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Insuffisance cardiaque

Publié le 29 avr 2008Lecture 9 min

Insuffisance cardiaque - Les recommandations sont-elles adaptées au quotidien ?

A. COHEN-SOLAL, hôpital Lariboisière, Paris

Il est difficile de schématiser en quelques pages, l’évolution de ma pratique au cours de ces dernières années. On peut l’envisager sous plusieurs aspects.

L’aspect diagnostique   L’avènement du BNP a changé ma façon de prendre en charge les patients. Ce dosage est maintenant indispensable. Il a été beaucoup critiqué. On en connaît les limites mais c’est un élément de tri et d’orientation très utile. Je sais maintenant qu’il faut considérer avec la plus extrême des réserves un diagnostic d’insuffisance cardiaque chez une personne qui se présente avec des symptômes évocateurs d’insuffisance cardiaque, quand elle a un BNP < 100 pg/ml. Je sais que je dois lui prêter toute mon attention si son BNP > 500 pg/ml. Mais j’ai également appris qu’il existe de nombreuses causes d’erreurs et que je dois tenir compte de l’insuffisance rénale, de l’âge, du surpoids, d’un éventuel traitement médical antérieur. Je sais également qu’il ne faut pas que je l’interprète dans d’autres conditions, en particulier chez les patients hospitalisés depuis longtemps et qu’il vaut toujours mieux avoir une valeur de référence pour ce patient. Je sais enfin que BNP et NT-proBNP se valent en matière de diagnostic. Le tout est de ne pas confondre les résultats de l’un avec ceux de l’autre, car les valeurs normales ne sont pas les mêmes ! On peut citer ici deux autres applications du dosage du BNP : - l’adaptation thérapeutique : STARS a confirmé qu’une stratégie thérapeutique basée sur le BNP fait au moins aussi bien qu’une stratégie classique ; - la valeur pronostique du BNP de sortie : à moins de 300 pg/ml, je suis rassuré ; à plus de 800 pg/ml, comme l’ont montré Logeart et coll., je dois indiscutablement m’inquiéter et tout faire pour rapidement abaisser ce taux en ambulatoire car la sanction est 80 % de décès ou de réhospitalisation pour insuffisance cardiaque à 6 mois. Il faut donc penser à doser le BNP la veille de la sortie du patient… L’analyse des pressions de remplissage par échocardiographie Doppler a également explosé, au cours de ces dernières années. L’analyse du flux mitral, du Doppler tissulaire à l’anneau mitral ainsi que les autres paramètres classiques permettent, à l’heure actuelle, de façon très fiable de savoir si un patient est « plein » ou « vide ». L’avantage par rapport au BNP est que l’on peut suivre la situation hémodynamique. Cet examen a pratiquement fait disparaître l’indication d’une sonde de Swan Ganz pour évaluer la pression capillaire pulmonaire, d’autant que l’on dispose maintenant d’échographes portables de très grande qualité. On connaît également les limites de cette évaluation avec parfois des résultats discordants selon le paramètre choisi ; la plus grande prudence est à appliquer en cas de CMH comme cela a été démontré cette année par le groupe de la Mayo Clinic. L’IRM plus récemment s’est imposée de façon indiscutable dans le bilan diagnostique de la maladie. Malheureusement, nous ne pouvons répéter à loisir cet examen.   L’aspect pronostique Il devient plus aisé de cerner le pronostic d’un patient. Le BNP, la fonction rénale se sont imposés comme des facteurs pronostiques majeurs. La VO2max a confirmé sa valeur pronostique mais l’on sait qu’il faut modifier les valeurs de référence chez les patients sous bêtabloquants et le fameux seuil de 14 ml/min/kg doit être abaissé à 11 ml/min/kg. Nous avons surtout d’autres paramètres prédictifs tout aussi puissants comme la pente VE/VCO2 et plus récemment la puissance circulatoire (produit de VO2max par la pression artérielle systolique maximale), reflet de la puissance cardiaque maximale développée par le cœur, qui s’est révélé antérieurement dans diverses études comme le paramètre prédictif hémodynamique le plus puissant et au moins équivalent à la VO2max ; des valeurs > 50 et < 1 800 pour VE/VCO2 et la puissance circulatoire respectivement doivent nous inquiéter au plus haut point, voire nous faire discuter une transplantation cardiaque.   L’aspect thérapeutique   Les recommandations internationales Au risque de décevoir, je dois confesser que les recommandations des sociétés savantes, qu’elles soient françaises, européennes ou américaines, n’ont pas beaucoup changé ma pratique… Cela peut paraître un peu iconoclaste ou prétentieux de ma part mais les recommandations sont souvent des consensus qui permettent de mettre tout le monde d’accord et ne règlent pas les problèmes posés au quotidien pour un patient donné. L’étude MAHLER de la Société européenne de cardiologie montrant que les patients qui n’adhérent pas aux recommandations ont un moins bon pronostic, a néanmoins influé sur ma prescription bien que je ne sois pas certain que cette moindre adhérence aux recommandations ne témoigne pas davantage d’une plus grande sévérité des patients que d’une mauvaise information du médecin prescripteur. Il n’est pas toujours aisé de mettre sous quadrithérapie à fortes doses un patient insuffisant cardiaque de 80 ans à FEVG basse… Les comorbidités ont souvent été sous-estimées à cet âge, et les effets sur le pronostic largement privilégiés par rapport aux effets sur les symptômes et la qualité de vie, parfois plus importants à partir d’un certain âge. La prise en charge générale L’importance de la prise en charge ambulatoire, des réseaux de soins, de l’éducation thérapeutique et de la coordination hôpital-ville avec en particulier la mise dans le circuit d’une infirmière spécialisée a été reconnue. Même si les résultats des différentes études sont divergents, il y a eu indiscutablement d’énormes progrès qui se sont traduits par des réductions de la morbidité à défaut de réduction de la mortalité. Ainsi, le traitement de l’insuffisance cardiaque ne peut se réduire au seul traitement médicamenteux ou aux prothèses ; des mesures hygiéno-diététiques simples et d’accompagnement sont aussi importantes. Je ne peux m’empêcher de citer un article du Lancet montrant que ,dans l’étude CHARM, les patients observants au placebo avaient un pronostic spontané meilleur que ceux qui prenaient le médicament actif mais n’étaient pas observants (moins de 75 % de prises) ! Cela montre bien qu’être observant au traitement témoigne d’un profil particulier du patient qui suit les conseils de son médecin, se pèse, suit son régime, connaît sa maladie, nous appellera en cas de problème.   Le traitement médicamenteux • Après les études avec le carvédilol, MERIT-HF et CIBIS II, COPERNICUS, COMET et SENIORS ont achevé de me convaincre. COPERNICUS a permis de montrer que les bêtabloquants étaient également très efficaces chez les patients les plus sévères. COMET, montrant une mortalité significativement moindre sous carvédilol que sous métoprolol, m’a convaincu qu’il ne fallait utiliser que les bêtabloquants validés et aux doses recommandées — pour peu que l’âge le permette. SENIORS, enfin, a montré que le nébivolol était, non seulement bien toléré, mais également tout aussi efficace que les autres bêtabloquants chez le sujet âgé et celui dont la FEVG était > 35 %. Angiographie isotopique : FEVg calculée à 39 %. • Les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II se sont également imposés comme des médicaments tout aussi valables que les IEC dans le traitement de l’insuffisance cardiaque chronique. Mais malgré tous les essais, ils n’ont pas réussi à les supplanter. Les trois bras de CHARM ont eu des implications importantes en montrant : à partir de CHARM alternatif que le candesartan était aussi efficace que l’IEC ; à partir de CHARM-added que l’adjonction du candesartan à un traitement optimal comportant des IEC, des diurétiques et des bêtabloquants permettait encore de réduire la morbimortalité, ce qui était loin d’être attendu ; et à partir de CHARM-preserved que la prescription de candesartan chez des patients avec FEVG conservée avait tendance à améliorer la morbidité. Mais ces deux derniers essais, s’ils ont influencé ma pratique, ne l’ont pas fondamentalement modifié. En effet, en pratique quotidienne, les patients les plus symptomatiques sont sous IEC et anti-aldostérone et il est souvent difficile, voire non recommandé, d’y rajouter un ARA II. Enfin, l’effet sur le pronostic du candesartan dans CHARM-preserved n’est pas significatif et le traitement médical de l’insuffisance cardiaque à FEVG > 40 % reste loin d’être totalement codifié et on attend les études en cours pour avoir les idées plus claires. On peut toutefois être sceptique quant à l’unicité d’un traitement de fond pour cette affection particulièrement protéiforme qui répond à des étiologies aussi diverses que l’hypertension, la maladie coronaire, l’HVG ou le diabète, et des facteurs déclenchants aussi variés que la fibrillation auriculaire, l’anémie, l’écart de régime, la poussée hypertensive ou l’ischémie… • Sur le plan rythmique, l’étude SCD-HeFT a définitivement balayé les croyances relatives à la prévention de la mort subite des insuffisants cardiaques chroniques par l’amiodarone. Deux autres essais, AFFIRM et AF-CHF ont aussi, à mon grand regret, influé sur mon attitude vis-à-vis des patients en fibrillation auriculaire dans la mesure où elles ont montré que la restauration systématique du rythme sinusal ne faisait pas mieux que le simple contrôle de la fréquence. Influencé mais pas transformé car je continue encore — à tort sûrement — à croire en la restauration du rythme sinusal chez les patients les plus sévères. Il est possible que les résultats obtenus par l’équipe de Bordeaux dans l’ablation de la FA chez ces patients m’incitent à proposer plus largement cette technique chez ce type de patients. Le traitement non médicamenteux La réadaptation Dans l’attente de HF-ACTION dont les résultats seront connus en novembre 2008, les méta-analyses réalisées avec les études sur la réadaptation cardiaque m’ont conforté dans mon credo qu’une technique qui améliore tant la symptomatologie fonctionnelle, la qualité de vie, l’humeur des patients ne pouvait être neutre ou délétère sur le pronostic. L’assistance circulatoire REMATCH a montré l’efficacité de l’assistance circulatoire chez les patients les plus sévères en attendant la greffe. Mais la morbidité très élevée freine encore mon enthousiasme. En revanche, REMATCH incite à ne pas adresser trop tard le patient au chirurgien. À l’inverse, plusieurs études ont montré que, sous traitement bêtabloquant et avec la réadaptation, le pronostic des patients survivant à un an sur liste de greffe n’était pas à distance moins bon que celui des patients greffés, ce qui m’a indiscutablement déculpabilisé quand je tiens ces patients à distance du bistouri du chirurgien… La resynchronisation CARE-HF, à la suite de MUSTIC, MIRACLE et COMPANION, a confirmé que la resynchronisation des patients avec asynchronisme écho et/ou ECG et FEVG basse, si efficace sur la symptomatologie fonctionnelle, freinait aussi le remodelage VG et améliorait de façon inégalée la survie des patients. RETHINQ n’incite pas à élargir les indications aux patients à QRS fins. L’étude REVERSE, récemment présentée, m’a conforté dans ma pratique de ne pas m’interdire de proposer une resynchronisation chez les patients présentant tous les critères d’implantation mais une classe fonctionnelle NYHA II sous traitement optimal tant la régression du remodelage est primordiale pour les événements ultérieurs. L’essai PROSPECT ne m’a pas influencé alors qu’il aurait dû le faire et je reste fidèle aux critères échos pour la resynchronisation. Le DAI Enfin, le défibrillateur implantable reste un vrai casse-tête dans ma pratique. Bêtabloquants, spironolactone, réadaptation réduisent le risque d’une mort subite que j’appellerais, selon l’expression ancienne consacrée, « illégitime », c’est-à-dire celle qui ne survient pas quelques semaines ou mois avant une mort par défaillance cardiaque inéluctable. Si les études en prévention secondaire ont assis le DAI dans cette indication, le problème quotidien reste celui de la prévention primaire, notamment après SCD-HeFT. Plusieurs travaux ayant montré que : le nombre de patients implantés dont le défibrillateur n’a jamais délivré de choc est important ; que le rapport coût-efficacité du DAI est moindre que celui qui est rapporté ; que surtout le risque iatrogène est important avec des chocs inappropriés ou des dysfonctionnements de sondes qui poseront à moyen terme des problèmes médico-légaux, ce qui m’a en fait incité... à tout faire pour que la FEVG du patient repasse la barre des 30 % (35 % en cas d’étiologie ischémique) afin que l’indication ne s’impose pas…

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