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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 22 mar 2011Lecture 7 min

Une fibrillation atriale qui récidive - Que proposer ?

L. FAUCHIER, Tours

Un homme de 76 ans a des antécédents d’hypertension artérielle et un angor d’effort stable. Il a une fibrillation atriale paroxystique depuis 2005 : un épisode documenté suivi d’une récidive en 2008. Le traitement associait alors ramipril 10 mg/j, amlodipine 5 mg/j, sotalol 320 mg/j, fluindione 20 mg/j, simvastatine 20 mg/j, avec une bonne stabilisation des chiffres de pression artérielle et un angor bref et rare.

Lors des consultations intermédiaires, l’examen clinique cardiovasculaire était normal avec une pression artérielle à 140/80 mmHg. L’ECG montrait un rythme sinusal à 65/mn avec un intervalle PR normal et des QRS fins. Il a été hospitalisé en mars 2010 pour des récidives de palpitations sous forme de tachyarythmies paroxystiques invalidantes et plus fréquentes : 5 épisodes sur 12 mois, la durée de chacun de ces épisodes étant de 2 heures à 72 heures avec résolution spontanée. Un épisode enregistré à l’ECG montrait une cadence ventriculaire entre 120 et 130/mn. L’échographie cardiaque de contrôle au décours du dernier épisode permettait de mesurer la fraction d’éjection du ventricule gauche à 50 %. Du fait de la fibrillation atriale paroxystique récidivante symptomatique, de la cardiopathie ischémique associée et de l’échec du sotalol, il a alors été proposé un traitement par amiodarone 1 cp/j. Il est réhospitalisé un an plus tard pour une rechute de tachyarythmie matinale. À l’examen initial, 1 heure après le début des palpitations, il existe une arythmie complète sans insuffisance cardiaque congestive. L’ECG confirme la rechute de fibrillation atriale avec une cadence ventriculaire entre 90 et 100/mn. Le patient signale également un accès de palpitations non enregistré, survenu le 1er janvier, et ayant duré seulement 30 mn. Il se pose donc dans cette situation plusieurs problèmes pour la stratégie anti-arythmique. Quel traitement anti-arythmique initial préférer ? Quelle stratégie antiarythmique ultérieure peut-on choisir et avec quelle méthode médicamenteuse ou non médicamenteuse ? La première étape parfois un peu négligée consiste à réévaluer la sévérité des symptômes. Il faut rappeler que dans toutes les recommandations sur la prise en charge de la fibrillation atriale, s’il n’y a pas ou peu de symptômes, il n’est pas licite de prescrire de traitement antiarythmique pour prévenir les rechutes, le traitement  anti-thrombotique devant par ailleurs systématiquement être adapté en fonction du score de CHADS2, (et éventuellement du score CHA2DS2VASc pour les patients à bas risque). En cas de symptômes invalidants, ce qui est loin d’être systématique, la réflexion sur les traitements anti-arythmiques doit être engagée. L’évaluation des symptômes peut se faire de manière semi quantitative grâce à la classification EHRA (tableau), adaptée à la fibrillation atriale mais assez similaire dans son principe à la classe NYHA des symptômes de l’insuffisance cardiaque.   Concernant le ralentissement de la cadence ventriculaire, à moins d’une très mauvaise tolérance, il ne sera sans doute pas licite pour notre patient de prescrire un traitement par voie intra-veineuse. On s’assurera du contrôle de la fréquence cardiaque par un bêta-bloqueur per-os (le metoprolol ou le propranolol dans les recommandations, alors que dans la pratique l’atenolol et le bisoprolol sont volontiers utilisés), éventuellement complété par du diltiazem per os qui sera sans doute plus efficace ici que l’amlodipine. La question de savoir s’il existe une cadence ventriculaire optimale est souvent le sujet de controverse. Les recommandations sur la prise en charge de la fibrillation atriale proposaient auparavant d’obtenir une cadence ventriculaire entre 60 et 80/mn au repos et entre 90 et 110/mn pour un exercice modéré. Ces chiffres assez stricts étaient une synthèse des objectifs de fréquence à obtenir dans les études AFFIRM et RACE ayant montré que le contrôle de la cadence ventriculaire était aussi efficace en termes de morbi-mortalité que le contrôle du rythme cardiaque. Ces cibles ont été revues dans les recommandations ESC 2010 puisque dans l’étude RACE 2, seule étude randomisée de stratégie thérapeutique actuellement disponible, un contrôle strict de la fréquence cardiaque en cas de fibrillation atriale permanente n’a pas montré de bénéfice à atteindre ces chiffres de fréquence ventriculaire, d’autant qu’environ 1/4 des patients ne pourront pas atteindre ces chiffres de fréquence cardiaque. On propose donc actuellement d’obtenir un ralentissement plus strict, tel que défini ci-dessus, lorsque le patient a des symptômes invalidants. Il se pose ensuite la question de savoir s’il faut respecter la fibrillation atriale et se limiter à contrôler la fréquence cardiaque ou si l’on souhaite avoir une stratégie de contrôle du rythme avec maintien autant que possible du rythme sinusal. À nouveau, si l’on considère que les deux stratégies sont envisageables pour le patient (lorsque les récidives ne s’accompagnent pas de symptômes trop invalidants en terme de palpitations ou de dyspnée), l’étude AFFIRM a bien montré que les deux stratégies sont équivalentes, en particulier quand les accès se répètent et que l’âge est un peu avancé comme pour notre patient. Nous sommes ici dans une situation intermédiaire où il y avait initialement des symptômes invalidants et récurrents (des épisodes pouvant être mensuels, durant plusieurs heures, avec une fréquence ventriculaire aux alentours de 130/mn, ce que l’on peut classer en EHRA III), alors qu’ensuite il persiste des symptômes mais qui paraissent moins sévères (un accès trimestriel, durant moins d’une heure, avec une cadence ventriculaire entre 90 et 100/mn, disons EHRA II). Si, pour ce patient, on choisit une stratégie de contrôle du rythme privilégiant le maintien du rythme sinusal, on peut considérer qu’il n’y a toutefois pas lieu d’envisager de cardioversion à la phase aiguë (ni électrique ni médicamenteuse) puisque l’ensemble des accès précédents étaient paroxystiques avec retour spontané au rythme sinusal en quelques heures. En termes de médicaments anti-arythmiques pour la prévention des rechutes, les antiarythmiques de la classe 1 de Vaughan Williams ne sont pas recommandés ici compte tenu de la maladie coronaire sous jacente. Il y a la possibilité de choisir maintenant qu’elle est disponible la dronédarone. cet anti-arythmique utilisable en cas de cardiopathie ischémique aurait sans doute une efficacité sur les récidives qui serait intermédiaire entre celle du sotalol et celle de l’amiodarone. Il y aurait l’avantage en cas de rechute de permettre un ralentissement partiel de la cadence ventriculaire permettant sans doute une tolérance plutôt meilleure des épisodes, même si l’efficacité anti-arythmique ne sera pas supérieure à l’amiodarone si l’on considère les résultats de l’étude DIONYSOS. Que le rythme sinusal soit maintenu ou qu’il y ait une rechute, il aurait surtout l’avantage théorique de permettre une réduction des évènements cardiaques si on s’en tient aux résultats de l’étude ATHENA. Pour la première fois, un médicament anti-arythmique a permis de montrer un bénéfice qui n’était pas limité au taux de maintien du rythme sinusal ou au délai éventuel de rechute de l’arythmie auriculaire mais qui se traduisait également par une diminution de 24 % du nombre de décès ou des hospitalisations pour motif cardiovasculaire. Ce dernier élément a sans doute été déterminant pour en faire un choix antiarythmique de première intention pour beaucoup de patients avec FA dans les recommandations ESC 2010 et dans les recommandations américaines ACCF/AHA/HRS 2011, en particulier pour la situation de notre patient. Au décours, trois possibilités sont donc envisageables après retour au rythme sinusal : - l’amiodarone, si on considère que les symptômes ont été significativement diminués sur les 12 mois où le médicament a été testé, et sous réserve d’une tolérance ultérieure satisfaisante. - la dronédarone puisqu’il s’agit d’un anti-arythmique non testé jusqu’ici pour ce patient et qui pourrait être utilement essayé compte tenu du profil avec cardiopathie sous-jacente sans insuffisance cardiaque grave associée, d’autant qu’il existerait un bénéfice en termes de réduction de symptômes, et en termes de réduction des évènements cardiovasculaires et ceci indépendamment du maintien du rythme sinusal. - une ablation par radio-fréquence de la fibrillation atriale puisque le patient reste malgré tout symptomatique. Ceci devra se discuter avec le patient en expliquant les risques possibles et les bénéfices attendus de la procédure, ceux ci étant une réduction très vraisemblable des symptômes sans bénéfice certain en termes de morbi-mortalité. Il faudra donc réserver la procédure aux patients qui sont bien sûr symptomatiques, mais dont les accès de fibrillation atriale sont réellement ressentis de manière désagréable, pour ne pas dire franchement pénibles pour une majorité des épisodes.   En pratique   L’évaluation des symptômes et de la gêne associée à ceux-ci est fondamentale pour décider des traitements anti-arythmiques et des changements de stratégies thérapeutiques en cas de fibrillation atriale récidivante. La classification EHRA, retenue dans les recommandations ESC 2010, est un outil semi quantitatif simple qui doit aider les cliniciens dans cette évaluation au quotidien. Certains patients avec fibrillation atriale devraient bénéficier significativement de la prescription de dronédarone, disponible depuis fin 2010, qui permet une prise en charge rythmique globale de contrôle du rythme et de contrôle de la fréquence, avec un bénéfice avéré en termes de morbi-mortalité cardiovasculaire, et qui n’est pas systématiquement lié au maintien du rythme sinusal. Le contexte actuel incite à être prudent avec les nouveaux médicaments, mais il semble que le rapport bénéfice/risque soit plutôt favorable comparé aux autres antiarythmiques, et sous réserve des précautions d’emploi en cas d’insuffisance cardiaque sévère ou instable.

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