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Cardiologie générale

Publié le 28 nov 2006Lecture 7 min

Les leçons des dernières recommandations : quelles conséquences pour la pratique ?

J.-M. HALIMI, hôpital Bretonneau (Tours) et O. Hanon, hôpital Broca (Paris)

Les derniers essais doivent-ils entraîner une modification des recommandations des RPC (recommandations pour la pratique clinique) ? Parmi les derniers essais thérapeutiques publiés, ASCOT et LIFE ont apporté des résultats parfois impressionnants. Dans l’étude ASCOT, la prise en charge basée sur l’association amlodipine/perindopril (vs aténolol/hydrochlorothiazide) a permis de réduire le risque de décès CV, d’altération de la fonction rénale et de diabète. Il faut rappeler qu’historiquement, le traitement initial classique reposait sur un bêtabloquant et un diurétique et ce n’est que ces dernières années que les IEC et les inhibiteurs calciques ont été considérés comme apportant une cardioprotection similaire aux premiers. Des controverses célèbres ont longtemps opposé adversaires et partisans des inhibiteurs calciques.

Après les résultats de l’étude LIFE (Losartan Intervention For Endpoints reduction in hypertension) en 2002, les résultats de l’étude ASCOT (Anglo-Scandinavian Cardiac OuTcomes) en 2005 ont poussé les experts britanniques à ne plus recommander les bêtabloquants en première intention chez l’hypertendu non compliqué. Cette attitude est comparable à celles des experts américains qui avaient proposé que les diurétiques thiazidiques soient le traitement préférentiel des hypertendus non compliqués après la parution d’ALLHAT (Antihypertensive and Lipid-Lowering treatment. to prevent Heart Attack Trial). Que faut-il en penser ? D’abord, il est probablement difficile de rédiger des recommandations juste après la publication d’un grand essai que l’on a soi-même conçu et organisé. Faut-il oublier les résultats de l’étude UKPDS (United Kingdom Prospective Diabetes Study group) indiquant que l’aténolol et le captopril apportent une protection CV comparable chez les patients diabétiques ? Faut-il oublier les résultats de la très critiquée étude CAPPPS montrant le même type de résultats qu’UKPDS chez l’hypertendu ? Faut-il rappeler que l’étude ASCOT n’était pas menée en double aveugle, mais n’était qu’une étude PROBE (investigateurs informés du traitement pris par les patients, mais une évaluation effectuée sans que l’affectation des traitements soit connue de l’évaluateur) ? Il est décidément bien difficile de se faire une idée claire… L’ensemble des essais thérapeutiques n’allant pas dans le même sens, les recommandations britanniques risquent de ne pas être suivies par les autres recommandations nationales ou internationales.   Utilisation des paramètres de substitution (ex : microalbuminurie) Les paramètres permettant d’estimer le risque cardiovasculaire ont été définis lors de la mise à jour des recommandations sur l’HTA en 2005 (HAS) (tableau 1). Cependant, des données de plus en plus précises ont convaincu de nombreux observateurs que la microalbuminurie pouvait apporter une précision supplémentaire à cette estimation et également servir de cible thérapeutique. La microalbuminurie est une élévation supraphysiologique de l’excrétion urinaire d’albumine (et non une albumine de nature particulière). Les valeurs définissant la microalbuminurie ont été définies par convention (tableau 2). Il est probable que la relation entre excrétion urinaire d’albumine et risque CV(et rénal) est continue, sans seuil individualisable. L’évolution sous traitement antihypertenseur de l’excrétion urinaire d’albumine permet probablement d’affiner l’estimation du risque CV chez l’hypertendu : la persistance d’une excrétion urinaire d’albumine élevée ou son augmentation sous traitement est associée à un pronostic plus péjoratif. La microalbuminurie est un marqueur de risque de dégradation de la fonction rénale au sein de la population générale et probablement chez l’hypertendu. La microalbuminurie est un marqueur de risque d’aggravation ou de décès dans différentes pathologies cardiovasculaires (après infarctus du myocarde, AVC et anévrisme de l’aorte abdominale) et non cardiovasculaires. Chez le sujet diabétique, les recommandations nationales et internationales proposent une recherche annuelle de la microalbuminurie chez tout patient diabétique. Chez le sujet non diabétique, la recherche de la microalbuminurie ne doit pas être systématique, selon l’HAS (RPC HTA 2005). Son utilisation comme marqueur intermédiaire (dit encore paramètre de substitution) dans les essais thérapeutiques est à présent habituelle dans les essais thérapeutiques à visée néphrologique (ex : IRMA2, BENEDICT), mais aussi cardiovasculaire (LIFE, ROADMAP). L’autre marqueur de risque intermédiaire est l’hypertrophie ventriculaire gauche (HVG) (dans LIFE, par exemple). Si des marqueurs de risque doivent être utilisés (en plus des facteurs de risque publiés par l’HAS), la microalbuminurie et l’HVG sont les marqueurs intermédiaires les plus utiles pour l’évaluation du risque CV.   Évaluation de la fonction rénale chez l’hypertendu âgé ou très âgé Au cours du vieillissement, on observe des modifications de la fonction rénale caractérisées par une diminution du débit sanguin rénal et de la filtration glomérulaire, qui rendent parfois difficile la distinction entre lésions pathologiques et modifications physiologiques liées au vieillissement. Il est admis qu’après l’âge de 40 ans environ, il existe une diminution physiologique du débit de filtration glomérulaire (DFG) d’environ 1 ml/min/1,73 m2/an. Ainsi, chez le sujet âgé, ces variations du fonctionnement rénal justifient l’utilisation de posologies adaptées pour les médicaments à élimination rénale ou dont le métabolite actif est éliminé par le rein. La présence d’une HTA risque de majorer les modifications hémodynamiques observées chez le sujet âgé. Si elle est souvent utilisée chez les sujets jeunes pour évaluer la fonction rénale, la créatininémie n’est pas un marqueur adapté au sujet âgé car elle reste longtemps normale en raison d’une diminution de la production de créatinine endogène, liée à la diminution de la masse musculaire. La méthode la plus simple pour l’évaluation de la fonction rénale du sujet âgé est le calcul de la clairance de la créatinine. L’enjeu d’un calcul précis de la clairance de la créatinine est, bien sûr, en premier lieu l’adaptation correcte des doses de médicaments, mais également une appréciation du pronostic des patients, la mortalité étant doublée chez les patients porteurs d’une insuffisance rénale sévère. Plusieurs formules approchées ont été élaborées afin d’estimer la clairance de la créatinine sur des cohortes de patients, à partir de critères faciles à quantifier (âge, poids, créatininémie, sexe). Actuellement, c’est la formule de Cockcroft et Gault (CG) qui est recommandée pour calculer une valeur approchée du débit de filtration glomérulaire. Toutefois, cette formule n’a été validée que dans des populations < 75 ans. Or, les sujets âgés correspondent à une population qui présente le plus souvent des facteurs de variabilité de l’estimation de ces mesures, comme la perte de masse musculaire à l’origine d’une baisse du débit de production de créatinine par l’organisme ainsi que des situations de dégradation de l’état nutritionnel. Cette formule n’est pas validée chez le sujet > 75 ans. De façon générale, la valeur prédictive de la formule de Cockcroft et Gault (CG) varie selon le niveau du DFG. Elle sous-estime le DFG lorsque celui-ci est > 90-100 ml/min, elle le surestime lorsqu’il est < 50 ml/min. Les études réalisées chez des patients plus âgés semblent indiquer que la formule de CG sous-estime les clairances des patients très âgés, particulièrement des plus maigres.   Formule MDRD La formule issue de l’étude « Modification of Diet in Renal Disease » (MDRD) serait plus performante, notamment chez les sujets âgés ou très corpulents. Elle présente l’inconvénient de donner une clairance normalisée pour 1,73 m2, ce qui requiert le calcul de la surface corporelle pour déterminer la clairance nominale. De plus, la complexité de cette formule nécessite le recours à un calculateur automatique, contrairement à la formule CG.   Comment choisir la formule appropriée ? Des études réalisées sur des populations particulières ont montré que ces formules ont des limites ; la plus appropriée ne serait pas toujours la même selon les situations et les auteurs : par comparaison à une mesure isotopique du DFG, les deux formules surestimeraient les clairances chez des insuffisants rénaux sévères : de 40 % pour la formule MDRD et de 52 % pour la formule de CG. À l’opposé, d’autres travaux constatent que la formule MDRD sous-estime légèrement les clairances, particulièrement avant 65 ans, alors que la formule de CG les sous-estimerait fortement, surtout chez les plus de 65 ans et les sujets maigres. La formule MDRD serait donc plus performante chez les sujets maigres, ce qui a été retrouvé dans une population de patients cancéreux en cours de chimiothérapie. En ce qui concerne la dispersion des résultats, la formule MDRD serait plus souvent proche de la clairance isotopique que la formule CG ; on constate une erreur supérieure à 20 % de la clairance isotopique sur 47 % des clairances calculées selon la formule MDRD et 63 % des clairances calculées par la formule CG. Les formules de calcul de la clairance apparaissent donc comme des outils dont la fiabilité est très variable selon les populations étudiées. En outre, on constate un manque flagrant de données dans la tranche des patients > 75 ans polypathologiques permettant afin de déterminer la formule de calcul la mieux adaptée. Dans l’attente des études en cours, visant en particulier à valider la formule MDRD dans les populations très âgées, l’utilisation de la formule de CG reste celle à utiliser pour évaluer le débit de filtration glomérulaire, selon les recommandations de l’HAS. Dans l’étude des Trois Cités, basée sur un échantillon de 10 000 personnes > 65 ans issu de la population générale de trois villes françaises, l’utilisation de la formule CG pour estimer le DFG, tel que le recommande l’HAS, a conduit à classer en insuffisance rénale chronique modérée (DFG < 60 ml/min) 35 % des 65 à 75 ans et 70 % des plus de 75 ans. Les conséquences, pour les individus et le système de santé, d’une telle surestimation du risque d’insuffisance rénale chronique chez le sujet âgé par cette formule peuvent être importantes en termes de coût et de risque iatrogène. Cependant, c’est chez le sujet âgé que la fonction rénale est retrouvée altérée dans les études épidémiologiques, qu’il s’agisse d’insuffisance rénale débutante (ex : étude BIRD) ou d’insuffisance rénale terminale (ex : étude REIN).

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