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Risque

Publié le 05 fév 2008Lecture 6 min

Comment prendre en charge les patients « cardio-métaboliques » ?

C. DUPIN, Montréal

Le patient à haut risque vasculaire n’est ni un hypertendu, ni un sujet ayant des troubles du métabolisme glucidique ou lipidique, ni un obèse, mais bien souvent aujourd’hui tout cela à la fois. Son traitement s’est affiné ces dernières années notamment avec les essais HOPE, EUROPA et LIFE qui ont tous trois permis de souligner l’importance de l’inhibition du système rénine-angiotensine (SRA) dans la prise en charge globale du risque vasculaire et du patient cardio-métabolique. Le monde cardiologique est aujourd’hui dans l’attente des résultats d’ONTARGET qui pourraient marquer un nouveau tournant dans la lutte contre la maladie vasculaire.

Pour faciliter l’apprentissage de la médecine, il était, et il est toujours habituel, de décrire les maladies dans leur forme typique. Ainsi, pour aborder auprès des étudiants l’hypertension artérielle (HTA), l’hypercholestérolémie ou le diabète de type 2 (pour ne prendre que ces quelques exemples), on décrivait un patient virtuel atteint d’une élévation isolée de la pression artérielle, de la cholestérolémie ou de la glycémie, le plus souvent jeune et sans aucun autre facteur de risque cardiovasculaire. L’individualisation de ce malade « idéal », qui a été d’ailleurs très longtemps celui qui était recruté en priorité dans les essais thérapeutiques, n’a pas été inutile, loin de là. Elle a en effet permis d’une part de démontrer que les élévations isolées de la pression artérielle, du taux de cholestérol ou de la glycémie étaient en soi des facteurs de risque vasculaire et d’autre part de prouver que des traitements efficaces les diminuant réduisaient la morbidité et la mortalité cardiovasculaires.   Les formes typiques ne sont pas les plus fréquentes ! Cependant, malgré les immenses services rendus, cette conception analytique de la médecine a eu ses limites. Les études épidémiologiques nous ont tout d’abord appris que ces patients « idéaux » et ces formes typiques pures étaient en fait rares. Ainsi, pour ne citer que quelques exemples : • un travail récent montre que parmi la patientèle de cardiologues seuls 13,7 % des hypertendus ne présentent aucun autre facteur de risque vasculaire tandis que 39,8 % en ont deux, 32,4 % trois et 12,1 % quatre(1) ; • avec les critères actuels de définition de l’HTA chez le diabétique (>130/85 mmHg) la prévalence de l’HTA atteindrait 40 % au cours du diabète de type 1(2) et 80 % dans le diabète de type 2 ; • la prévalence de l’HTA est corrélée à l’index de masse corporelle (IMC), puisqu’elle atteindrait 50 % dans l’obésité sévère(3) ; • la fréquence du syndrome métabolique (qui se définit par l’association d’une HTA, de troubles de la tolérance glucidique, d’une dyslipidémie, d’une obésité centrale ou d’une insulinorésistance) ne cesse d’augmenter et serait comprise aujourd’hui entre 20 et 25 % aux États-Unis(4) ; • enfin, la prévalence de l’hypercholestérolémie est plus élevée chez les diabétiques et les hypertendus que dans la population générale. Le risque vasculaire global, une découverte pas si ancienne Ces mêmes études épidémiologiques après avoir fait émerger la notion de facteurs de risque vasculaire nous ont permis de comprendre plus récemment que, dans la prise en charge individuelle des patients, il convenait non plus seulement de tenir compte de chaque facteur de risque pris séparément, mais du risque cardiovasculaire global qui est leur résultante, sachant que leur association conduit bien souvent plus à une multiplication du risque qu’à une simple addition. L’évaluation de ce risque cardiovasculaire global, qui utilise diverses équations (celle de Framingham aux États-Unis ou SCORE pour la Société européenne de cardiologie) est ainsi devenue la première étape de la prise en charge de toute hypertension ou de tout trouble du métabolisme glucidique ou lipidique. C’est ainsi que les recommandations de la Haute autorité de santé proposent, dans leurs dernières versions, des objectifs différents pour le LDL-cholestérol, la glycémie ou la pression artérielle(5) selon le niveau de risque cardiovasculaire global de chaque individu : on conseille ainsi d’atteindre des chiffres de PA < 130/80 mmHg chez un diabétique fumeur (contre 140/90 mmHg dans la population générale) ou un LDL < 1 g/l chez les patients ayant un risque > 20 % de présenter un événement coronarien dans les 10 ans.   Le patient cardio-métabolique est une réalité Au-delà de ces considérations que certains trouveront trop théoriques, en pratique clinique quotidienne, avec le vieillissement de la population et l’augmentation de prévalence de l’obésité, nous sommes de plus en plus souvent confrontés non pas à des formes pures d’hypertension, d’hypercholestérolémie ou de diabète mais à ce que l’on pourrait appeler un patient cardio-métabolique chez qui s’associent une pathologie cardiaque (HTA, insuffisance coronarienne) et un trouble du métabolisme lipidique ou glucidique (hypercholestérolémie, diabète de type 2, syndrome métabolique…). Et l’expérience de chacun montre que ce patient cardio-métabolique, inconnu des traités de médecine il y a encore quelques années, occupe aujourd’hui une large part des consultations de cardiologie ou de médecine générale.   Quand le risque vasculaire fait son apparition dans les essais cliniques Cette notion de risque vasculaire global qui s’intègre progressivement en pratique quotidienne a depuis plusieurs années influencé la conception des grands essais thérapeutiques. Le temps est en effet loin où des études cliniques d’envergure pouvaient se contenter de comparer les effets sur les chiffres tensionnels ou le taux de cholestérol d’un antihypertenseur ou d’un hypolipémiant à ceux d’un placebo. Les grands essais cliniques en pathologie vasculaire se doivent aujourd’hui d’évaluer l’efficacité d’un traitement contre une prise en charge optimale et avec comme critère de jugement la morbi-mortalité cardiovasculaire qui doit être notre seul juge de paix. C’est dans ce cadre que se sont inscrits, parmi d’autres, les études EUROPA(6), LIFE(7), HOPE(8), ANBP2 ou ALLHAT pour ne citer que les principales. Toutes, à l’exception d’ALLHAT, ont semblé montrer qu’à baisse égale de la pression artérielle un inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC), comme le ramipril ou le périndopril (HOPE EUROPA ou ANBP2), ou un antagoniste de l’angiotensinogène II (AA II), comme le losartan, avait un effet plus favorable sur la morbidité cardiovasculaire que le traitement comparateur(9,10).   Dans l’attente d’ONTARGET Dans les prochaines semaines les résultats du programme d’études ONTARGET seront publiés et pourraient faire évoluer la prise en charge des sujets à haut risque vasculaire au même titre que HOPE ou LIFE en leur temps. ONTARGET (ONgoing Telmisartan Alone and in combinaison with Ramipril Global Endpoint Trial) est le programme d’études le plus important conduit dans le monde sur ce type de patients(10). L’étude ONTARGET proprement dite a en effet inclus 25 620 patients tandis que l’étude TRANSCEND (qui en est un dérivé) a randomisé 5 304 malades (rappelons que HOPE et LIFE incluaient respectivement 9 541 et 9 193 patients). Les critères d’inclusion dans ONTARGET sont proches de ceux de HOPE : il s’agit dans les deux cas de malades à haut risque vasculaire avec par exemple dans ONTARGET très fréquemment des antécédents d’infarctus du myocarde (48,7 % des cas) ou d’angor stable (34,8 %), une HTA (68,3 %) ou un diabète (37,2 %). Dans ONTARGET comme dans HOPE, tous les patients bénéficiaient en dehors du traitement testé d’une prise en charge optimale. Il faut noter à cet égard que celle-ci s’est considérablement renforcée entre le début de HOPE et celui d’ONTARGET puisque par exemple seuls 39,5 % des patients de HOPE étaient également sous bêtabloquants contre 56,9 % dans ONTARGET ou que le taux de coprescription par des statines est passé de 28,9 % dans HOPE à 60,7 % dans ONTARGET. Cette amélioration de la prise en charge globale rendra d’ailleurs sans doute plus difficile la mise en évidence de différences significatives entre les différents bras de l’étude. Le but d’ONTARGET est de comparer sur des critères durs de morbi-mortalité, l’efficacité de trois traitements chez ces patients à haut risque : un ARA II, le telmisartan, un IEC, le ramipril ou l’association des deux molécules. Le critère principal de jugement, après un suivi de 3,5 à 5,5 ans, sera un indice composite regroupant la mortalité cardiovasculaire, les IDM non mortels, les accidents vasculaires cérébraux non mortels et les hospitalisations pour insuffisance cardiaque congestive. L’étude TRANSCEND (Telmisartan Randomized AssessmeNt Study in aCE iNtolerant subjects with cardiovascular Disease) dans le cadre du programme ONTARGET a, quant à elle, inclus 5 926 patients souvent exclus des essais cliniques mais pourtant très nombreux. Il s’agit des malades à haut risque vasculaire intolérants aux IEC pour lesquels un traitement par 80 mg de telmisartan sera comparé à un placebo sur des critères de jugement équivalents à ceux de l’essai principal. La présentation des résultats de ces études randomisées en double aveugle d’une envergure exceptionnelle qui concernent au premier chef le patient cardio-métabolique est attendue lors de la prochaine session de l’American College of Cardiology.

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