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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 13 juin 2006Lecture 12 min

La défibrillation cardiaque implantable : la France rattrape son retard

P. RITTER, InParys

CARDIOSTIM

Cette technique connaît de grandes disparités dans le monde quant au taux d’implantations. Pour des raisons économiques, il y a eu un frein, en France, au développement de cette thérapeutique, confinée à certains centres hospitaliers, mais la publication des recommandations a heureusement fait bouger nos autorités de tutelle (figures 1 et 2).

Figure 1. Fibrillation ventriculaire stoppée par un choc de 19 joules sur un défibrillateur double chambre (en haut : signal atrial ; au milieu : signal ventriculaire ; en bas : marqueurs de détection). Figure 2. Radiographie de face d’un défibrillateur atrio-biventriculaire, chez un patient insuffisant cardiaque. Où en sommes-nous des indications ? Greenberg et Coll. rapportent une différence encore notable du taux d’implantations entre l’Europe et les États-Unis.   Des disparités dans les indications Les Européens implantent davantage en prévention secondaire (après une mort subite récupérée), qu’en prévention primaire (implantation sur la seule notion de risque de mort subite sans épisode préalable), encore que nous utilisons davantage la resynchronisation, une technique née en Europe. Il est toutefois évident (Goldman et coll.) que le taux d’implantations progresse avec la publication des recommandations internationales et, de fait, l’intérêt des explorations électrophysiologiques pré-implantation a largement diminué (Telfer et coll.). Defaye et coll. rapportent l’expérience française allant dans le même sens, indiquant que les patients du groupe prophylactique sont en moyenne plus jeunes (60 contre 63 ans), ont une fraction d’éjection VG plus basse (31 contre 39 %) et ont trois fois moins d’épisodes d’arythmies ventriculaires traités que le groupe prévention secondaire, ce qui est en contradiction avec ce qui suit. Greenberg note cependant que, contrairement aux recommandations, le taux d’implantations de systèmes double chambre dépasse 50 % chez les patients du groupe prévention primaire, qui représentent 75 % des 2 084 patients de l’étude ! Le nombre des indications antibradycardiques associées n’explique pas un taux aussi élevé.   Les patients implantés en prévention primaire reçoivent-ils des thérapies différentes de celles des patients implantés en prévention secondaire ? Le risque de développer des arythmies ventriculaires est similaire dans les deux groupes (Schmitz et coll.), ce qui apporte une preuve du bien-fondé des indications de prévention primaire, de même que celui des arythmies supraventriculaires. Proportionnellement, les patients « primaires » reçoivent plus de chocs inappropriés que les patients « secondaires », probablement parce que la programmation de la prothèse par le médecin tient compte des arythmies déjà connues des patients « secondaires », alors que cela n’est pas possible dans le groupe « primaire », qui n’en ont, par essence, jamais fait. D’où l’importance d’algorithmes sophistiqués de discrimination des rythmes par le défibrillateur, domaine où il reste beaucoup à faire. Kreuz et coll. confirment ces résultats et retrouvent aussi ce taux plus élevé de chocs inappropriés dans la population implantée sur le mode de la prévention primaire, essentiellement en raison de l’apparition d’arythmies supraventriculaires. Ils insistent sur l’importance d’un suivi plus serré, tout spécialement dans cette population, destiné à accumuler les informations sur la survenue des arythmies et événements non ventriculaires qui conduisent à une reprogrammation, ou la mise en route d’une thérapeutique antiarythmique efficace à l’étage atrial. Le but est, bien sûr, d’éviter des chocs inappropriés. Pavin et Coll. ont analysé dans le détail les causes de chocs inappropriés chez 665 patients implantés avec un modèle simple chambre (n = 273) ou double chambre (n = 392), suivis pendant 14 mois en moyenne (l’étude OPERA). Une thérapie inappropriée est délivrée chez 7,2 % des patients de la population (autant sur simple que double chambre), un taux faible qui révèle la qualité de programmation des prothèses. Une fibrillation atriale est documentée chez 27 % des patients. Dans la moitié des cas, la thérapie est initialement inhibée, puis finalement délivrée en raison d’un changement de type de rythme de la tachycardie, ou parce que la durée maximale de rythme supraventriculaire soutenu a expiré. Surtout, une reprogrammation de la prothèse permet de les éviter dans un tiers des cas. Les critères prédictifs de choc chez 463 patients implantés, suivis sur 9 mois (Catanzaro et coll.), sont pour les chocs appropriés, l’âge, les syncopes, l’utilisation de digitaliques, et pour les inappropriés, un âge < 71 ans, la fibrillation atriale, la réparation aortique/mitrale, une fonction VG normale. Les critères prédictifs d’orage rythmique chez les patients implantés avec un défibrillateur-resynchroniseur multisite (Gasparini et coll.) sont la prévention secondaire et une étiologie non ischémique.   Quelles sont les complications des défibrillateurs implantables ? De nombreux auteurs ont évoqué les chocs inappropriés, l’importance d’un suivi régulier et d’une programmation personnalisée. La qualité de prise en charge impacte la qualité de vie et le confort psychologique des patients. Ainsi, dans une étude japonaise (Abe et coll.), regroupant 1 965 patients implantés, 75 % étaient régulièrement employés avant l’implantation, 31 % ont perdu leur emploi, 9 % n’ont pas souhaité reprendre leur emploi, 21 ont été reclassés, et 39 % ont retrouvé leur emploi initial. Trente-six pour cent des patients ont reçu un choc, 11 % sur leur lieu de travail, et 54 % chez eux. Ces chiffres impressionnants expliquent bien la nécessité d’une prise en charge psychologique particulière de ces patients afin qu’ils retrouvent leur mode de vie préalable. Dans un second rapport, cette fois d’origine américaine par Olshansky et coll., la qualité de vie de 1 530 patients porteurs d’un défibrillateur s’améliore nettement lors de la première année et ne semble pas influencée par la survenue de chocs, aussi bien au plan physique que mental. Ces résultats positifs n’analysent cependant pas le retour au travail des Américains, un élément probablement plus révélateur de l’impact physique et mental des défibrillateurs. De la même façon, Undavia et coll. rapportent le stoïcisme américain face aux « recalls », ces avis de remplacement de prothèse en raison d’un risque de panne d’origine technique, qui ne semblent pas influer non plus sur la qualité de vie physique et mentale en aucune façon.   Observe-t-on une évolution du pronostic et des complications du fait de l’extension des indications à de nouvelles populations ? Dans SCD-HeFT, une étude regroupant 811 patients en classe II et III de la NYHA pour l’insuffisance cardiaque, une fraction d’éjection abaissée à moins de 35 %, et ayant révélé une réduction de 23 % de la mortalité du groupe porteur de défibrillateur comparativement au seul traitement médical, Poole et coll. rapportent qu’au cours d’un suivi de 45 mois, le fait de recevoir un choc, qu’il soit approprié ou inapproprié, est un facteur indépendant de mortalité. Si les patients reçoivent les deux types de choc, les risques de mortalité sont additifs. Dans le cadre de la prévention secondaire, Fauchier et coll. analysent le type d’arythmies ventriculaires des 226 patients inclus dans l’étude VALID. Les données des défibrillateurs ayant enregistré tachycardies et fibrillations ventriculaires des 190 patients (156 ischémiques et 34 non ischémiques) ont été colligées. Sur un suivi de 338 jours, 54 patients ont reçu des thérapies appropriées, dont le taux est similaire dans les deux groupes, ainsi que le nombre d’épisodes annuels. En revanche, le taux de tachycardies ventriculaires soutenues monomorphes était plus élevé chez les ischémiques (89 vs 50 %), et celui des fibrillations et tachycardies ventriculaires polymorphes plus élevé chez les non-ischémiques, d’où des implications de programmation et de thérapie médicamenteuse pour chacun des groupes. Globalement les sujets porteurs de défibrillateur, non diabétiques, ont un meilleur pronostic que les diabétiques (étude SCD-HeFT menée chez 2 521 patients incluant 767 diabétiques (Exner et coll.)), avec un risque de mortalité globale multiplié par 1,54, de mort subite, par 1,75, et de mortalité par insuffisance cardiaque, par 1,46. En France, les femmes implantées sont moins nombreuses que les hommes, sont plus jeunes et ont une meilleure fonction VG (Fatemi et coll.). Olshansky et Coll. mentionnent un taux d’événements et un risque de mortalité plus élevés chez les femmes dans l’étude INTRINSIC RV. Chez l’enfant, selon Kantoch et coll. les indications de prévention primaire l’emportent sur celles de prévention secondaire (33 contre 7 sur 40), avec encore 20 % de chocs inappropriés, les causes produisant les mêmes effets que chez l’adulte. Lewandowski et coll. rapportent 24 % de thérapies appropriées et 28 % d’inappropriées chez 46 enfants et jeunes adultes suivis 52 mois. Ici, le contrôle de la détection des ondes T est mis en avant. À l’opposé de l’échelle des âges, chez 35 patients de 75 à 92 ans, les mêmes bénéfices cliniques que chez les patients plus jeunes (n = 445) sont retrouvés par Grimm et coll, sachant que la population est plus féminine et les cardiopathies plus souvent ischémiques. De surcroît, le taux de complications est similaire. En dehors des problèmes économiques, la technique ne doit pas être limitée aux sujets jeunes.   Et les aspects techniques ? Depuis que le site de stimulation apicale ventriculaire droit est devenu « satanique », les implanteurs tentent de poser la sonde ailleurs, notamment au niveau du septum interventriculaire pour préserver une fonction VG volontiers altérée chez les porteurs de défibrillateur. Mabo et coll. notent que, chez 24 patients, cette pratique se révèle techniquement faisable et sûre, sans preuve de dysfonction de prothèse ou d’inefficacité des thérapies. Cette analyse est confirmée par Ender et coll. dans une étude randomisée chez 47 patients, comparant les sites apical et septal ventriculaires droits. La différence de niveau de seuil de défibrillation n’est que de 2,5 joules en moyenne au détriment du site septal. Ce détail est d’importance à l’ère de la stimulation multisite dans l’insuffisance cardiaque.   Les complications À ce propos, s’il n’y a pas de différence de taux de complications entre les appareils simple et double chambre, celui des prothèses biventriculaires est plus élevé, essentiellement en raison de l’implantation de la sonde ventriculaire gauche car, si l’on exclut les complications qui y sont liées, celui-ci est alors identique à celui des autres modèles (Gold et coll.). Theuns et coll. rapportent une métaanalyse de la comparaison des simple et double chambres concernant la qualité de discrimination des rythmes, supraventriculaires et ventriculaires. En général, aucune différence n’est retrouvée mais, épisode par épisode, les double chambre font mieux, avec une réduction du nombre de thérapies inappropriées dans une population totale de 897 patients. Cependant, les auteurs ne décrivent pas les appareils impliqués ; or, on sait que la qualité de l’algorithme de discrimination est encore très variable d’un appareil à l’autre. Glickson, Lewandowski, Himmrich, et Hermida expliquent justement les dernières méthodes permettant une meilleure discrimination pour réduire les thérapies inappropriées sur arythmies supraventriculaires essentiellement. Un autre motif d’une telle complication est l’altération de la sonde de défibrillation, induisant du bruit, pris à tort pour des arythmies ventriculaires (figures 3 et 4). D’où l’importance d’une méthode automatique de détermination de l’intégrité de la sonde, passant surtout par la mesure itérative de l’impédance de choc, méthode mise en exergue par plusieurs auteurs (Müller, Val-Mejias, Matsushita, Schuman, et Ben Johnson). Figure 3. Rupture du conducteur de la sonde de défibrillation entraînant une fausse détection de fibrillation auriculaire. Si le phénomène est suffisamment prolongé, un choc inapproprié peut être déclenché. Figure 4. Défibrillateur double chambre. L’ancienne sonde de défibrillation, défectueuse, a été remplacée. Faut-il toujours tester l’efficacité de la défibrillation à la pose ou au changement d’un défibrillateur ? Paisey et coll. répondent oui. Sur un total de 96 patients, un patient n’aurait probablement pas été protégé sur arythmie spontanée puisque le test avant sortie de l’hôpital révélait l’inefficacité de défibrillation. Sadoul et coll., dans l’étude LEADER, révèlent qu’en France, les implanteurs continuent majoritairement d’effectuer les tests de défibrillation.   Énergie du choc et seuil de défibrillation Pour améliorer l’efficacité de défibrillation, les constructeurs s’orientent vers la production d’appareils capables de délivrer des chocs supérieurs à 35 joules pour respecter une marge de sécurité d’au moins 10 joules au-delà de l’énergie de défibrillation minimale efficace, sacro-sainte loi remise en cause par Smits et coll. Bondke et coll. démontrent qu’une cardiopathie dilatée non ischémique et une imprégnation cordaronique sont des éléments prédictifs indépendants d’un seuil de défibrillation élevé. Un changement de la polarité du choc et/ou de site d’implantation de la sonde résolvent la difficulté dans 78,6 % des cas, mais dans 21,4 %, un défibrillateur délivrant plus de 35 joules est nécessaire ! Enfin, l’utilisation croissante des défibrillateurs multisite pourrait laisser penser que les seuils de défibrillation sont élevés chez ces patients à cœur dilatés. Il n’en est rien pour Roosevelt Gilliam et coll. qui ont analysé une population de 1 257 patients ; ils signalent cependant que les appareils de haute énergie sont nécessaires quand le seuil de défibrillation est élevé, sans toutefois rapporter le nombre de patients concernés. L’abaissement du seuil de défibrillation est donc une sorte de Nirvana à atteindre. Dans ce but, Kloppe et coll. rapportent, dans une étude expérimentale sur 15 cœurs de cochon, la faisabilité et la plus grande efficacité de défibrillation effectuée entre une sonde ventriculaire droite et une ventriculaire gauche (dans le cadre de la resynchronisation cardiaque), sans augmentation du seuil après 20 chocs consécutifs. L’autre moyen de réduction des seuils de défibrillation appartient aux constructeurs et passe par la recherche de la meilleure forme d’onde de choc, sujet faisant l’objet de plusieurs communications de la part de Kroll, Nsah, Val-Mejias, Seidl, Boriani, Michael, et Natarajan.   Pourra-t-on un jour implanter un défibrillateur sans sonde endocavitaire ? Cela faciliterait la tâche des implanteurs et réduirait le taux des complications liées à la sonde, à l’ère de l’explosion des indications de prévention primaire. Lieberman et coll. en sont aux études humaines, seulement en aigu, avant implantation d’un système classique, associant un défibrillateur sous-cutané avec un coil sous-cutané thoracique postérieur. Chez 32 patients conventionnels, le seuil de défibrillation était de 24 joules, en excluant 6 échecs complets (seuil > 35 joules), avec 9 fois un seuil inférieur à 15 joules, 9 fois égal à 25 joules, et 8 fois à 35 joules.   En conclusion   Le domaine de la défibrillation continue donc d’évoluer avec la recherche d’une plus grande efficacité de défibrillation, et l’amélioration des algorithmes de discrimination des arythmies cardiaques. Cette recherche de qualité et des performances est une constante dans cette édition Cardiostim 2006. En prévention secondaire, les progrès de la défibrillation implantable sont intéressants pour autant que les patients arrivent vivants à l’hôpital après leur épisode de mort subite récupérée. L’hypothermie améliore la récupération des patients pour Shirai et coll. La mise à disposition de 100 défibrillateurs externes automatiques dans une exposition japonaise ayant réuni 22 millions de visiteurs a permis de mettre en œuvre la technique 6 fois pour sauver 4 personnes. À ce propos, Cardiostim est l’occasion d’une grande campagne regroupant cardiologues et équipes d’urgence tout spécialement le SAMU de France, avec 4 sessions scientifiques, des démonstrations des tout derniers équipements de réanimation cardio-respiratoire dans le congrès et en ville à Nice, et des conférences de presse. Notre pays, comme plusieurs pays d’Europe, est encore sous-équipé en défibrillateurs externes accessibles au grand public. Il est temps que la profession se réveille et agisse au bénéfice de la population, à l’image de l’opération de Montbard rapportée par Rifler. De nouveaux moyens de massage cardiaque sont disponibles améliorant le taux de survie, comme le démontrent Brewer et coll., qui mettent en exergue un temps d’intervention le plus court possible. Le défibrillateur externe portable en attendant une thérapie implantable chez des patients à risque (Abi-Samra et coll.) fait partie d’un arsenal sous-utilisé. Luttons tous ensemble contre la mort subite ! Un petit mot sur les apnées du sommeil Defaye et coll. montrent qu’il est possible de faire le diagnostic simple et fiable des apnées et hypopnées par un dispositif Holter adapté. En comparaison avec l’examen polysomnographique de référence, la spécificité est de 93 % et la sensibilité, de 100 %. Chez les porteurs de stimulateur possédant un capteur de ventilation minute, le monitorage est également possible et a pour intérêt un suivi continu et la possibilité d’analyse des divers traitements appliqués (Musilli et coll.). L’apnée du sommeil est un élément du cortège de l’insuffisance cardiaque, comme le révèlent Brar et coll., qui démontrent son lien avec l’émergence de la fibrillation atriale, et le taux d’hospitalisations pour insuffisance cardiaque (également révélé par Chan et coll.). Sredniawa et coll., et Yiu et coll. révèlent enfin que la resynchronisation cardiaque améliore les indices d’apnées et d’hypopnée. C’est donc bien par l’amélioration hémodynamique que la stimulation cardiaque, quelle qu’en soit la forme, permet de participer à la réduction des apnées et hypopnées, comme l’avait révélé S. Garrigue de Bordeaux, voilà quelques années.

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