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Vasculaire

Publié le 11 nov 2008Lecture 9 min

AOMI : à qui proposer une revascularisation ?

E. DUCASSE, M. LAFITTE, T. COUFFINHAL et D. MIDY, Hôpital Tripode-Pellegrin, CHU de Bordeaux

Actuellement, les défis vasculaires au regard de l’épidémiologie croissante des AOMI sont la prise en charge ciblée des claudications, la prise en charge générale de ces patients et la prise en charge des lésions distales d’ischémie critique chronique (ICC) par techniques endovasculaires, dont la fréquence est en forte hausse en repoussant les indications de revascularisation à la faisabilité technique avec des résultats cliniques probants.

  Les facteurs de risque d’athérosclérose et l’atteinte artérielle périphérique sont une réalité sociale et ont une réelle incidence de santé publique, maintenant bien appréciée et reconnue dans la population générale et les services sanitaires de santé publique. Par extension, l’artériopathie prédominant aux membres inférieurs est une pathologie fréquente dans la population. Son stade avancé, c’est-à-dire ayant une clinique symptomatique représente 1,5 à 5 % de la population globale avec une prédominance masculine de 4/1 entre 50 et 70 ans. Le sex-ratio diminue avec l’âge puis présente ensuite un équilibre au-delà de 80 ans. Cette atteinte artérielle distale est actuellement reconnue comme étant à l’origine de 2 à 3 % des décès globaux. Dans le cadre de la prise en charge de ces lésions de membres inférieurs, la revascularisation distale correspond à une part importante ou non négligeable de l’activité en chirurgie vasculaire. Ainsi, selon Watelet (Watelet AERCV in Kieffer E (ed) 1992), les deux tiers des reconstructions artérielles sont effectuées à l’étage sous-inguinal contre un tiers à l’étage aorto-iliaque. Une étude (European Consensus EJVES 1992) menée au sein de la Communauté économique européenne auprès de 6 pays membres a évalué le nombre de restaurations artérielles à 360 par million d’habitants. Ce chiffre rapporté à l’échelon national français permet d’évaluer à 20 000 les interventions artérielles restauratrices par an, dont environ 13 500 réalisées à l’étage sous-inguinal avec une proportion de un à deux tiers de ces gestes portant sur une artère du réseau jambier.   L’AOMI est un contexte différent de l’ICC   Notion d’ischémie critique chronique Dans le cadre de l’AOMI, la claudication intermittente ne sera pas nécessairement traitée car elle entre dans un cadre spécifique de prise en charge avec maîtrise des facteurs de risque vasculaire, rééducation du patient à la marche et éventuel rétablissement vasculaire. L’artériopathie grave des membres inférieurs est classiquement évaluée par la classification de Leriche et Fontaine où les stades III et IV sont de gravité majeure avec une insuffisance circulatoire au repos et permanente avec des lésions microcirculatoires spontanément irréversibles mettant le membre en péril d’amputation. L’objectif de la revascularisation chirurgicale est donc de sauver le membre. Le terme de sauvetage de membre a fréquemment été utilisé sans qu’il soit certain que le membre en question était réellement menacé. Ce terme implique la notion de menace de vitalité de membre. La notion d’ischémie critique chronique (ICC) répondant à cette situation a été adoptée. Le terme d’ischémie critique chronique répond à une définition préétablie en 1981 et adoptée en 1986 (SVS/North American Chapter, ISCVS JVS 1986) à Londres par la Society for Vascular Surgery et l’International Society for CardioVascular Surgery (SVS/ISCVS) anglo-saxonne et révisée et stadifiée en 1997 par Rutherford. Cependant, nous rapporterons et nous nous référerons à la définition d’ischémie critique chronique adoptée lors de la seconde conférence de consensus européenne en 1991. Une ischémie critique chronique est ainsi définie par : - une artériopathie des mem-bres inférieurs avec des douleurs ischémiques de décubitus impliquant l’usage de moyens antalgiques, évoluant depuis plus de 2 semaines et/ou une ulcération ou gangrène du pied ou des orteils et une pression systolique < 50 mmHg à la cheville ou < 30 mmHg à l’orteil ; - avec comme annexes une TCPO2 en décubitus < 10 mmHg sous oxygène, des altérations majeures en capillaroscopie et des flux laser-Doppler abolis. Il s’agit de stades III et IV de la classification de Leriche et Fontaine validés.   L’AOMI est relativement stable, les lésions associées sont menaçantes En évaluant les patients présentant une AOMI, le pronostic fonctionnel n’est pas intrinsèquement lié aux lésions vasculaires des membres inférieurs. Ainsi, en évaluant le pronostic fonctionnel à 5 ans, seul 25 % des patients subissent une dégradation et seulement 10 à 15 % des patients évoluent vers une ICC menaçant le membre et le pronostic vital. Ce caractère évolutif est fonction des lésions associées. Ainsi, 6 à 14 % des patients avec une AOMI présentent un anévrysme de l’aorte abdominale et une prévalence de complication, notamment fissuraire, plus élevée que celle de la population générale. Les lésions associées des artères rénales sont également retrouvées avec une prévalence supérieure de 30 % à celle de la population générale. Outre ces lésions vasculaires plus souvent associées, l’étude CAPRIE (Lancet 1996) nous a parfaitement renseigné sur les lésions coronaires et cérébrales associées. Ainsi, plus de 50 % des patients avec une AOMI présentent des lésions associées en corrélation avec la sévérité de l’AOMI : 40 % des patients claudicants présentent un angor et 90 % des AOMI ont des lésions coronaires en investigation angiographique systématique, dont 28 % sont des lésions tritronculaires. Les lésions cérébrales associées sont significatives pour 15 à 30 % des patients présentant une AOMI. Ce pourcentage augmente à 45 % de lésions des troncs supra-aortiques pour les patients présentant une AOMI avec un IPS < 0,7. En règle générale, les patients présentant une AOMI nécessitent assurément davantage une prise en charge diagnostique et préventive globale qu’une prise en charge de la symptomatologie de l’AOMI.   Insuffisance de prise en charge générale Le paradoxe de cette notion est la constatation d’insuffisance de prise en charge globale des lésions associées et des facteurs de risque chez les patients présentant une AOMI. Ainsi, l’étude ATTEST a démontré que seul 64,2 % des AOMI ont bénéficié d’un bilan glycémique, 76,7 % d’un bilan lipidique et, d’un point de vue thérapeutique, 28,4 % des AOMI se sont vu proposer une aide à la marche et 7 % une aide au sevrage tabagique. En outre, en termes de charge médicamenteuse, l’AOMI figure toujours comme le parent pauvre face à l’insuffisance coronaire. Ainsi, l’étude SMART study a retrouvé 69 % d’insuffisants coronaires sous antiagrégants plaquettaire versus 37 % seulement des AOMI. Également, 82 % des coronariens sont sous antihypertenseur, versus 40 % d’AOMI et 57 % sous hypocholestérolémiant versus 25 %. Le chemin de la prise en charge des facteurs de risque et des facteurs étiologiques de l’AOMI est encore long en comparaison avec la prise en charge standardisée des patients insuffisants coronaires. L’enseignement majeur est le bilan général et la maîtrise des facteurs de risque avant d’envisager toute tentative de revascularisation pour AOMI à caractère de claudication sans menace de perte de membre à court terme.   ICC à caractère très péjoratif Dans la population générale, 5 % des hommes âgés de plus de 50 ans présentent une AOMI symptomatique. Parmi ces patients, 85 % ont une claudication d’effort et 15 % une ICC. L’évolution naturelle de la claudication intermittente s’effectue vers une ICC pour 15 à 20 % des cas en 5 années. La menace de l’ICC est la perte du membre à court ou moyen terme. L’incidence dans la population générale est évaluée à près de 1 000 amputations pour ICC par million de personnes et par an. Ces chiffres bruts sont retrouvés dans une enquête prospective réalisée par la Société de chirurgie vasculaire de Grande-Bretagne et d’Irlande chez des patients présentant une ischémie critique chronique avec un taux réel d’amputation de 21,5 % à 4 ans. L’objectif fondamental de la prise en charge d’un patient présentant une ICC est le sauvetage de membre lorsqu’il est possible ainsi que la préservation de la qualité de vie qui en découle. L’éventail des traitements est alors varié : - le traitement conservateur chez les patients opposés ou récusés en sachant que si la présence d’une ischémie critique chronique ne conduit pas inévitablement à une amputation, en l’absence de traitement, 50 % des membres considérés sont amputés en seulement 1 an selon Lepäntalo ; - la chirurgie artérielle reconstructrice ou endovasculaire dont nous aborderons les différents aspects ; - l’amputation majeure en cas d’impossibilité de sauvetage de membre. Les progrès réalisés au cours de ces dernières années dans la revascularisation distale ont amélioré les taux de sauvetage de membres, ce qui semble en faveur d’interventions longues et techniquement difficiles. Pourtant, certaines équipes chirurgicales sont sceptiques quant à la revascularisation distale, notamment en l’absence de matériel veineux (préférant l’amputation de membre d’emblée).   Contre les pontages distaux Les opposants aux pontages distaux pour sauvetage de membre avancent plusieurs arguments : - l’espérance de vie moindre de ces patients en ischémie critique chronique avec une moyenne d’âge souvent élevée et l’association fréquente à des lésions coronariennes et aux vaisseaux à destinée cérébrale ; - l’augmentation de la mortalité et de la morbidité associées aux hospitalisations prolongées et aux interventions souvent longues et parfois répétées ; - le coût supposé majeur lié à l’emploi de matériel prothétique pour la revascularisation et à la durée d’hospitalisation ainsi que la nécessité d’implication rigoureuse et souvent obstinée ; - l’augmentation du risque d’amputation haute. La revascularisation, en sacrifiant des réseaux de collatéralité, risque (lors de thrombose) d’entraîner une amputation haute, perdant un niveau d’amputation et donc une autonomie résiduelle.   Reconstruction vasculaire ou amputation La chirurgie de reconstruction vasculaire, volontiers longue et fréquemment répétée chez ces patients présentant des comorbidités médicales (lésions polyvasculaires) et d’âge moyen élevé, présente, en comparaison avec l’amputation primaire, une mortalité moindre, un espoir de vie et une qualité de vie supérieure. En 1974 déjà, Harris retrouvait un taux de 50 % de décès dans les 6 mois postopératoires après amputation de cuisse. Si, en 1999, la série de Virgilio sur 214 amputations (avec une étude précise des risques de comorbidité selon les critères de Eagle) observe un taux de décès postopératoire précoce de 8,9 %, la série de Fleischer sur 154 amputations sous-gonales, retrouve un taux de mortalité postopératoire de 31,8 %. La mortalité après amputation présente à court, moyen et a fortiori à long terme un taux effroyablement élevé. Ainsi, l’analyse de Frykberg retrouve après amputation de membre une médiane de survie de seulement 19 mois pour les patients diabétiques et de 49 mois pour les non-diabétiques. En outre, l’analyse de Dawson permet d’objectiver chez ces patients amputés un risque de bilatéralisation de 10 % par an. Ces chiffres accablants de mortalité après amputation doivent être comparés à ceux obtenus après revascularisation : la large série de Pomposelli est intéressante puisqu’elle porte sur 262 revascularisations de membre pour ischémie critique chronique et, surtout, la cohorte analysée est composée de patients d’âge supérieur à 80 ans. Le taux de mortalité postopératoire est de 2,3 % et la survie à 5 ans est de 44 %. Des chiffres nettement inférieurs à ceux observés après amputation, toutes séries et tous âges confondus.   Apport de l’angioplastie Depuis les années 1992-1993, les techniques endovasculaires ont révolutionné la prise en charge des ICC les plus distales. Les premiers résultats encourageants de dilatations d’artères jambières furent publiés en 1988 par Schwarten et Cutcliff à propos de 146 angioplasties chez 98 patients, avec un succès technique de 97 % et un taux de sauvetage de membre de 83 % à 2 ans. Certaines équipes étaient par contre plus réservées sur les résultats en raison de contraintes techniques dues au matériel utilisé pour les angioplasties iliaques et fémorales, pas assez adapté aux petites artères avec du matériel coronaire non disponible pour les artères périphériques. Actuellement, et depuis presque 10 ans, la revascularisation des artères de jambe a prouvé son efficacité dans le sauvetage de membre pour ICC. Les récentes évolutions ont permis aux techniques d’angioplastie de jouer un rôle essentiel dans la prise en charge de l’ischémie critique chronique et de trouver une place à côté de la chirurgie conventionnelle. Actuellement, la conférence de consensus TASC II recommande l’angioplastie des artères jambières dans l’ICC en technique initiale, et elle joue également un rôle dans le traitement des échecs des pontages fémoro-poplités ou en complément de ceux-ci afin d’améliorer le lit d’aval jambier. Ainsi, certains auteurs comme T. Kudo, en analysant leur activité endovasculaire, retrouvent 8 fois plus de patients traités par endovasculaire entre 1993 et 2004 alors que l’activité chirurgicale n’a diminué que de 50 %. L’usage des techniques endovasculaires permet avec des résultats cliniques probants d’augmenter la faisabilité de revascularisation pour une morbidité moindre.   En pratique Actuellement, lors d’ICC avec menace de perte de membre, conformément au TASC II, nous recommandons la revascularisation agressive avant tout bilan général et avant la maîtrise des facteurs de risque avec une approche endovasculaire et du matériel maintenant dédié à cette localisation périphérique.

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