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Grand angle

Publié le 30 mar 2023Lecture 7 min

Traitement endovasculaire de l’AOMI en ambulatoire : point de vue épidémiologique et social

Nolwenn LE MEUR, Univ Rennes, EHESP, CNRS, Inserm, Arènes - UMR 6051, RSMS - U 1309, Rennes

Le traitement endovasculaire de l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI) en ambulatoire a fait ses preuves en termes d’efficacité et de sécurité des soins(1,2). Toutefois, l’offre ambulatoire reste très hétérogène sur le territoire(3). Pouvons-nous expliquer cela d’un point de vue épidémiologique et social ? Quel est l’apport des bases médico-administratives dans cet état des lieux ?

Artériopathie oblitérante des membres inférieurs   L’AOMI est aujourd’hui la troisième cause de morbidité cardiovasculaire après les maladies coronariennes et les accidents vasculaires cérébraux. La prévalence est estimée entre 113 millions et plus de 200 millions de cas selon les études(4-6). Mais ces chiffres seraient largement sous-estimés car d’une part les études cliniques évaluent à près de deux tiers le nombre de personnes présentant des formes asymptomatiques et, d’autre part, ces études ont principalement été réalisées dans les pays à haut revenus alors que dans les pays à faible et moyen niveau de vie la fréquence de ces pathologies y est non négligeable(7). Selon Kengne et Echouffo-Tcheugu, la prévalence mondiale serait plutôt de l’ordre de 230 millions(8). En France en 2019, cette prévalence était estimée entre 3 268 et 4 317 pour 100 000 habitants(4), soit entre 2,2 et 2,9 millions de personnes pour toutes les formes (asymptomatique, intermittente, critique). Le nombre de cas incidents s’élevait quant à lui à plus de 204 000 personnes par an (taux de 302,87/100 000) mais resterait relativement stable depuis une dizaine d’années. Par ailleurs, si la mortalité reste faible (1 250 décès en 2109), le taux d'amputations majeures (ischémies critiques) avoisine les 25 % (soit 500 cas/an) et le nombre d’années de vie en bonne santé perdues ne cesse d’augmenter (de 30 à 36 entre 1990 et 2019) avec l’accroissement du vieillissement de la population, et l’augmentation des pathologies concourantes telles que le diabète et l’insuffisance rénale. Les services de santé doivent ainsi se doter en conséquence.   Poids de l’AOMI en France   D’après les études sur le Système national des données de santé (SNDS, encadrés 1 et 2) par l’Assurance maladie, les prises en charge (ville et hôpital) pour traitement de AOMI concernaient 714 300 personnes et 711 600 personnes en 2019 et 2020 respectivement (la diminution de 0,3 % étant possiblement liée aux restrictions de service pour répondre à la pandémie de la Covid-19). En 2019, le taux standardisé sur la structure de la population selon l’INSEE était de 10,43 ‰. (https://www.ameli. fr/sites/ default/files/2019_fiche_arteriopathieobliterante- membre-inferieur.pdf). La moitié des personnes prises en charge étaient âgées de 75 ans ou plus et l’âge moyen comme médian à la première prise en charge était de 73 ans. Les taux de prises en charge par catégories socioéconomiques soulignent le poids de la défaveur sociale dans la prévalence de l’AOMI, comme montré par de nombreuses études(9). Parmi les patients AOMI de moins de 60 ans, 2,54 ‰ bénéficient de la Couverture maladie universelle complémentaire (CMUc) contre 1,93 ‰ de la population générale de même âge et même sexe. Les taux de prises en charges montrent par ailleurs un plus faible recours aux soins des femmes par rapport aux hommes ; parmi les 714 300 personnes suivies en 2019 seulement 33 % étaient des femmes alors que la prévalence de la pathologie serait similaire dans les deux sexes voire plus fréquente chez les femmes selon certaines études menées dans d’autres pays à faibles et moyens statuts sociaux économiques(7,10,11). En France, on note également des disparités géographiques à l’échelle de la région (figure 1). Cette différence de prévalence serait partiellement expliquée par des facteurs génétiques, et une durée prolongée des stades asymptomatiques chez la femme(12,13), mais il est aussi avéré qu’il existe des différences de recours aux soins entre sexes souvent en interaction avec l’environnement socioéconomique et culturel des patients(9,14). Figure 1. Taux standardisés de prise en charge pour AOMI chez les (A) femmes et chez les (B) hommes en France en 2019 (sources : SNIIRAM-CNAMTS).   Déterminants épidémiologiques et sociaux du mode de prise en charge de l'AOMI   Depuis la fin des années 1970, le traitement endovasculaire prend une part de plus en plus importante dans le traitement de l’AOMI comparativement à la chirurgie vasculaire ouverte. Si la chirurgie vasculaire ouverte fait valoir une efficacité sur la durée de la perméabilité artérielle, le traitement endovasculaire permet de réduire les complications et la durée d’hospitalisation(1). De plus, l’intervention endovasculaire permet une hospitalisation en ambulatoire(15). Au cours de la dernière décennie, l’intervention endovasculaire est devenue le traitement préféré et recommandé pour de nombreux patients(16,17). Cependant, même si le nombre de procédures endovasculaires a rapidement augmenté ces dernières années en France, nous avons montré que les taux d’hospitalisation en ambulatoire restent faibles et très hétérogènes au sein et entre les départements(3), variant de 0 à 39 % en 2019. Cette évolution lente et modérée ne semble pas s’expliquer par le risque de réadmission pour complication ou la durée de récupération postintervention. Les taux de réadmissions toutes causes et les taux de réadmissions spécifiques sont similaires en ambulatoire et en conventionnel(2), avec 3,5 et 3,8 pour 1 000 personnes-mois respectivement. Chez les actifs, le taux d’incidence du nombre de jours cumulés d’arrêt maladie était réduit de 14 % dans le contexte d’une prise en charge en ambulatoire par rapport à une hospitalisation conventionnelle(18). En revanche, parmi les principales limites du développement de l’endovasculaire ambulatoire en région, nous soulignons le poids des populations de 50-59 ans matériellement pauvres ou des populations âgées, notamment des hommes seuls(3). Lorsque la proportion d’hommes âgés de plus de 75 vivant seuls augmente, la probabilité d’un développement actif de l’endovasculaire ambulatoire diminue de 73 %. Sur la période 2015-2021, les profils des patients pris en charge en hospitalisation conventionnelle sont globalement plus complexes et hétérogènes que ceux des patients pris en charge en hospitalisation ambulatoire (figure 2). Figure 2. Comparaison des densités de distribution des indices de complexité de prise en charge en hospitalisation conventionnelle ou ambulatoire des patients bénéficiant d’une intervention endovasculaire pour AOMI en France de 2015 à 2021 (source : PMSI).   En moyenne, ils sont 3 ans plus âgés (70 vs 67 ans ; p < 0,001) et présentent un indice de complexité de prise en charge 2 fois plus élevé (5,6 vs 2,6 ; p < 0,001). Depuis 2017, les niveaux de comorbidités selon le score de Charlson tendent à augmenter en hospitalisation conventionnelle (test de Kruskal ; p < 0,001). Les facteurs associés à cette évolution sont certainement multiples (vieillissement de la population, modification de l’offre ou du recours au soin, etc.) et mériteraient d’être étudiés. Toutefois, un lissage du phénomène est à noter depuis 2020 possiblement en lien avec la pandémie Covid-19. Les pathologies concomitantes à l’AOMI ayant donné lieu à au moins une hospitalisation l’année précédant la chirurgie vasculaire périphérique sont principalement d’autres maladies cardio-neurovasculaires telles que la maladie coronaire chronique ou les troubles du rythme, le diabète et l’insuffisance rénale chronique terminale. Ceci est vrai quel que soit le mode de prise en charge pour la chirurgie vasculaire périphérique avec toutefois des proportions de patients polypathologiques plus élevées en chirurgie conventionnelle. Par exemple, en 2021 11,5 % des patients pris en charge en hospitalisation conventionnelle avaient été hospitalisés pour diabète au cours de l’année précédente contre 4,7 % des patients pris en charge en ambulatoire (tableau).   Évaluation des recommandations de traitement grâce au SNDS : cas du paclitaxel Dans le traitement de l’AOMI, les ballons et stents sont couramment utilisés. Fin 2018, une méta-analyse suggérait un risque possible de surmortalité, à partir de la 2e année après traitement, chez les patients AOMI recevant des ballons ou des stents à élution de paclitaxel comparativement à ceux recevant des ballons nus et/ou des stents nus(19). En conséquence, l’ANSM a recommandé d’utiliser préférentiellement les options thérapeutiques alternatives aux ballons et aux stents à élution de paclitaxel, sauf pour les patients à risque élevé de resténose. L’impact de cette recommandation a été mesuré à partir du SNDS(20). Ces données mettent en évidence que le profil de patients recevant des stents et ballons au paclitaxel semble différent de celui des patients traités par des dispositifs nus avec un profil moins sévère en termes d’espérance de vie. Les évolutions temporelles sur la période montrent que les mesures de l’ANSM ont eu un impact en 2019 en limitant l’augmentation de l’utilisation des dispositifs au paclitaxel précédemment observée entre 2017 et 2018.   Conclusion   La chirurgie vasculaire périphérique par technique endovasculaire en ambulatoire est un traitement à recommander pour l’AOMI. Cependant des limites d’ordre notamment social (âge avancé, absence d’aidant), économique (pauvreté) et médical (polypathologies, offres de soins) ne permettent pas son développement de manière homogène sur le territoire, comme l’illustrent les récentes études menées à partir des bases médico-administratives françaises(2,3,18). Toutefois, bien que complémentaires aux essais cliniques, ces études épidémiologiques dites en « vie-réelle » restent écologiques (macro). Un regard croisé entre méthodes quantitatives (mesures épidémiologiques, médicales, cliniques) et méthodes qualitatives (entretiens sociologiques) permettrait peut-être de poursuivre l’amélioration de l’offre et de l’accès à cette chirurgie dans les meilleures conditions pour les patients comme pour les professionnels de santé.

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