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Publié le 19 déc 2023Lecture 5 min

Comment éviter les lésions cérébrales silencieuses après ablation de FA ?

Rémi CHAUVEL, Papeete ; Bordeaux

La fibrillation atriale (FA) est un facteur de risque indépendant de lésions cérébrales emboliques symptomatiques (AVC) et silencieuses (LCES). L’ablation endocavitaire est un des traitements clés de la FA. Cependant, la procédure présente elle-même des risques emboliques. Plusieurs questions concernant les LCES péri-ablation restent en suspens (incidence, facteurs de risque, implications cliniques). Quelques points essentiels ressortent de la littérature actuelle, avec notamment deux articles de synthèse récemment publiés(1,2).

• On retrouve une incidence élevée de LCES dans la population générale, corrélée à l’âge, et plus encore chez les patients présentant une FA. Ces LCES évoluent dans le temps et sont associées à une dégradation des performances cognitives. Une méta-analyse publiée en 2022(3) retrouvait parmi 6 188 patients tirés de 13 études (âge moyen entre 59 et 80 ans) une incidence des LCES de 22,9 % chez les patients indemnes de FA et de 36,7 % chez les patients présentant une FA, avec un risque relatif de 2,1. Un autre travail publié en 2022 concernait 1 227 patients présentant une FA, avec suivi IRM systématique(4). De nouvelles LCES étaient retrouvées chez 5 % des patients à 2 ans (dont 90 % étaient sous anticoagulants), indépendamment du type de FA (paroxystique ou persistante), avec baisse des performances cognitives associée. • Des LCES sont retrouvées après ablation de FA quelles que soient les technologies utilisées et leur incidence varie considérablement en fonction des méthodes diagnostiques. Si l’incidence des AVC périablation de FA semble stable (environ 0,3 %) quelle que soit la méthode d’ablation (radiofréquence (RF), cryothérapie, électroporation), l’incidence des LCES est plus difficile à déterminer. Sur plus de 50 études répertoriées(1), les taux varient de 3 % à plus de 40 % que ce soit en RF ou en cryothérapie. Une étude publiée en 2020(5) est remarquable par la grande précision des IRM 3T réalisées avant et à J2 post-ablation en RF. Sur les séquences haute résolution en préprocédure, des hypersignaux de la substance blanche étaient retrouvés chez 81 % des patients. L’incidence des nouvelles LCES après ablation était de 43 % en résolution standard (coupes de 5 mm) et montait à 67 % en utilisant des séquences hautes résolutions (coupes de 1 mm). À noter que ces nouvelles lésions avaient pratiquement toutes disparu sur l’IRM de contrôle à 3 mois. • La physiopathologie des LCES périablation de FA est multifactorielle. La composition des emboles a été étudiée en Doppler transcrânien et sur modèles animaux(1). Ces derniers peuvent provenir de la manipulation de la gaine (air, thrombus), du tissu lésé par l’ablation (thrombus, fragments tissulaires) ou de la formation de microbulles de gaz durant l’ablation. • Le lien entre LCES péri-ablation de FA et baisse des performances cognitives est discuté. Deux études ont retrouvé une baisse des performances cognitives après ablation de FA : la première publiée en 2010 concernait 23 patients avec évaluation neurologique et IRM à 3 mois de l’ablation. Il faut noter que le groupe contrôle comportait uniquement des patients indemnes de FA, ce qui laisse supposer un biais important. Une autre étude publiée en 2013 portait sur 150 patients et retrouvait une discrète diminution des performances cognitives à J2 et à 3 mois de l’ablation. Huit tests différents étaient réalisés et un score était savamment calculé sur la base des résultats de ces tests. Il est par ailleurs difficile de transposer les résultats bruts de cette étude au contexte actuel : 1) un relais AVK-héparine était réalisé et 2) le temps moyen passé dans l’oreillette gauche était supérieur à ceux constatés désormais (159 minutes en moyenne pour l’isolation des veines pulmonaires en RF). Les autres études et notamment les plus récentes montrent quant à elles une absence de lien évident entre LCES et détérioration des performances cognitives au long cours post-ablation de FA(1,2,5). • La gestion de l’anticoagulation semble être un facteur clé pour limiter les LCES. 1) Il est actuellement recommandé(6) de réaliser l’ablation sans interruption des anticoagulants (ou un saut de prise d’AOD unique avant la procédure). 2) La présence d’un thrombus intraauriculaire en pré-ablation, contre-indiquant la procédure, est détectée chez 1,6 à 2,1 % des patients correctement anticoagulés(6), ce qui met en évidence le rôle majeur de l’imagerie avant ablation (ETO ou scanner). 3) Plusieurs études retrouvent comme facteur de risque principal de LCES péri-ablation un TCA per-procédure inférieur à 250, 300, voire 320 s(1,2). La réalisation du bolus d’héparine avant la ponction trans-septale ne semble pas augmenter le risque de complication, tout en diminuant le risque de formation de thrombus. Dans une étude publiée en 2021(7), le TCA initial 15 min après un bolus d’héparine de 100 UI/kg était supérieur à 300 s dans moins de 25 % des cas, quel que soit le traitement anticoagulant sous-jacent. Ces données peuvent soulever la question de la réalisation du bolus d’héparine avant même la ponction fémorale, étant donnée la généralisation des ponctions échoguidées. • D’autres facteurs de LCES ont pu être incriminés, de manière inconstante, en fonction des études(1,2) : temps passé dans l’oreillette gauche, puissance des tirs, réalisation d’une cardioversion pendant la procédure, etc. Dans l’étude précédemment citée(5) avec IRM haute résolution, les 2 seuls facteurs prédictifs de LCES étaient une FEVG altérée et un TCA bas (pas d’impact du temps de procédure ni de la réalisation d’une cardioversion). Les changements répétés de matériel au sein d’une même gaine ont également été incriminés(2). Certaines technologies ont été associées à un taux plus élevé de LCES (cathéter de RF non irrigué, cathéter multi-électrode type PVAC(8)). Les taux semblent comparables entre RF et cryothérapie(8). Les premières études observationnelles retrouvent des taux relativement faibles mais non négligeables (entre 3 et 19 %) avec l’électroporation(1). • Diminuer le nombre de procédures par patient diminue indirectement le risque de LCES en lien avec l’ablation. La prise en charge des facteurs favorisant la récidive post-ablation (HTA, diabète, obésité, sédentarité, consommation d’alcool et de tabac, optimisation des traitements d’une éventuelle insuffisance cardiaque) est essentielle dans cette optique, ainsi que la poursuite des efforts pour améliorer la performance des stratégies ablatives.

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