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Complication

Publié le 25 mar 2024Lecture 5 min

Complication dramatique d’un abord ulnaire

Régis TRIMOLÉa, Mathieu VALLAb, a. Hôpital Louis Pradel, Hospices Civils de Lyon, Groupement Hospitalier Est, Bron, b. Hôpital de Mercy, CHR de Metz-Thionville

Nous relatons le cas d’un patient de 50 ans (antécédent d’infarctus du myocarde ST+ inférieur en septembre 2022, traité par angioplastie de la coronaire droite proximale avec une évolution favorable) qui consulte en mai 2023 aux urgences d’un hôpital périphérique pour récidive de douleur thoracique, avec mise en évidence d’un nouveau SCA ST- troponine+. Il est transféré dans notre centre à J+1.

La coronarographie est réalisée à J+2, par voie ulnaire droite 6 F (radiale de petit calibre et pouls plus faible qu’en ulnaire ; radiale utilisée en urgence en septembre 2022). L’examen confirme un bon résultat de l’angioplastie de la coronaire droite proximale, mais avec une sténose significative longue de la partie distale, traitée par angioplastie avec implantation d’un stent actif avec un bon résultat angiographique (le patient est encore sous DAPT : aspirine et ticagrelor). L’abord est refermé par un bracelet de compression mécanique PreludeSYNC EVO™ (Merit Medical), centré sur le point de ponction ulnaire et positionné à l’envers par rapport à une utilisation radiale (figure 1). Figure 1. Positionnement du bracelet de compression mécanique (PreludeSYNC EVO™, Merit Medical) lors d’une ponction ulnaire : sens inverse par rapport à une ponction radiale.   Trente minutes après la fin de la procédure, le patient présente cliniquement un hématome sous-cutané en amont du bracelet de compression mécanique, qui est contenu grâce à une compression plus large à l’aide d’un deuxième bracelet de compression et un brassard à pression artérielle manuel pendant 1 heure. Concomitamment, le patient présente une fièvre à 39°, faisant réaliser des multiples prélèvements bactériologiques et le test PCR est rapidement positif au SARS-Cov-2. Il rapporte des douleurs pharyngées évoluant depuis quelques jours.En fin de journée, l’échographie des axes vasculaires de l’avant-bras droit ne retrouve pas de complications vasculaires, ni sur l’artère ulnaire et radiale (figure 2).   Figure 2. Contrôle par écho-Doppler au niveau de l’artère ulnaire, montrant un flux conservé, triphasique.   À J+3, le patient présente toujours une douleur au niveau de l’hématome, qui est souple, sans troubles sensitivomoteurs. Alors que la fièvre persiste, les hémocultures réalisées la veille reviennent positives au cocci à Gram positif en chainettes, motivant l’introduction d’une antibiothérapie par amoxicilline à 12 g/j après avis infectiologique. Au cours de la journée, l’évolution se fera vers un choc septique motivant un transfert en réanimation. Il est mis en évidence un placard érythémateux au niveau du pli du coude droit faisant suspecter une dermohypodermite. Un traitement par clindamycine est ajouté à l’antibiothérapie déjà en place devant la suspicion d’un choc streptococcique avec composante toxinique (aspect cutané érythémateux et granité au niveau de l’avant-bras droit). En parallèle, une indication chirurgicale est retenue : le chirurgien décrit une loge aponévrotique très tendue dont l’incision permet de dégager des muscles œdématiés, mais sans écoulement purulent ni hématome visualisé. Le pouls radial et ulnaire est intact avec un contrôle Doppler peropératoire satisfaisant. Le lendemain de l’admission en réanimation, l’évolution est défavorable motivant une seconde intervention chirurgicale : le pédicule vasculonerveux radial est thrombosé dans sa partie proximale mais le pouls est récupéré après massage. La nécrose du fléchisseur superficiel du 3e rayon est parée. La libération du pédicule ulnaire (qui est sain) permet d’obtenir une bonne recoloration des doigts. Au niveau du bras, l’incision du fascia ne retrouve pas de tension. À J+5, devant un tableau de défaillance multiviscérale, il est décidé de façon collégiale de procéder à une amputation transradiale haute en préservant l’articulation du coude. L’évolution est alors favorable sur le plan septique et hémodynamique en quelques jours.   INFECTIOLOGIE   Le germe causal est le Streptococcus pyogenes (groupe A) qui sera retrouvé dans les 4 hémocultures réalisées initialement ainsi que dans les écouvillonnages peropératoires de la première aponévrotomie, avec une négativation rapide en quelques heures après l’introduction d’amoxicilline. C’est la bactérie la plus souvent rencontrée dans les angines bactériennes, sur tout chez l'enfant, mais aussi chez l’adulte. A posteriori, notre patient présentait effectivement un tableau d’angine avec odynophagie évoluant depuis déjà 48 h lors de l’admission. Une augmentation des formes invasives d’infection à S. pyogenes a été récemment documentée en Europe, notamment sur la période hivernale 2022- 2023, avec un taux de mortalité estimé entre 10 et 25 % pour les formes invasives selon les séries (figure 3).   Figure 3. Rappelons l’utilité des tests de diagnostic rapide devant un tableau clinique d’angine, qui permettent de proposer une antibiothérapie adaptée à S. pyogenes en cas de positivité, notamment dans ce type de tableau clinique chez un patient qui nécessite un geste invasif.   DISCUSSION   Notre hypothèse est que l’hématome sous-cutané postcoronarographie a servi de localisation préférentielle à l’inoculum bactérien préexistant pour se développer et causer la dermohypodermite. L’hypothèse que l’infection ait été causée par le geste de coronarographie est possible, puisque le caractère très pathogène de S. pyogenes pourrait expliquer un sepsis environ 30 minutes après le geste, mais peu probable au vu des symptômes préexistants et en l’absence de défaut d’asepsie identifié. Le choix de l’abord ulnaire en présence d’un pouls radial faible est discutable, mais ne semble pas avoir été en cause dans cette complication, comme en témoigne l’échographie-Doppler montrant une intégrité des axes vasculaires, qui est aussi retrouvée en peropératoire lors de l’aponévrotomie. Pour en savoir plus • de Gier B et al. Euro Surveill 2023 ; doi.org/10.2807/1560-7917.ES.2023. 28.1.2200941. • Guy R et al. Euro Surveill 2023 ; doi. org/10.2807/1560-7917.ES.2023. 28.1.2200942. • Situation des infections invasives à streptocoque A en France au 26 mars 2023 ; www.santepubliquefrance.fr/docs/ situation-des-infections-invasives-a-streptocoque-a-en-france-au-26-mars-2023. • World Health Organization Regional Office for Europe (WHO/Europe) 2022 ; https://www.who.int/europe/news/ item/12-12-2022-increase-in-invasivegroup-a-streptococcal-infections-amongchildren-in-europe--including-fatalities.

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