publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 16 oct 2007Lecture 10 min

EUROPACE 2007 : la rythmologie en pleine évolution

A. LAZARUS, cliniques Bizet et Val d’Or – Paris et St-Cloud

La belle ville de Lisbonne a accueilli du 24 au 27 juin dernier, le congrès européen Europace, l’événement rythmologique des années impaires en alternance avec Cardiostim. Les poids lourds de la rythmologie moderne que sont la fibrillation atriale (FA) et le traitement par resynchronisation dans l’insuffisance cardiaque ont une fois de plus dominé les débats, suivis par la défibrillation implantable, l’ablation des troubles du rythme (hors FA) et la stimulation cardiaque conventionnelle.

Quelques statistiques   Près de 600 abstracts ont été retenus cette année, soit un taux d’acceptation moyen de 61 %. La France se positionne au 7e rang des abstracts soumis, mais un bon taux d’acceptation lui permet de remonter au 5e rang des abstracts acceptés, à égalité avec les États-Unis.   Ablation curative de la FA : une technique en évolution   L’ablation curative de la FA reste une technique en évolution, mais des interrogations persistent quant aux types de lésions à réaliser durant la procédure, la base consistant à isoler les veines ou les antres veineux pulmonaires, en complétant selon les cas par des lignes d’ablation dans l’oreillette gauche, le sinus coronaire, voire l’oreillette droite au niveau de la connexion des veines caves, et l’ablation des zones où figurent les ganglions plexiques ou des potentiels fragmentés. La source d’énergie dominante est le courant de radiofréquence, délivré à partir de cathéters irrigués, mais des travaux sont en cours sur l’utilisation de ballons de cryothérapie, avec cependant un risque de lésion phrénique (figures 1 et 2). Les résultats sont bons même si l’excellence n’est le fait que de certaines équipes. Figure 1. Extrasystoles atriales de type P/T, isolées ou en salves, chez un patient souffrant d’une fibrillation atriale paroxystique multirécidivante et mal contrôlée par les antiarythmiques, évoquant un foyer atrial gauche veineux pulmonaire. Figure 2. Même patient que figure 1. Système de navigation tridimensionnelle non fluoroscopique utilisé pour ablation curative de fibrillation atriale. Les antres veineux pulmonaires sont isolés électriquement du reste du massif atrial gauche par des lésions de radiofréquence contigües, figurées par des points rouges. En bleu : veines pulmonaires ; en jaune, l’auricule gauche ; en gris, l’oreillette gauche. Les récidives existent, pouvant nécessiter le renouvellement de la procédure après quelques mois. Les récidives précoces, alors que les oreillettes subissent un remodelage lié aux lésions réalisées, augmentent la probabilité de récidive ultérieure mais ne garantissent pas pour autant une récidive à plus long terme : la moitié de ces patients ne récidiveront pas ultérieurement, ce qui n’incite pas à se précipiter pour réaliser une seconde procédure d’ablation. Les complications précoces ont été colligées dans un registre italien multicentrique incluant plus de 1 000 patients traités dans 10 centres. Le temps moyen par procédure avoisine les 200 min avec 5 % de complications, 2,7 % étant des complications majeures (occlusion veineuse, tamponnade, pseudo-anévrisme chirurgical, thrombose artérielle fémorale, accident vasculaire cérébral transitoire ou constitué, BAV complet, ponction aortique, pleurésie drainée, etc.). Des arythmies intra-atriales gauches peuvent apparaître dans les suites de la procédure, flutters atypiques ou parfois réentrées impliquant les lésions faites au niveau des antres pulmonaires, liées à la présence de gaps dans les lésions d’encerclement. Le suivi des patients doit inclure des bilans ECG avec enregistrements de longue durée, considérant la faible valeur des symptômes pour le diagnostic de fibrillation atriale : sensibilité 45 %, spécificité 79 %, valeurs prédictives positive et négative de 54 et 73 % respectivement (51) ; plus de 80 % des accès de FA sont asymptomatiques et 71 % des patients se plaignent de symptômes alors qu’aucune fibrillation n’a été enregistrée.   Resynchronisation cardiaque   Première étape : sélectionner de bons candidats. Les patients en FA chronique en font partie, sous réserve de délivrer une stimulation ventriculaire permanente pouvant nécessiter le recours à une ablation de la jonction atrio-ventriculaire, en sachant que certains patients vont revenir en rythme sinusal après resynchronisation ! La FA reste toutefois un facteur de surmortalité (x 4) par insuffisance cardiaque réfractaire. La durée de QRS, critère historique, ne cesse de prendre « du plomb dans l’aile », le bénéfice de la resynchronisation étant identique selon que le QRS soit < ou > à 120 ms dans un collectif de 1 971 patients. L’étude DESIRE montre, chez des patients insuffisants cardiaques à QRS fins (moyenne 121 ms), qu’une désynchronisation mécanique appréciée selon des critères échographiques simples permet de mieux présélectionner les candidats : le taux de patients répondeurs est de 70 % lorsqu’existe une désynchronisation échographique, contre 40 % en l’absence de désynchronisation. Mais comment expliquer ces 40 % de « non désynchronisés » répondeurs : critères de désynchronisation échographiques utilisés insuffisamment sensibles, effet placebo, mécanisme bénéfique de la stimulation autre que la resynchronisation ? Plusieurs équipes insistent sur l’effet négatif de la présence d’une cicatrice d’infarctus latérale ou inféro-latérale, surtout si elle est transmurale, présageant d’un taux élevé de non-réponse. Un bon candidat doit être « bien implanté », c’est-à-dire recevoir des sondes placées aux meilleurs sites afin d’obtenir la meilleure resynchronisation possible (figure 3). L’analyse postopératoire immédiate par écho (TDI) montre qu’une bonne resynchronisation mécanique prédit une réponse positive au traitement (figure 4). Chez le cochon, multiplier les points de stimulation, jusqu’à 4 sites ventriculaires, permet de réduire le niveau de désynchronisation par rapport à une stimulation biventriculaire « classique ». Pour juger en peropératoire du résultat mécanique et optimiser ainsi les sites où sont positionnées les sondes ventriculaires, l’usage de mesures d’impédance intracardiaque entre les sondes VD et VG, de la dP/dt, du PEA externe ou de l’échographie démontrent un réel bénéfice hémodynamique, avec des résultats pouvant varier amplement pour des sites situés à seulement 1 ou 2 cm de distance. Deux sondes, même optimisées dans leur positionnement, peuvent s’avérer insuffisantes pour resynchroniser la contraction ventriculaire. L’ajout d’une troisième sonde (2 VD et 1 VG) améliore en aigu la dP/dt. Chez 65 patients, une procédure d’implantation graduelle a été appliquée avec évaluation échographique peropératoire à chaque étape : implantation biventriculaire classique, puis optimisation du positionnement de la sonde VD et, si le résultat est insuffisant, ajout d’une seconde sonde ventriculaire droite, ce afin d’obtenir un délai prééjectionnel gauche < 130 ms avec une durée d’intervention plafonnée à 2 heures. Seuls 17 % des patients ont conservé la configuration biventriculaire initiale, 25 % ont fini en biventriculaire optimisé et 58 % ont nécessité une configuration triple site ventriculaire. La présence d’une désynchronisation intraventriculaire prédominante, comme c’est souvent le cas en cas de QRS « fins », incite à utiliser un moyen d’optimisation peropératoire des sites d’implantation des sondes ventriculaires. Les patients répondeurs ont ainsi en postopératoire un délai prééjectionnel gauche plus court et un ratio de ce délai sur le temps d’éjection aortique plus faible. Parmi les « trucs et astuces » pour pallier les obstacles de mise en place de la sonde ventriculaire gauche, certains ont eu recours à l’angioplastie veineuse pour passer des valves, tortuosités ou sténoses veineuses coronaires. D’autres ont traité des déplacements de sonde VG en implantant, lors de la réintervention, une endoprothèse coronaire fixant la sonde VG dans la veine cible. Figure 3. L’obtention d’une bonne resynchronisation de contraction ventriculaire peut nécessiter la multiplication des points de stimulation, optimisés par une analyse échographique peropératoire du résultat hémodynamique. Dans cet exemple radiologique en incidence oblique antérieure gauche, le patient a trois sondes ventriculaires actives (septale droite haute, septale droite basse, et ventriculaire gauche latérale), et une ancienne sonde ventriculaire gauche (milieu de l’image) abandonnée en raison de seuils élevés. Figure 4. Analyse échographique de la synchronisation intra-ventriculaire gauche. L’utilisation du DTI permet une analyse simultanée de la contraction de différents segments ventriculaires, y compris en peropératoire. Le débat entre défibrillateur et stimulateur triple chambre continue, chaque camp ayant ses arguments : mortalité subite, volume du générateur, surcoût du défibrillateur, fragilité du matériel, risque de thérapies inappropriées... En pratique, le choix mérite d’être individualisé, prenant en compte l’âge et les autres caractéristiques cliniques du patient. Outre le bénéfice hémodynamique, fonctionnel et la réduction de la mortalité, la resynchronisation peut s’avérer favorable sur la survenue de fibrillations atriales et sur la fréquence et la sévérité des syndromes d’apnées du sommeil, fréquents dans la population d’insuffisants cardiaques. Ces patients restent néanmoins fragiles, exposés à des décompensations aiguës ou subaiguës parfois prévisibles par des systèmes de surveillance hémodynamique ou de télésuivi des prothèses (figure 5). Figure 5. La télécardiologie permet de suivre au quotidien la délivrance effective du traitement par resynchronisation. En cas de taux de stimulation biventriculaire quotidien < à une valeur seuil (90 % par défaut), un message en informe le centre assurant le suivi du patient. Dans cet exemple, le patient reçoit idéalement la thérapie sur 100 % des cycles cardiaques, tout au long des 12 mois de suivi. Télésuivi des prothèses et téléconsultation   Dépister une décompensation cardiaque La surveillance de l’impédance thoracique des insuffisants cardiaques traités par stimulation biventriculaire permet de contrôler le degré d’« humidité pulmonaire » qui, au-delà d’un certain seuil, aboutit à un tableau clinique d’insuffisance cardiaque décompensée et souvent à une hospitalisation. Un système offre ainsi la possibilité d’alerter précocement le patient par une alarme sonore émise par le défibrillateur lorsqu’un seuil préprogrammé est franchi. Des hospitalisations peuvent être anticipées de plus de 10 jours ou évitées, sous réserve que les patients entendent bien l’alarme sonore. La valeur seuil d’impédance déclenchant l’alerte reste délicate à définir, parfois trop sensible à la valeur par défaut (60 ohms) qui, pour certains, mériterait d’être montée à 120 ohms pour un meilleur compromis sensibilité (60 %)-spécificité (71 %). Les données stockées par le défibrillateur peuvent également être transmises manuellement par le patient vers son centre de surveillance via un site internet dédié, disponible uniquement en test en Europe pour ce fabricant. Cette téléconsultation des défibrillateurs permet de réduire le temps du contrôle par rapport à une visite classique au centre de surveillance. Un fabricant européen propose depuis plusieurs années un système de télésuivi plus sophistiqué, automatique et sans fil, fonctionnant sans intervention du patient (télécardiologie). L’étude AWARE Les résultats de l’étude AWARE ont été présentés durant le congrès, incluant 11 624 patients suivis dans la « vraie vie » par ce système, dans 23 pays, avec plus de 3 millions de transmissions cumulant une durée de suivi > 10 000 ans. L’étude montre le potentiel de ce système pour détecter automatiquement et précocement un problème technique ou médical alors qu’il est encore asymptomatique ou pauci-symptomatique, permettant si nécessaire d’intervenir beaucoup plus rapidement qu’avec un suivi classique ou initié par le patient. Dans une indication de prévention primaire de défibrillation implantable (syndrome de Brugada), ce système a spermis d’éviter des chocs inappropriés, par reprogrammation précoce des paramètres de l’appareil suite à une alerte, tout en réduisant le nombre des visites de suivi à 2,4 par an contre 5,3 par an dans un groupe témoin. Dans un autre travail, l’analyse rétrospective des visites de suivi systématiques de patients porteurs de défibrillateurs a conclu à leur inutilité dans 78 % des cas car ne retrouvant aucune anomalie ou ne nécessitant que des ajustements mineurs ou non urgents. En revanche les auteurs constatent que la majorité des problèmes survenus auraient pu être détectés par l’utilisation de la télécardiologie, couplée à un suivi clinique auprès du médecin ou du cardiologue traitant. Une analyse de 25 000 transmissions télécardiologiques faites par des patients avec défibrillateur a montré que 2 % des transmissions quotidiennes étaient déclenchées par la survenue d’un événement, et que seuls 17 % des événements anormaux transmis ont nécessité une réaction afin d’ajuster la thérapie. Dans une étude européenne incluant 35 centres surveillant par télécardiologie des porteurs de stimulateurs double chambre, l’anomalie la plus fréquemment rapportée par le système parmi les événements présélectionnés pour notification au centre de suivi a été la survenue d’accès prolongés de FA, dépassant 18 h sur les dernières 24 h et motivant, si ce n’était pas déjà fait, l’instauration d’un traitement préventif des complications thromboemboliques.   Tester le DAI à l’implantation   Deux registres montrent que les classiques tests de défibrillation ne sont pas systématiquement effectués lors de l’implantation d’un défibrillateur. Les données de 36 centres français révèlent que cela touche 11,3 % des implantations, concernant surtout la pose des défibrillateurs triple chambre, chez des patients dont l’état hémodynamique est altéré et recevant alors plus volontiers des appareils à haute énergie. Un registre italien de 7 857 patients rapporte un taux encore plus haut, 30 % des patients n’ayant pas de test de défibrillation, plus particulièrement en cas d’implantations de systèmes triple chambre mais aussi pour des indications d’implantation en prévention primaire de la mort subite.   DAI et environnement : attention aux interférences   Des aimants en néodymium ayant fait leur apparition dans des jouets, des bijoux ou même certains vêtements. Ils peuvent interférer avec des stimulateurs (passage en mode aimant, asynchrone) ou des défibrillateurs (inhibition des thérapies anti-tachycardiques) et une distance de sécurité de 3 à 24 cm selon la puissance de l’aimant est recommandée pour éviter tout risque. Plus surprenant, l’application expérimentale d’Ipods audio ou vidéo durant 5 à 10 secondes au dessus d’un stimulateur cardiaque a été à l’origine de 44 % d’événements interférentiels (sur-détection, inhibition, interférence télémétrique), en unipolaire et en bipolaire. Bien qu’asymptomatiques, ces anomalies incitent à prodiguer des conseils de prudence (distance de sécurité) aux patients mélomanes utilisant des Ipods et peut-être d’autres types de lecteurs MP3.

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

Vidéo sur le même thème