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Congrès et symposiums

Publié le 30 sep 2014Lecture 11 min

La rythmologie : un foisonnement d’études, mais… peu de résultats pour modifier nos pratiques

J.-Y. LE HEUZEY, Hôpital européen Georges Pompidou, Université René Descartes, Paris

La cuvée 2014 de la rythmologie au congrès européen de Barcelone a été très abondante, mais ne sera peut-être pas retenue dans l’histoire comme ayant produit le meilleur des nectars. En effet, on a pu assister à la présentation d’un grand foisonnement d’études, mais de peu de résultats qui vont radicalement modifier nos pratiques quotidiennes : AMIO-CAT, BIOPACE, COPPS2, EuroEco-ICD, MORE-CRT, SEPTAL CRT, STAR AF-2, STICS et X-VeRT apportent toutes des informations intéressantes mais ne révolutionneront pas la thérapeutique. En marge du sujet, puisqu’il s’agit de stimulation, mais de stimulation vague ou plutôt du nerf vague (!), on a aussi pu entendre parler d’ANTHEM-HF et de… NECTAR-HF, dont l’absence de positivité n’a pas racheté la qualité globale du cru. Les 9 études citées plus haut ont été présentées en « hotline » et peuvent se séparer en 2 groupes : celles qui concernent la fibrillation atriale, que cela soit dans le domaine de la pharmacologie ou de l’ablation, d’une part, et celles concernant les dispositifs implantables, d’autre part, qu’il s’agisse du défibrillateur ou surtout de la thérapie de resynchronisation.

Les études dans la fibrillation atriale   AMIO-CAT L’étude AMIO-CAT présentée par S. Darkner (Copenhague) s’est attachée à savoir si le traitement par amiodarone d’un patient qui vient de bénéficier d’une ablation par isolation des veines pulmonaires pour traiter une fibrillation atriale pouvait diminuer le taux de récidive à 6 mois. La réponse est négative, il n’y a pas eu de différence entre les 2 groupes recevant ou ne recevant pas d’amiodarone. Deux cent six patients ont été inclus. Il a été observé 42 récidives sur 107 patients dans le groupe amiodarone et 48 sur 99 dans le groupe placebo. En revanche, l’amiodarone a été efficace pour diminuer le taux de récidive pendant la période de « blanking », au cours de laquelle, traditionnellement, on n’interprète pas les résultats de l’ablation, considérant qu’un certain nombre de remaniements tissulaires sont en cours dans l’oreillette des patients ablatés. Parmi les critères secondaires, dans le groupe amiodarone, il a été observé significativement moins d’hospitalisations pour tachyarythmie atriale et moins de cardioversions. Il n’en reste pas moins que le résultat, sur le critère principal, est négatif : pas d’efficacité sur les récidives à 6 mois.   COPPS2 L’étude COPPS2 présentée par M. Imazio (Turin) a un rapport avec la rythmologie puisque l’un des objectifs de cette étude était de tenter de montrer que la colchicine était capable de diminuer les épisodes de fibrillation atriale postopératoires en rapport avec le syndrome post-péricardotomie. Cet essai a été réalisé chez 360 patients. Les syndromes post-péricardotomie ont effectivement diminué de 21 à 8,9 % à 6 mois ainsi que la survenue d’épisodes de fibrillation atriale de 22 à 12 %.   STICS L’étude STICS présentée par B. Casadei (Oxford) est une étude qui a été planifiée en Grande-Bretagne et réalisée en Chine. Le but de l’étude était de savoir si la prescription d’une statine pouvait permettre de diminuer le nombre de fibrillations atriales postopératoires. Ce problème avait déjà été évoqué par d’autres études comme ARMYDA-3 avec 200 patients. Cette étude STICS est la première à être suffisamment importante en nombre pour pouvoir répondre plus précisément à la question (1 922 patients). Les patients ont reçu 20 mg de rosuvastatine. Ils avaient 60 ans de moyenne d’âge et une grande proportion (85 %) recevait également des bêtabloquants. L’étude est négative, il n’y a pas de réduction de la fibrillation atriale postopératoire (21 versus 20 %) ni de réduction de la durée de séjour en soins intensifs, ni de réduction d’événements cardiovasculaires importants.   STAR AF-2 Plus importante, car pouvant influer sur les pratiques rythmologiques habituelles, l’étude STAR AF-2 a été présentée par A. Verma (Newmarket, Ontario). Le but de l’étude est d’essayer de préciser quelle est la meilleure méthode pour ablater une fibrillation atriale persistante. En effet, nous avons comme possibilité l’isolation des veines pulmonaires seule, l’isolation des veines pulmonaires plus l’ablation des CAFE (Complexelectrograms) ou enfin l’isolation des veines pulmonaires associée à des ablations linéaires. Les 3 types de procédure ont été randomisés. Le temps moyen de la première est de 167 min, de la deuxième de 229 min et de la troisième de 222 min. Le résultat global de l’étude est que les deux dernières techniques, plus complexes, n’apportent pas d’amélioration, en termes de critère primaire de jugement, c’est-à-dire la récidive documentée de fibrillation atriale de plus de 30 secondes après une procédure, qu’il y ait eu ou non d’anti arythmiques prescrits ensuite. Par ailleurs, il n’y a pas non plus de différence en termes de complications. Cette étude vient confirmer une impression clinique que beaucoup peuvent avoir qui est que la complexification des procédures n’apporte pas de réel bénéfice supplémentaire.   X-VeRT L’étude X-VeRT est probablement celle qui était la plus attendue parmi toutes celles présentées en hotline concernant la rythmologie. Elle s’adresse à la problématique de la réalisation de cardioversion de fibrillation atriale chez des patients recevant des anticoagulants oraux directs. On sait que l’attitude des cardiologues a pu être différente dans les mois passés en ce qui concerne la possibilité de réaliser ou non une cardioversion chez des patients recevant du dabigatran, du rivaroxaban ou de l’apixaban. Certains se sont abstenus de le faire, d’autres ne l’ont fait que lorsque les autorités de santé l’ont précisé dans les résumés des caractéristiques des produits, d’autres l’ont fait avec un échocardiogramme transœsophagien, d’autres sans… Actuellement dans les mentions légales du dabigatran et de l’apixaban figure la possibilité d’effectuer ces cardioversions sous ces deux médicaments. Les preuves scientifiques qui ont permis de le proposer sont différentes. Dans le cadre du dabigatran, l’étude RELY ayant été une étude ouverte, il a été possible d’analyser a posteriori le groupe des patients qui avaient été cardiovertés sous dabigatran. Cette étude rétrospective avait montré qu’il n’y avait pas de différence en termes de survenue d’accident dans les deux groupes mais, l’étude étant ouverte, les investigateurs, par prudence, avaient bien entendu effectué plus d’échocardiogrammes transœsophagiens chez les patients sous dabigatran que chez les patients sous warfarine. Pour ce qui concerne l’apixaban, la situation est différente, une mention a été rajoutée dans le résumé des caractéristiques du produit par l’Agence européenne du médicament suite à la publication d’une analyse a posteriori des patients qui avaient été cardiovertés dans le cadre de l’étude ARISTOTLE.   L’étude X-VeRT a été réalisée avec le rivaroxaban. Elle a été présentée par R. Cappato (Milan). On sait que sans une anticoagulation adéquate le risque périprocédural d’accidents thromboemboliques de la cardioversion est d’environ 5 à 7 %, et de seulement 1 % pour les patients recevant des anti-vitamine K. Le but de l’étude était d’explorer l’efficacité et la sécurité du rivaroxaban à une prise par jour pour la prévention des événements cardiovasculaires chez les patients avec fibrillation atriale non valvulaire prévus pour avoir une cardioversion, en comparant le rivaroxaban aux anti-vitamine K à dose ajustée sur l’INR. L’étude était une étude pragmatique qui avait le dessin suivant (figure) : l’investigateur devait choisir s’il préférait faire une cardioversion immédiate, auquel cas elle n’était possible que si l’anticoagulation était déjà adéquate ou s’il était prévu un échocardiogramme transœsophagien. Dans l’autre cas, il s’agissait d’une cardioversion retardée, programmée à distance avec au moins 21 jours de traitement. Les randomisations étaient faites en 2/1. Le rivaroxaban était donné à 20 mg en une prise par jour et les patients du groupe anti-vitamine K devaient avoir un INR entre 2 et 3. Le suivi postcardioversion était de 42 jours. Le critère d’efficacité primaire était un composite associant accident vasculaire cérébral et accident ischémique transitoire, embolie systémique hors du système nerveux central, infarctus du myocarde et décès cardiovasculaire. En ce qui concerne le critère de jugement de sécurité, il s’agissait des saignements majeurs selon la définition de l’ISTH. Si on avait voulu obtenir une étude de non-infériorité, il aurait fallu inclure entre 25 000 et 30 000 patients, ce qui est bien sûr totalement irréalisable. Il avait donc été décidé de faire une comparaison sur 1 500 patients.   Design de l’étude X-VeRT : la randomisation concerne rivaroxaban versus anti-vitamine K. La décision d’effectuer une cardioversion rapide ou retardée dépendait du choix de l’investigateur     Un total de 1 504 patients a été randomisé avec 1 002 patients sous rivaroxaban et 502 patients sous anti-vitamine K. Leur âge moyen était de 65 ans, leur score CHA2DS2-VASc moyen de 2,3. Soixante-six pour cent des patients étaient hypertendus, 18 % insuffisants cardiaques, 7,7 % avaient déjà eu un accident vasculaire cérébral ou un accident ischémique transitoire, 20 % étaient diabétiques. Les résultats sont satisfaisants dans la mesure où le critère de jugement principal est survenu chez 0,51 % des patients sous rivaroxaban et 1,02 % sous anti-vitamine K. De même en ce qui concerne les saignements majeurs qui sont survenus chez 0,61 % des patients sous rivaroxaban et 0,80 % des patients sous anti-vitamine K. Le délai moyen de réalisation de la cardioversion pour ce qui est du groupe des patients avec procédure retardée, était de 22 jours sous rivaroxaban et de 30 jours sous anti-vitamine K. Les limitations de l’étude sont constituées par le fait qu’elle est sous-dimensionnée pour les raisons citées plus haut mais il s’agit de la première étude prospective randomisée avec un anticoagulant oral direct chez les patients ayant une cardioversion programmée. Il est certain que les autorités de santé permettront également que dans le résumé des caractéristiques du produit figure la possibilité de cardioversion sous ce médicament.   Les études sur les dispositifs implantables   Elles ont principalement concerné la stimulation de resynchronisation (CRT, Cardiac Resynchronisation Therapy), mais également la télétransmission des données du défibrillateur implantable.   BIOPACE L’étude BIOPACE était très attendue et présentée par J.-J. Blanc (Brest). Cet essai (BIventricular pacing for atrio-ventricular blOck to Prevent cArdiaC dEsynchronisation) a inclus 1 810 patients, dont 68 % d’hommes, d’âge moyen 74 ans avec une fraction d’éjection de 55 plus ou moins 12 % et une fréquence cardiaque moyenne de 58/min. Vingt-deux pour cent des patients avaient un bloc auriculo- ventriculaire du 3e degré, 24 % étaient en fibrillation atriale, la durée moyenne du QRS était de 118 ms. Le suivi moyen était de 67 mois. Le critère de jugement principal était l’association de la mortalité et de l’hospitalisation pour insuffisance cardiaque. Les résultats ne montrent pas de différence entre les deux groupes. Il existe une tendance favorable, mais sans signification statistique, lorsque les patients sont stratifiés selon leur fraction d’éjection. Pour les patients avec une fraction d’éjection de 50 % ou moins les résultats sont meilleurs. Les données de cet essai sont importantes, elles montrent qu’il n’y a pas de raison d’utiliser la resynchronisation comme thérapeutique de premier choix chez ces patients qui ont une indication de stimulation conventionnelle et qui ont une fraction d’éjection normale ou peu diminuée.   SEPTAL CRT L’étude SEPTAL CRT a été présentée par C. Leclercq (Rennes). Il s’agit d’une étude prospective multicentrique en simple aveugle randomisée 1/1 comparant une implantation de la sonde ventriculaire droite pour la thérapie de resynchronisation en apical versus une implantation à la partie moyenne du septum. Les visites de suivi ont été faites à 1, 6 et 12 mois. L’étude était prévue comme permettant de détecter une non-infériorité sur le critère de jugement principal qui était la modification du volume d’éjection systolique ventriculaire gauche. Les critères secondaires comprenaient notamment le pourcentage de patients dits « écho-répondeurs » définis par une réduction de plus de 15 % à 6 mois. Cette étude a principalement été réalisée en France, par 19 centres et 9 en Espagne. Un total de 231 patients ont pu être suivis pendant la durée prévue. Il s’agissait de 72 % d’hommes d’âge moyen 63 ans avec une fraction d’éjection moyenne de 30 %. Il n’y a pas de différence dans le pourcentage d’« écho-répondeurs », il n’y a pas de différence dans les taux d’implantation : 90 % dans le groupe septal et 86,8 % dans le groupe apex. Il n’y a pas de différence sur la réduction du volume d’éjection systolique ventriculaire gauche entre les données basales et à 6 mois. Il n’y a pas de différence pour la sécurité et l’efficacité aussi bien en ce qui concerne la mortalité (3 versus 3,8 %) et la survenue d’événements majeurs (34,8 versus 39,7 %).   MORE-CRT L’étude MORE-CRT a été présentée par G. Biorani (Bologne, Italie). Il s’agit d’une étude qui propose de faire de la resynchronisation en comparant des sondes de stimulation ventriculaire gauche bipolaires et quadripolaires. L’âge moyen des patients était de 68 ans, la plupart (80 %) étaient en rythme sinusal, la durée moyenne du QRS était de 158 ms. Trente-quatre pour cent étaient en classe fonctionnelle NYHA II. Un groupe de 916 patients a été évalué à 6 mois. Le nombre de perdus de vue était important, de l’ordre de 15 %. L’étude montre que ces cathéters quadripolaires sont sûrs mais il n’y a pas d’amélioration à 6 mois, notamment en ce qui concerne la survenue d’événements. Cette étude n’apporte donc pas, non plus, de proposition pour une modification des habitudes thérapeutiques telles qu’elles sont actuellement.   EuroEco Enfin la dernière étude concernant la rythmologie présentée en hotline était l’étude EuroEco présentée par H. Heidbuchel (Hasselt, Belgique). Le titre exact de l’étude est : « European Health Economic trial on home monitoring in ICD patients ». Il s’agit d’une étude médico-économique qui analyse le coût du suivi par télétransmission des données des défibrillateurs. Les patients avaient un âge moyen de 62 ans, 80 % étaient des hommes. Ils avaient été implantés pour une prévention primaire dans à peu près la moitié des cas. Il s’agissait de défibrillateurs simple chambre dans environ 60 % des cas. La fraction d’éjection moyenne était de 39 %. La conclusion de l’étude est que les coûts peuvent être considérés comme identiques dans les deux cas, mais il est bien évident que cette étude, faite dans différents pays européens, se heurte à la difficulté de comptabilisation de ces coûts suivant les pays, puisque les systèmes de santé sont réellement différents. Cette étude permet cependant, en la comparant à d’autres qui ont été faites dans le domaine, de constituer une excellente base de discussion pour les industriels, les médecins et les payeurs.   La prééminence du congrès de l’ESC   Ce congrès européen, qui attire toujours autant de cardiologues, et maintenant du monde entier, confirme sa prééminence par rapport aux congrès américains. Il y a eu un foisonnement d’études ; le compte rendu ci-dessus ne rapporte volontairement que les études qui ont été sélectionnées en hotline, mais il est bien sûr que de très nombreuses communications ont été passionnantes sur tous les aspects de la rythmologie, la fibrillation atriale constituant certainement le sujet le plus souvent évoqué. Nous nous sommes donc cantonnés non seulement aux hotline, mais aussi aux études plus spécifiquement rythmologiques. La stimulation était également un sujet, pour ce qui concerne l’insuffisance cardiaque non plus en stimulant dans les cavités cardiaques mais en stimulant le vague au niveau du cou. Deux études de ce type ont été présentées, ANTHEM-HF et surtout NECTAR-HF. Si la première laisse entrevoir quelques possibilités d’amélioration pour ces patients, la seconde présentée par F. Zannad (Nancy) semble laisser peu d’espoir sur l’avenir de cette thérapeutique, en tout cas selon les modalités qui sont les siennes actuellement. Nous avons donc vu beaucoup d’études présentées en hotline mais peu de celles-ci vont modifier radicalement nos schémas thérapeutiques. Il n’en reste pas moins qu’au-delà des études sélectionnées en hotline, ce foisonnement concerne également de très nombreuses communications de rythmologie, domaine qui reste toujours aussi actif actuellement.

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