traitements de l’insuffisance cardiaque à l’issue d’une décompensation cardiaque ayant nécessité une hospitalisation.   L’étude STRONG-HF a mis en évidence qu’après une décompensation cardiaque, chez des patients n’ayant pas atteint la dose maximale tolérée de traitement, une intensification précoce et rapide du traitement oral (IEC/ARA2 ou ARNi, bêtabloquants et antagonistes des récepteurs aux minéralocorticoïdes) avec pour objectif d’atteindre 50 % de la dose cible à la sortie du patient et 100 % de la dose cible à 2 semaines de la sortie, réduisait la mortalité cardiovasculaire et les hospitalisations pour insuffisance cardiaque. Ce schéma s’applique indépendamment de la FEVG et même si les iSGLT2 n’ont pas été utilisés, la Task Force maintient que l’empagliflozine et la dapagliflozine doivent être aussi introduites (tableau 1).   Insuffisance cardiaque chronique, l’avènement des iSGLT2 (figures 2 et 3) Figure 2. Prise en charge des patients ayant une HFmrEF. Figure 3. Prise en charge des patients ayant une HFpEF.   Bien que la classification de l’insuffisance cardiaque (HFrEF, HFmrEF et HFpEF) soit vouée à disparaître pour n’en retenir que 2 entités : HFrEF et insuffisance cardiaque à FEVG normale (HFnEF), cette mise à jour maintient la classification précédente, et recommande désormais l’utilisation des iSGLT2 dans l’HFmrEF et l’HFpEF. Les iSGLT2 ont reçu une recommandation de classe I(A) pour le traitement des patients souffrant d’insuffisance cardiaque avec FEVG modérément réduite (HFmrEF) et préservée (HFpEF). Cette recommandation est basée sur les grands essais contrôlés randomisés portant respectivement sur l’empagliflozine (EMPEROR-Preserved)(3) et la dapagliflozine (DELIVER et DAPA-HF)(4,5). La Task Force n’a pas spécifié de seuil de NT-proBNP pour le traitement, même si EMPEROR-Preserved et DELIVER n’ont inclus que des patients ayant un NT-proBNP supérieur à 300 pg/ml. Les patients inclus dans ces études devaient en plus d’être sous diurétiques de l’anse, avoir un remodelage des cavités gauches (HVG et/ou dilatation atriale gauche). Malgré ces critères d’inclusions, la Task Force a décidé de fournir une recommandation générale pour tous les patients atteints d’HFpEF et d’HFmrEF. Contrairement aux recommandations américaines de l’AHA/ACC 2022(7), l’ESC ne recommande pas « faute de preuves » l’utilisation de modulateurs du système rénine-angiotensine-aldostérone ni de bêta bloquants chez les patients HFpEF.   Prise en charge des comorbidités   Correction d’une carence martiale, un effet purement symptomatique ? La carence martiale (ferritinémie ≤ 100 µg/l ou une ferritinémie ≤ 300 µg/l associée à un coefficient de saturation de transferrine (CST) ≤ 20 %) est fréquente chez les patients insuffisants cardiaque en particulier en cas de décompensation. Cette carence altère les métabolismes cardiaque, musculaire et rénal via une dysfonction mitochondriale. La supplémentation martiale par voie IV chez les patients symptomatiques atteints d’HFrEF et d’HFmrEF, et de carence en fer, pour soulager les symptômes et améliorer la qualité de vie, passe d’une recommandation de classe II (A) à une recommandation de classe I (A). L’indication pour réduire le risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque passe de la classe IIa (B) à la classe IIa (A). Ces mises à jour sont liées aux récentes publications d’IRONMAN(6) et d’AFFIRM-AHF. Ces essais montrent un effet modeste sur les critères d’évaluation robustes (limite de la significativité pour le critère composite mortalité cardiovasculaire et hospitalisations pour insuffisance cardiaque), mais un effet sur les symptômes, la tolérance à l’effort et la qualité de vie. La supplémentation martiale contribuerait à réduire le coût des hospitalisations pour insuffisance cardiaque. Il faut noter cependant une différence notable avec les recommandations 2022 de l’AHA/ACC/HFSA(7). Les recommandations sont de classe IIa (B) pour l’utilisation de fer IV chez les patients souffrant d’insuffisance cardiaque pour améliorer l’état fonctionnel et la qualité de vie, mais elles ne recommandent pas l’utilisation de fer IV pour réduire le risque de mortalité cardiovasculaire ou d’hospitalisations pour insuffisance cardiaque(7) (tableau 2).   Prévention de l’insuffisance cardiaque chez les patients diabétiques et/ou insuffisants rénaux chroniques Un élément surprenant, ces mises à jour des recommandations de l’insuffisance cardiaque ont établi une recommandation de classe I (A) chez des patients ne souffrant pas d’insuffisance cardiaque. Elles concernent la prévention de l’insuffisance cardiaque chez les patients atteints de diabète de type 2 et/ou de maladie rénale chronique (MRC), patients ayant un risque accru de développer une insuffisance cardiaque. Les iSGLT2 sont donc recommandés dans la MRC afin de prévenir l’insuffisance cardiaque. Cette recommandation repose sur 2 essais, DAPA-CKD(8) et EMPA-Kidney(9) qui ont montré une réduction de la dégradation de la fonction rénale et une réduction du risque de décès cardiovasculaire. La réduction du risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque ne figurait pas dans les critères étudiés dans DAPA-CKD. Enfin EMPA-Kidney ne rapportait pas de diminution significative du risque de décès cardiovasculaire ou d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque. Bien que ces molécules aient prouvé leur efficacité chez des patients diabétiques et/ou insuffisants rénaux chroniques, leur prescription avec pour seule indication l’objectif de réduire le risque de survenue d’une insuffisance cardiaque semble discutable. La recommandation de classe I (A) de traiter les patients atteints de diabète de type 2 et de MRC avec de la finérénone (antagoniste non stéroïdien du récepteur des minéralocorticoïdes avec une pharmacocinétique différente de la spironolactone, pouvant être prescrite en cas d’insuffisance rénale et à moindre risque d’hyperkaliémie) pour réduire le risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque est basée sur deux grands essais : FIGARO et FIDELIODKD(10,11) : • FIDELIO-DKD(10) a montré une baisse significative du développement de l’insuffisance rénale, et n’a pas montré de réduction significative du risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque. • FIGARO(11) a inclus des patients ayant une MRC et un diabète de type 2 et a montré qu’après 3,5 ans de traitement, la finérénone réduisait le critère composite : décès cardiovasculaire, infarctus du myocarde non fatal, AVC non fatal ou hospitalisation pour in suffisance cardiaque. La finérénone a réduit de manière significative le risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque de 29 %. Aucun de ces essais n’a été conçu pour étudier la prévention de l’insuffisance cardiaque, on peut donc s’interroger sur la validité de recommandations de classe I (niveau de preuve A). Les recommandations AHA/ ACC 2022(7), certes recommandent un iSGLT2 pour les stades précliniques (A et B) mais insistent surtout sur la prise en charge de l’HTA et des maladies cardiovasculaires (tableau 3).  

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