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Polémique

Publié le 30 mar 2022Lecture 7 min

SCRAP : revasculariser sans stenter ?

Ludovic MEUNIER, hôpital Saint-Louis, La Rochelle

En 1977, A. Grüntzig lance la première révolution du traitement interventionnel de la maladie coronarienne avec l'angioplastie par ballon (plain old balloon angioplasty). Cette POBA présente cependant plusieurs limitations : le recoil, la resténose et surtout un risque d'occlusion aiguë par dissection, qui correspond selon les séries de l’époque à un taux de 2 à 10 % des procédures. Et c’est initialement pour traiter cette complication par dissection que va débuter dans les années 1990 la deuxième révolution de l’angioplastie : l’avènement du stenting, d’abord pour bail out puis par bare metal stent (BMS)... ...
Les années 2000 témoigneront quant à elles de la troisième révolution, avec l’arrivée des drug eluting stents (DES) de 1re puis de 2e génération, le stenting élargissant en parallèle ses indications, pour à l’heure actuelle traiter en première intention tout type de lésion, chez tout type de patient.

Il est à noter cependant que le stenting aura induit une complication propre, la thrombose de stent, augmentant d’autant le risque ischémique du patient. Pour contrer cette complication ischémique, va apparaître en corollaire la double antiagrégation plaquettaire (DAPT), qui à son tour va augmenter le risque cette fois hémorragique du patient. Il va être ainsi instauré pour un patient donné une balance risque ischémique lié au stenting, et risque hémorragique lié à la DAPT. Le programme ABSORB avec le stent biorésorbable (BVS) va tenter d’initier une quatrième révolution en 2016 dans le but d’affranchir le patient d’une prothèse permanente et de ses complications propres, visant l’idéal de restaurer une inté- grité endothéliale anatomique et fonctionnelle. Cependant, un taux prohibitif de 2,1 % de thrombose à 6 mois va conduire à l’arrêt du programme. L'échec du BVS va s’inscrire cependant en demi-teinte, puisqu’il va permettre d’introduire le concept de « corps étranger », concept qui va être repris par l’angioplastie par ballon actif (drug coated balloon, DCB). En effet, le ballon actif, utilisé depuis 2014 pour le traitement de la resténose intrastent, va progressivement s’ouvrir au traitement des lésions de novo, notamment dans les vaisseaux de petit calibre, validé en cela par l’étude BASKET-SMALL 2 en 2019. Les concepts de « leave nothing behind », de « stentless strategy », font alors leur apparition. Et c’est sur ces considérations que nous avons progressivement commencé, depuis 2016, sur le Centre hospitalier de La Rochelle, à utiliser le DCB dans les lésions de novo, mettant en place une stratégie de revascularisation coronarienne sans stenting (no stent strategy, NSS). Nous avons alors voulu évaluer notre pratique par la mise en place d’une étude observationnelle conduite pendant 1 an sur l’ensemble de nos patients, consécutifs, revascularisés dans notre centre, en étudiant leurs MACE à 1 an : l’étude SCRAP. ▸ L’ANGIOPLASTIE SANS STENTING : UNE TECHNIQUE EN DEUX ÉTAPES 1re étape : l’angioplastie par scoring balloon L’angioplastie de la lésion est effectuée par ballon de scoring (ratio 1:1, NSE AlphaTM, Nipro), lentement inflaté à pression nominale à 6 atm, procédure répétée au besoin, jusqu'à l'obtention d'une sténose résiduelle de moins de 30 %. En cas de sténose résiduelle persistante ≥ 30 %, ou de survenue d'une dissection à haut risque d'occlusion aiguë (≥ C, et quel que soit le diamètre du vaisseau), ou d'une dissection à risque d'anévrisme secondaire (≥ B, si étendue et pour un vaisseau de gros calibre ≥ 4 mm), un stenting par DES en bail out est réalisé (BO-DES) (figure 1). 2e étape : le DCB, la prévention de la resténose Après cette première étape, la deuxième étape de la NSS est effectuée par un DCB (ratio 1:1, SeQuent® Please NEO, B.Braun) afin de prévenir la resténose. Le DCB est progressivement inflaté à pression nominale (4-6 atm), inflation prolongée sur 60 s, puis il est retiré du vaisseau après déflation complète (figure 2). Si une dissection survient, comme décrit dans la première étape, un spot stenting par BMS est effectué (BO-spot BMS). Cas particuliers • En cas de lésion très calcifiée, une athérectomie rotationnelle (RotablatorTM, Boston Scientific) pouvait être effectuée avant scoring. • En cas de recoil, un cutting balloon de 6 mm de long (WolverineTM, Boston Scientific) pouvait être utilisé après scoring. • En cas de lésion de bifurcation de type Medina 011 ou 111, la séquence était la suivante : scoring MB - scoring SB, puis DCB SB - MB. Dans les autres types de Medina, les lésions de bifurcation ont été traitées de la même manière que les lésions de novo simples. • Lors d’un STEMI, une attitude minimaliste (MIMI) pouvait être proposée en cas de charge thrombotique élevée. ▸ SCRAP : MÉTHODES ET RÉSULTATS D'avril 2019 à mars 2020, 984 patients revascularisés interventionnellement ont donc été inclus de façon consécutive, et 949 ont pu être suivis à 1 an (3,5 % perdus de vue) ; 15 % d’entre eux ont été orientés d’emblée vers une revascularisation conventionnelle par stenting (conventional stenting, CS), du fait d’une instabilité hémodynamique ou rythmique, ou parce qu’ils étaient à risque d’instabilité hémodynamique ou rythmique lors de l’inflation prolongée du ou des ballons actifs (pluritronculaires à FE altérée, tronc commun). Les 85 % autres restants, soient 811 patients, ont été orientés vers une stratégie visant une revascularisation sans stenting (NSS). Les patients ont ensuite été classés en trois groupes selon le type de dispositif utilisé (BO-DES uniquement, DCB uniquement, ou mixtes, généralement pluritronculaires traités par DCB et BO-DES). Les patients mixtes étaient caractérisés par leur indice métallique (IM = longueur totale du stenting/longueur totale traitée, IM ∈ [0;1]). Par ailleur, la longueur totale traitée (TLL) et le diamètre moyen étaient étudiés pour l’ensemble des patients (photos). Photo 1. A : Trifurcation IVA/S1/D1 ; B : Scoring NSE Alpha (3 x 13) ; C : DCB (3 x 30). D : Résultat final, respect S1/D1. Procédure ambulatoire et SAPT. Photo 3. SCA ST + IPL. Photo 4. A : Bifurcation IVA/D1 (0,1,1) ; B : Scoring MB; C : Scoring SB. D : Postscoring : SB bon résultat MB dissection type C. E : DCB SB, BO-DES MB, POT side POT. La majorité des patients orientés vers une NSS (n = 547,68 %) a été traitée uniquement par DCB, 13 % (107) par BO-DES, 19 % (157) de façon mixte, avec un indice métallique moyen à 0,44. Ainsi, 1 240 lésions, soit 76 %, ont été traitées avec succès par scoring-DCB. Pour mémoire, sur les 1 240 lésions traitées par DCB, seules 27 (2,2 %) ont nécessité un spot stenting nu complémentaire pour dissection localisée (BO-spot BMS) (figure 3). Concernant la sécurité de la NSS, il est à noter que les procédures réalisées sans aucun stenting étaient moins irradiantes que lorsque les revascularisations étaient effectuées par stenting, puisque ne nécessitant de fait pas d’optimisation secondaire (figure 4). Un MACE est survenu chez 7,1 % de la population étudiée à 1 an (CS et NSS), dont 4,2 % de décès toutes causes confondues. Le groupe DCB avait un bon pronostic à 1 an, avec une mortalité de 2,0 % et une revascularisation de la lésion cible (TLR) à 1,6 %. En analyse multivariée, les facteurs prédictifs de survenue de MACE ont été l’âge et un indice métallique non nul. À l’inverse, l’indication (SCA ou pathologie chronique), la longueur totale traitée, le diamètre du vaisseau, n’ont pas eu d’influence sur la survenue éventuelle de MACE (tableau 1). ▸ QUELLE THÉRAPEUTIQUE ANTIAGRÉGANTE PLAQUETTAIRE APRÈS UNE NSS ? Les recommandations après une revascularisation par DCB proposent une DAPT courte de 1 à 3 mois. Cependant dans notre pratique, depuis mars 2020, nous utilisons régulièrement une antiagrégation plaquettaire simple (SAPT) après une revascularisation complète sans stenting (AAS ou clopidogrel lors d’un syndrome coronarien chronique, ticagrelor pendant 1 an lors d’un SCA). ▸ SCRAP : QUELS ENSEIGNEMENTS POUR NOTRE PRATIQUE ? SCRAP nous a d’abord permis de montrer qu’une stratégie de revascularisation sans stenting, telle qu’effectuée dans notre centre, était applicable au quotidien chez la grande majorité de nos patients, tout en leur conservant un bon pronostic à 1 an. Mais surtout, cette étude nous a permis d’identifier des cibles préférentielles s’articulant autour de deux axes : le patient, la lésion. Concernant les patients, la NSS nous a permis de simplifier la prise en charge pharmacologique chez ceux à haut risque hémorragique par l’utilisation de DAPT courtes, voire de SAPT d’emblée. De même, nous privilégions une NSS chez les patients à haut risque ischémique, comme les jeunes patients, permettant de les affranchir du risque cumulé de thromboses de stent très tardives (VLST). Quant aux lésions, la NSS nous a permis de simplifier les procédures de revascularisation de lésions dites « complexes », comme les lésions de bifurcation ou les lésions très calcifiées (figure 5). Notre étude nous a par ailleurs conforté dans l’utilisation de la NSS pour le traitement de la resténose intrastent et des petits vaisseaux. Enfin, nous utilisons une NSS pour des revascularisations de niche, telles que les ostia, les pontages veineux, les artères dystrophiques. A contrario, la NSS n’est pas facilement applicable aux CTO, qui par ailleurs sont des facteurs prédictifs de survenue de MACE. Figure 5. Lésion de bifurcation IVA-D1 (111). Pour terminer, nos pistes de travail futures chercheront à diminuer le taux de BO-DES, en adaptant la technique de la NSS en fonction du type de lésion. Par exemple, l’intérêt du ShockWave combiné au DCB pourrait être étudié dans les lésions très calcifiées (tableau 2).

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