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Grand angle

Publié le 30 oct 2024Lecture 19 min

Enjeux cliniques, complications et gestions des dispositifs intraveineux de longue durée (DIVLD)

Lynda SALMI, Daniel SMILJKOVSKI, service réanimation, hôpital Paris Saint-Joseph, Paris

Les dispositifs intraveineux (DIV) sont devenus des outils essentiels de la prise en charge des patients hospitalisés en ambulatoire, offrant un accès veineux sûr et fiable. Ces derniers jouent un rôle crucial dans l’amélioration de la qualité de vie des patients en facilitant l’administration des traitements tant en milieu hospitalier qu’en ambulatoire et incluant l’administration de médicaments, de chimiothérapie, de thérapie ciblée, d’antibiothérapie, de produits dérivés du sang, d’hémodialyse et l’alimentation parentérale.

Il existe aujourd’hui une large gamme de dispositifs disponibles. Le choix du dispositif approprié doit être adapté à chaque patient selon son statut vasculaire, la durée d’utilisation et le produit à délivré, tout en visant à garantir la sécurité des patients, à préserver leur capital veineux et à assurer un avenir vasculaire favorable. Il est donc crucial de maintenir une haute qualité des soins, ce qui nécessite un consensus sur les pratiques afin de prolonger la durée de vie de ces dispositifs essentiels. Les dispositifs d’accès veineux sont classifiés : périphériques ou centraux selon la localisation de l’extrémité du cathéter. Un dispositif est considéré comme central si son extrémité se trouve dans la veine cave supérieure, la veine cave inférieure ou l’oreillette droite. La position de l’extrémité du cathéter dans la région cave, où le débit sanguin atteint ou dépasse 2 litres par minute chez l’adulte, assure la capacité d’administrer divers types de solutions sans restriction. Figure 1. Gamme de cathéters courts.   Les accès veineux périphériques   Le cathéter court Les cathéters périphériques courts sont les dispositifs les plus couramment utilisés, avec environ 25 millions de cathéters posés chaque année en France. Ils se composent d’une canule transparente en polyuréthane ou en polytétrafluoroéthylène, sans latex et souvent radio-opaque. Le cathéter est doté d’une base plane, équipée ou non d’ailettes, et utilise un système de codage couleur normalisé, qui correspond au diamètre du cathéter. Ainsi, le choix du cathéter s’effectue principalement en fonction des débits souhaités pour les thérapeutiques et de l’objectif de mise en place de la voie d’administration parentérale. Pour la pose du cathéter court, il vaut mieux privilégier le bras non dominant si le patient ne reste pas longtemps hospitalisé. Si la durée du cathétérisme se prolonge, les poses se succèdent avec une alternance entre les deux bras, sauf contre-indication. Leur pose peut s’avérer complexe chez certains patients en raison d’un état veineux précaire. Il est recommandé de le fixer avec des bandelettes adhésives stériles. Cet adhésif doit être posé au niveau de l’embase, à distance du point d’insertion du cathéter. Cette fixation permettrait une réduction significative des occlusions, des veinites ou des retraits accidentels. Il est recommandé chez l’adulte de ne pas laisser en place un cathéter plus de 4 jours. Ces cathéters permettent la perfusion de soluté ayant un pH compris entre 5 et 9, des médicaments avec une osmolarité < 600 mOsm/l et des solutions de nutrition parentérale avec une osmolarité < 800-850 mOsm/l. Ils sont idéaux pour un accès en urgence (débit maximal très important) ou de courte durée, jusqu’à 48 heures.   Cathéter « long » périphérique C’est un cathéter de 8 à 12 cm destiné à la pose sous échoDoppler, le plus souvent par méthode de Seldinger modifiée, permettant d’atteindre des veines superficielles non visibles à l’œil nu ou plus profondes (au niveau du bras et de l’avant-bras). Figure 2. Pose d’un cathéter Midline. Midlines Les Midlines sont des cathéters veineux périphériques longs (8 à 20 cm), généralement insérés dans les plus grosses veines périphériques du bras (basilique, brachiale ou céphalique), dont l’extrémité ne dépasse pas la veine axillaire. Les perfusions et médicaments administrables via un Midline sont donc les mêmes que ceux qui peuvent être perfusés sur une veine périphérique. Il existe deux types de Midline : • avec prolongateur intégré (Midline long), visuellement similaire au PICC une fois en place ; • sans prolongateur intégré (ou « Midline court »), visuellement similaire à un cathéter périphérique de courte durée une fois en place et dont l’embase est contiguë du point d’insertion. Il est recommandé de privilégier les Midlines avec prolongateur intégré si la durée de maintien est supérieure à 7 jours. Les Midlines sont destinés à l’administration des traitements par voie périphérique et permettent la réalisation de prélèvements sanguins. Ils sont indiqués dans ces conditions : • pour une durée prolongée (> 7 jours, 8-28 jours) ; • chez les patients avec un accès veineux difficile ou un faible capital veineux (patients obèses, âgés, drépanocytaires, hémophiles, en sepsis postopératoire ou en sepsis chronique comme la mucoviscidose) ; • pour les prélèvements veineux itératifs chez les patients hospitalisés, permettant de diminuer les désagréments et les risques iatrogènes pour le patient et le personnel. La pose est réalisée sous échoguidage, avec une implantation à privilégier sur bras non dominant, au niveau de la veine basilique, ou à défaut céphalique, au moins 3,75 cm au-dessus du pli du coude. Le Midline ne nécessite pas de contrôle radiologique après la pose, et peut être posé au lit du patient. ll est fortement recommandé d’utiliser un système de fixation adhésif (ou « stabilisateur ») pour fixer le Midline à la peau (excepté chez le patients agité ou à fort risque de retrait involontaire, une fixation par suture peut être envisagée). Le risque infectieux des Midlines est inférieur à celui des PICClines et surtout des cathéters veineux centraux : cet avantage doit être un des éléments du choix lors de la mise en place d’un abord vasculaire de durée intermédiaire. Néanmoins, les risques d’extravasation et de thrombophlébite du membre supérieur sont plus importants qu’avec le PICCline, sauf pour les Midlines d’un diamètre de 5F, dont la perfusion à haut débit n’est pas recommandée. Figure 3. Pose d’un cathéter Picc-line.   Les accès veineux centraux   L’accès veineux central est indiqué en cas de perfusion de médicaments vésicants et irritants, ou hyperosmolaires, d’un état clinique instable nécessitant des médicaments vaso-actifs, d’une mesure de la pression veineuse centrale ou d’une perfusion à haut débit. Les cathéters multilumières sont utiles pour diminuer les précipitations médicamenteuses et assurer la sécurité de l’administration en permettant de dédier des voies à des thérapeutiques qui nécessitent un débit constant. Le choix du nombre de voies doit donc se faire uniquement en fonction des besoins (nombre de médicaments incompatibles, nutrition parentérale, etc.). Leurs débits dépendent du type de dispositif et de la longueur du cathéter.   Picc-Lines Le picc-line (peripherally inserted central catheter) est un cathéter veineux central, de grande longueur (supérieure à 20 cm, entre 50 et 60 cm chez l’adulte), indiqué chez l’enfant et l’adulte. Ce dispositif est introduit sous échographie par une veine périphérique du bras (basilique, brachiale ou céphalique)(1,2), son extrémité distale doit être positionnée au niveau de la veine cave supérieure (VCS), au mieux à la jonction VCS-oreillette droite. Il peut être tunnelisé. La fixation est faite à l’aide d’un stabilisateur. La veine basilique est la plus souvent choisie en raison de son diamètre favorable, de son éloignement relatif par rapport au paquet vasculonerveux du bras (artère brachiale et nerf médian), et enfin par son raccordement avec un angle plus ouvert avec la veine axillaire. Le PICC-line est particulièrement indiqué pour les patients à domicile et les traitements discontinus. Il présente également un intérêt chez les patients fragiles ne pouvant tolérer de complications (pleurésie, traumatismes crâniens, chirurgie cardiaque, etc.), car contrairement aux autres accès veineux centraux cervicaux et thoraciques, il n’y a pas de risque de pneumothorax ni d’hémothorax. L’incidence des complications thrombotiques des Picc-lines est plus élevée que celle des cathéters veineux centraux ou des chambres implantables. De par son insertion périphérique, le Picc-line est aussi intéressant chez les patients présentant des troubles de la coagulation. Le risque de confusion entre le cathéter veineux central inséré par voie périphérique « Picc » et le cathéter veineux périphérique long « Midline » est important du fait que le site d’insertion est similaire, le dispositif peut être approchant selon le fabricant, et les soins et surveillances sont presque identiques. De plus, il arrive parfois que le cathéter Picc-line soit modifié (coupé), ce qui engendre une modification de l’emplacement de son extrémité à un niveau périphérique. Dans ce cas de figure, la cathéter Picc-line devient un cathéter Midline. Le risque est alors d’administrer un soluté non adapté (hyperosmolaire, vésicant) dans un Midline avec une toxicité périphérique. Il est donc fortement recommandé d’identifier le Midline avec prolongateur intégré pour qu’il ne soit pas confondu avec un Picc et de s’assurer du dispositif présent avant de l’utiliser. Figure 4. Mise en place du cathéter Picc-line. Figure 5. Distinction entre cathéter non tunnelisé (A) et tunnelisé (B). Figure 6. Cathéter à chambre implantable. Cathéter veineux central Tunnelisé ou non, le cathéter veineux central (CVC) est inséré sous échoguidage par une veine profonde du système cave supérieur (jugulaire ou sous-clavière) ou par voie fémorale. Le CVC est le plus souvent utilisé pour un accès veineux temporaire, c’est le cathéter standard de soin en réanimation ou en période périopératoire. Il est radio-opaque, muni d’un marquage centimétrique aidant la surveillance d’une mobilisation secondaire, et est inséré par technique de Seldinger modifiée dans l’immense majorité des cas. Les CVC peuvent être mono- ou multilumières et de différents diamètres. La longueur est variable, le plus souvent entre 16 et 20 cm. Enfin, il existe des cathéters imprégnés : minocyclinerifampicine (Spectrum®), rifampicinemiconazole (Multistar®) et chlorhexidinesulfadiazine argentique (Guard Blue®).   Cathéter à chambre implantable Encore appelé « port à cath » (PAC), le cathéter à chambre implantable (CCI) est un dispositif implanté complètement sous la peau et composé d’un cathéter central tunnelisé raccordé à un boîtier. La première pose a été effectuée par Niederhuber en 1982 au MD Anderson Cancer Center par dénudation de la veine céphalique, et son usage s’est répandu partout dans le monde avec un objectif de confort et de sécurité pour le patient. Ce dispositif s’est particulièrement développé en France, notamment en oncologie où 40 000 chambres implantables étaient posées en 2000 pour 150 000 en 2012. Le cathéter est en silicone ou polyuréthane, radio-opaque, de diamètre variable. La connexion est soit industrielle, soit à connecter au moment de la pose, et il existe différents types de connecteur. L’avantage des CCI préconnectés est le moindre risque théorique de déconnexion et la rapidité de pose. Leur désavantage est la nécessité pour l’opérateur d’effectuer une coupe du cathéter à l’extrémité distale, source potentielle d’anfractuosités des bords distaux et de thrombose, et la moindre faisabilité de la réalisation de la technique électrocardiographique (ECG) en peropératoire. Il existe des cathéters à chambre implantable validés pour l’injection haut débit. Le débit d’un cathéter à chambre implantable dépend du diamètre de l’aiguille de Huber (aiguille à biseau tangentielle) utilisée et de la tige de sortie du boîtier, d’où le peu d’intérêt d’utiliser des diamètres supérieurs à 6,5 F chez l’adulte. Il existe des cathéters à chambre implantable double chambre (chronothérapie, nutrition parentérale concomitante et produits incompatibles). Le cathéter se fixe à un boîtier placé dans une loge sous-cutanée. Le boîtier est le plus souvent mis en place dans la partie supérieure de la poitrine, mais un placement sur la partie supérieure du bras, la paroi abdominale ou la cuisse est également possible. La localisation sous-cutanée du boîtier présente l’avantage d’être non visible et protégée par la peau sus-jacente, rendant cette option plus esthétique et compatible avec des activités, telles que le bain ou la natation. Pour un usage optimal, la chambre doit être utilisée soit immédiatement, soit à partir du cinquième jour, et l’aiguille de Huber ne doit pas être laissée en place plus de 24 heures si le site n’est pas utilisé immédiatement. Un pansement absorbant doit être appliqué pour tous les dispositifs pendant 48 heures. Des preuves croissantes suggèrent que les CCI sont associés à un taux plus faible de complications et de coûts chez les patients atteints de tumeurs solides.   Algorithme décisionnel du type d’accès veineux central Pour guider les cliniciens dans le choix du cathéter approprié, un algorithme est présenté selon la durée prévue du traitement et son utilisation (tableau 3).   Contre-indications Les contre-indications sont globalement similaires à tous les dispositifs : – thrombose veineuse persistante ou sténose connue (privilégier le côté controlatéral) ; – syndrome cave supérieure : pas de positionnement en zone cave supérieure ; – lymphœdème ou curage axillaire (privilégier le côté controlatéral) ; – parésie du membre (privilégier le côté controlatéral) ; – infection cutanée proche du point de ponction ; – présence d’une fistule artérioveineuse homolatérale ; – troubles de l’hémostase ou thrombopénie (préférer un abord jugulaire interne ou un PICC-line).   Complications à la pose   Complications mécaniques • Ponction artérielle Une ponction artérielle doit être évoquée devant la présence d’un flux pulsatile de sang rouge vif. Ces caractéristiques peuvent cependant être absentes en cas d’hypotension artérielle, d’état de choc ou d’hypoxémie sévère. La cathétérisation artérielle nécessite avant l’ablation du cathéter l’avis d’un chirurgien vasculaire ou d’un radiologue interventionnel. • Hématome L’hématome au point de ponction de la veine, au site d’implantation du boîtier ou à l’émergence du cathéter, est une complication encore fréquente, source d’augmentation du risque infectieux par difficultés accrues de repérage du septum, et risque de désunion de la cicatrice, ainsi que d’augmentation du risque infectieux et thrombotique au point de ponction de la veine. • Pneumothorax/hémothorax Ces complications peuvent se développer immédiatement ou quelques jours après la ponction. Les tentatives bilatérales de ponction sont contre-indiquées au cours de la même séance. Le risque de pneumothorax croît avec une hyperinflation pulmonaire associée à une bronchopneumopathie chronique obstructive ou à une ventilation mécanique avec des « volumes courants » hauts ou une PEEP (positive end-expiratory pressure) élevée. Le guidage par échographie de la ponction permet de diminuer ce risque. • Embolie gazeuse Une embolie gazeuse peut se produire pendant l’insertion, l’utilisation ou l’ablation du cathéter. Pour cette raison, l’embout du cathéter doit toujours rester fermé. Si une embolie gazeuse est suspectée, il faut mettre le patient en position de Trendelenburg et en décubitus latéral gauche, puis administrer de l’oxygène avec une FiO2 de 100 %. • Malposition intravasculaire du cathéter Les malpositions intravasculaires les plus fréquemment rencontrées sont un cathéter positionné dans l’azygos, la veine mammaire interne ou une veine cave supérieure gauche. Ces malpositions sont plus souvent associées au cathéter posé à gauche. Le diagnostic précis de la malposition est grandement facilité par une radiographie thoracique de profil ou par l’emploi d’une scopie lors de la pose.   Complications infectieuses   Les complications infectieuses liées au cathéter sont la troisième cause d’infection nosocomiale (10 %). Bien que rares, les infections associées aux cathéters veineux périphériques peuvent être graves et ce sont les complications les plus courantes des dispositifs de durée moyenne à longue, nécessitant souvent le retrait du dispositif. Les complications infectieuses les plus fréquentes incluent la colonisation du cathéter et la bactériémie. Les principaux facteurs de risque sont : – le site de ponction (fémoral > jugulaire > sous-clavier) ; – la mise en place du cathéter en urgence ; – le manque d’expérience de l’opérateur ; – une durée de cathétérisme prolongée (> 7 jours) ; – l’état de santé du patient (cancer, immunodépression, dénutrition) ; – la nutrition parentérale. Le diagnostic de bactériémie sur cathéter repose sur l’analyse du délai différentiel de positivité des hémocultures faites en même temps et en prélevant la même quantité de sang sur le cathéter et des hémocultures périphériques.   Prise en charge Les infections dues aux staphylocoques à coagulase négative et aux entérobactéries peuvent être gérées de manière conservatrice, avec une réévaluation de l’antibiothérapie systémique administrée soit via le cathéter, soit de manière périphérique alors complétée par un verrou. Néanmoins, l’ablation du dispositif s’impose d’emblée et en urgence en cas d’infection locale associée, de choc septique ou de thrombophlébite septique symptomatique. Considérant les conséquences en termes de morbidité et de coûts des infections sur cathéters, les stratégies efficaces de prévention recommandées sont : – le choix du site de la pose (sous-clavier et jugulaire à privilégier, fémoral à éviter) ; – l’antisepsie à base de chlorhexidine ; – l’utilisation de cathéters imprégnés d’antibiotiques ou d’antiseptiques dans certaines indications (par exemple, grands brûlés) ; – l’asepsie chirurgicale lors de la pose et l’entretien du cathéter ; – les programmes de formation pour médecins et infirmiers ; – le retrait rapide du cathéter.   Complications thrombotiques Il existe différents types de thromboses associées aux cathéters veineux centraux : les thromboses intrinsèques, responsables d’occlusions (manchon de fibrine et caillot intraluminal) et les thromboses extrinsèques (thrombose murale et thrombose veineuse). Les patients avec une voie veineuse centrale sont à haut risque de développer une thrombose autour du cathéter. Ce risque augmente si le patient a subi plusieurs poses de cathéter au même endroit. Le risque de développer une thrombose est aussi lié au site de ponction (fémoral > jugulaire > sous-clavier). L’importance clinique des thromboses liées aux cathéters veineux centraux reste incertaine (seulement 0-5 % des thromboses deviennent symptomatiques) mais chaque thrombose porte en soi un risque d’embolie. La prise en charge de la thrombose repose sur une anticoagulation efficace par héparine de bas poids moléculaire (HBPM) pour 3 mois (6 mois en oncologie), un relais par un anti - coagulant oral direct peut être envisagé quand l’anti coagulation est poursuivie au-delà de 6 mois ou de difficulté d’observance des HBPM. Il est possible de maintenir le cathéter en place, sauf si celui-ci est non fonctionnel, mal positionné, que l’extrémité est prise dans la thrombose ou en cas de compression cave.   Extravasation L’extravasation d’un médicament est la fuite accidentelle de celui-ci hors d’une veine, événement rare mais sérieux, surtout dans le contexte de la chimiothérapie, avec des incidences estimées entre 0,1 et 6 %. Elle représente une urgence à la fois diagnostique et thérapeutique en raison des risques de nécrose tissulaire sévère, d’ulcérations, de lésions nerveuses, articulaires et tendineuses, pouvant entraîner des douleurs chroniques, des pertes de fonction et des séquelles esthétiques. La prévention est essentielle, nécessitant une éducation des patients, une formation du personnel et une politique de l’établissement. Les médicaments présentent différents niveaux de risque en cas d’extravasation, selon leurs propriétés vésicantes (à fort potentiel de nécrose), exfoliantes ou irritantes qui sont à connaître pour mettre en œuvre une conduite à tenir adaptée. Les signes cliniques d’alerte comprennent la douleur, l’érythème, l’induration et l’œdème, nécessitant une surveillance continue lors de l’administration de produits vésicants. En cas de suspicion d’extravasation, il est nécessaire de stopper immédiatement l’administration du médicament, de documenter l’incident, et d’adopter des mesures immédiates incluant l’aspiration du produit extravasé et le traitement par antidote si nécessaire. Les approches chirurgicales (drainage-lavage ou lipoaspiration) sont souvent employées pour gérer les cas sévères dans les premières heures après l’incident.   DIVLD et impact sur l’évolution de la prise en charge des patients   La pose de chambres implantables a longtemps été une activité assurée par les équipes chirurgicales de différentes spécialités. Cette activité a toutefois souffert d’un manque d’organisation dû à des difficultés d’ordre structurel. Les audits réalisés dans nos établissements hospitaliers ont mis en évidence un manque d’opérateurs, de plages opératoires dédiées et de compétences spécifiques rendant parfois les programmations des patients aléatoires avec des conséquences graves sur la prise en charge de leurs pathologies. Afin de répondre à la demande urgente des services d’oncologie, une externalisation de l’activité a été mise en place vers des établissements hospitaliers privés plus facilement disponibles. Cette externalisation a engendré un manque à gagner, ainsi qu’une dispersion des soins imposant une réflexion ayant pour objectif des solutions pérennes. Dans les années 2000, un nouvel environnement apparaît avec le développement de nouveaux dispositifs d’accès veineux de longue durée périphériques et centraux (DIVLD). Dans le même temps, les techniques de pose de voies centrales avec des échographes tendent à se généraliser. Ainsi, en 2014, la pose de cathéter central par échoguidage devient une recommandation de grade 1 par la SFAR (Société française d’anesthésie réanimation). Le regroupement des différentes activités de pose de voies veineuses centrales évolue alors avec une certaine cohérence vers la création d’unités d’accès vasculaire impliquant différents intervenants (anesthésistes réanimateurs, radiologues, chirurgiens vasculaires, etc.). En 2013, c’est au centre anticancéreux Léon Bérard à Lyon que la première unité d’accès vasculaire est créée en accord avec l’Agence régionale de santé (ARS) par le service d’anesthésie réanimation. Un protocole de délégation de compétences intégrant les infirmiers anesthésistes est alors mis en place après une formation sur la pose de dispositifs d’accès veineux centraux. En 2015, au sein de l’hôpital Saint-Joseph à Paris, une unité de pose de chambres implantables est créée par un groupe de médecins anesthésistes réanimateurs. Ces initiatives se développent progressivement portées par des équipes de médecins et d’infirmiers répondant à un cahier des charges strict et une montée en compétences. En 2018, un diplôme interuniversitaire intitulé « encadrement et gestion de l’activité de pose de dispositifs intraveineux de longue durée, DIVLD » est créé à l’hôpital Tenon à Paris en vue de professionnaliser l’activité de pose des voies veineuses, en développant les compétences dans les techniques de pose, mais aussi dans la gestion des complications et le suivi des dispositifs depuis la pose jusqu’à leur retrait. Ainsi, un virage essentiel nécessaire à un haut niveau de qualité de prise en charge est amorcé. En mars 2022, l’ARS reconnaît la pose de dispositifs d’accès vasculaire de longue durée comme une activité à part entière. La création des unités d’accès vasculaire (UAV) est basée sur un travail d’équipe. Pour exemple, au sein de l’hôpital Saint-Joseph à Paris, la pose de chambres implantables est assurée par un groupe de médecins anesthésistes réanimateurs. Cette équipe a été créée en 2015 grâce à un important travail de collaboration impliquant plusieurs intervenants : médecins, infirmiers, cadres, administration, oncologues. Lors de l’évolution du projet, l’équipe s’est enrichie par des partenariats avec les services de pharmacie, biomédical et informatique. Les outils de travail qui ont été développés sont le fruit d’une collaboration multidisciplinaire ayant abouti à la mise en place de l’outil informatique, d’un parcours ambulatoire bien pensé, intégrant la proximité géographique avec le service d’oncologie et une hotline au service du suivi patient. En centralisant l’activité, nous avons constaté une amélioration de la prise en charge confirmée par les enquêtes de satisfaction menées auprès de nos patients.   Objectifs L’activité de pose et de suivi des voies veineuses représente un enjeu majeur car elle s’inscrit dans le parcours patient en permettant la poursuite des soins à domicile. Les équipes hospitalières qui interviennent lors de la pose des différents dispositifs intraveineux sont, autant que possible, des équipes médicales et infirmières formées et professionnelles. Les anesthésistes réanimateurs, chirurgiens vasculaires, radiologues sont souvent les spécialistes les plus sollicités dans les différents hôpitaux. Depuis 2020, la mise en place de protocoles de délégation de compétences sur la base d’un partenariat médecins et infirmiers ou infirmiers anesthésistes vient renforcer une offre encore insuffisante dans un contexte difficile de déficits en personnels. Des règles de bonne pratique régissent la mise en place et le suivi des dispositifs intraveineux de longue durée tout en en s’adaptant à des modifications de l’environnement. Pour les parcours ambulatoires, une organisation adaptée est mise en place. Les missions de suivi et d’administration des traitements à domicile sont assurées grâce à des partenariats avec des prestataires de santé et des infirmiers relais qui collaborent avec les centres hospitaliers. Ainsi, dans un contexte d’action prioritaire du projet de santé 2023-2028 dans certaines régions de France, l’infirmier relai devient un intervenant central du suivi des pathologies chroniques en assurant le suivi des DIVLD. La création de ce dispositif par l’Assurance maladie s’articule avec les médecins traitants autour du plan national de prise en charge des patients en affection de longue durée (ALD).   Conclusion   Les dispositifs intraveineux sont essentiels pour l’administration de médicaments et de fluides. Ils se divisent en voies veineuses périphériques et centrales, chacune adaptée à des besoins spécifiques. La surveillance attentive est primordiale pour prévenir les complications liées à ces dispositifs. Les professionnels de santé doivent évaluer régulièrement la nécessité de maintenir ces voies en place. Une gestion adéquate des dispositifs intraveineux est essentielle pour garantir des soins sûrs et efficaces aux patients hospitalisés. Les protocoles de délégation de compétences associés à la formation universitaire sont garants d’un haut niveau de qualité de prise en charge de nos patients et permettront le développement des unités d’accès vasculaire.   Pour en savoir plus : • McGee DC, Gould MK. Preventing complications of central venous catheterization. N Engl J Med 2003 ; 348 : 1123-33. • Recommandations SF2H. Prévention des infections liée aux cathéters périphériques vasculaires et sous-cutanés. Mai 2019. • Pittiruti M, Van Boxtel T, Scoppettuolo G, et al. European recommendations on the proper indication and use of peripheral venous access devices (the ERPIUP consensus): A WoCoVA project. J Vasc Access 2023 ; 24(1) : 165-82. • Rosay H. PICC (peripherally inserted central catheter) : une nouvelle stratégie d’accès veineux central. Le Praticien en Anesthésie Réanimation 2014 ; 18(6) : 352-60. • Moureau N, Chopra V. Indications for peripheral, midline and central catheters: summary of the MAGIC recommendations. Br J Nurs 2016 ; 25(8) : S15-24. • Fulgencio JP, Mordelet C. SFAR - Le Congrès Session commune IADE/IDE 2018. • Diplôme interuniversitaire « Encadrement et de gestion de l’activité de pose de dispositifs intraveineux longue durée, DIVLD ». Fulgencio JP. Hôpital Tenon, Paris. • Haute Autorité de santé. Check-list pose de cathéter veineux central ou autre dispositif veineux. 2023.

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