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Publié le 09 juin 2025Lecture 7 min
Angiographie vs réalité intravasculaire : le verdict de l’IVUS
Gilles GOYAULT, Institut cardiovasculaire de Strasbourg, Clinique RHENA, Strasbourg

De nombreuses questions restent encore en suspens concernant la place de l’échographie intravasculaire (IVUS) dans la prise en charge endovasculaire de l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs. L’objectif ici n’est pas de tenter d’y répondre à la lumière d’une littérature de plus en plus riche sur ce sujet (cet aspect fera l’objet d’un travail plus approfondi à paraître prochainement), mais d’illustrer l’intérêt de l’IVUS dans des situations critiques de notre quotidien.
La plupart des publications visent à prouver l’intérêt de l’IVUS dans l’amélioration du taux de perméabilité à moyen ou long terme, la diminution du taux de réintervention ou du taux d’amputation, ou encore la réduction des coûts de nos interventions, pour un usage à grande échelle. Ces travaux tentent de standardiser les indications de l’IVUS et de cadrer un éventuel remboursement.
Nous allons ici évaluer, à travers deux cas cliniques, sa place dans le quotidien de nos blocs ou cathlabs où nous faisons régulièrement face à des situations cliniques équivoques, dont l’interprétation et les décisions thérapeutiques subséquentes conditionnent directement le succès technique ou le résultat clinique immédiat de nos interventions.
Les informations fournies par l’angiographie 2D peuvent s’avérer insuffisantes et conduire à un échec immédiat ou à court terme de notre geste, sans en comprendre la raison. L’IVUS trouve pleinement sa place pour redresser un diagnostic, confirmer une lésion sous-jacente résiduelle (thrombus, dissection, sténose), localiser au millimètre un ostium ou une réentrée, ou encore guider une préparation ou un traitement ciblés.
Cas clinique 1
(figures 1 et 2)
Figure 1. A. Angiographie sélective initiale révélant l’alluvionnement intra-stent avec sténose serrée sur P2, épargnant la portion proximale des stents à hauteur du canal de Hunter. 3. Angiographie sélective après déploiement des stents couverts révélant un bon flux dans les prothèses mais une hétérogénéité à la partie proximale des stents précédents mis en place. C. Contrôle IVUS sur la zone hétérogène révélant parfaitement la présence de thrombus endoluminal. D. Contrôle IVUS immédiatement en-dessous, dans le stent couvert tout juste déployé et postdilaté, révélant un thrombus endoluminal peu obstructif.
Figure 2. A. Contrôle angiographique après thromboaspiration manuelle. B. Contrôle IVUS dans l’artère immédiatement au-dessus des stents confirmant l’aspiration complète du thrombus. C. Contrôle IVUS dans le stent couvert révélant une lumière libre. D. Thrombi récupérés par thrombo-aspiration manuelle.
Il s’agit d’un patient de 61 ans adressé dans notre centre suite à la thrombose d’un pontage veineux poplité réalisé dans le cadre d’un anévrisme 2 ans auparavant. Une angioplastie par stents actifs des troncs jambiers proximaux avait également été réalisée.
L’équipe l’ayant initialement pris en charge lui proposait alors, compte tenu de la sévérité de l’ischémie, une amputation à court terme.
Compte tenu de l’âge et afin de gagner du temps, un geste endovasculaire de sauvetage a été proposé au patient. L’angiographie initiale révélait une occlusion poplitée et des trois axes de jambe, avec une reprise au tiers moyen de l’artère fibulaire. Il avait été réalisé une recanalisation du pontage avec trhombo-aspiration et fibrinolyse in situ. Le pontage et l’artère fibulaire avaient pu être récupérés. L’évolution clinique a été favorable pendant 4 mois jusqu’à un nouvel épisode de thrombose traité par thrombolyse et mise en place de stents couverts couvrant l’ensemble du pontage et l’anastomose proximale anévrismale. Neuf mois plus tard, le patient nous est à nouveau adressé pour apparition progressive d’une claudication du mollet en raison d’une resténose du stent actif du tronc tibiofibulaire et d’une resténose par alluvionnement des stents couverts (ViabahnTM, Gore). La resténose des stents couverts était très probablement secondaire au mauvais lit d’aval ; le patient étant par ailleurs traité par Rivaroxaban® 20 mg/j et Aspirine protect® 100 mg/j.
Le traitement de la resténose jambière n’a pas posé de problème particulier et a été réalisé au ballon actif de 4 mm (RangerTM, Boston Scientific).
Se posait la question du traitement de la longue resténose intrastent par dépôts de thrombus dans les stents couverts. La symptomatologie ne justifiait pas le risque d’une nouvelle fibrinolyse. Il a donc été décidé de remettre en place deux stents couverts de 8 mm au sein des prothèses précédentes (9 mm).
Le résultat angiographique immédiat était tout à fait satisfaisant mais faisait apparaître une image en demi-teinte à l’entrée des stents couverts dans la lumière de l’artère fémorale superficielle (AFS) sans l’expliquer clairement. Grâce à l’IVUS, il a été confirmé la migration proximale de thrombus par effet presse-purée, ayant conduit à la réalisation d’une thrombo-aspiration ciblée et à l’extraction complète du thrombus, confirmé par un nouveau contrôle IVUS. Sans l’IVUS, compte tenu d’un flux de bonne qualité dans les stents, un geste complémentaire n’aurait probablement pas été réalisé.
Dans ce cas, l’IVUS a permis de faire le diagnostic, de guider le traitement et de confirmer le résultat final. Sans la thromboaspiration, les stents se seraient très probablement occlus précocément.
Le pronostic du patient est bien sûr réservé, mais il est asymptomatique à 15 mois de l’épisode initial et a conservé sa jambe alors qu’une amputation lui était proposée initialement. Une discussion est en cours pour envisager un nouveau pontage à froid, le segment terminal de la poplitée étant accessible.
Cas clinique 2
(figures 3, 4 et 5)
Figure 3. A et B. Angiographie sélective de l’AFS à un temps précoce (A) et plus tardif (B)révélant une infiltration athéromateuse diffuse calcifiée avec des sténoses multifocales très serrées. C. Exploration angiographique à l’étage poplité révélant une sténose calcifiée très serrée de la portion P1.
Figure 4. A. Athérectomie à l’aide d’un système Jetstream 2,1/3 mm. B et C. Contrôle angiographique après athérectomie et angioplastie au ballon actif à une temps précoce (A) puis plus tardif (B), révélant une nette amélioration de la lumière artérielle mais la persistance d’un flux marqué dans la fémorale profonde. D. Contrôle angiographique post-thérapeutique à l’étage poplité. E. Contrôle IVUS à la partie proximale de l’AFS révélant une sténose résiduelle significative (70 % en surface). F. Contrôle IVUS à la partie proximale de l’artère poplitée révélant la persistance d’une sténose significative.
Figure 5. A et B. Contrôle angiographique après déploiement d’un stent à la partie proximale de l’AFS à un temps précoce (A) et plus tardif (B). L’artère fémorale profonde n’est quasiment plus opacifiée. C. Contrôle angiographique à l’étage poplité après mise en place d’un stent. D et E. Contrôle IVUS après mise en place des stents révélant la récupération d’une lumière régulière sans sténose résiduelle et avec une apposition parfaite des stents.
Il s’agit d’une patiente de 79 ans aux multiples facteurs de risque cardiovasculaires (tabac sevré, HTA et dyslipidémie) adressée dans un contexte de claudication bilatérale Rutherford 3 évoluant depuis 6 mois.
L’exploration échoDoppler retrouvait une atteinte sténosante fémoropoplitée bilatérale sévère.
La claudication prédominant à droite, nous avions décidé de la traiter de ce côté en premier.
L’angiographie initiale révélait une atteinte sténosante multifocale, calcifiée, diffuse de l’ensemble de la fémorale superficielle et de la poplitée sus-articulaire. Quatre des lésions étaient préocclusives.
Compte tenu du caractère multifocal, diffus et d’une répartition hétérogène de la charge calcique, une stratégie de préparation standard à l’aide d’un ballon semi-compliant aurait très certainement conduit à des dissections et sténoses résiduelles, multifocales, et donc à une métallisation complète par stent des segments atteints. Le choix s’est donc porté sur une désobstruction par Jetstream 2,1/3 mm, permettant à la fois de retirer de la plaque, mais aussi de modifier la compliance du vaisseau.
Après une préparation prudente et progressive, lésion par lésion, depuis la portion proximale de la fémorale jusqu’à la poplitée intermédiaire, un traitement par ballon actif a été réalisé dans la foulée à l’aide de 3 RangerTM de 5 x 150 mm couvrant l’axe fémoropoplité depuis l’interligne articulaire du genou.
Au contrôle angiographique, il était noté une nette amélioration morphologique de la lumière mais la persistance d’une opacification précoce de l’artère fémorale profonde, faisant suspecter une ou plusieurs sténoses résiduelles significatives sous-jacentes.
Une exploration complémentaire par IVUS a été réalisée pour évaluer plus précisément « de l’intérieur » le résultat de l’angioplastie. Il était alors noté une sténose résiduelle de la poplitée sus-articulaire et de la fémorale superficielle à la jonction en tiers proximaltiers moyen.
Après largage et postdilatation d’un stent auto-expansible nu InnovaTM (Boston Scientific) de 6 x 40 mm à l’étage poplité et un second de 6 x 20 mm sur la lésion fémorale, le contrôle angiographique retrouvait un flux nettement préférentiel vers la fémorale superficielle. Il n’y avait plus de sténose résiduelle au contrôle IVUS.
Ainsi, grâce à l’IVUS, deux lésions résiduelles focales, sur cette atteinte longue de 40 cm, ont pu être mises en évidence et traitées par mise en place de deux stents courts pour améliorer morphologiquement et hémodynamiquement le résultat.
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