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Polémique

Publié le 30 nov 2014Lecture 6 min

DAPT, ITALIC, ISAR-SAFE… Quelle durée de bithérapie antiplaquettaire après angioplastie avec stent actif ?

E. PUYMIRAT, Hôpital européen Georges Pompidou

La durée optimale de la double antiagrégation plaquettaire (DAP) après une angioplastie coronaire fait aujourd’hui débat. En Europe, la tendance actuelle est de raccourcir la durée de la DAP (y compris avec l’utilisation des stents actifs de dernière génération, moins pourvoyeurs de thromboses de stent tardives), alors qu’inversement aux États-Unis la tendance est de la prolonger afin de prévenir la survenue d’événements cardiovasculaires majeurs (récidive d’infarctus, thrombose de stent, accident vasculaire cérébral, etc.).

Lors du congrès de l’American Heart Association (AHA) cette année, trois études portant sur la durée de la DAP (DAPT, ITALIC et ISAR-SAFE) rapportent des informations contradictoires. Que faut-il retenir de ces études et surtout comment interpréter leurs résultats en pratique ? Double antiagrégation plaquettaire après angioplastie coronaire : recommandations actuelles Les dernières recommandations sur la revascularisation myocardique ont été présentées lors du congrès de la Société Européenne de Cardiologie en septembre dernier(1). À cette occasion, la durée de la DAP a été actualisée en prenant en compte les dernières données. Cette durée dépend à la fois de la situation clinique (maladie coronaire stable ou non) et du type d’endoprothèse utilisé (tableau 1). * Si contre-indication au prasugrel et au ticagrélor. DAPT, ITALIC, ISAR-SAFE : quelle durée de DAP prescrire après angioplastie coronaire avec stent actif ? DAP : faut-il la prolonger à 30 mois ? Les résultats de DAPT étaient parmi les plus attendus au congrès de l’AHA cette année. Il s’agit d’une étude internationale multicentrique, randomisée en double aveugle, ayant initialement enrôlé plus de 25 000 patients en Amérique du Nord, Europe, Australie et Nouvelle-Zélande, dans les 72 heures suivant une angioplastie coronaire avec implantation d’un stent nu ou actif. L’objectif était de comparer une DAP (aspirine + clopidogrel ou prasugrel) de 12 mois à une DAP prolongée de 30 mois (avec un suivi jusqu’à 33 mois). Les résultats chez les patients traités avec stents actifs (9 961 patients, âge moyen de 61 ans, 25 % de femmes, 30 % de diabétiques, 40 % de syndromes coronariens aigus environ)(2) ont montré que la DAP prolongée est associée à une réduction significative des thromboses de stent (0,4 % vs 1,4 %), des événements cardiovasculaires majeurs (4,3 % vs 5,9 %), et des infarctus du myocarde (2,1 % vs 4,1 %) avec des résultats très homogènes selon le type de stent actif utilisé : stents au sirolimus (Cypher®, Cordis) ; stents au zotarolimus (Endeavor®, Medtronic) ; stents au paclitaxel (Taxus®, Boston Scientific) ; stents à l’évérolimus (XIENCE, Abbott Vascular ; Promus™, Boston Scientific) (tableau 2). En revanche, comme on pouvait s’y attendre, la DAP prolongée était associée dans cette étude à une augmentation de 61 % des saignements modérés ou sévères (2,5 % vs 1,6 %, classification GUSTO) ainsi qu’à une augmentation (bien que non significative) de 24 % de la mortalité globale (2 % vs 1,5 % ; p = 0,052). L’analyse des causes de décès a montré qu’il n’existait pas de différence sur les décès d’origine cardiovasculaire mais en revanche que les décès non cardiovasculaires (liés notamment à des cancers) étaient significativement augmentés avec la DAP prolongée (alors que la proportion de cancers au moment de la randomisation était similaire dans les deux groupes). Plusieurs hypothèses ont été avancées, notamment la découverte de cancers favorisés par des saignements minimes liés à la prolongation de la DAP. Enfin, dans la mesure où le type de stent utilisé et l’antiagrégant plaquettaire (clopidogrel/prasugrel) n’ont pas été randomisés, il n’a pas été pas possible de tirer de conclusions à partir de ces sous-groupes. DAP : faut-il la raccourcir à 6 mois ? À l’inverse, deux autres études de non-infériorité, ITALIC et ISARSAFE, ont également été présentées lors de l’AHA et sont plutôt en faveur d’un raccourcissement de la bithérapie à 6 mois. ITALIC est une étude française ayant comparé une DAP (aspirine + clopidogrel/prasugrel/ticagrélor) de durée courte (6 mois) à une DAP de durée prolongée (24 mois) chez des patients répondeurs à l’aspirine ayant eu une angioplastie avec stent actif (1 850 patients, 25 % de syndromes coronariens aigus)(3). Cette étude a conclu à la non-infériorité du traitement court (pas de différence sur le critère principal composite associant décès, infarctus, revascularisation dans le même vaisseau, accident vasculaire cérébral, saignement majeur [TIMI] à 12 mois : 1,5 % vs 1,6 %). Le détail des événements ischémiques et hémorragiques est présenté dans le tableau 3. Enfin, ISAR-SAFE est une étude allemande ayant comparé une DAP (aspirine + clopidogrel) de 6 mois à une DAP de 12 mois chez des patients ayant eu une angioplastie avec stent actif (4 005 patients, 40 % de syndromes coronariens aigus)(4). Comme dans l’étude précédente, cette étude a conclu à la non-infériorité du traitement court (pas de différence sur le critère principal composite associant décès, infarctus, thrombose de stent, accident vasculaire cérébral, saignement majeur [TIMI] à 9 mois : 1,5 % vs,1,6 %). Le détail des événements ischémiques et hémorragiques est présenté dans le tableau 4. En termes de saignement, il faut noter que les résultats dépendent de la classification utilisée : il n’a pas été observé de différence entre les deux groupes avec la classification TIMI, mais il y a eu deux fois plus de saignements avec la DAP prolongée selon la classification BARC. À noter également que cette étude a été arrêtée prématurément (6 000 patients attendus initialement). Quel impact sur la mortalité ? Ces études ne permettent pas d’évaluer l’impact sur la mortalité de la DAP prolongée par manque de puissance. Cependant, une métaanalyse évaluant l’impact sur la mortalité d’une DAP prolongée par rapport à une DAP de durée courte (≤ 6 mois) vient d’être publiée dans le Lancet(5) et a regroupé au total 14 études randomisées dont DAPT (69 644 patients). Les résultats ont montré que la DAP prolongée n’a pas d’impact sur la mortalité globale (HR = 1,05 ; IC 95 % : 0,96-1,19), ni sur la mortalité d’origine cardiovasculaire, ni sur la mortalité non cardiovasculaire. Que faire en pratique ? Les résultats de ces études sont assez contradictoires. DAPT montre que la poursuite de la DAP au-delà de 12 mois chez une population de patients à faible risque hémorragique ou thrombotique permet de réduire la survenue des événements cardiovasculaires majeurs au prix d’une augmentation des événements hémorragiques. À l’inverse, ITALIC et ISAR-SAFE sont plutôt en faveur d’un raccourcissement de la bithérapie à 6 mois. En pratique, ces données encouragent à évaluer au cas par cas le rapport bénéfice/risque de la poursuite ou non de la DAP, à la limiter à 6 mois en cas de risque hémorragique important et, au contraire, à la poursuivre au-delà de 12 mois chez les patients à haut risque ischémique (antécédent d’infarctus du myocarde, angioplasties multiples ou complexes, etc.). Il semble toutefois exclu de réintroduire une bithérapie chez les patients l’ayant déjà cessée. Les résultats de l’étude PEGASSUS évaluant la poursuite de la DAP avec le ticagrélor chez des patients à haut risque cardiovasculaire avec antécédent d’infarctus du myocarde, prévue pour l’année prochaine, devraient apporter des renseignements complémentaires dans une population à haut risque.   Conclusion La durée de la DAP dépend à la fois du contexte clinique (syndrome coronarien aigu ou non) et du type d’endoprothèse coronaire utilisé (stent actif ou non). L’étude DAPT, montre que la DAP prolongée permet de diminuer la survenue d’événements cardiovasculaires majeurs et de thromboses de stent au prix d’une augmentation des complications hémorragiques. En revanche, deux études randomisées récentes (ITALIC, ISAR-SAFE), montrent la non-infériorité d’une DAP courte (6 mois) par rapport à une DAP prolongée (12 et 24 mois, respectivement) sur la survenue d’événements cardiovasculaires majeurs. En pratique, la durée de la DAP doit être individualisée en privilégiant un traitement court en cas de risque hémorragique important et au contraire un traitement prolongé chez les patients à haut risque cardiovasculaire.     Conflits d’intérêts Boards/Interventions : AstraZeneca, Bayer, Daiichi Sankyo, Eli-Lilly, MSD, Servier.

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