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Coronaires

Publié le 04 sep 2007Lecture 8 min

Diabète : chez quels patients dépister une ischémie silencieuse ?

G. VANZETTO, Pôle Cardiovasculaire et Thoracique, CHU de Grenoble


Le Printemps de la cardiologie
Depuis longtemps reconnu comme un facteur de risque majeur, le diabète est désormais considéré comme une authentique affection cardiovasculaire, en raison de la fréquence et de la gravité de ses complications cliniques artérielles, cardiaques, cérébrales ou périphériques. La part croissante de la population diabétique — dont le pronostic vital est dominé par les complications coronaires — et les spécificités de la coronaropathie diabétique, à savoir son caractère souvent asymptomatique, placent la problématique de la détection de l’ischémie myocardique silencieuse (IMS) au centre d’un débat qui n’est pas encore tranché.

En effet, les progrès de la thérapeutique médicale et de la revascularisation de la maladie coronaire amènent naturellement à considérer le dépistage précoce et le traitement de l’IMS comme un moyen de réduire la morbidité et la mortalité cardiaques des patients diabétiques. Cependant, le bénéfice pronostique d’une telle stratégie de dépistage chez le diabétique asymptomatique n’a, à ce jour, fait l’objet d’aucune large étude prospective et n’est donc pas démontré. Enfin, une simulation médico-économique récente suggère qu’un traitement pharmacologique optimal des facteurs de risque cardiovasculaires dans l’ensemble de la population diabétique serait plus efficace et moins onéreux qu’une stratégie de dépistage et de traitement cible sur une population à plus haut risque. Ces conclusions sont toutefois tout à fait critiquables car cette projection théorique ne prend pas en compte la faisabilité d’un tel traitement de masse, et n’intègre que les coûts de prise en charge initiale et non ceux des complications à venir, dont on sait qu’ils constituent la majorité des dépenses de santé… C’est dans ces domaines diagnostique et thérapeutique fortement débattus, et en l’absence de preuves scientifiques solides, que le groupe de travail mixte SFC-ALFEDIAM a tenté d’apporter des réponses consensuelles aux questions qui commandent la recherche d’une éventuelle ischémie myocardique chez un diabétique asymptomatique (figure 1). Figure 1. Valeur pronostique des marqueurs de risque biocliniques SFC/ALFEDIAM. Rationnel du dépistage de l’IMS dans la population diabétique Si la population diabétique est exposée à un risque cardiovasculaire accru (environ le double de celui de la population non diabétique), tout diabétique asymptomatique n’a cependant pas d’IMS, et encore moins de coronaropathie à haut risque myocardique susceptible de bénéficier d’une revascularisation. Un dépistage large et systématique de l’IMS dans une population à prévalence de coronaropathie relativement basse serait en conséquence peu efficace et pratiquement peu réalisable, conduirait à un taux élevé de faux positifs, et serait inutilement dispendieux. Ce dépistage doit donc être mis en œuvre auprès de sujets sélectionnés à haut risque cardiovasculaire, dont la probabilité d’avoir une IMS ou un événement cardiaque majeur est particulièrement élevée. L’objectif est ainsi d’identifier les sujets dont le risque cardiovasculaire pourrait être compensé par un bénéfice thérapeutique au moins égal, grâce à des mesures préventives et curatives appropriées. Cette relation risque/bénéfice n’ayant pas encore été établie, cette sélection reste toutefois empirique.   Les marqueurs de risque CV dans le diabète   L’âge > 60 ans peut être considéré comme marqueur de risque dans la mesure où il correspond à la moyenne d’âge des patients inclus, en raison d’un risque vasculaire élevé, dans les essais thérapeutiques comme HPS ou ASCOT. De plus, au-delà de 60 ans, la prévalence de l’IMS est élevée et peut être observée dans plus de 25 % des cas dans certaines études. Enfin, la valeur prédictive d’une IMS pour la survenue d’un événement cardiaque majeur est bien plus forte au-delà de 60 ans (33 contre 13 % avant 60 ans). Le sexe en revanche ne doit pas intervenir comme facteur de sélection, car le diabète expose la femme à un risque CV proche de celui de l’homme. L’ancienneté du diabète (facteur évidemment sous-estimé car le diagnostic et la prise en charge thérapeutique du diabète de type 2 sont postérieurs à l’installation du désordre glycémique), est également un déterminant important du pronostic. En cas de diabète connu depuis plus de 10 ans, le risque relatif de décès de nature coronaire est au moins trois fois plus élevé que chez les sujets non diabétiques d’âge comparable (figure 2). Figure 2. Ancienneté du diabète et risque d’événements cardiaques. La sommation des facteurs de risque conventionnels potentialise le risque lié au diabète, et il est reconnu que le tabagisme, l’HTA et la dyslipidémie contribuent au moins autant que le désordre glycémique à accélérer le développement de l’athérosclérose. L’étude MRFIT (Multiple Risk Factor Intervention Trial) a montré que l’incidence des décès cardiovasculaires progressait de 20/10 000/an chez les diabétiques sans facteur de risque associé à plus de 80/10 000/an chez les diabétiques ayant au moins deux autres facteurs de risque (figure 3). Bien que ne figurant pas dans la liste des facteurs identifiés dans les larges séries épidémiologiques initiales, la survenue d’un accident cardiovasculaire majeur avant l’âge de 60 ans dans la parenté au premier degré doit également être considérée comme un facteur de risque associé. Figure 3. Facteurs de risque classique et mortalité dans la population diabétique. Considérant que, dans ce contexte, la probabilité d’un test de dépistage positif doit être élevée, une recherche d’IMS doit en conséquence être proposée aux patients diabétiques de type 2 asymptomatiques âgés > 60 ans, ou atteints d’un diabète depuis au moins 10 ans, et présentant au moins deux autres facteurs de risque associés. À titre indicatif, ces critères de sélection permettent d’identifier (selon les équations de Framingham) des sujets dont le risque d’événements coronaires à 10 ans est ≥ 30 % chez l’homme et ≥ 24 % chez la femme, soit 2,3 fois supérieur à celui des diabétiques sans autre facteur de risque. L’existence d’une atteinte vasculaire périphérique, clinique ou infraclinique, constitue un puissant facteur de mauvais pronostic chez le diabétique asymptomatique (figure 4). Dans cette situation, la mortalité est de nature cardiaque dans la majorité des cas, et la prévalence de l’IMS scintigraphique peut être > 50 %. À 6 ans, le risque relatif de décès, d’événements coronaires majeurs et d’IDM est respectivement de 1,5, 1,99 et 1,93 chez le diabétique asymptomatique avec atteinte vasculaire périphérique comparé au patient diabétique du même âge sans atteinte vasculaire périphérique, soit un risque relatif de 3 à 6 par rapport à la population non diabétique. Dans une étude française, le taux de décès et d’accidents coronaires est respectivement de 23 et 57 % chez des patients diabétiques et non diabétiques, souffrant d’une artériopathie des membres inférieurs et ayant une IMS. Figure 4. Atteinte vasculaire périphérique et mortalité dans la population diabétique. Ainsi, quels que soient l’âge et l’ancienneté du diabète, la recherche d’une IMS est recommandée chez le diabétique de type 2 asymptomatique avec atteinte des gros troncs artériels extracardiaques attestée par la perte d’au moins deux pouls au niveau des membres inférieurs ou par la présence d’un souffle vasculaire correspondant à une sténose échographique ≥ 30 %. Enfin, observée chez environ 25 % des diabétiques, la microalbuminurie est également un facteur associé à un mauvais pronostic, qui contribue à doubler le risque de décès précoce. Sa signification pronostique est identique à celle d’un risque de 30 % à 10 ans mesuré à partir de l’échelle de la Framingham Study. L’association d’une IMS et d’une micro-albuminurie est particulièrement péjorative avec, dans cette situation, un taux d’événements cardiovasculaires majeurs de 60 % à 5 ans (figure 5). De la microalbuminurie parfois intermittente jusqu’à la protéinurie, la sévérité de la néphropathie diabétique et sa signification pronostique sont éminemment variables. Ainsi, quels que soient l’âge et l’ancienneté du diabète, la recherche d’une IMS est recommandée chez tout patient diabétique de type 2 présentant une protéinurie et chez les patients diabétiques de type 2 associant une microalbuminurie (entre 30 et 300 mg/24 h ou entre 20 et 200 mg/l) observée à deux reprises et présentant deux ou plus facteurs de risques traditionnels. Figure 5. Microangiopathie et mortalité cardiaque dans la population diabétique. En l’absence de solides preuves associant IMS et rétinopathie, les altérations rétiniennes seules ne sont pas retenues comme un élément déterminant dans la stratégie de dépistage. D’autres facteurs de risque cardiovasculaire ont été également décrits. Cependant, il n’existe pas, à ce jour, d’arguments suffisamment solides pour les prendre en compte dans la stratification à large échelle du risque. En effet, les marqueurs de l’inflammation (fibrinogène et CRP ultrasensible), le contrôle de la glycémie par le dosage de l’HbA1c, l’homocystéinémie sont encore des paramètres biologiques insuffisamment exploitables pour être intégrés dans le cadre d’une évaluation ponctuelle annuelle du risque chez un sujet diabétique asymptomatique. Les anomalies fonctionnelles ou morphologiques, telles que l’accélération de la vitesse d’onde de pouls, l’exagération de l’épaisseur intima-média, l’HVG, la neuropathie autonome cardiaque et les calcifications coronaires, ont une réelle valeur prédictive et sont de forts marqueurs de la diffusion de l’athérosclérose. Elles sont associées aux facteurs de risque confirmés et découvertes le plus souvent chez des patients ayant déjà une atteinte artérielle cliniquement patente. Requiérant la réalisation d’examens complémentaires plus ou moins complexes, ces facteurs ne sauraient participer à une première étape de stratification bioclinique simple et accessible à large échelle.   Comment dépister l’IMS ?   Chez les patients ainsi sélectionnés, l’épreuve d’effort constitue l’examen de dépistage de première intention chez les patients à ECG de repos normal et aptes à réaliser un effort maximal. Une épreuve d’effort maximale négative correspond, en effet, à un bon pronostic à 2 ans. Une scintigraphie de perfusion ou une échocardiographie de stress seront proposées en première intention chez les patients avec ECG de repos anormal ou inaptes à l’effort et, en seconde intention, lorsque l’épreuve d’effort conventionnelle est faiblement positive, douteuse, ou sous-maximale de durée < 440 secondes. Si, au contraire, le bilan clinique initial révèle que le patient ne relève pas d’une recherche d’IMS, il doit faire l’objet d’une réévaluation pronostique annuelle à la recherche d’éventuels nouveaux facteurs de risque aggravants, et afin de dépister l’installation insidieuse et récente d’une atteinte artérielle périphérique, d’une atteinte rénale et/ou d’une anomalie ECG. Dans tous les cas, la prise en charge des facteurs de risque associés doit rester une priorité chez les patients diabétiques, associant la lutte contre la sédentarité et le surpoids, le sevrage tabagique, ainsi que le respect des mesures hygiéno-diététiques et pharmacologiques nécessaires pour maintenir les paramètres du bilan lipidique et les chiffres tensionnels dans les valeurs recommandées.   Ce qu’il faut retenir   L’IMS, lorsqu’elle est associée à d’autres marqueurs de risque, expose le patient diabétique asymptomatique à un risque élevé d’événements cardiovasculaires. Il paraît donc logique que la détection et le traitement de l’IMS permettent de réduire la morbi-mortalité cardiaque de la population diabétique asymptomatique. La démonstration du bénéfice d’une telle stratégie n’a toutefois pas encore été apportée par de larges séries prospectives. La recherche d’une IMS ne doit s’appliquer qu’à une population diabétique de type 2 à risque particulièrement élevé, sélectionnée sur des critères cliniques et biologiques facilement accessibles : - patients > 60 ans, ou atteints d’un diabète depuis au moins 10 ans, et présentant au moins deux autres facteurs de risque ; - patients présentant une artériopathie périphérique ou carotidienne clinique ou infraclinique ; - patients protéinuriques ; - patients associant une microalbuminurie et deux ou plus facteurs de risques traditionnels. L’auteur n’a pas déclaré de conflit d’intérêt.

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