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Cardiologie générale

Publié le 14 mai 2015Lecture 12 min

Réadaptation : comment définir le programme adapté à chaque patient ?

D. M. MARCADET, Clinique Turin, Paris

Les programmes de réadaptation cardiaque sont toujours personnalisés pour chaque patient. Rappelons que la réadaptation cardiaque consiste à utiliser les traitements non médicamenteux (exercice physique, lutte contre le stress, adaptation nutritionnelle, sevrage tabagique) et par l’optimisation du traitement médicamenteux institués lors de l’hospitalisation dans la structure aiguë (modification ou introduction principalement des bêtabloquants des inhibiteurs de l’enzyme de conversion ou des antihypertenseurs). Ce programme doit être adapté en fonction de la pathologie cardiaque (coronarien, valvulaire, insuffisant cardiaque, cardiopathie congénitale, artérite des membres inférieurs, porteurs de matériel implantable) des pathologies associées (diabète, insuffisance respiratoire, problèmes ostéo-articulaires, problèmes psychiatriques, etc.). On le voit, un bilan initial est absolument indispensable pour pouvoir prescrire l’activité physique et adapter l’éducation thérapeutique.

Bilan initial, stratification du risque(1) Dans tous les cas, il est indispensable de pratiquer un bilan initial pour évaluer le risque évolutif du patient et régler le programme de réadaptation. Le niveau de risque de chaque patient est classé selon trois groupes : bas, intermédiaire ou élevé. Lorsque le risque est bas ou intermédiaire, le programme de réadaptation est mis en route. Lorsqu’il est élevé, des mesures thérapeutiques sont d’abord nécessaires : renforcement du traitement médical, revascularisation percutanée ou chirurgicale, voire transplantation cardiaque. Les facteurs pronostiques, chez le coronarien, sont liés à la fonction ventriculaire, à l’extension des lésions coronaires et à une instabilité rythmique. Chez le valvulaire et dans l’insuffisance cardiaque, les facteurs pronostiques sont liés à la fonction ventriculaire, au potentiel rythmique et à la gestion du traitement médicamenteux (anticoagulants, diurétiques). Cette évaluation initiale dépend des données cliniques, des investigations fonctionnelles et de l’imagerie (tableau 1). Clinique L’examen clinique évalue par l’interrogatoire les signes fonctionnels et leur sévérité, l’état psychosocial, l’existence d’une addiction ou d’une dépression, l’existence de comorbidités, en particulier une pathologie pulmonaire. Les facteurs de risque sont notés, on évalue l’état ostéo-articulaire et musculaire et le niveau de connaissance par un diagnostic éducatif précis. L’examen physique recherche des signes d’insuffisance cardiaque, la présence d’un souffle, d’un épanchement pleural ou péricardique, d’une arythmie, d’une hypo- ou d’une hypertension artérielle. Il apprécie l’état des cicatrices et recherche l’existence d’un syndrome inflammatoire ou infectieux. Par exemple, chez le coronarien, les facteurs aggravant le pronostic sont respectivement et de manière indépendante ; l’âge (> 65 ans), le sexe (les femmes ont une mortalité plus importante), les antécédents d’infarctus du myocarde, le diabète, l’hypercholestérolémie et l’existence de signes cliniques d’insuffisance cardiaque à la phase aiguë. En revanche, l’existence d’un angor résiduel est un facteur aggravant controversé alors que l’arrêt du tabac diminue le risque de récidive. Le pronostic est moins bon lorsque la nécrose est antérieure.   Électrocardiogramme (ECG) de repos La durée du QRS, l’existence d’extrasystoles ventriculaires (ESV) et d’une fréquence cardiaque élevée au repos sont des facteurs pronostiques péjoratifs. Après infarctus du myocarde, on note l’étendue du susdécalage du segment ST, la déformation de la partie terminale du QRS et le sous-décalage transitoire ou permanent du segment ST. Le pronostic est meilleur lorsque les signes disparaissent après revascularisation. La mesure de l’angle entre l’axe de QRS et celui de l’onde T permet de classer les patients en faible risque (0°-50°) risque intermédiaire (50°-100°) et haut risque (100°-180°) d’événements cardiovasculaires.   Électrocardiogramme d’effort(2) Le test d’effort est utilisé pour évaluer le pronostic et connaître la capacité fonctionnelle afin d’adapter le réentraînement. Il permet aussi, chez certains patients, d’adapter les traitements, de dépister une complication et de porter l’indication d’autres examens complémentaires. Le test est de préférence sous-maximal lorsqu’il est effectué précocement (entre le 5e jour et la 2e semaine après l’infarctus, voire un mois en cas d’insuffisance cardiaque aiguë), et limité par les symptômes, avec un très faible taux de complications, si les contre-indications ont été respectées. Il est préférable de réaliser l’épreuve d’effort sous traitement. En postopératoire, en l’absence d’étude spécifique, il faut tenir compte de la fatigue générale liée à la proximité de l’intervention, des douleurs et de l’hémoglobinémie, l’existence d’un épanchement péricardique. Les troubles de la repolarisation sont non spécifiques et difficilement interprétables dans ce contexte.   Capacité fonctionnelle La capacité fonctionnelle est le meilleur facteur pronostique. Influencée par la fonction ventriculaire, elle est conditionnée par le nombre de troncs coronaires atteints, mais aussi par l’âge, la condition physique, les comorbidités et les antécédents psychologiques comme la dépression. Elle est exprimée par la durée de l’effort, les Mets, le travail maximal, le double produit et la durée de l’exercice ou la consommation d’oxygène quand l’épreuve a été couplée à une mesure des échanges gazeux. Comme il est dit plus haut, la mortalité toutes causes confondues est deux fois plus élevée chez les sujets dont la capacité d’effort est inférieure à 5 Mets par rapport à ceux qui dépassent les 8 Mets(3). L’utilisation de la mesure des gaz expirés (ou test cardio-pulmonaire) est très utile ici pour évaluer les patients, notamment les insuffisants cardiaques. À partir de cette mesure couplée à l’ECG, on obtient une série de paramètres permettant d’explorer les systèmes cardiovasculaire, respiratoire et musculaire. Par exemple, les principaux paramètres pour le pronostic dans l’insuffisance cardiaque sont le pic de VO2 (consommation maximale d’O2), la VO2 au seuil ventilatoire, la pente VE/VCO2, la réserve aérobie (VO2 au pic – VO2 au seuil), l’OUES (oxygen uptake efficiency slope) paramètre de la relation VO2 (L/min) = m (log10VE) + b, ou m = OUES, les oscillations de la ventilation, le Pet CO2 au repos, la puissance ventilatoire, la puissance circulatoire, l’insuffisance chronotrope, une fréquence cardiaque de récupération élevée. Cet examen permet aussi de déterminer l’entraînement physique des patients de la même manière que chez les sujets normaux ou les athlètes (tableau 2). Seuil ischémique Le seuil ischémique est en rapport avec la sévérité des lésions et leur extension. Il est marqué par un sous-décalage du segment ST, un sus-décalage du segment ST ou la survenue d’une crise d’angor. On tient compte du nombre de dérivations dans lesquelles survient le trouble de la repolarisation, de la pente du segment ST et de l’amplitude du sous-décalage, de la persistance des troubles en récupération et de leurs survenues précoces pendant l’exercice. De nombreux patients sont traités par bêtabloquants en post-infarctus, mais ceci ne modifie pas la valeur pronostique de l’examen(2).   Profil tensionnel et fréquentiel La chute ou la non-élévation de la pression artérielle à l’exercice est un facteur pronostique péjoratif traduisant l’altération de la fonction ventriculaire ou l’existence de lésions étendues et sévères des artères coronaires ou une obstruction à l’éjection du ventricule gauche. L’insuffisance chronotrope à l’effort et/ou une fréquence cardiaque de récupération trop élevée sont des marqueurs pronostiques même chez les patients qui présentent un ECG d’effort négatif. Lorsqu’ils existent, le taux d’événements cardiaques est significativement plus élevé. La fréquence cardiaque maximale atteinte pendant l’exercice musculaire dépend de plusieurs facteurs : l’âge, le sexe, le niveau d’entraînement, l’existence d’une cardiopathie, l’altitude, le type d’exercice, la température ambiante, le degré d’humidité, la méthode de mesure de la fréquence, l’intensité de l’effort maximal ou non. Une faible élévation de la fréquence cardiaque à l’effort caractérise l’insuffisance chronotrope. Elle peut être déterminée simplement par la fréquence cardiaque maximale enregistrée au cours de l’exercice lorsque celle-ci reste inférieure à 85 % de la fréquence maximale théorique (FMT). La réponse chronotrope à l’exercice s’exprime aussi comme la proportion de la réserve chronotrope (fréquence cardiaque maximale – fréquence cardiaque de repos) utilisée. Il y a insuffisance chronotrope lorsqu’elle est inférieure à 80 %. Elle a une forte valeur prédictive de mortalité, cependant limitée dans certains cas : chez les patients traités par bêtabloquants, un peu moins chez ceux traités par inhibiteurs calciques, en cas d’arythmie complète par fibrillation atriale et chez les fumeurs(2).   Scores L’utilisation des scores pour déterminer le pronostic chez les patients coronariens permet de classer simplement les patients en trois groupes : à risque faible, intermédiaire ou élevé. La plupart des scores intègrent aux données de l’exercice l’histoire clinique, la probabilité prétest et les résultats des nouveaux critères(2).   Les tests d’imagerie L’échocardiographie de repos est indispensable dans le bilan initial au même titre que le test d’effort. Elle évalue la fonction ventriculaire gauche systolique (une fraction d’éjection inférieure à 40 % est un élément de mauvais pronostic) et les pressions pulmonaires. Elle apprécie les résultats de la chirurgie et permet de dépister et juger de l’importance d’un épanchement péricardique. Elle permet de dépister une viabilité myocardique et de déceler une dysfonction ventriculaire gauche à l’effort. Elle a l’avantage de pouvoir être réalisée facilement et éventuellement répétée. La scintigraphie myocardique(1) a actuellement une valeur pronostique moindre qu’avant l’ère des thrombolytiques. Elle permet de déterminer l’étendue de l’infarctus et d’apprécier l’ischémie résiduelle et la viabilité myocardique. Elle est moins utilisée dans les centres de réadaptation de même que le scanner coronaire et l’imagerie par résonance magnétique.   Enregistrement ambulatoire de l’électrocardiogramme, variabilité sinusale, alternance des ondes T Il n’y a pas actuellement suffisamment de preuves pour proposer un enregistrement ambulatoire de l’ECG dans le but de rechercher une ischémie myocardique même si certains travaux ont montré qu’il existe effectivement une valeur pronostique dans ce cas-là. Il est en revanche parfaitement utile dans les cas où l’ECG d’effort ne peut pas être réalisé et pour diagnostiquer et évaluer une arythmie. La variabilité sinusale ou la sensibilité du baroréflexe peuvent déterminer une population à haut risque, mais elles sont rarement utilisées en routine. La recherche d’une microalternance des ondes T, d’un complexe à l’autre, a fait l’objet de publications récentes. La présence d’une alternance des ondes T est prédictive de tachycardie ventriculaire ou de fibrillation ventriculaire. La sensibilité et la spécificité sont équivalentes à celles de l’exploration endocavitaire(2).   Test de marche des 6 minutes Le test de marche des 6 minutes évalue l’adaptation des patients à des efforts sous-maximaux proches de la vie quotidienne. Il est bien adapté aux insuffisants cardiaques et sujets âgés (tableau 3). Prescription de l’exercice(1) La prescription de l’exercice physique est basée sur les résultats du bilan initial. Elle devra tenir compte, bien entendu, de l’état cardiovasculaire (existence d’un seuil ischémique par exemple), ou d’une arythmie non parfaitement contrôlée qui nécessitera un monitoring pendant les séances. Elle devra tenir compte aussi des comorbidités : chez le diabétique, en cas de déficit moteur ou neurologique, lorsqu’il existe une pathologie pulmonaire associée, et s’il existe des troubles psychiatriques par exemple. Différents types d’exercices peuvent être réalisés et sont complémentaires : exercices d’endurance et de résistance musculaire, exercices respiratoires, exercices de coordination et d’équilibre. Dans tous les cas, il faudra instituer une véritable éducation de l’exercice physique car certaines règles sont indispensables à suivre pour une bonne efficacité en toute sécurité de l’entraînement en endurance et en résistance.   Échauffement L’échauffement est la période de 5 à 10 minutes durant laquelle les muscles sont progressivement mis en mouvement et étirés au début de chaque séance. On s’adapte à ceux qui ont des problèmes neurologiques, articulaires ou orthopédiques. Pendant les étirements (entre 15 et 30 s) le patient doit évi ter toute manoeuvre de Valsalva. Le contrôle de la respiration est indispensable. Les mouvement s dynamiques concernent les grands groupes musculaires des membres et du dos. Le travail s’effectue pour l’échauffement entre 20 et 40 % de la capacité maximale.   Période de travail La période de travail effective a pour but d’augmenter la capacité physique, la force et l’endurance musculaires. Dans ce but, plusieurs éléments sont indispensables à considérer : la fréquence, l’intensité, le mode, la durée et enfin la progression de ce travail.   Fréquence Les séances doivent être régulièrement espacées avec un minimum de 3 par semaine. Si la capacité fonctionnelle du patient est très faible, des séances plus courtes mais plusieurs fois par jour sont bénéfiques. Le plus souvent, les séances ont lieu 5 fois par semaine.   Intensité L’intensité de l’exercice, déterminée au mieux par un test d’effort avec mesure des échanges gazeux, doit être située entre 50 et 85 % de la consommation d’oxygène maximale (VO2max). Les recommandations sont de travailler au minimum à 60 % de la VO2 max(1), c’est-à-dire au niveau du premier seuil ventilatoire déterminé par la mesure des échanges gazeux. On accorde une fourchette de 10 % autour de la valeur cible.   Mode d’exercice Les exercices de type endurance doivent être privilégiés mais la pratique d’une à deux séances hebdomadaires de musculation légère est possible à condition de respecter certaines règles ; c’est-à-dire l’utilisation de charges légères en réalisant les gestes dans leur amplitude maximale sans phase statique prolongée ni blocage respiratoire et en se limitant à 10 séries de 6 à 10 répétitions de mouvements sollicitant des groupes musculaires variés. Les séances sont panachées de résistance douce et endurance, gymnastique, étirements pour offrir une grande variété d’exercices facilitant l’observance. L’efficacité optimale sur les anomalies métaboliques réclame un exercice physique plus long (près de 60 minutes) et moins intense (40 à 50 % de la VO2 max) que ce qui est prescrit pour les améliorations cardiorespiratoires.   Progression Le taux de progression dans l’intensité, la durée et la fréquence des exercices dépend de plusieurs facteurs ; le niveau de la capacité physique, le passé sportif, l’âge, les préférences du patient et le but fixé lors de l’établissement du programme de réadaptation. Il est souvent préférable d’augmenter la durée et/ou l’intensité des séances de 10 à 30 % par semaine.   Période de récupération La récupération ne doit pas être négligée. Elle doit être active en continuant des exercices à une intensité beaucoup plus faible, pendant 3 à 10 minutes, pour éviter le risque d’hypotension ou d’arythmie et une meilleure élimination des lactates.   Autres types d’exercices L’entraînement des muscles respiratoires en endurance et en résistance a montré son efficacité non seulement en cas de pathologie respiratoire, mais aussi chez le sujet sain. Il s’agit le plus souvent d’inspirer contre une résistance réglable. Plusieurs types d’exercices comme la danse, le Pilate, le Qi Gong et le tai chi ont aussi démontré leur efficacité sur la respiration et l’équilibre du SNA. Les séances doivent être variées pour que chaque patient puisse trouver les exercices les mieux adaptés à sa morphologie et à ses goûts, gage d’une meilleure adhérence au programme et à la poursuite de ces activités après le retour au domicile.   Surveillance de l’exercice Le bilan initial a permis de répartir les patients en fonction du risque d’ischémie, d’arythmie ou d’insuffisance cardiaque. Une éducation sur les symptômes éventuellement ressentis à l’effort, sur la prise du pouls ou de la pression artérielle ainsi que sur le niveau d’essoufflement est nécessaire pour que le patient gère ses efforts en toute sécurité. Il est parfois nécessaire de suivre les séances avec un monitoring de l’ECG. L’autre volet de la surveillance est celui de l’intensité des exercices. On se base soit sur la puissance déterminée lors du bilan initial, soit sur la fréquence cardiaque. La surveillance de la fréquence cardiaque peut être parfois mise en défaut chez certains patients sous traitement bêtabloquant où une faible modification de la fréquence peut correspondre à une forte variation de puissance. On s’aide alors des symptômes ressentis par le patient (dyspnée modérée permettant un débit de parole normal, utilisation de l’échelle de Borg).   Éducation thérapeutique du patient (ETP)(1) L’équipe pluridisciplinaire doit être formée à l’ETP et spécialisée sur les maladies cardiovasculaires. Le programme commence par un diagnostic éducatif ou bilan éducatif, le patient voit en entretien individuel un ou plusieurs membres de l’équipe. Ce bilan permet de déterminer les attentes du patient, ses représentations, ses connaissances de la maladie et du traitement, le contexte psychosocial. À l’issue de ce diagnostic éducatif, il faut mettre en adéquation les objectifs du patient et ceux du soignant. Les compétences portent sur le savoir (les connaissances), le savoir-faire (gestes, surveillance), le savoir-être (réactions adaptées à la situation). Les thèmes à aborder sont résumés dans le tableau 4.

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