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Risque

Publié le 17 mai 2022Lecture 4 min

Risque d’événements indésirables cardiovasculaires et de cancer sous tofacitinib

François CHASSET, service de dermatologie et d’allergologie, hôpital Tenon, Paris

Les inhibiteurs de JAK (JAKi) sont en plein essor dans le domaine de la dermatologie avec de nombreuses AMM ou ATU récentes et des essais prometteurs dans le psoriasis, la dermatite atopique, la pelade, le lupus cutané. Ils sont déjà utilisés depuis plusieurs années en hématologie dans la prise en charge de la maladie de Vaquez, la myélofibrose, la réaction du greffon contre l’hôte mais également dans de nombreuses maladies inflammatoires comme la polyarthrite rhumatoïde, le rhumatisme psoriasique, les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin. Le profil de tolérance des JAKi fait débat depuis plusieurs mois avec plusieurs études discordantes sur le risque d’effets indésirables thrombo-emboliques, infectieux ou néoplasiques.

• Service de dermatologie et d'allergologie, Hôpital Tenon, Paris Les inhibiteurs de JAK (JAKi) sont en plein essor dans le domaine de la dermatologie avec de nombreuses AMM ou ATU récentes et des essais prometteurs dans le psoriasis, la dermatite atopique, la pelade, le lupus cutané. Ils sont déjà utilisés depuis plusieurs années en hématologie dans la prise en charge de la maladie de Vaquez, la myélofibrose, la réaction du greffon contre l’hôte mais également dans de nombreuses maladies inflammatoires comme la polyarthrite rhumatoïde, le rhumatisme psoriasique, les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin. Le profil de tolérance des JAKi fait débat depuis plusieurs mois avec plusieurs études discordantes sur le risque d’effets indésirables thrombo-emboliques, infectieux ou néoplasiques. Récemment, nous avons rapporté dans cette analyse biblio- graphique un article montrant une augmentation de carcinome cutané non mélanique dans la myélofibrose dans une étude cas-témoin avec score de propension. Le design de ce type d’étude ne permet pas de conclure à une majoration du risque. Le 27 janvier 2022 ont été publiés les résultats de l’essai ORAL Oral Rheumatoid Arthritis Trial qui fait déjà grand bruit. En effet, le tofacitinib un anti-JAK 1, 2, 3 a l’AMM dans la polyarthrite rhumatoïde depuis plusieurs années. Compte tenu des effets indésirables, un essai contrôlé randomisé contre anti-TNF avait été exigé par la Food and Drug Administration (FDA), l’agence de santé américaine, par rapport aux données de tolérance. L’essai ORAL était donc un essai de phase IV, de non-infériorité, évaluant la tolérance du tofacitinib par rapport à un anti-TNF dans la polyarthrite rhumatoïde (PR). Il s’agissait d’un essai ouvert, randomisé, de phase 3b-4 incluant des patients avec une PR active, d’âge > 50 ans et au moins un facteur de risque cardiovasculaire additionnel (cardiopathie ischémique, diabète, tabagisme actif, HDL < 0,4 g/l, antécédent cardiovasculaire précoce au premier degré). Les patients étaient randomisés 1 : 1 : 1 pour recevoir du tofacitinib 5 mg matin et soir, 10 mg matin et soir ou un anti-TNF (adalimumab 40 mg tous les 15 jours aux États-Unis et au Canada, et étanercept 50 mg par semaine dans le reste du monde). L’essai a commencé en 2014 ; en février 2019, la dose de 10 mg matin et soir a été supprimée en raison de la majoration de la mortalité et du risque de thrombose veineuse dans ce bras. Le critère de jugement principal était composite et incluait la proportion d’effets indésirables cardiovasculaires sévères (infarctus, AVC, décès cardiovasculaire définis comme MACE) ainsi que celle des cancers hors carcinomes cutanés. L’efficacité des 2 traitements était également comparée. La non-infériorité a été définie comme la borne supérieure de l’intervalle de confiance à 95 % des hazard ratios < à 1,8 pour les MACE et les cancers dans une analyse avec un modèle de Cox. L’essai a eu lieu dans 323 sites, 30 pays entre 2014 et 2020 incluant 4362 patients, environ 1450 dans chaque groupe. L’âge moyen était d’environ 60 ans, avec une nette prédominance féminine globalement 78 % et une majorité de Caucasiens 77,5 %. Une hypertension artérielle était notée chez 65 % des patients environ et un tabagisme actif chez environ 50 %. Avec un suivi médian de 4 ans, l’incidence de MACE était supérieure pour le tofacitinib (doses combinées) n = 98, 3,4 % versus n = 37, 2,5 % pour les anti-TNF, HR 1,33 IC 95 % (0,91-1,94). La borne supérieure de l’IC à 95 % étant supérieure à 1,8, il était conclu à l’absence de non-infériorité des anti-JAK. Il n’y avait pas de différence significative entre les 2 doses de tofacitinib HR 1,15, IC 95 % (0,77-1,71). En ce qui concerne le risque de cancer, avec un suivi médian de 4 ans également, l’incidence de cancer en excluant les carcinomes cutanés était de n = 122, 4,2 % sous tofacitinib vs n = 42, 2,9 % sous anti-TNF, HR = 1,48 (IC 95 % 1,04-2,09) et il était donc conclu à l’absence de non- infériorité, car la borne supérieure de l’IC 95 % était supérieure à 1,8. L’incidence de cancer était plus élevée chez les patients âgés de plus de 65 ans. L’analyse des autres effets indésirables important par rapport au mode d’action du tofacitinib montrait une augmentation significative des infections sévères à la dose de 10 mg x 2/j HR 1,48 (IC 95 % 1,17-1,87), de zona pour les 2 doses HR 3,28 (2,44-4,41) et 3,39 (2,52-4,55) respectivement, de cancers cutanés HR = 1,90 (1,04-3,47) et 2,16 (1,19-3,92) respectivement, d’embolie pulmonaire pour la dose de 10 mg x 2/j, n =24 vs 3, HR = 8,26 (2,49- 27,43) et de décès toute cause confondue pour la dose de 10 mg x 2/j, n = 39 vs 17 HR = 2,37 (1,34-4,18). Enfin, concernant les données d’efficacité, il existait une réponse similaire entre les 3 groupes de traitement avec une courbe de survie parfaitement superposable. En conclusion, cette étude confirme les signaux négatifs suggérés pour le risque d’événements cardio-vasculaires sévères et le risque de cancers qui n’est pas non inférieur pour le tofacitinib par rapport aux anti- TNF. De plus, elle montre une majoration du risque de zona (pour les 2 doses), d’embolie pulmonaire et de décès toute cause confondue pour la dose de 10 mg x 2/j. Les résultats de cet essai sont majeurs. Il est essentiel de savoir s’ils sont transposables aux autres anti-JAK et aux autres pathologies, mais ils incitent à une utilisation prudente du tofacitinib dans une population âgée ou avec des facteurs de risque cardio-vasculaires. Publié dans Dermatologie Pratique

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