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Congrès et symposiums

Publié le 31 mai 2014Lecture 6 min

Le no-reflow, un enjeu majeur dans les syndromes coronariens aigus

B. LATTUCA1, C. BOULETI2, M. KERNEIS3, G. MALCLES4 1. CHU Arnaud de Villeneuve, Montpellier 2. AP-HP, CHU Bichat, Paris 3. AP-HP, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris 4. CHU de Clermont-Ferrand


Printemps de la cardiologie
L’infarctus du myocarde reste l’une des principales causes de mortalité en France malgré les évolutions thérapeutiques majeures de ces dernières décennies. La reperfusion coronaire par angioplastie primaire ou plus rarement par thrombolyse représente la pierre angulaire de la prise en charge et permet une diminution de la taille de nécrose myocardique et par là même une amélioration du pronostic. Cependant, malgré la désobstruction rapide et efficace des troncs épicardiques responsables de l’ischémie initiale, persistent des anomalies de perfusion de la microcirculation, appelées phénomène de no-reflow.

Le no-reflow (NR) a été décrit pour la première fois par Kloner en 1974(1) mais sa physiopathologie exacte n’est, à ce jour, pas totalement élucidée. Plusieurs mécanismes semblent intriqués et induisent un défaut perfusionnel (figure 1). Sont impliqués les lésions d’ischémie-reperfusion en rapport direct avec la désobstruction de l’artère coupable, une réaction inflammatoire systémique avec des infiltrats de neutrophiles, une augmentation de la perméabilité vasculaire entraînant un œdème tissulaire responsable d’une compression extravasculaire et d’une diminution de la lumière des microvaisseaux, une composante spastique ainsi que des microemboles intravasculaires distaux au moment de la reperfusion.   Figure 1. Physiopathologie du no-reflow. Le no-reflow, une simple définition physiopathologique ou une réelle implication clinique ? Le diagnostic et le traitement du NR doivent être aujourd’hui un élément central de la prise en charge de l’infarctus du myocarde (IDM) du fait de son impact sur le pronostic à court et long terme. La présence du NR est, en effet, directement corrélée a une taille d’IDM plus importante, à une dysfonction ventriculaire gauche, à un risque accru de troubles du rythme et il s’agit d’un facteur prédictif indépendant de la survenue d’insuffisance cardiaque, de réhospitalisation, de récidive d’IDM, et finalement de décès cardiovasculaire avec un risque d’événements multiplié par 5(2-4). Il apparaît donc comme un facteur de risque majeur et se doit d’être identifié précocement chez les patients pris en charge pour un IDM. Plusieurs facteurs de risque de développer un NR ont été mis en évidence comme l’angioplastie primaire essentiellement due aux possibles embolies distales, un temps d’ischémie long ou encore une taille d’IDM importante avec l’occlusion aiguë de l’IVA.   Le no-reflow, un enjeu majeur mais comment le rechercher en pratique ? (figure 2) Figure 2. Le no-reflow en pratique clinique. A. Occlusion aiguë de l’IVA au décours d’un infarctus et flux TIMI 0 en fin de procédure. B. Absence de régression efficace du sus-décalage du segment ST après revascularisation. C. Hyposignal en IRM myocardique témoignant d’un NR étendu dans le territoire antérieur. D. Coupe histologique de myocarde représentant une taille d’infarctus étendue directement corrélée à l’extension du NR.    Les outils diagnostiques du NR s’avèrent relativement limités. Le premier d’entre eux, et qui reste le principal utilisé, est le flux TIMI qui permet d’évaluer la qualité de reperfusion angiographique de l’artère coupable(5). Le TIMI 0 correspond à une obstruction coronaire complète, le TIMI 1 à un flux très ralenti qui n’opacifie pas la totalité de l’artère coronaire, le TIMI 2 à une opacification complète de l’artère mais ralentie et le TIMI 3 à un flux normal. Le NR est défini par un flux TIMI en fin de procédure < 3. Cette évaluation, bien qu’aisée, reste grossière et se limite aux troncs épicardiques sans appréciation de la microcirculation. Elle peut être couplée au grade Blush(6) qui évalue plus spécifiquement la clairance du produit de contraste dans le myocarde, donc la perfusion myocardique et s’apparente à une évaluation de la microcirculation. Il est gradé de 0 à 3, 0 étant une perfusion myocardique très altérée avec l’absence de pénétration myocardique du produit de contraste et 3 une clairance normale. Le NR est défini par un MBG < 2. Au-delà des scores angiographiques, l’ECG garde une place centrale après la revascularisation en phase aiguë d’infarctus par l’analyse de la régression du sus-décalage du segment ST, 90 minutes après la reperfusion. On évoque un NR électrique en cas de régression du sus-décalage inférieure à 50-70 %. La combinaison de ces outils simples permet une évaluation plus fine du NR et donc du pronostic du patient. En utilisant uniquement le score TIMI, le NR est retrouvé chez 7 % des patients pris en charge pour IDM alors que l’association au grade Blush et à l’analyse de l’ECG en post-revascularisation permet de déceler un NR chez 65 % des patients(7).   Le NR apparaît ainsi comme un phénomène fréquent avec une implication clinique majeure mais malheureusement sous-estimé par manque d’outils diagnostiques adaptés.   L’avènement de l’IRM myocardique a permis un véritable changement dans le diagnostic du NR puisqu’elle permet désormais une évaluation directe de la perfusion myocardique et de la microcirculation et se positionne actuellement comme un véritable gold standard. Le NR est défini par le ralentissement de la prise de contraste myocardique sur les 3 premières minutes suivant l’injection de gadolinium et se traduit par une zone d’hyposignal sur les acquisitions aux temps précoces.   En plus d’être un examen sensible et non invasif, l’IRM présente l’avantage de pouvoir être réalisée à distance de l’IDM. En effet, le NR est un phénomène progressif et dynamique avec une possible extension jusqu’à 48 heures post-IDM(8). Il est ainsi recommandé d’attendre au moins 2 jours pour réaliser une IRM myocardique après l’occlusion coronaire pour ne pas sous-estimer l’extension du NR.   Dépister le no-reflow, oui, mais comment le traiter ? (figure 3) Figure 3. Axes et hypothèses thérapeutiques pour la prise en charge du no-reflow.   Il existe plusieurs axes thérapeutiques du fait de son étiologie plurifactorielle. Lors de la phase aiguë, la thromboaspiration couplée à l’administration intracoronaire d’anti-GP2b3a a montré son bénéfice sur le score Blush dans l’étude TAPAS(9) mais son intérêt n’a pas été confirmé sur des critères cliniques (mortalité à 30 jours) dans l’essai multicentrique TASTE(10). Il n’existe en revanche aucune donnée à ce jour sur l’effet potentiel des nouveaux inhibiteurs du P2Y12 utilisés de manière isolée sur le NR. La technique et le délai d’angioplastie pourraient également avoir un effet bénéfique sur le NR. Le post-conditionnement mécanique, par inflations répétées d’un ballon d’angioplastie en amont de la lésion coupable juste après la reperfusion, diminue significativement l’extension du NR(11,12). La stratégie mini-invasive (MIMI) consistant en un stenting différé après reperfusion et plusieurs jours de traitement antithrombotique pourrait en théorie limiter l’embolisation distale lors du déploiement du stent mais n’a pas démontré à ce jour d’efficacité sur la mortalité ou la réduction de la taille d’infarctus. Une fois le NR installé, l’éventail thérapeutique est malheureusement limité. L’injection intracoronaire de vasodilatateurs (adénosine, vérapamil) pour contrer la dysfonction microvasculaire est une pratique répandue, qui n’a pas fait la preuve de son efficacité sur la taille d’infarctus(13). Le post-conditionnement pharmacologique, avec l’ambition de diminuer les lésions de reperfusion, représente une piste prometteuse. Les bêtabloquants dont l’utilisation très précoce dans l’infarctus avait été remise en question(14) pourraient revenir sur le devant de la scène après la démonstration d’un effet bénéfique sur la taille d’infarctus de l’injection d’un bolus de métoprolol au moment de la reperfusion(15). Enfin, et après les échecs répétés de l’EPO(16) en clinique, l’espoir des nouvelles thérapies repose sur la ciclosporine A dont l’efficacité sur la taille d’infarctus a été démontrée dans une étude pilote lorsqu’elle est administrée immédiatement avant réouverture de l’artère(17) et qui fait actuellement l’objet d’un grand essai multicentrique randomisé versus placebo (étude CIRCUS NCT01502774).     En pratique   Le no-reflow est un fort marqueur de mortalité après un IDM et survient dans près de 50 % des cas malgré un succès de revascularisation apparent.  Le flux TIMI 3 en post-revascularisation est nécessaire mais non suffisant pour s’assurer d’un bon pronostic. L’association au grade Blush et à l’étude de l’ECG avec l’évolution du segment ST permet une détection satisfaisante du no-reflow.  Après un infarctus, la réalisation d’une IRM systématique semble bénéfique pour ne pas sous-estimer le no-reflow et évaluer au mieux le pronostic des patients.  Il n’existe aucune recommandation actuelle sur la prise en charge thérapeutique, mais de nombreuses pistes sont en cours d’investigation.

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