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Trucs et astuces

Publié le 25 mar 2024Lecture 6 min

CRT-P ou CRT-D : comment choisir en 2024 ?

Nathalie BEHAR, Christophe LECLERCQ, Rennes

La question de savoir si, en cas d’indication de resynchronisation cardiaque, il faut implanter un défibrillateur (CRT-D) ou un stimulateur (CRT-P) fait débat depuis de nombreuses années et a été source d’un bon nombre de publications, bien qu’aucun essai randomisé contrôlé n’ait aujourd’hui été publié pour répondre à cette question.

CRT et DAI dans l’insuffisance cardiaque   Au début des années 2000, la thérapie de resynchronisation (avec ou sans défibrillateur automatique implantable [DAI]) a apporté la preuve clinique d’une amélioration fonctionnelle (classe NYHA, qualité de vie, tolérance à l’effort), d’une réduction de la morbidité (hospitalisations pour insuffisance cardiaque [IC] en particulier) et d’une diminution de la mortalité totale chez des patients sélectionnés en comparaison au traitement médical optimisé (TMO) dans plusieurs grandes études randomisées contrôlées (tableau). De ces études découlent les recommandations actuelles(1) (figure). Le bénéfice de l’implantation d’un DAI en prévention primaire chez les patients IC avec altération de la FEVG a été évalué dans plusieurs études et validé en particulier pour les cardiomyopathies ischémiques (CMI), avec des données un peu moins robustes pour les cardiomyopathies dilatées non ischémiques (CMD)(2). L’étude DANISH(3) avait relancé le débat sur l’intérêt d’un DAI en prévention primaire chez les patients porteurs d’une CMD, puisqu’elle n’avait pas montré de différence significative dans l’incidence de la mortalité totale (21,6 % dans le groupe DAI vs 23,4 % d’un groupe contrôle ; p = 0,28) avec cependant une diminution de la mortalité subite de 50 % et un bénéfice pour les patients les plus jeunes (< 68 ans) dans l’analyse en sous-groupe préspécifiée. Figure. Synthèse des recommandations concernant l’implantation d’un CRT(1) et le choix entre CRT-P et CRT-D(2). D’après : ESC Guidelines on cardiac pacing and cardiac resynchronization therapy (2021).   Efficacité comparée CRT-P vs CRT-D   Alors que le bénéfice d’implantation d’un DAI en prévention primaire sans CRT a été étudié, l’ajout d’un DAI chez des patients avec indication de CRT n’a jamais été directement évalué. La réponse aurait pu être apportée par l’étude COMPANION(4) (3 groupes avec comparaison CRT-D vs TMO et CRT-P vs TMO) si l’analyse de comparaison directe entre le groupe CRT-P et le groupe CRT-D avait été planifiée initialement… Dans cette étude, un des critères secondaires d’évaluation était a mortalité toutes causes avec une différence significative pour le groupe CRT-D en comparaison au groupe contrôle alors qu’elle ne l’était pas pour le groupe CRT-P. Dans l’étude REVERSE (population en IC moins sévère : comparaison CRT ON vs CRT OFF chez les patients NYHA I-II), la plupart des patients avaient reçu un CRT-D (préférence du médecin), et la mortalité totale était significativement plus basse dans le groupe CRT-D que dans le groupe CRT- P après ajustement sur les comorbidités. Le suivi à long terme de CARE-HF qui n’avait inclus que des CRT-P avait démontré que le CRT-P diminuait le risque de décès subit de 5,6 %, en l’absence de toute capacité de défibrillation. De façon similaire, les différentes analyses en sous-groupe des essais randomisés contrôlés sur la CRT ont montré une réduction des arythmies ventriculaires chez les patients implantés d’un CRT, en particulier pour les patients répondeurs, suggérant que la réduction du risque de mort subite est liée au remodelage ventriculaire inverse induit par la CRT. Les différentes méta-analyses menées sur le sujet ont apporté des conclusions différentes quant au bénéfice du CRT-D en comparaison CRT-P(5). Certaines études non randomisées se sont également intéressées au sujet. Barra et coll. (6) ont inclus 5 307 patients porteurs de CMI et CMD implantés en prévention primaire d’un CRT-D (4 037 patients) ou d’un CRT-P (1 270 patients). Alors qu’une diminution de la mortalité globale était retrouvée chez les patients porteurs d’une CMI implantés avec CRT-D vs CRT-P, il n’a pas été retrouvé de différence dans le groupe des patients atteints de CMD. Un registre allemand ayant inclus des patients implantés avec un CRT (847 CRT-P et 2 722 CRT-D, prévention secondaire exclue), publié en 2022(7), retrouvait que la mortalité toutes causes était plus importante dans le groupe CRT-P en comparaison au groupe CRT-D, alors que les patients étaient plus âgés dans le groupe CRT-P. Après ajustement sur l’âge, il n’était pas mis en évidence de différence de mortalité entre les deux groupes. Dans l’étude française CERTITUDE(8), étude multicentrique prospective non randomisée (535 patients implantés d’un CRT-P et 1 170 patients implantés d’un CRT-D), la mortalité totale était plus importante dans le groupe CRT-P vs CRT-D y compris après ajustement sur les facteurs confondants. Néanmoins, l’augmentation de la mortalité dans le groupe CRT-P était liée à une augmentation de la mortalité cardiovasculaire non subite sans augmentation de la mortalité subite. Enfin, cette fois, dans un registre suédois publié en 2022, Schrage et coll.(9) ont montré que l’implantation d’un CRT-D était associée à une diminution de la mortalité à un an et à trois ans en comparaison à l’implantation d’un CRT-P. Il est également important de noter que la mortalité de l’IC, y compris la mortalité subite, a diminué au cours des dernières années en lien avec l’amélioration de la prise en charge de l’IC. Les nouvelles thérapeutiques médicamenteuses en particulier le sacubitril/valsartan et les inhibiteurs IGSLT2 entraînent une réduction des arythmies ventriculaires du fait du remodelage inverse qu’elles induisent. La thérapie de CRT en elle-même a connu des améliorations technologiques par rapport aux études initiales, avec l’utilisation des sondes quadripolaires, les algorithmes d’adaptation du délai AV, la surveillance par télécardiologie… permettant de délivrer une thérapie de resynchronisation plus efficace. Parmi les éléments à prendre en compte dans la comparaison des deux thérapies, il faut noter que le CRT-D a un risque majoré de complications, en particulier le risque de choc inapproprié et le risque de dysfonction de sonde de DAI, en plus d’un surcoût par rapport au CRT-P.   Critères de sélection   Un essai randomisé (RESET CRT) comparant enfin les 2 thérapies en direct : CRT-D vs CRT-P avait été initié récemment. Malheureusement, il a dû être interrompu après avoir inclus 959 patients sur les 1 356 prévus faute de financement. Il n’est donc pas certain que cette étude puisse enfin clore le débat CRT-D vs CRT-P. En l’absence d’étude randomisée contrôlée permettant de choisir entre CRT-P et CRT-D, il est donc nécessaire de sélectionner les patients en prenant en compte des critères qui influencent à la fois l’espérance de vie du patient, la réponse à la CRT et le risque d’arythmie ventriculaire. Ces critères sont représentés par la sévérité de l’IC, l’insuffisance rénale, le type de cardiopathie (CMI ou CMD), la présence de fibrose à l’IRM, et les comorbidités du patient avec également une discussion intégrant le choix du patient. C’est en effet ce qui est proposé dans les dernières recommandations ESC(5) (figure).   Conclusion   • Les données actuelles étant insuffisantes pour prouver la supériorité du CRT-D sur le CRT-P, il est important que la décision soit individualisée pour chaque patient en y intégrant peut-être des données plus actuelles comme la présence de fibrose myocardique à l’IRM ou la présence de certains variants génétiques, notamment pour les CMD.

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