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Coronaires

Publié le 14 nov 2014Lecture 6 min

Quelle durée de double traitement antiplaquettaire après un syndrome coronarien aigu ?

F. SCHIELE, CHU de Besançon, UE 3170, Université de Franche-Comté

Le double traitement antiplaquettaire (DAPT), association d’aspirine faible dose et d’un inhibiteur des récepteurs plaquettaires P2Y12 (clopidogrel ou, dans certaines situations de syndrome coronarien aigu, prasugrel ou ticagrelor), fait partie de notre arsenal thérapeutique habituel depuis de nombreuses années. Malgré le nombre impressionnant d’études cliniques impliquant le DAPT, de nombreuses incertitudes persistent. Ainsi, contrairement au traitement de prévention secondaire de l’athérosclérose prescrit pour une durée indéterminée, la durée du DAPT est limitée, mais à combien de temps exactement ?

Retour aux sources : de CURE à TRITON et PLATO   La constatation du risque thrombotique élevé plusieurs mois après un syndrome coronarien aigu (SCA) a généré l’hypothèse d’un bénéfice du DAPT prolongé, avec ou sans implantation de stent. L’étude CURE a ainsi validé le bénéfice clinique du DAPT, prolongé entre 9 et 12 mois suivant un SCA sans sus-décalage du segment ST. Peu après sa publication, l’étude CURE a fait l’objet de commentaires concernant la durée du maintien du DAPT : en effet, le maximum du bénéfice clinique était observé dans le premier mois et au-delà de 6 mois, l’intérêt de la poursuite du DAPT a été controversé car la réduction des événements thrombotiques était contrebalancée par l’augmentation du risque hémorragique. Un des arguments qui a probablement pesé pour la durée de 12 mois de DAPT a été la publication d’études « landmark » suggérant un bénéfice du DAPT au-delà de 30 jours (figure 1). Il est difficile de dire si une étude testant réellement la durée optimale du DAPT aurait confirmé la prescription sur 12 mois. Les études ultérieures, comparant le clopidogrel au prasugrel et au ticagrelor n’ont pas remis en question la durée de la prescription du DAPT et comme pour l’étude CURE, il faudra se contenter d’analyses « landmark ». En cas d’infarctus avec sus-décalage du segment ST (STEMI), l’étude COMMIT a montré un bénéfice du DAPT, mais uniquement sur les 30 jours. Malgré l’absence de preuve, la prescription sur 12 mois du DAPT a été étendue aux patients avec STEMI par analogie aux résultats de CURE. On doit admettre que si la durée de prescription du DAPT sur 12 mois après un SCA est universellement appliquée, elle repose sur des preuves d’efficacité pour le moins fragiles. Figure 1. Analyse « landmark » dans l’étude CURE (sous-groupe soumis à angioplastie) montrant un bénéfice du clopidogrel, au-delà de 30 jours : courbes d’événements cumulés à 30 jours et entre 31 jours et 1 an chez les patients sans événement à 30 jours. D’après Yusuf et al. Circulation 2003 ; 107 : 966.   Durée du DAPT et stent   La première indication du DAPT a été l’implantation d’un stent au cours de l’angioplastie coronaire, sans distinction de la situation clinique d’ischémie myocardique stable ou de syndrome coronarien aigu. À l’époque, l’utilisation de l’association aspirine-ticlopidine a permis de ramener à des taux raisonnables les risques de thrombose de stent et d’hémorragie sur point de ponction. Après un stent, une prescription limitée à un mois était considérée comme suffisante, mais il faut admettre que, là aussi, cette durée a été déterminée de façon empirique et n’a pas fait l’objet d’étude spécifique. Le remplacement de la ticlopidine par le clopidogrel n’a pas modifié cette habitude de prescription qui reste d’actualité avec un stent non actif et hors syndrome coronarien aigu. Dans le contexte d’un SCA avec angioplastie et stent, la prescription du DAPT pour le SCA couvre bien entendu largement celle du stent. Longtemps, l’attention des cliniciens a été plus tournée vers la précocité du DAPT et l’utilisation de doses de charge. Les résultats de l’étude CREDO ont validé l’idée du bénéfice d’un prétraitement, au moins 6 heures avant une angioplastie avec aspirine et clopidogrel, et en utilisant une dose de charge, initialement 300 puis 600 mg. La disponibilité des stents actifs, en situation stable comme au cours d’un SCA, a renforcé l’idée de DAPT prolongé : les suivis des patients inclus dans les études avec les stents actifs de première génération ont montré que le risque de thrombose de stent était réel et pouvait être réduit par des durées longues de prescription du DAPT. Le clinicien avait donc plusieurs raisons de poursuivre cette prescription, au moins 12 mois après stent actif ou SCA. Les études avec fortes doses de clopidogrel, avec le prasugrel ou le ticagrélor ont confirmé la diminution du risque de thrombose de stent avec une inhibition plaquettaire plus puissante. De nombreux essais avec les stents actifs (ou non actifs) de conception plus récente, incluant patients stables ou post-SCA, ont montré qu’une durée de prescription de DAPT limitée à 6 voire à 3 mois peut être suffisante, sans augmentation des thromboses et avec réduction des saignements (figure 2). Figure 2. Résultats de l’étude PRODIGY comparant deux durées (6 et 24 mois) de prescription de DAPT après angioplastie avant stent. La prolongation de l’association aspirine-clopidogrel au-delà de 6 mois était associée à une augmentation des saignements sans bénéfice sur les événements thrombotiques. D’après Valgimigly et al. Circulation 2012 ; 125 : 2 015.   Risques liés à l’arrêt du DAPT   La concordance des indications de DAPT prolongé en cas de SCA et de stent actif et l’observation de thromboses très tardives, au-delà d’un an, ont fait germer l’hypothèse de durée de prescription du DAPT « indéterminée ». L’étude CHARISMA n’avait pas validé l’hypothèse du bénéfice du DAPT au long cours, avec au contraire une augmentation du risque hémorragique. Néanmoins, dans CHARISMA, les études de sous-groupes ont suggéré un bénéfice en cas d’antécédent coronarien. Cette idée de poursuivre le DAPT au-delà d’un an, voire indéfiniment, a été renforcée par la constatation d’un effet « rebond », avec sur-risque thrombotique montré dans les grands registres, dans les 90 jours suivant l’arrêt du DAPT, particulièrement pour des durées courtes du DAPT (figure 3). Figure 3. Effet « rebond » d’événements thrombotiques et hémorragiques dans les 90 jours suivant l’arrêt du DAPT (cercles blancs = patients avec DAPT, cercles pleins = patients ayant arrêté le DAPT dans les 90 jours). Résultats du registre danois, d’après Charlot et al. Eur Heart J 2012 ; 33 : 2 527.   En pratique, que fait-on ?   La réponse dépend de la situation clinique, de l’implantation ou non d’un stent, du type de stent et de la période. Une étude du registre danois a montré que les patients traités 6 mois avec DAPT en 2002 et 2003 avaient une évolution clinique comparable à celle de patients traités en 2004 et 2005 avec 12 mois de prescription et concluait donc à l’absence de bénéfice du DAPT au-delà de 6 mois. Néanmoins, la durée de prescription d’au moins un an après un SCA est restée largement suivie, en accord avec les recommandations. Les études TRITON et PLATO, réalisées sur une durée de 12 mois ont occulté la question de la prolongation de la prescription du DAPT. La question s’est posée différemment en cas d’angioplastie où la durée de prescription est variable, en particulier en fonction du type de stent utilisé, actif ou non. Il faut voir là l’impact des résultats des études ou des registres, ainsi la « controverse de Barcelone », mettant en avant un sur-risque de décès après stent actif de première génération, a probablement eu un impact sur la prolongation du DAPT au-delà de la durée d’un an. Le registre PARIS a récemment décrit les modalités d’arrêt du DAPT après angioplastie avec stent. Dans une population comptant 40 % de SCA, deux ans après l’angioplastie, près de la moitié des patients avaient toujours un DAPT. Comme on pouvait l’imaginer, l’arrêt intempestif du DAPT (c’est-à-dire précoce et non proposé par le médecin – « disruption » –) est associé à un sur-risque d’événements thrombotiques, mais l’arrêt temporaire (sur prescription médicale – « interruption » – ou définitif après une période raisonnable – « discontinuation » – n’ont pas posé pas de problème (figure 4). En France, le registre FAST-MI donne des informations surprenantes sur nos propres prescriptions. Ainsi, parmi 3 670 patients ayant eu un infarctus et inclus dans ce registre en 2005, 71 % ont gardé le DAPT au-delà d’un an, 43 % à deux ans (chiffre comparable aux données du registre PARIS), 31 % à 3 ans et 29 % à 4 ans. Faut-il considérer que ces durées de traitement reflètent de mauvaises pratiques médicales ? Certes, nos recommandations stipulent une durée optimale du DAPT d’un an. Mais on comprend que, face aux observations de thromboses de stent tardives, aux suggestions d’un bénéfice du DAPT au long cours chez les coronariens et à l’effet rebond possible lors de l’arrêt du clopidogrel, les cliniciens aient été peu enclins à interrompre un traitement bien toléré. Seules des études de registre rigoureuses permettront de voir l’évolution de nos pratiques avec la disponibilité des autres inhibiteurs des récepteurs P2Y12, prasugrel et ticagrelor.  Figure 4. Résultats du registre PARIS : en rouge, patients avec « disruption » ; en jaune, patients avec « interruption », en vert, patients avec « discontinuation » du DAPT. D’après Mehran, présenté à l’ESC 2013.

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