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Congrès et symposiums

Publié le 08 jan 2013Lecture 8 min

Quand proposer une occlusion de l’auricule gauche ?

J. MANSOURATI, Département de cardiologie, CHRU de Brest


ELECTRA
La fibrillation atriale (FA) est une cause fréquente d’accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique (15 à 20 % des FA non rhumatismales), en particulier chez le sujet âgé. Le traitement anticoagulant réduit significativement l’incidence de cette complication chez les sujets à haut risque. Différents traitements anticoagulants sont ou seront prochainement à notre disposition dans cette indication. Toutefois, les anticoagulants ont comme principal inconvénient le risque hémorragique nécessitant une surveillance régulière et, dans le cas des anti-vitamines K (AVK), des ajustements fréquents de doses en fonction du taux d’INR et des interactions médicamenteuses.  

Une large proportion de patients ne reçoit pas ce traitement en raison de contre-indications relatives ou absolues. Avec les nouveaux anticoagulants, même en l’absence d’adaptation posologique, le risque hémorragique persiste et ces traitements ont également leurs contre-indications. Les différentes études évaluant les nouveaux anticoagulants (RE-LY avec le dabigatran, ROCKET- AF avec le rivaroxaban et ARISTOTLE avec l’apixaban) ont même montré que 10 à 27 % des patients interrompent leur traitement pour des raisons diverses, malgré un score de risque embolique élevé (que les patients soient dans le bras du médicament à l’étude ou dans le bras AVK).   Base physiopathologique    L’auricule gauche est probablement la source de la majorité des AVC emboliques chez les patients en FA car un thrombus y est retrouvé dans 90 % des cas lorsqu’une échographie transœsophagienne est réalisée. C’est la raison pour laquelle l’occlusion de l’auricule gauche représente une alternative potentielle au traitement anticoagulant lorsque ce dernier ne peut être prescrit.   L’occlusion de l’auricule a déjà été proposée et utilisée chirurgicalement chez les patients subissant une procédure de remplacement valvulaire par exemple. Toutefois, les approches chirurgicales de ligature de l’auricule gauche par sutures ou par agrafes n’ont pas fait la preuve d’une fermeture constante. De plus, il est difficile de proposer une intervention chirurgicale uniquement dans ce but. Après une première expérience clinique rapportée par Sievert et coll. en 2002 dans Circulation, l’occlusion de l’auricule gauche par voie endocavitaire s’est développée et semble effectivement devenir une alternative possible aux anticoagulants. Cette procédure nécessite toutefois un abord transseptal de l’oreillette gauche après accès par voie veineuse à l’oreillette droite et peut être à l’origine de complications peropératoires (hémopéricarde, AVC, embolisation du matériel). Le taux de complications se réduit avec l’expérience de l’opérateur.    Dans les dernières recommandations européennes 2012 sur la prise en charge de la FA, la place de cette technique a été mise à jour suite à la publication de registres et d’une étude randomisée. Cette alternative thérapeutique est classée IIb avec un niveau de preuves B chez les patients à haut risque embolique ayant une contre-indication au traitement anticoagulant (tableau). Des preuves supplémentaires sont donc nécessaires pour une place plus reconnue dans la prise en charge du risque embolique chez le patient en FA.   Les preuves    Le premier dispositif d’occlusion de l’auricule gauche évalué était le dispositif PLATOO (ev3 Endovascular, Plymouth, MN, USA). Malgré une diminution du taux annuel d’AVC à 2,2 % après implantation de ce dispositif contre 6,3 % attendus en fonction du risque estimé, son développement a été interrompu en raison de complications fréquentes survenant pendant la procédure d’implantation dans 6 % des cas : AVC, décès d’origine cardiaque ou neurologique, IDM ou nécessité de recours à la chirurgie(1).    Un autre dispositif dérivé de celui utilisé pour la fermeture des communications interauriculaires a été développé par St. Jude Medical. Il s’agit du dispositif Amplatzer Cardiac Plug (ACP) (St. Jude Medical, St. Paul, MN, USA) (figure 1). Son évaluation est limitée à des études observationnelles incluant au total jusqu’à 710 patients. Le taux de succès des implantations est de 97,6 % et le taux de complications majeures rapportées de la procédure de 3 % (principalement AVC, infarctus du myocarde, embolisation du matériel ou épanchement péricardique). Le taux de complications est dépendant de l’expérience du centre allant de 5,8 % initialement à 1,3 % dans les centres expérimentés. Le suivi à moyen terme (6 mois à 1 an) dans ces études observationnelles montre une nette diminution du taux annuel d’AVC (< 2 % pour un risque attendu > 5 % selon le score CHADS2).    Figure 1. Schéma du dispositif AMPLATZER Cardiac Plug (ACP) (St. Jude Medical, St. Paul, MN, USA) implanté au niveau de l’auricule gauche.      Un dernier dispositif, Watchman, a été développé par Atritech, Inc, Minneapolis, MN puis par Boston Scientific, Natick, MA, USA (figure 2). Ce dispositif a été évalué par la première et seule étude randomisée réalisée dans ce domaine à cette date contre la warfarine (étude PROTECT AF publiée dans The Lancet en 2009). L’étude a montré la non-infériorité de la procédure d’occlusion de l’auricule gauche par le dispositif Watchman (463 patients) comparativement à la warfarine (244 patients) dans la prévention des complications emboliques de la FA chez des patients dont le score de risque CHADS2 était de 1,8. Il faut noter que les patients recevant le dispositif Watchman avaient été également traités par warfarine pendant une période de 45 jours, puis par clopidogrel et aspirine entre le 45e et le 180e jour, puis par aspirine seule. La durée du suivi des patients a été en moyenne de 18 mois. Le principal critère de comparaison (critère combiné : AVC ischémiques, hémorragiques, embolies systémiques et mort inexpliquée/décès d’origine cardiovasculaire) était réduit de 38 % dans le bras Watchman en comparaison avec le bras warfarine. Le risque d’AVC était réduit de 29 % et la mortalité totale de 38 % dans le groupe d’étude. Les complications sont survenues essentiellement lors de la mise en place du dispositif pour le groupe d’étude. Le taux de succès d’implantation du dispositif Watchman dans cette étude était de 91,3 %, mais ce taux s’est amélioré à 95 % dans deux registres publiés plus récemment en 2011 (ASAP et CAP).    Figure 2. Schéma du dispositif Watchman (Boston Scientific, Natick, MA, USA) implanté au niveau de l’auricule gauche.        L’un des problèmes soulevés par ce dernier dispositif est la constatation d’une occlusion incomplète de l’auricule et la persistance d’un flux résiduel au niveau du site d’implantation chez 32 % des patients. Toutefois, quelle que soit la sévérité du flux résiduel, aucune augmentation significative du taux d’AVC n’a été constatée(2). Un autre problème est celui de la survenue de thrombose à la surface du dispositif et le risque embolique qui peut en découler(3). Cette complication a été retrouvée chez 20 des 478 patients implantés avec succès (4,2 %) dans l’étude PROTECT AF. Le thrombus était mobile dans 4 cas. Sur les 20 patients, 3 ont présenté un AVC ischémique dont un avait un thrombus mobile. Les autres patients sont restés asymptomatiques et dans certains cas le thrombus a été « endothélialisé ». Comparé au traitement par warfarine, la prévalence de cette complication reste faible mais explique l’importance du traitement anticoagulant puis antiagrégant après l’implantation du dispositif. Dans ces conditions, le problème des accidents hémorragiques liés au traitement antiagrégant ou anticoagulant reste entier.   Les indications    Dans les recommandations européennes 2012, les indications se limitent donc aux patients en FA avec un haut risque d’AVC et des contre-indications aux anticoagulants. Le niveau de recommandations est IIb. Le niveau de preuves n’est donc pas considéré comme suffisant pour une indication plus formelle.    Parmi les autres indications potentielles mais non encore reconnues, celle des patients non observants ou ceux qui rencontrent des difficultés à obtenir un INR stable sous AVK. La proportion de ces patients n’est pas négligeable et, au vu du résultat de l’étude PROTECT AF, l’occlusion de l’auricule pourrait être une alternative à considérer après évaluation.    L’évaluation de ces dispositifs doit donc se poursuivre pour répondre à plusieurs interrogations avant une utilisation plus large. Parmi les interrogations, celle du traitement anticoagulant et antiagrégant pour le moment recommandé après mise en place du dispositif Watchman qui risque de limiter son utilisation chez les patients ayant une contre-indication aux anticoagulants et antiagrégants. Parmi ces contre-indications il y a bien sûr le risque hémorragique. Que faire dans ce cas du traitement anticoagulant puis antiagrégant ? En outre, le dispositif ACP nécessite encore une évaluation plus précise que de simples registres. Les deux dispositifs Watchman et ACP sont-ils équivalents dans leur bénéfice et leurs complications ? Y a-t-il des indications d’un dispositif plutôt qu’un autre en fonction de la forme de l’auricule gauche ? Dans certains cas, la forme anatomique de l’auricule ne permet pas l’implantation du dispositif. Faut-il analyser la forme de l’auricule par scanner ou une autre imagerie avant de décider du type de dispositif ?   Conclusion    L’occlusion de l’auricule gauche par voie endocavitaire pour prévenir l’AVC chez le patient en FA est une technique récente qui a prouvé son efficacité à long terme au prix de quelques complications lors de l’implantation du dispositif. Ces complications dépendent de l’expérience du centre implanteur et tendent rapidement à diminuer. Les preuves d’efficacité sont plus nombreuses avec le dispositif Watchman. Toutefois, à long terme se posent les questions de l’occlusion incomplète de l’auricule, de la possibilité d’une thrombose à la surface du dispositif et de la nécessité d’un traitement anticoagulant puis antiagrégant pendant les 6 premiers mois avant de laisser l’aspirine seule selon le protocole thérapeutique actuel. L’évaluation de ces dispositifs doit donc se poursuivre pour bien définir leur place dans la prise en charge du patient en FA.  

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