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HTA

Publié le 13 mai 2008Lecture 9 min

Les enseignements d'ONTARGET : prendre en compte la balance bénéfice/tolérance

X. GIRERD, Hôpital de la Pitié-salpêtrière, Paris


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ONTARGET est le plus vaste essai jamais réalisé dans la prévention cardiovasculaire (CV) pour évaluer les bénéfices du blocage du SRA par différents moyens (IEC, ARA II ou l’association des deux) chez des sujets en prévention secondaire (cardiopathie ischémique, antécédent d’AVC, AOMI) ou à haut risque CV (diabétiques avec atteinte des organes cibles). Si la prévention CV est comparable avec les trois modalités de blocage du SRA, la tolérance est en revanche différente, la meilleure étant celle du telmisartan et la moins bonne l’association ramipril et telmisartan. La balance bénéfice/tolérance devient un nouveau critère du choix du blocage du SRA chez les sujets à haut risque cardiovasculaire.

Les hypothèses L’étude ONTARGET a été conçue pour répondre à deux objectifs : • évaluer si l’association de telmisartan à la dose de 80 mg/j et de ramipril à la dose de 10 mg/j est plus efficace sur la réduction d’un critère composite associant les décès CV, les infarctus du myocarde (IDM) les accidents vasculaires cérébraux (AVC) ou les hospitalisations pour insuffisance cardiaque, que l’administration de ramipril seul, dosé à 10 mg ; • évaluer si le telmisartan dosé à 80 mg/j est au moins aussi efficace (c’est-à-dire non <) que le ramipril 10 mg/j.   La population Les patients ont été inclus s’ils étaient âgés ≥ 55 ans et étaient à haut risque CV du fait d’une situation de prévention secondaire (cardiopathie ischémique, antécédent d’AVC, AOMI avec un antécédent de revascularisation ou une sténose connue) ou d’un haut risque CV chez un sujet diabétique ayant une atteinte d’organe cible associée (rétinopathie, néphropathie, HVG). L'exclusion des patients ayant une insuffisance cardiaque ou rénale différenciait la population d’ONTARGET de celle des études CHARM, IDNT ou RENAAL (encadré). Les patients ont été randomisés après avoir montré qu’ils toléraient la prescription de ramipril 5 mg associé au telmisartan 40 mg. Les doses de ramipril 10 mg ou de telmisartran 80 mg ou de leur association ont été obtenues 2 semaines après la randomisation. Le suivi était programmé à la 6e semaine, après 6 mois, puis tous les 6 mois jusqu’à la fin de l’essai. Il est important de préciser qu'ONTARGET n'est pas un essai sur le traitement de l'HTA, les chiffres de PAS/PAD n’entraient pas dans les critères d’inclusion et constituaient même un critère de non-inclusion dans l’essai car les patients dont la PAS/PAD était > 160/100 mmHg n’allaient pas plus loin que la visite de sélection. Ainsi, l’étude n'avait pas pour objectif de comparer le telmisartan au ramipril pour traiter une HTA. Toutefois, près de 70 % des sujets inclus étaient connus comme hypertendus et traités par des médicaments ayant une action antihypertensive : bêtabloquants (56 %), inhibiteurs calciques (33 %), diurétiques (28 %). De ce fait, le niveau de la PAS/PAD à la visite de sélection était de 142/82 mmHg, un niveau tensionnel un peu plus élevé que celui observé dans la population de l’étude HOPE (139/79 mmHg). L’étude ONTARGET ayant inclus des sujets en prévention secondaire, tous ces patients étaient par ailleurs déjà traités pour ces pathologies et recevaient des statines (61 % en début d’essai et 70 % en fin), de l’aspirine (75 %) et/ou du clopidogrel (11 %). Les caractéristiques des patients sont résumés dans le tableau 1. Les résultats sur la prévention cardiovasculaire Les résultats de l’étude ONTARGET indiquent qu’au terme d’un suivi moyen de 4,6 ans : • Il n’a pas été mis en évidence de la supériorité de l’association telmisartan/ramipril comparé au ramipril seul, concernant la survenue d’un premier événement parmi ceux qui constituent le critère principal (décès CV, IDM, AVC ou hospitalisation pour insuffisance cardiaque). Ainsi, l’hypothèse d’une supériorité de l’association IEC + ARA II pour prévenir les complications n’est pas démontrée (figure 1). Figure 1 . Nombre d’évènements telmisartan + ramipril vs ramipril. • Il a été mis en évidence l’absence de différence entre le telmisartan et le ramipril, concernant la survenue d’un premier événement parmi ceux qui constituent le critère principal (décès CV, IDM, AVC ou hospitalisation pour insuffisance cardiaque) mais aussi concernant la survenue d’un premier événement parmi ceux qui constituaient le critère principal retenu dans l’étude HOPE (décès CV, IDM, AVC) (figure 2). Figure 2. Nombre d’évènements ramipril vs telmisartan. Ainsi, l’hypothèse de la non-infériorité entre le telmisartan et le ramipril sur l’incidence des événements est démontrée comme significative pour les événements du critère primaire (p < 0,003) mais aussi pour les critères retenus dans l’étude HOPE (p < 0,001). • Lorsque l’ensemble des événements CV est comparé, il n’est pas mis en évidence de différence significative entre les trois stratégies de traitement sur l’incidence des coronaropathies, des AVC, des décompensations cardiaque, des revascularisations, des arythmies cardiaques, de la mortalité CV et de la mortalité totale.   Les résultats sur la tolérance des traitements La tolérance clinique et biologique rénale (doublement de la créatinine, kaliémie > 5,5 mmol/l) a été évaluée au terme des 3 semaines de la période de « run-in » alors que tous les sujets recevaient le telmisartan 40 mg associé au ramipril 5 mg en simple insu, puis tous les 6 mois après la randomisation et l’administration en double aveugle du ramipril, du telmisartan ou de l’association telmisartan et ramipril. Lorsque l’arrêt d’un traitement de l’étude était décidé, une cause principale devait être déclarée. Les arrêts du traitement Au terme de la période de « run-in », 11,7 % des sujets ont stoppé le traitement. Les principales causes de cette interruption ont été : - le souhait du patient (2,1 %), - une hypotension artérielle (1,7 %), - une hyperkaliémie (0,8 %), - une élévation de la créatinine (0,2 %). Au cours de la période de suivi, le traitement a été stoppé chez 29,4 % des sujets sous l’association telmisartan et ramipril, chez 23,7 % de ceux sous ramipril et chez 21 % de ceux sous telmisartan. La principale cause de l’interruption définitive du traitement a été la toux, notée chez 1,1 % des sujets sous telmisartan, chez 4,2 % de ceux sous ramipril et chez 4,6 % de ceux sous l’association telmisartan et ramipril. Des symptômes attribués à une hypotension (jugement de l’investigateur) ont été la cause d’un arrêt du traitement chez 2,7 % des sujets sous telmisartan, chez 1,7 % de ceux sous ramipril et chez 4,8 % de ceux sous l’association telmisartan et ramipril (tableau 2). Ainsi, une augmentation de 20 % (p < 0,001) des arrêts de traitements a été notée chez les sujets traités par l’association telmisartan et ramipril par comparaison à ceux traités par ramipril, et une augmentation de 6 % (p < 0,02) des arrêts de traitement a été notée chez les sujets traités par le ramipril par comparaison à ceux traités par le telmisartan. Les effets indésirables rénaux Au terme de la période de « run-in », une hyperkaliémie (0,8 %) ou une élévation de la créatinine (0,2 %) ont été à l’origine d’un arrêt de l’étude. Au cours de la période de suivi, un doublement de la créatinine a été observé, sans différence significative, chez environ 2 % des sujets, mais une dysfonction rénale (jugement de l’investigateur) a été notée chez 13,5 % des sujets sous l’association telmisartan et ramipril, chez 10,2 % de ceux sous ramipril et chez 10,6 % de ceux sous telmisartan. Ainsi, une augmentation de 33 % (p < 0,001) des dysfonctions rénales a été notées chez les sujets traités par l’association telmisartan et ramipril comparés à ceux traités par ramipril. Une augmentation de la kaliémie > 5,5 mmol/l a été notée chez 5,6 % des sujets sous l’association telmisartan et ramipril, chez 3,3 % de ceux sous ramipril et chez 3,4 % de ceux sous telmisartan. Ainsi, plus de 5 % des patients sous l’association telmisartan et ramipril ont présenté au cours du suivi une kaliémie > 5,5 mmol/l et ce pourcentage est significativement plus élevé que celui observé sous ramipril (p < 0,001).   Les résultats sur la baisse de la pression artérielle L’étude ONTARGET n’est pas une étude dont l’objectif était le traitement de l’HTA et l’adaptation du dosage des médicaments ne s’est pas faite en fonction du niveau de la pression artérielle observée. Toutefois, chez des patients en prévention secondaire ou chez des diabétiques, l’HTA est fréquente et, de ce fait, 70 % des sujets inclus étaient hypertendus et/ou traités par des médicaments ayant une action antihypertensive (bêtabloquants, diurétiques, antagonistes calciques). Comme on pouvait s’y attendre, l’ajout d’un bloqueur du SRA s’est accompagné d’une baisse de la pression artérielle. Toutefois, à la visite de sélection, le niveau de PAS/PAD de 142/82 mmHg, étant comparable entre les groupes, la baisse de la pression a, elle, été différente selon les traitements. En effet, il a été noté une baisse de -8,4/-6,0 mmHg sous l’association telmisartan et ramipril, de -6,9/-5,2 mmHg sous telmisartan et de -6,0/-4,6 mmHg sous ramipril. Un des résultats importants de l’étude ONTARGET, est que les différences de pression artérielle notées entre les groupes n’ont pas eu de traduction en termes de prévention des complications CV (tableau 3). Pourtant, selon les données issues des essais du traitement de l’HTA, une différence de 2,2 mmHg pour la PAS s’accompagne, dans les études menées chez des hypertendus, d’une diminution de 10 % des événements CV et de 15 % des AVC. Pourtant, dans l’étude ONTARGET, une différence de 2,4 mmHg entre le ramipril et l’association ramipril et telmisartan est associée à une différence de seulement 1 % des événements CV et à une diminution de seulement 7 % des AVC. Ce moindre bénéfice de prévention, associé à une baisse tensionnelle comparativement à celui qui a été observé dans la majorité des autres études peut remettre en question le concept du « bénéfice de prévention proportionnel à la baisse tensionnelle ». Une explication du résultat d’ONTARGET réside dans la non-linéarité de la relation « pression artérielle-événements CV». Pour une baisse équivalente de la pression artérielle, le bénéfice est trois fois plus important quand la pression systolique initiale est à 180 mmHg que lorsqu’elle est à 140 mmHg (figures 3 et 4). Ainsi, ONTARGET montre que les bénéfices associés à une différence de PAS de 2,4 mmHg sont trop modestes pour atteindre, sur une population de plus de 16 000 sujets, le seuil de significativité statistique chez des patients ayant atteint sous traitement un niveau de pression artérielle de 132/76 mmHg. Figures 3 et 4. L’abaissement tensionnel de 20 mmHg se traduit par un bénéfice trois fois supérieur lorsque la PA est plus élévée. Si pour la prévention CV « chaque millimètre de mercure compte », il faut admettre que ces millimètres ont plus d’importance lorsque la PAS est à 160 mmHg qu’à 130 mmHg.   L’apport d’ONTARGET pour la pratique clinique Avec la publication d’ONTARGET, nos connaissances sur la manière d’utiliser les bloqueurs du SRA pour prévenir les complications CV des sujets à haut risque (coronariens, artéritiques, post AVC, diabétiques avec atteintes organique) ont progressé. La balance bénéfice/tolérance devient le principal critère de choix pour l’utilisation des bloqueurs du SRA. La thérapeutique pour laquelle la balance bénéfice/tolérance est la plus défavorable est l’association ramipril/telmisartan et celle pour laquelle la balance bénéfice/tolérance est la plus favorable est le telmisartan. Le bénéfice de l’utilisation d’un bloqueur du SRA pour prévenir les complications CV des sujets à haut risque (coronariens, artéritiques, post AVC, diabétiques avec atteintes organique) se trouve confirmé ; l’étude ONTARGET, qui démontre que le telmisartan exerce une action préventive sur la survenue des événements CV identique à celle du ramipril, permet d’estimer que la réduction du risque de complications CV est proche de 20 %. Ce bénéfice préventif est associé à la baisse de la pression artérielle qui accompagne la prescription du bloqueur du SRA, mais lorsque la prescription est réalisée chez des sujets dont le niveau tensionnel est déjà satisfaisant, l’importance du bénéfice associé à la baisse de la pression artérielle est moindre.   En conclusion   L’étude ONTARGET permet donc de montrer que tous les moyens de blocage du SRA ne sont pas équivalents et que chaque décision thérapeutique devrait se justifier par la prise en compte de la balance bénéfice/tolérance. Si cette simple règle est suivie, ONTARGET indique que le telmisartan est aujourd’hui l’alternative thérapeutique au ramipril chez les sujets à haut risque vasculaire.

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