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Coronaires

Publié le 24 avr 2007Lecture 6 min

Mon attitude la plus fréquente en 2007 devant... Un infarctus aigu chez un sujet de plus de 80 ans

S. WEBER, hôpital Cochin, Paris

Il s’agit probablement, parmi les urgences cardiologiques, d’une des situations décisionnelles les plus fréquentes et néanmoins les plus difficiles, tant sont rares les données de la littérature solides et permettant de proposer un schéma réellement validé. De ce fait, la décision individuelle dépend, dans une bien plus large mesure qu’à l’accoutumée, de l’évaluation individuelle du rapport bénéfice/risque dont voici trois situations cliniques représentatives.

Un pronostic sévère et moins de reperfusion L’infarctus du sujet âgé de plus de 80 ans est très grave ! La mortalité précoce est très élevée ! Dans ces tranches d’âge, le recours aux techniques de reperfusion par thrombolyse ou par angioplastie primaire est beaucoup plus rare que chez les patients plus jeunes. À partir de ce double constat indiscutable, certains n’hésitent pas à transformer la juxtaposition de deux vérités en une relation de cause à effet : c’est parce que l’on utilise pas assez les techniques de reperfusion chez le sujet âgé que la mortalité y est si élevée ! Et de conclure que l’âge ne doit pas intervenir dans les décisions de reperfusion à la phase aiguë de l’infarctus. Cette façon de raisonner signifie implicitement que les cardiologues ou urgentistes, dont l’activité a été « photographiée » par les registres et les statistiques, ont quasi systématiquement pris de mauvaises décisions de non-reperfusion et, qu’ils ont, consciemment ou non, refusé aux patients âgés, la chance inouïe qu’aurait représenté pour eux, une angioplastie ou une thrombolyse… Je proposerai, pour ma part, que les cardiologues et urgentistes en question ne sont probablement pas tous si mauvais ni si timorés que cela et que, bien souvent, s’ils n’ont pas mis en œuvre l’artillerie lourde, c’est qu’ils avaient de très respectables et souvent de très bonnes raisons de ne pas le faire.   Pas de preuves chez l’octogénaire Rappelons également que les règles de l’Evidence Based Medecine ne s’appliquent pas à l’infarctus chez les plus de 80 ans pour la bonne raison qu’il n’y a quasiment pas d’étude méthodologiquement valable, c’est-à-dire n’incluant que le sujet de plus de 80 ans. S’intéresser rétrospectivement, lorsqu’on analyse les résultats des grands essais de thrombolyse ou d’angioplastie primaire, au sous-groupe des patients de plus de 80 ans d’un essai dont la moyenne d’âge était de 60 est, en effet, totalement irrecevable. Il est bien évident que seuls sont inclus, dans ces essais thérapeutiques randomisés, les patients âgés dont l’état général est excellent, dont les comorbidités sont faibles et qui, de ce fait, ne sont absolument pas représentatifs du tout-venant des patients beaucoup moins « fringuants », beaucoup plus souvent polypathologiques que nous prenons en charge au quotidien. Comme d’habitude, la prise de décision doit être basée sur l’évaluation individuelle du rapport bénéfice/risque. Ce n’est que dans les situations où le pronostic immédiat est gravement menacé et/ou l’amplitude du bénéfice obtenu par la reperfusion est majeure que la balance bénéfice/risque devient favorable. Le prix à payer en termes de risque iatrogène de la coronarographie, de l’angioplastie et des antithrombotiques puissants étant, en effet, beaucoup plus élevé au-delà de 80 ans.   Observation n°1 Le SAMU est appelé au domicile de Monsieur D., 84 ans, trois-quarts d’heure après le début d’une douleur thoracique infarctoïde. Il s’agit d’un patient hypertendu traité, sans autre comorbidité significative. À l’arrivée du SAMU, le patient reste très algique, l’examen clinique est normal, la tension est à 15/10, la fréquence cardiaque à 90 bpm. A l’ECG, il existe une onde de Pardee en D1, VL et de V1 à V6. Le temps d’acheminement vers une salle de cardiologie interventionnelle est inférieur à 30 min. Ma prescription : - En préhospitalier : • injection d’un morphinique intraveineux par bolus successifs, • aspirine 500 mg, • héparine non fractionnée sous cutanée, • clopidogrel 4 comprimés. • Acheminement direct en salle de coronarographie. • La coronarographie objective une occlusion de l’IVA proximale (figure 1A), il existe également des sténoses significatives au niveau du 3e segment de la coronaire droite et d’une 2e branche marginale circonflexe. • Désocclusion de l’IVA. Implantation d’un stent nu. Pas de geste sur les autres artères (figure 1B). • La coronarographie aura été effectuée par voie radiale, permettant la mise au fauteuil du patient dès le lendemain matin. La durée d’hospitalisation sera limitée, sauf complication, à 4 jours. • La solidarité familiale jouant, ici, pleinement son rôle, le retour à domicile rapide avec les aides initialement nécessaires pourra être en effet organisé, meilleur garant du maintien de l’autonomie. • L’ordonnance de sortie sera la même que celle du postinfarctus « habituel » Figure 1. Observation 1 : A. Occlusion de l’IVA ; B. Succès de l’angioplastie. Dans cette première observation, compte tenu de l’importance du territoire électriquement menacé et de la précocité d’intervention, le rapport bénéfice/risque de l’angioplastie primaire est excellent et il n’y aucune raison d’en priver le patient, d’autant que le pronostic de ce vaste infarctus non reperfusé aurait été pour le moins incertain.   Observation n°2 Madame F. 79 ans, est amenée au SAU d’un centre hospitalo-universitaire à la 5e heure d’une douleur thoracique infarctoïde inaugurale. Sans antécédent cardiovasculaire et en excellente forme intellectuelle, elle est cependant lourdement handicapée par la conjonction d’un Parkinson imparfaitement contrôlé par le traitement médicamenteux et d’une gonarthrose bilatérale. Elle est néanmoins autonome à son domicile avec son époux, lui-même âgé de 86 ans, grâce à un large recours à des aides à domicile. À l’admission au SAU, l’examen clinique est sans particularité. La tension est à 15/7, la fréquence cardiaque à 80 bpm et il existe une onde de Pardee en D2, D3, VF. Ma prescription : - hospitalisation en USIC, scope, voie veineuse, - morphine sous-cutanée 3 mg, - aspirine 500 mg, - héparine de bas poids moléculaire, - bêtabloquants à posologie initialement faible par exemple, acébutolol 100 mg, - statines. L’échographie confirmera le caractère limité de l’akinésie inférieure. L’hospitalisation sera limitée, en l’absence de complication, à 3-4 jours dans le souci de ne pas désorganiser le système d’aide à domicile fondamental au maintien de l’autonomie de cette patiente et de son époux. Dans cette deuxième observation, la prise en charge est plus tardive, le territoire en cours de nécrose est beaucoup plus limité. Malgré l’absence de toute détérioration intellectuelle il existe plusieurs comorbidités, le rapport bénéfice/risque des thérapeutiques invasives me paraît être mauvais dans ce cas. La priorité doit être donnée au traitement médical avec l’obsession d’un retour très rapide à domicile, meilleur garant du maintien de l’autonomie.   Observation n°3 Le SAMU est appelé au domicile de Madame R., 87 ans, par une de ses amies l’ayant visité une dizaine d’heures après une douleur thoracique infarctoïde dont l’intensité s’est, au demeurant, spontanément fortement atténuée. La patiente est en état de choc, marbrée, jugulaires turgescentes, tension à 9/5, auscultation pulmonaire normale. L’électrocardiogramme retrouve un sus-décalage de ST en D2, D3, VF, V3R, V4R. Il s’agit donc d’une nécrose inférieure avec extension ventriculaire droite en état de choc. Ma prescription : – Voie veineuse : expansion volumique très prudente par macromolécule, - aspirine 500 mg, - clopidogrel 4 comprimés, - héparine non fractionnée sous-cutanée. • Acheminement vers une salle de cardiologie interventionnelle. • La coronarographie objective une occlusion toute proximale de la coronaire droite (figure 2A), le réseau gauche est le siège de sténoses distales sur l’IVA et la première diagonale. • Réalisation immédiate d’une désocclusion de la coronaire droite par angioplastie avec pose d’un stent nu (figure 2B). • Dans les 2 à 3 heures suivant l’angioplastie, l’état hémodynamique s’améliore spectaculairement. La suite de l’évolution est favorable. Figure 2. Observation 3 : A. Occlusion proximale coronaire droite ; B. Succès de l’angioplastie. Dans cette observation d’infarctus grave du ventricule droit, le pronostic vital était engagé à quelques heures. La balance bénéfice/risque de l’attitude invasive devenait de ce fait excellente… Le délai tardif d’intervention n’est pas dans ce cas un obstacle, les « nécroses » du ventricule droit étant, de facto, des sidérations aiguës longtemps réversibles après reperfusion.

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