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Insuffisance cardiaque

Publié le 12 oct 2010Lecture 7 min

Mise au point sur la ventilation dans l’OAP

D. SCARLATTI, J. DELLAMONICA, A. SCARLATTI, G. BERNARDIN, E. FERRARI, CHU Nice

L’oxygénothérapie, associée au traitement étiologique est un des traitements indispensables de l’insuffisance cardiaque aiguë. Dans certains cas graves, une pression positive (inspiratoire et expiratoire) externe peut être associée permettant une amélioration de l’oxygénation et un effet bénéfique sur les interactions coeur-poumon. Différentes techniques d’administration de l’oxygène sont disponibles allant de l’oxygène à haut débit avec ou sans pression positive continue (CPAP) à la ventilation barométrique administrée par un ventilateur (Ventilation Non Invasive [VNI]). Outre les effets sur l’oxygénation, la pression positive peut se justifier par ses effets sur la pré-charge et la post-charge. Les objectifs de cet article sont, après un rappel physiopathologique des effets de la ventilation sur les interactions coeur-poumon, de définir le moment opportun pour débuter une ventilation non invasive, la façon de l’optimiser et le moment où il faut passer à une ventilation invasive ?

Physiopathologie Les recommandations de l’ESC précisent qu’une oxygénothérapie est indiquée chez tout patient hypoxémique (grade IC), une VNI est même préconisée afin de réduire le taux d’intubation si la SpO2 reste inférieure à 95 % sous oxygène. En revanche, l’effet de la VNI sur la mortalité reste discuté (grade IIaB). Au cours de l’insuffisance cardiaque aiguë, un défaut d’inotropisme (insuffisance cardiaque « systolique ») ou un trouble de la relaxation ventriculaire (insuffisance cardiaque « à fraction d’éjection préservée ») entraînent une élévation de la pression télédiastolique du ventricule gauche. Les traitements pharmacologiques administrés ont pour objectif de diminuer la précharge, le retour veineux (dérivés nitrés, diurétiques) et la post charge et donc la pression ventriculaire gauche (bloqueurs du système rénine/angiotensine, bêtabloquants, vasodilatateurs). C’est en jouant sur les mêmes déterminants que la pression expiratoire positive (PEP) trouve son intérêt au cours de l’insuffisance cardiaque aiguë. Cette PEP induit : Sur le plan hémodynamique : – une augmentation de la pression intrathoracique, une diminution du retour veineux avec diminution du volume télédiastolique ventriculaire gauche et diminution de la pré-charge ; – une diminution de la tension pariétale de la post-charge ; – une stabilisation, voire une augmentation du débit cardiaque chez les patients présentant une altération de la fonction ventriculaire gauche systolique ; – une diminution de la fréquence cardiaque avec diminution de la consommation en oxygène (VO2). Sur le plan respiratoire : – elle augmente la capacité résiduelle fonctionnelle (CRF) et donc la compliance pulmonaire ; – elle permet la réouverture d’alvéoles collabées avec diminution du shunt et amélioration de l’oxygénation ; – enfin, elle diminue le travail ventilatoire. L’aide inspiratoire (« AI » mode VS-AI-PEP) permet une diminution supplémentaire du travail inspiratoire, en particulier au niveau du diaphragme. Indications et contre-indications de la ventilation non invasive Le terme de ventilation non invasive (VNI) est défini comme une ventilation administrée sans intubation orotrachéale, au moyen d’une interface (masque facial, buccal ou nasal), sans en préciser les caractéristiques. La conférence de consensus commune SFAR/SRLF/SPLF rappelle qu’elle ne se conçoit qu’en association au traitement médical optimal (G1+) et ne doit pas retarder la prise en charge étiologique. Ses indications se résument aux signes cliniques de détresse respiratoire sans attendre le résultat des gaz du sang (G2+ en cas d’hypercapnie avec PaCO2 > 45 mmHg (G1+) et en cas de non-réponse au traitement médical. Ses contre-indications sont principalement l’épuisement respiratoire et l’agitation ne permettant pas au patient de participer au traitement. Modalités d’utilisation de la ventilation non invasive Les modes ventilatoires L’interface joue un rôle majeur pour la tolérance et l’efficacité. Ainsi, les masques utilisés doivent être disponibles en plusieurs tailles et modèles afin de s’adapter aux différentes formes de visage : un masque facial englobant la bouche et le nez est recommandé en première intention (G2+). En cas d’échec (fuites) d’autres modèles, full face ou casque peuvent être utilisés pour améliorer la tolérance, ainsi que l’humidification. La ventilation non invasive doit être instaurée sur le mode VSPEP ou VS-AI-PEP (G1+) : le terme VS rappelant une ventilation spontanée, « PEP » l’ajout d’une pression expiratoire positive et « AI » une pression inspiratoire. Par abus de langage, le terme de « CPAP » (Continuous Positive Airway Pressure) désigne souvent le mode « VS-PEP » et le terme « VNI » le mode « VS – AI – PEP ». La VS-PEP est le mode le plus simple Le substrat physiopathologique de la CPAP est d’empêcher l’atélectasie et d’améliorer la diffusion de l’oxygène à travers la membrane alvéolaire. Le mode VS-AI-PEP Les modes de ventilation disponibles sur les respirateurs de soins intensifs permettent de fournir une aide inspiratoire à l’inspiration tout en maintenant une PEP. Ce mode est plus complexe d’utilisation du fait des réglages nécessaires. En effet, le risque de fuites est plus important du fait de la pression inspiratoire ce qui risque d’ « étouffer » le patient. De plus ce mode nécessite une bonne synchronisation patient-ventilateur qui est le gage d’efficacité de la VNI. Ainsi une « VNI » mal utilisée est moins efficace qu’une « C-PAP » certes plus bruyante. Quel mode utiliser : VNI ou C-PAP ? Moins d’intubation orotrachéale et de ventilation mécanique avec la VNI : bénéfice de la VNI vs oxygénothérapie On a montré ainsi que la ventilation non invasive réduit de 26 % le recours à l’intubation orotrachéale (IOT) et tend à faire diminuer la mortalité hospitalière (diminution du risque de 6,6 % non significatif). En théorie, il est donc préférable d’utiliser le mode « VSAI- PEP » plutôt que VS-PEP, ce qui permettrait de limiter les hypercapnies, pourtant 2 études retrouvent plus de syndromes coronariens aigus dans le groupe VS-AI-PEP. En principe, nous privilégions plutôt la C-PAP en cas d’antécédents coronariens du fait du risque plus important de chutes de la PAD et donc de la perfusion coronaire dans le mode VNI. Les objectifs ventilatoires Le but est d’obtenir un volume courant expiré cible autour de 6 à 8 ml/kg, une capnie et un pH normal, une PaO2 en rapport avec l’âge et la pathologie respiratoire. Un volume courant trop petit, rend probable l’existence de fuites au niveau du masque qu’il faut alors changer de taille ou de modèle. Une pression inspiratoire totale dépassant 20 cmH2O expose à un risque accru d’insufflation d’air dans l’estomac et de fuites. La distension gastrique expose au risque de vomissements et d’inhalations surtout en cas de ventilation au masque facial, rare pour des pressions inférieures ou égales à 20 cmH2O. Au-delà de 30 cmH2O, il existe un risque de barotraumatisme. En effet, la surdistension des alvéoles induite par la ventilation peut provoquer un barotraumatisme lié à une rupture alvéolaire. Le pneumothorax est la lésion la plus typique détectée sur la radiographie thoracique. Le barotraumatisme est favorisé à la fois par la pathologie pulmonaire sous-jacente et par l’utilisation de pressions excessives délivrées par le ventilateur. Une surveillance clinique est indispensable, particulièrement durant la première heure. La mesure répétée de la fréquence respiratoire (G1+), de la pression artérielle, de la fréquence cardiaque et de l’oxymétrie de pouls est essentielle. Algorithme pratique d’utilisation de la VNI Le schéma ci-contre, réalisé grâce à une C-PAP de Boussignac, adapté de l’étude de Dieperink W a permis une réduction de 14 % du taux d’intubation orotrachéale et une diminution de 50 % de la durée d’hospitalisation. Une étude récente suggère que le seul critère prédictif de réussite de VNI est le rapport PaO2/FiO2. Ainsi, une baisse du rapport PaO2/FiO2 après 1 heure est prédictif d’échec de la VNI (RR 0,98 p < 0,01). Surveillance de la VNI Les paramètres que l’équipe médicale et paramédicale doivent surveiller sont : – la fréquence respiratoire (celleci doit se normaliser après la VNI, la fréquence cardiaque, l’état de conscience (en cas de dégradation neurologique, une ventilation invasive est indiquée), – le GDS avec saturation artérielle en oxygène, le volume minute expiré (reflet « dynamique » de la ventilation du patient) – et enfin, la présence éventuelle de fuites. En l’absence d’amélioration sous VNI, une ventilation invasive est indiquée. Les critères prédictifs d’échec de VNI sont un pH < 7,25, un infarctus aigu du myocarde, hypercapnie, insuffisance cardiaque avec fraction d’éjection < 30 % et pression artérielle < 140 mmHg. La ventilation invasive reste plus délétère, notamment du fait des lésions diaphragmatiques qu’elle induit dès la 6ème heure. Il est alors recommandé de réaliser une intubation après préoxygénation en ventilation spontanée sous FiO2 = 1 afin de limiter le risque de désaturation, grâce à une sédation par induction à séquence rapide : – Hypnotique : Hypnomidate 0,3 mg/kg IVD (ampoules de 20 mg) ou Kétamine ; – Curare : Célocurine 1 mg/kg. L’utilisation d’un curare améliore les conditions de l’intubation trachéale, sous réserve de l’administrer à dose suffisante et de respecter le délai nécessaire à l’installation de l’effet maximal (Grade A). Puis après intubation orotrachéale ventilation invasive en mode « volume contrôlé » avec un volume courant (Vt) à 6-8 ml/kg, on peut commencer par régler une fréquence respiratoire à 12-14/mn et un débit ventilatoire à 6 L/mn avec un temps de plateau minimal à 0,1 seconde et un trigger minimum. La surveillance des barotraumatismes se fait par la mesure de la pression de plateau grâce à une pause inspiratoire. La sédation d’entretien comprendra alors un morphinique : – fentanyl ou rémifentanyl (1/2 vie courte) et un hypnotique type midazolam. En pratique Une VNI bien utilisée permet la réduction du taux d’intubations orotrachéales et la durée d’hospitalisation. Les algorithmes décisionnels proposés dans cet article permettent une utilisation protocolisée et plus efficace pour le cardiologue. Figure 1. RC : Réponse clinique définie par une diminution de la fréquence respiratoire et une saturation arterielle en oxygène > 95%. L’objectif de saturation est plutôt de 90% pour les BPCO. Figure 2. Réalisation pratique d’une séance de VNI.

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