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Insuffisance cardiaque

Publié le 23 jan 2007Lecture 8 min

Rein et insuffisance cardiaque congestive : problèmes pratiques

B. MOULIN, Service de néphrologie, Hôpitaux Universitaires de Strasbourg

L’insuffisance rénale est fréquente chez le patient insuffisant cardiaque ; elle est constante chez l’insuffisant cardiaque sévère en décompensation globale et directement liée à la baisse du débit cardiaque (insuffisance rénale fonctionnelle). Plusieurs études récentes ont également souligné son caractère prédictif aggravant la mortalité dans cette population. Enfin, la réponse rénale inadaptée de l’insuffisant cardiaque et la mise en jeu de divers systèmes neuro-hormonaux tels que le système rénine-angiotensine (SRA), le système nerveux sympathique ou l’hormone antidiurétique aboutissent à la constitution de désordres hydroélectrolytiques (œdèmes, hyponatrémie et hyperkaliémie principalement). C’est la prise en charge pratique de ces problèmes souvent difficiles que nous revoyons dans cet article.

Évaluation de la fonction rénale chez l'insuffisant cardiaque Chez l’insuffisant cardiaque modéré sans décompensation œdémateuse, l’évaluation de la fonction rénale rejoint les recommandations de la population générale et doit faire appel aux formules de débit de filtration glomérulaire (DFG) estimé par la formule de Cockcroft : DFG =[(140-(âge) x poids (kg)]/ créatininémie (µmol/l) x F F = facteur de correction : 1,04 chez la femme et 1,23 chez l’homme. D’autres types de formules commencent à être utilisés suite à un certain nombre de publications notamment nord-américaines (formule MDRD) mais ne sont pas encore largement diffusés en France. La formule de Cockcroft a ses limites, notamment chez le sujet âgé (> 75 ans) et plus particulièrement chez les sujets dénutris et/ou présentant des œdèmes (surestimation franche du DFG), situation concernant l’insuffisant cardiaque sévère.   Troubles hydroélectrolytiques   Hyponatrémie et œdèmes En général, l’hyponatrémie indique un excès d’eau (et non un déficit en sodium). L’administration de quantités élevées de Na dans cette situation est donc inappropriée. Du fait de sa physiopathologie complexe, l’hyponatrémie de l’insuffisant cardiaque est souvent difficile à appréhender. Deux situations sont le plus fréquemment rencontrées. L’hyponatrémie associée à un syndrome œdémateux traduisant un excès d’eau et de sodium (bilan hydrosodé positif) est couramment observée dans l’insuffisance cardiaque congestive. Elle est directement liée à une sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique stimulée par les barorécepteurs sensibles à diminution du volume circulant efficace. Elle reflète donc la sévérité de l’insuffisance cardiaque et est en soi un facteur pronostique péjoratif. Le traitement repose sur la restriction sodée stricte (< 2 g NaCl/j) et hydrique (< 500 ml/j). L’adjonction de diurétiques de l’anse est indispensable et leur posologie doit être titrée en fonction de la réponse natriurétique et diurétique. La réponse natriurétique peut être insuffisante chez le patient traité au long cours par diurétiques de l’anse du fait d’une adaptation en aval du tube distal dont les cellules s’hypertrophient, et augmente la réabsorption du NaCl. Ce phénomène de résistance aux diurétiques de l’anse peut être abordé par l’adjonction de diurétiques thiazidiques ou apparentés (hydrochlorothiazide ou indapamide) spécifiques du tube distal. La réponse à cette association diurétique de l’anse-thiazidique peut être marquée au début du traitement et nécessite une surveillance clinique et biologique fréquente (ionogramme sanguin, créatininémie). L’hyponatrémie peut, à l’opposé, survenir chez un patient présentant des signes de déshydratation extracellulaire associés (pertes de NaCl supérieures au déficit hydrique). Cette situation est le plus souvent observée chez un patient traité par diurétique thiazidique et qui poursuit des apports hydriques trop importants par rapport aux apports et pertes sodées (traitement d’un hypertendu ou traitement diurétique « excessif » d’un insuffisant cardiaque). La restriction hydrique reste de mise ; en revanche, l’administration de soluté salé isotonique permettra de remplir le volume extracellulaire et de freiner la production d’ADH stimulée par les barorécepteurs. Prochainement, la mise à disposition d’antagonistes des récepteurs V2 (vaptans) de l’ADH, spécifiques du tubule rénal, devrait entrer dans la pharmacopée du traitement de l’hyponatrémie de l’insuffisant cardiaque, notamment associée au syndrome œdémateux.   Risques et prévention de l’hyperkaliémie Une hyperkaliémie (> 5,5 mEq/l) est une situation fréquemment observée chez l’insuffisant cardiaque. Sa physiopathologie relève de plusieurs mécanismes (tableau 1). Il s’agit notamment de la diminution des apports de sodium dans la partie distale du néphron au niveau du tubule collecteur où s’effectue la réabsorption de Na stimulant en retour celle du potassium en présence d’aldostérone. Cette incapacité à éliminer le potassium est donc d’autant plus menaçante que l’insuffisance cardiaque est sévère, aboutissant à une réduction du débit sanguin rénal et de la filtration glomérulaire (insuffisance rénale fonctionnelle) et à une avidité du tube proximal et de l’anse large de Henlé et ce, malgré un hyperaldostéronisme secondaire important. Fréquemment, cette situation est aggravée par la prescription de diurétiques épargneurs du potassium, amiloride et surtout antialdostérones (spironolactone ou éplérénone), dont les bénéfices en association aux IEC sur le pronostic de l’insuffisance cardiaque sévère NYHA III et IV ont été démontrés par les études RALES (Randomized ALdactone Evaluation Study) et EPHESUS (EPlerenone in HEart failure Safety and efficacy and sUrvival Study). Les prescriptions des patients insuffisants cardiaques comportent de plus en plus une association de bloqueurs du SRA (IEC et/ou ARAII) auxquels viennent s’ajouter les antialdostérones. Les antialdostérones doivent donc être évités si le patient a une insuffisance rénale (Ccr < 50 ml/min) et prudemment prescrits chez le diabétique en respectant les posologies maximales préconisées (spironolactone ≤ 25 mg/j). D’autres médicaments ou situations cliniques participent également à la rétention de potassium : AINS, héparine, diabète La prévention de l’hyperkaliémie repose sur un certain nombre de recommandations résumées dans le tableau 2. L’utilisation concomitante de diurétiques de l’anse, voire de résines échangeuse d’ions (Kayexalate®) permet de d’atténuer le risque d’hyperkaliémie. Insuffisance rénale et insuffisance cardiaque   Une baisse de la pression de perfusion rénale Au cours de l’insuffisance cardiaque congestive, la baisse de la pression artérielle moyenne (PAM) systémique et l'augmentation de la pression veineuse centrale contribuent à la baisse de la pression de perfusion rénale (PPR) (PPR = PAM - POD) (figure 1) et à l’apparition d’une insuffisance rénale fonctionnelle. Cette baisse de la PPR est également associée à une activation de systèmes neuro-hormonaux, sympathique et rénine-angiotensine-aldostérone, qui participent à la rétention hydrosodée. Figure 1. Mécanismes responsables de la diminution de la filtration glomérulaire et de la rétention sodée au cours de l’insuffisance cardiaque congestive. Des techniques d’ultrafiltration isolée lente Le profil habituel de l’insuffisance rénale fonctionnelle associe : • une élévation plus importante de l’urée que de la créatinine (tableau 3), • une natriurèse effondrée, • l’absence de syndrome urinaire (absence de protéinurie ou d’anomalie du sédiment urinaire). Dans cette situation, l’objectif est d’améliorer le débit cardiaque et le débit sanguin rénal pour restaurer un débit de filtration glomérulaire normal. Ainsi, en cas d’insuffisance rénale sévère liée à une augmentation des pressions droites et à une baisse de la pression artérielle moyenne (PR effondrée), l’utilisation des diurétiques par voie IV continue, peut rester inefficace, et le recours à des techniques d’ultrafiltration isolée lente peut s’avérer nécessaire dans des structures de soins intensifs. Cette méthode permet de rétablir progressivement une PPR adéquate en diminuant les pressions droites tout en maintenant la PAM. Dépendance de l’hémodynamique intrarénale vis-à-vis du SRA L’autre aspect lié à l’activation des systèmes neuro-hormonaux chez l’insuffisant cardiaque est la dépendance de l’hémodynamique intrarénale vis-à-vis du SRA. En effet, l’activation du SRA liée à la chute de la pression au niveau de l’artériole afférente permet le maintien initial de la filtration glomérulaire par l’effet vasoconstricteur de l’angiotensine II sur l’artériole efférente post-glomérulaire (figure 2). On conçoit donc que le blocage de la synthèse d’angiotensine II (IEC) ou de son action (ARAII) aboutit à une levée de cette vasoconstriction, à une baisse brutale de la pression de filtration glomérulaire et à une insuffisance rénale fonctionnelle, d’autant plus sévère que l’activation du SRA est importante. La conséquence de cette notion physiopathologique est d’insister sur la prudence nécessaire lors de la mise en route d’un traitement par bloqueur du SRA chez un insuffisant cardiaque sévère (NYHA II et IV), notamment s’il existe un syndrome œdémateux. Figure 2. Hémodynamique rénale au cours de l’insuffisance cardiaque et impact du blocage du SRA. Contextes particuliers En revanche, l’existence d’un contexte particulier (diabète, maladie de système, hypertension ancienne) et/ou l’existence d’anomalies urinaires (protéinurie, hématurie) doit faire évoquer une néphropathie parenchymateuse sous-jacente, glomérulaire ou vasculaire. • L’existence d’une protéinurie abondante (> 2 g/j), associée éventuellement à une hématurie, oriente vers une néphropathie glomérulaire dont le diagnostic étiologique doit être fait par l’anamnèse, les signes cliniques extrarénaux, des examens complémentaires spécifiques et la biopsie rénale. L’insuffisance rénale chez le patient diabétique, souvent associée à une pathologie cardiovasculaire sévère, est souvent liée au développement d’une néphropathie glomérulaire diabétique (protéinurie d’augmentation progressive) dont la prise en charge précoce permet de ralentir l’évolution vers l’insuffisance rénale terminale. • L’absence de syndrome urinaire oriente vers un obstacle urologique ou vers une néphropathie vasculaire. L’obstacle urologique, souvent lié à une pathologie prostatique ou à une néoplasie urothéliale chez les patients âgés, est confirmé dans un premier temps par l’échographie rénale. • Fréquentes chez l’insuffisant cardiaque athéromateux, les néphropathies vasculaires peuvent correspondre à plusieurs types de tableaux : • les sténoses athéromateuses des artères rénales diagnostiquées par l’écho-Doppler des artères rénales doivent être recherchées en cas d’œdème pulmonaire aigu brutal chez des patients à fonction ventriculaire gauche conservée ou en cas de résistance au traitement de l’insuffisance cardiaque ou de dégradation aiguë de la fonction rénale après utilisation d’un bloqueur du système rénine-angiotensine ; • les emboles de cristaux de cholestérol observés au décours d’une angiographie ou de l’instauration d’un traitement anticoagulant ou thrombolytique peuvent également être impliqués dans l’aggravation des conditions hémodynamiques de l’insuffisance cardiaque.   En pratique   Le retentissement rénal de l’insuffisance cardiaque passe essentiellement par la baisse du débit cardiaque responsable : - de la baisse du débit plasmatique rénal et de la filtration glomérulaire, - de la stimulation de systèmes neuro-hormonaux qui vont directement participer à la rétention hydrosodée. Le risque d’hyperkaliémie est essentiellement aggravé par la baisse du débit de filtration glomérulaire et le blocage complet du système rénine-angiotensine-aldostérone. La prise en charge de ces anomalies requiert souvent un dialogue cardionéphrologique, voire plus rarement un transfert passager du patient dans des structures de soins intensifs néphrologiques pour permettre la correction des troubles hémodynamiques ou électrolytiques par des méthodes d’épuration extrarénale.

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