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Échocardiographie

Publié le 03 fév 2009Lecture 6 min

Quelle est la place de l'écho portable ?

M.-C. MALERGUE, Institut Jacques Cartier (Massy), Institut Cœur Effort Santé (Paris)

L’échocardiographie occupe une place essentielle dans la prise en charge du patient d’urgence. Il est réalisé, dans les plus brefs délais, au lit du malade. Du diagnostic immédiat vont dépendre les procédures thérapeutiques de réanimation, l’écho pouvant être répété en fonction de l’évolutivité clinique, pour adapter le traitement. Les services de réanimation chirurgicale, de réanimation médicale et les USIC sont donc de gros demandeurs d’échocardiographie transthoracique et d’échocardiographie transœsophagienne, chez des patients non mobilisables, nécessitant un écho au lit, avec la nécessité d’une disponibilité permanente.

Les échographes sont dans la plupart des cas effectués par des machines dont la vocation n’est pas de pouvoir se glisser dans un bloc, une salle de cathétérisme ou une chambre de réanimation. Qui n’a pas vécu les situations d’urgence et de réanimation, ne peut comprendre les difficultés qu’ont la machine et son échographiste, à se frayer un passage et trouver sa place entre la ventilation, la contre-pulsion et souvent la dialyse ! Alors on souhaiterait, dans ces situations difficiles, pouvoir bénéficier d’une machine portable ou portative, pour autant que « la petite fasse aussi bien que la grande »… Mais là également, celui qui n’a pas vécu les difficultés d’enregistrement chez un patient non mobilisable, en décubitus dorsal et ventilé, de plus en plus souvent obèse, ne peut comprendre la difficulté de répondre de façon fiable à des questions qui paraissent simples pour le réanimateur : volémie, fonction ventriculaire gauche, pressions pulmonaires, etc. Il est indiscutable que les patients d’urgence ou de réanimation font partie des patients souvent très difficiles à examiner. Il serait illusoire de croire qu’une petite machine suffit ; elle suffira à éliminer la plupart du temps une tamponnade mais souvent le reste est aléatoire et justifie une écho performant. Tout autre propos ne parait pas répondre à des critères de qualité. Alors peut-on concilier la qualité et la miniaturisation ?   Les premières machines portables Elles ont fait réellement leur apparition il y a une dizaine d’années, tout d’abord ne faisant que de l’imagerie bidimensionnelle sans possibilité de mesure ; puis elles se sont équipées de Doppler pulsé, puis de Doppler couleur, avec un éventail de sondes et la possibilité pour certaines d’entre elles de faire de l’échocardiographie transœsophagienne. Pour nombre d’entre nous, le portable a été pendant longtemps l’équivalent d’un matériel de débrouillage, permettant d’éliminer les grosses urgences. La limitation, liée à la qualité médiocre de l’imagerie et souvent du Doppler, en a fait un outil très longtemps insuffisant, même s’il permettait de poser, ou d’éliminer un diagnostic. Le prix étant beaucoup moins important que celui d’une machine haut de gamme, ces machines sont devenues un « super stéthoscope », une aide à l’examen clinique, constituant un équivalent d’échoscopie. Bon nombre de publications ont suivi l’arrivée de ces machines.   Les études avec les machines portables En 2004, l’équipe de Vignon a comparé les données recueillies par des échocardiographistes avérés, entre une machine dite traditionnelle et une machine portable. Pendant 2 mois, 55 patients ont été ainsi examinés dont 40 sous ventilation. Le nombre de fenêtres acoustiques était comparable d’une machine à l’autre. La fiabilité diagnostique était moins bonne (80 % versus 92 %) avec la machine portable. Malgré la disponibilité du Doppler, les résultats n’ont pas permis de répondre dans 10 cas sur les pressions de remplissage, la présence d’une valvulopathie hémodynamique, le niveau d’HTAP. Dans cette étude, la fiabilité diagnostique est moindre comparativement à une machine traditionnelle en échocardiographie transthoracique. L’utilité de ces machines a été largement rapportée dans les services de réanimation avec une bonne valeur diagnostique chez des médecins non cardiologistes entraînés avec une formation relativement courte et efficace. Gorscan rapporte le bénéfice, en termes de décision thérapeutique, sur une population de 235 patients ayant bénéficié d’un examen clinique et d’un ECG. Une échographie avec une machine portable a été réalisée en moins de 10 minutes et a été centrée sur la fonction globale et régionale, et la présence ou non d’un épanchement péricardique. L’écho portable a modifié l’attitude thérapeutique chez 63 % des patients, 50 % ont eu une modification du traitement médical, 22 % un changement de diagnostic. Dans 5 % des cas, les données ont orienté directement le patient en salle de cathétérisme ou ont indiqué une péricardiocentèse. La cohérence des données après une étude ultérieure avec une machine « classique » a été de 92 %. Le pouvoir de ces machines portables est indiscutable dans des pays où l’accès aux soins est difficile. Kobal rapporte son expérience en Gambie en 2004 sur le dépistage de l’hypertrophie ventriculaire gauche (2 000 patients) grâce aux échos portables et intitule son article « Making an impossible mission possible » ; il donne un vrai sens à l’utilisation de tels outils, transportables et peu onéreux, comme moyen de « screener » de large population, dans des situations soit précaires soit d’accès difficile aux soins, en termes de dépistage rapide et peu coûteux.   Les questions posées par ces petites machines Elles sont multiples et complexes : est-ce possible d’utiliser une machine portable avec une fiabilité acceptable, quels en sont actuellement les avantages et les inconvénients, peut-on considérer cet examen comme un échocardiographie à part entière, peut-on confier ce matériel à des médecins non cardiologues ? Peut-on imaginer des urgentistes réalisant au lit du patient une échoscopie comme est réalisé un ECG, au prix d’une formation adaptée ? Enfin peut-on, très pragmatiquement parlant, coter un tel examen comme un examen réalisé sur une machine dite « de haut de gamme » ? À l’heure actuelle, il n’existe aucune recommandation ni aucune législation sur l’utilisation de tel appareillage à prix réduit. L’erreur serait d’assimiler les deux types de matériel alors que leur fonction paraît différente. Tout dépend de ce que l’on attend d’eux et de l’usage que l’on veut en faire.   Que demander aujourd’hui aux machines portables ? Le terme « portable » était jusqu’alors souvent synonyme de machine de dépannage, avec des capacités restreintes, machines d’appoint, souvent incapables de remplacer une vraie machine dite « haute gamme ». Allons-nous assister à une révolution comme on peut le constater dans d’autres domaines ? Il n’y a qu’à constater l’évolution des téléphones portables : mémoire, fonction internet, etc., pas plus gros qu’une carte de visite. La miniaturisation n’est plus synonyme de moins bonne qualité. Les machines portables vont irrémédiablement suivre la même évolution et les travaux réalisés avec les premiers portables il y a 5 ans seront obsolètes. Difficile de ne pas imaginer que de telles machines vont voir bientôt le jour : fiables, de bonne qualité, marchant sur batterie, acceptant l’échocardiographie transœsophagienne et les fonctions essentielles : couleur, Doppler pulsé, DTI et outils de mesure, stockage numérique et transfert facile des données par clef usb et par wifi. La machine se met sous le bras, plus besoin d’attendre l’ascenseur, plus besoin de prise de courant, rapidité d’allumage, mesures pouvant être faites en différé, etc. Mais seront-elles moins chères que les grosses machines ? Probablement pas pour les mêmes fonctions demandées. En fait, les deux types de matériel « portable et machine traditionnelle » s’adressent à des patients différents. Deux types de machines idéales semblent se dessiner actuellement : • l’une portable ne sacrifierait pas à la qualité et devrait répondre à des questions simples liées à l’urgence : sa place est indiscutablement dans un « chest pain center », en réanimation médicale et chirurgicale, au bloc opératoire ; • un autre type de machine, plus orienté vers l’examen de pointe et de recherche clinique, intégrant des logiciels tels que le 3D, le stress, toutes les nouvelles modalités de Doppler tissulaire sophistiqué comme le 2D strain. Les industriels ne s’y trompent pas : les deux types de matériel s’orientent vers des exercices et des besoins différents mais doivent se maintenir dans la qualité. Cette révolution permettra d’étendre le domaine des échocardiographes, demandera une formation qui pourra être acquise rapidement par les urgentistes et les réanimateurs, voire des techniciens d’urgence. Bon nombre de départements ont compris cette nécessité avec des machines lourdes à demeure dans les différents départements.   En pratique L’arrivée de petites machines, aussi bonnes que les grandes, mais sans les options de recherche clinique, verra l’utilisation de l’écho facilité, optimisé, polyvalente car facilement déplaçable d’un département à l’autre. Le screening des patients dans les centres d’urgence se fera probablement grâce à ces nouveaux matériels, en sachant que le doute devra faire place à l’expertise, et de l’échographiste et du matériel dit haut de gamme.

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