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Grand angle

Publié le 25 mar 2024Lecture 7 min

L’athérectomie sous la cheville

Jérôme BRUNET, Clinique Rhône Durance, Avignon

L’ischémie critique chronique, compromettant la conservation du membre concerné, est l’expression la plus grave de l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI). Elle touche la plupart du temps la vascularisation distale : lésions artérielles infrapoplitées (IP), voire lésions ultradistales inframalléolaires (IM). Nous sommes d’ores et déjà confronté à cette problématique, et nous le serons demain encore davantage sous la pression de l’incidence croissante du diabète, de l’insuffisance rénale et du vieillissement de la population.

L'objectif de la revascularisation, que ce soit par angioplastie ou par pontage, est de restituer un vaisseau en ligne directe jusqu’en distalité, de restaurer une arche plantaire fonctionnelle, apportant en cas de réussite un effet antalgique, et autorisant à terme une cicatrisation du trouble trophique, bien aidé en cela par une prise en charge multidisciplinaire. La revascularisation endovasculaire reste le traitement de choix en cas de run-off dégradé sur le pied, donc en cas d’atteinte artérielle inframalléolaire. La première cause d’échec de la stratégie endovasculaire restait jusqu’ici l’échec de franchissement, invariablement sanctionné par une amputation. Grâce aux progrès rencontrés ces dernières années (gamme étoffée de guides CTO dédiés, démocratisation de l’accès rétrograde via un accès distal ou une navigation transcollatérale), le non-franchissement est devenu beaucoup plus rare. Il n’en demeure pas point qu’une fois la lésion franchie, le traitement se résume toujours classiquement à l’utilisation d’un simple ballon d’angioplastie (POBA) sans véritable évolution depuis le début de l’aventure de l’angioplastie distale, les ballons à élution médicamenteuse n’ayant pas changé la donne dans cette localisation.   Particularités des lésions inframalléolaires (IM)   Si l’on sait que la perméabilité de l’arche après une angioplastie infra-inguinale est un facteur pronostique déterminant, il y a peu d’études consacrées spécifiquement aux lésions IM. Les artères concernées sont l’artère pédieuse, l’artère plantaire latérale et l’artère plantaire médiane. L’atteinte artérielle pourra donc être mono-, bi- ou tritronculaire. La non-visualisation du lit d’aval est un puissant facteur d’échec procédural. L’atteinte associée des petites artères (métatarsale, arche plantaire et artères digitales, latéro-tarsale, calcanéenne, etc.) impacte de manière négative la cicatrisation. Les particularités anatomiques sont au nombre de trois : bien sûr, un calibre réduit mais surtout des calcifications parfois massives et une localisation sur des zones à hautes contraintes mécaniques. Une fois la lésion franchie, arrive alors le dilemme : une dilatation « petit bras » pour ne pas disséquer au risque de laisser du résiduel ou une dilatation agressive au risque de provoquer une dissection. L’incapacité à ouvrir correctement et de manière durable une lésion massivement calcifiée et/ou la dissection induite par le ballon font le lit des réocclusions précoces et majorent le taux de resténose. Dissection et recoil constituent aujourd’hui la principale cause d’échec de la stratégie endovasculaire ultradistale.   Pourquoi ne pas implanter un stent comme on le fait sur d’autres territoires anatomiques ? Et bien parce que cela ne marche pas. Contrairement à la plupart des autres localisations lésionnelles, le stent dans toutes ces formes reste impuissant à régler le problème, compte tenu des particularités anatomiques de ces lésions. L’implantation de stents en nitinol autoexpansibles méritait d’être étudiée. Option rapidement abandonnée : le taux de resténose approchant les 65 % et le taux de réintervention à 1 an 93 %. Les stents sertis ballon-expansibles ont eux aussi été testés, forts de leur efficacité démontrée sur les lésions IP courtes et proximales, d’ailleurs inscrits au tableau LPPR pour cette raison (Xience BTK & Promus BTK). Ils donnent de meilleurs résultats en termes de TLR (target lesion revascularisation) mais l’implantation de ces prothèses en IM est grevé d’un taux de fracture-déformation approchant les 50 %, entraînant des taux de réintervention dépassant 60 % à 6 mois.   La place de l’athérectomie en inframalléolaire (IM)   Au lieu de fracturer la plaque et d’étirer le vaisseau, le rationnel de l’athérectomie (ATR) est de détruire et/ou d’extraire le matériel athéromateux. L’application de cette technique aux lésions jambières distales apporte un triple intérêt théorique : – réduire le risque de dissection postangioplastie, donc un moindre recours au stenting imposé en bail-out ; – réduire la lésion résiduelle et le recoil ; réduire la charge calcique dont on sait – qu’elle constitue un obstacle à la diffusion des drogues antiprolifératives. Les systèmes d’ATR qui ont pour objectif la destruction et/ou l’extraction de la plaque, doivent se concevoir dans une approche filoguidée et endoluminale. Ils peuvent être classés en 4 grandes catégories : directionnelle, rotationnelle, orbitale et laser. Les caractéristiques techniques générales de ces différents systèmes ont fait l’objet d’un précédent numéro (Interventionnel 2019). Concernant le choix du système en utilisation IM, la traçabilité est le point crucial. Dans notre expérience, l’ATR rotationnelle Phoenix (Philips IGT) (fraise 1,5 mm 4Fr) ou l’ATR orbitale Stealth (Abbott Vascular) (couronne 1,25 mm 6Fr, classic-crown pour le franchissement, solid-crown pour les calcifications massives) sont privilégiées pour cette raison. Si le système rotationnel Jetstream (Boston Scientific) est particulièrement efficace sur les lésions IP proximales, le shaft 7Fr constitue un handicap pour amener la fraise 1,6 mm sur ces lésions IM ultradistales. De la même manière, la nécessité d’utiliser un filtre pour l’ATR directionnelle hautement emboligène apparaît rédhibitoire. Enfin, le laser, seul outil ne nécessitant pas de guide 0,014 spécifique, reste l’outil ultime sur des lésions infranchissables (Turbo-Elite 0,9 mm, Philips IGT). Le laser lorsqu’il est couplé à l’injection d’iode (« lasing in contrast ») rajoute à la photoablation un prometteur effet disruptif sur le calcium qui mérite d’être revisité et réévalué. À l’instar des procédures fémoropoplitées, l’athérectomie n’a pas pour but d’extraire la totalité de la masse calcique, la sélection d’une fraise ou d’une couronne trop grosse exposant à un risque de dissection/effraction vasculaire. Néanmoins, le problème du sizing de l’artère reste entier, avec une tendance à la sous-évaluation du diamètre artériel en angiographie, comme l’ont bien montré les analyses par échographie endovasculaire IVUS. La prévention du slow-flow est fondamentale devant ces lits d’aval extrêmement dégradés avec atteinte associée de la microcirculation (dialysés). Dans notre pratique, l’utilisation de vasodilatateurs intra-artériels, la perfusion en continu via l’introducteur et le raccourcissement des temps de fraisage/poncage sont la règle. La seule véritable limite – données économiques exceptées – à l’utilisation de ces outils pour profiter d’un maximum d’efficacité reste le caractère endoluminal du franchissement.   Les résultats   L’athérectomie IM est une stratégie émergente pour laquelle seules des expériences monocentriques préliminaires ont été rapportées. Ces résultats sont néanmoins très encourageants. Soulignons d’emblée l’efficacité « vessel-prep » dans la prévention de la réocclusion précoce rapportée par Palena sur un travail préliminaire incluant 12 patients. Les artères traitées par athérectomie orbitale ont été les suivantes : ATA + dorsalis pedis + ATP + Lat plantar (n = 3), ATP + lat plantar (n = 5), ATP + med plantar (n = 1), Fibular + lat plantar (n = 1), ATA + dorsalis pedis (n = 2). Pas de résiduel, pas de dissection et un taux de perméabilité à 1 mois de 100 % sans qu’il n’ait été nécessaire de recourir à un stenting en bail-out. Cette efficience en aigu se traduit par de bons résultats à moyen terme : couplée à un ballon actif, l’athérectomie nous offre des taux de perméabilité auxquels nous n’étions pas habitués sur ces lésions ultradistales : perméabilité à 6 mois de 92 %. Ces résultats sont parfaitement cohérents avec l’étude randomisée Optimize (66 patients BTK, lésions calcifiées, longueur environ 100 mm et CTO environ 40 %, 3 slow flow/noreflow et 1 perforation). Spectaculaire perméabilité à 1 an de 88 % pour le groupe orbital-DCB versus 50 % seulement pour le groupe DCB seul, comme cela était la règle avec les études POBA historiques. Ces résultats méritent bien sûr d’être étayés sur de plus grosses cohortes.   Conclusion   Le traitement de ces lésions inframalléolaires si particulières (calibre réduit, calcification parfois massives, contraintes mécaniques majeures) reste un challenge que ni l’angioplastie ballon, ni le stenting n’ont pu résoudre. La déclinaison inframalléolaire des techniques d’athérectomie ouvre des perspectives encourageantes sur ces lésions « stent no friendly ». La synergie en termes de TLR de la combinaison athérectomie-ballon actif est particulièrement prometteuse. Cas 1. Athérectomie orbitale. A : courte oblitération tibiale antérieure 1/3 distal et longue oblitération tibiale postérieure distale englobant la portion proximale de la plantaire latérale. B : athérectomie tibiale antérieure vers la pédieuse. C : franchissement rétrograde de l’occlusion tibiale postérieure. D : athérectomie orbitale Stealth 1,25 mm tibiale postérieure vers la plantaire latérale. E : résultat final après utilisation d'un simple ballon d'angioplastie (POBA) puis DCB sur chacun des deux axes. Cicatrisation et absence de resténose à 5 ans. Cas 2. Athérectomie rotationnelle A : atteinte subocclusive tibiale postérieure rétromalléolaire et plantaire latérale proximale, associée à une oblitération tibiale antérieure proximale. B : athérectomie rotationnelle Phoenix 1,5 mm. C : résultat final après POBA puis DCB (et recanalisation tibiale antérieure proximale). Cicatrisation et absence de resténose à 2 ans. Pour en savoir plus : • Katsanos K et al. Below-the-ankle angioplasty and stenting for limb salvage: anatomical considerations and long-term outcomes. Cardiovasc Intervent Radiol 2013 ; 36(4) : 926-35. • Palena LM et al. Below-the-ankle orbital atherectomy in chronic limbthreatning ischemia patients as a bailout strategy for limb salvage: early clinical experience. Cardiovasc Revasc Med 2022 ; 42 : 121-6. • Zeller T et al. OPtimize btk randomised trial. JET 2022 ; 29(6) : 874- 84.

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