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Congrès et symposiums

Publié le 31 mai 2014Lecture 6 min

Bêtabloquant dans le choc septique : hérésie ou idée brillante ?

B. ROZEC, Service d’anesthésie-réanimation, Hôpital G. et R. Laënnec, CHU de Nantes ; Institut du thorax, Inserm UMR 1087/ CNRS UMR 6291 ; IRS, Université de Nantes

Printemps de la cardiologie

Dans les pays développés, l’incidence du sepsis sévère est comprise entre 50 à 100 cas pour 100 000 personnes. Malgré l’amélioration des techniques de réanimation, il a été observé une augmentation significative du nombre de décès par an des suites de choc septique. Une étude récente estime à 19 millions le nombre de morts par choc septique par an dans le monde(1).

Les mécanismes inflammatoires de défense de l’organisme (appelé syndrome de réponse inflammatoire systémique) face à un agent infectieux (en général bactérien) peut dépasser son objectif, engendrer des altérations métaboliques, immunitaires, neurohumorales (le sepsis sévère) qui en l’absence d’un traitement adapté, aboutissent à un syndrome de défaillance multiviscérale. Le profil hémodynamique de ces patients est caractérisé par l’association à des degrés variables de composantes hypovolémique, cardiogénique, ou cytotoxique. Ce profil est modifié par l’expansion volémique (traitement reconnu de manière consensuel) mais la persistance d’une hypotension signe le choc septique.   La cardiomyopathie septique Une dysfonction cardiaque est diagnostiquée chez 50 à 80 % des patients en choc septique(2). Associée à une aggravation du pronostic, elle concerne la fonction systolique, diastolique et aussi bien le ventricule droit que le ventricule gauche. Les premières approches physiopathologiques de l’atteinte car diaque du choc septique étaient purement « hydrauliques » considérant qu’elle ne constituait qu’une manifestation de la baisse de précharge en rapport avec l’hypovolémie. Cependant, et en particulier grâce à l’introduction de l’échocardiographie dans les services de réanimation, il s’est avéré qu’il existait une véritable cardiopathie septique. Les mécanismes responsables de cette dysfonction cardiaque sont extrêmement nombreux(3). L’ischémie myocardique a été suggérée en raison d’une élévation du taux plasmatique de troponine, mais cette dernière serait plus en rapport avec des anomalies de la microcirculation coronaire et une augmentation de perméabilité des cardiomyocytes. Des facteurs circulants dépresseurs myocardiques ont également été évoqués en particulier différentes cytokines (TNFα, IL-1β). La voie du monoxyde d’azote (NO) et certaines espèces radicalaires (peroxynitrite) seraient également impliquées. De plus, des mécanismes cellulaires intrinsèques ont également été mis en évidence lors de la cardiomyopathie septique : – une altération de l’homéostasie calcique avec réduction des courants calciques et diminution de la sensibilité des myofilaments au calcium ; - une dysfonction mitochondriale ; - des phénomènes pro-apoptotiques. Enfin, il existe une altération de la régulation de la fonction cardiaque par le système nerveux autonome. Celle-ci se caractérise par une tachycardie et une perte de la variabilité de la fréquence cardiaque au cours du nycthémère. L’importance de ces deux phénomènes est directement corrélée au pronostic des patients. Les mécanismes responsables de cette incompétence chronotropique sont à la fois centraux (apoptose neuronale) et périphériques avec notamment une altération des voies de signalisations sympathiques et parasympathiques ainsi que de leurs effecteurs. Les récepteurs β-adrénergiques (β-AR) sont impliqués dans la cardiomyopathie septique dès sa phase initiale. Les données sur les modifications de densité des récepteurs β-AR cardiomyocytaires au cours du choc septique sont contradictoires : celle-ci peut être ou non diminuée. De même, leurs voies de signalisation, selon le modèle utilisé peuvent être altérées : modification d’expression des protéines Gs et Gi, modification d’activité de l’adénylatecyclase par exemple. Enfin, certains auteurs rapportent une variabilité au cours du temps des altérations des voies de signalisations couplées aux récepteurs β-AR cardiomyocytaires(4).   Des β-bloquants dans le traitement du choc septique ? En l’absence d’un rationnel très clair et à l’encontre des recommandations cliniques suggérant l’utilisation de dobutamine dans la cardiopathie septique, l’utilisation de β-bloquants peut sembler hors de propos. Néanmoins, outre le fait que l’administration d’agonistes β-AR n’a jamais fait la preuve de son efficacité, voire aggrave le pronostic des patients en choc septique, quelques études précliniques et cliniques suggèrent un intérêt pour l’utilisation de β-bloquants. En effet, chez l’animal, l’administration de β-bloquants lors de choc septique (par péritonite) ou endotoxémique (par injection d’endotoxine bactérienne) est bien tolérée, permet de maintenir, voire d’améliorer les performances cardiaques et diminue le métabolisme cardiaque(5-7). Des effets ancillaires des β-bloquants ont été remarqués comme une diminution des taux de cytokines pro-inflammatoires. Malheureusement, aucune de ces études ne mettent en évidence un effet sur la mortalité de ces animaux. Chez l’homme, il existe des arguments indirects suggérant l’intérêt des β-bloquants dans le choc septique. En effet, leur usage est maintenant bien reconnu dans la prise en charge de l’insuffisance cardiaque, même s’il est encore discuté à la phase aiguë de l’infarctus du myocarde. Des données nécropsiques rapportent des lésions myocardiques chez les patients en choc septique proches de celles observées lors des cardiomyopathies de stress où le rôle toxique des catécholamines est reconnu, suggérant donc l’intérêt des β-bloquants(8). Enfin, les patients recevant un traitement chronique par β-bloquant pourraient avoir une mortalité moindre lors d’un choc septique par rapport aux patients non traités(9). Quelques études ont été menées pour évaluer l’effet d’un traitement par β-bloquants chez des patients en choc septique(10-12). Ces études cliniques se caractérisent par de nombreuses limites méthodologiques : étude rétro - spective, absence de groupe contrôle, nombre limité de patients… Néanmoins, la plupart de ces études conclut à une bonne tolérance du traitement, l’objectif de réduction de la fréquence cardiaque étant systématiquement atteint. Concernant les autres paramètres hémodynamiques, les résultats sont plus contradictoires. Une étude récente publiée fin 2013 dans le JAMA, a relancé l’intérêt des β-bloquants dans le traitement du choc septique(13). Il s’agit d’une étude de phase II, prospective, randomisée qui avait comme objectif de déterminer si l’administration intraveineuse d’esmolol, β-bloquant de courte durée d’action, chez des patients souffrant de choc septique, pouvait réduire de façon significative la fréquence cardiaque en-dessous d’une valeur seuil de 95/min. Cet objectif principal était atteint chez les patients recevant l’esmolol ; par ailleurs, il était noté chez ces patients une diminution des besoins en noradrénaline et en remplissage vasculaire, une amélioration de différents paramètres hémodynamiques (volume d’éjection systolique, index cardiaque, indice de travail). Enfin, et il s’agit là de l’élément le plus troublant de cette étude, la mortalité à 28 jours du groupe esmolol était réduite de 40 % par rapport au groupe non traité ! Les nombreuses limites de cette étude doivent être soulignées : il s’agissait d’une étude monocentrique, ouverte dont le design n’était pas prévu pour étudier la mortalité. Elle a néanmoins l’intérêt de relancer le débat et doit amener à la mise en place d’essais plus vastes sur l’intérêt des β-bloquants dans le choc septique en évitant les erreurs de cette première étude. De même, nous sommes dans l’attente des résultats d’un essai clinique évaluant l’intérêt de l’utilisation d’un inhibiteur du courant pacemaker If (cible de la stimulation β-AR), l’ivabradine pour obtenir une réduction isolée de la fréquence cardiaque chez les patients en syndrome de défaillance multiviscérale (étude MODIfY)(14).   Conclusion   Les études précliniques et de trop rares études cliniques suggèrent l’intérêt potentiel de l’utilisation de β-bloquants dans le choc septique.  De plus, l’existence de β-bloquants intraveineux, cardiosélectifs et de durée d’action courte laissent envisager une place à ces traitements avec une relative sécurité pour les patients. Cependant, de nombreux éléments restent à préciser quant à leur utilisation : à quel moment de la prise en charge, pour quels patients et avec quels objectifs et moyens de surveillance ?

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