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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 30 sep 2008Lecture 7 min

Fièvre chez un porteur de pacemaker

F. HIDDEN-LUCET, Pitié-Salpêtrière, Paris

Les procédures d’implantation de pacemaker (PM) et de défibrillateurs (DAI) sont en augmentation croissante (+ 42 % entre 1990 et 1999 aux États-Unis) avec une augmentation parallèlement plus importante des taux d’infection de ces prothèses (124 %). La fréquence des infections de PM et de DAI est estimée aux alentours de 1 à 2 % avec des extrêmes allant de 0,13 à 19,9 % dans la littérature. Toute fièvre inexpliquée chez un porteur de pacemaker doit faire craindre et rechercher une infection du matériel implanté.

Tout syndrome fébrile est-il le témoin d’une infection de pacemaker ? La réponse est bien évidemment négative mais la fièvre est retrouvée dans 78 % des cas d’infection de matériel dans une série monocentrique de 60 pa-tients hospitalisés consécutivement pour endocardite sur PM ou DAI entre 1998 et 2004, suivie par l’asthénie (65 %) et les signes locaux loin derrière (35 %) ; c’est donc le signe clinique le plus suspect bien qu’aspécifique. Selon les recommandations de la Mayo Clinic, la recherche d’une infection doit être effectuée par deux séries d’hémocultures préalables à toute antibiothérapie.   Tout syndrome septicémique est-il le témoin d’une infection de pacemaker ? Là encore, la réponse est négative. Dans une analyse rétrospective portant sur 1 524 pa-tients porteurs de matériel implantable résidant dans le comté d’Olmsted (Minnesota) entre 1975 et 2004, Uslan retrouve une corrélation différente entre infection de matériel et positivité des hémocultures en fonction des germes : dans 55 % des cas, des hémocultures positives à staphylocoques sont associées à une infection du matériel alors que l’infection n’est présente que dans 12 % des cas si le germe retrouvé dans les hémocultures est un bacille à Gram négatif (BGN) (p = 0,04). En analysant rétrospectivement 49 patients de la Mayo Clinic porteurs de PM ou DAI ayant présenté des épisodes bactériémiques à BGN entre 1998 et 2005, Uslan ne retrouve comme facteur prédisposant à une endocardite que les infections cutanées liées à la primo-implantation. Les autres portes d’entrée (urinaires, digestives, pulmonaires, etc.) n’ont pas donné lieu à des greffes secondaires sur le matériel implanté ; le traitement ne comporte donc pas l’obligation d’extraction du matériel, mais uniquement une éradication de la porte d’entrée et un traitement antibiotique adapté (durée médiane de traitement de 15 jours). De même, dans l’étude épidémiologique de surveillance de l’endocardite réalisée en France en 1999, Duval retrouve 45 patients porteurs de PM ; 33 d’entre eux (73,3 %) présentent une endocardite sur sondes de PM, associée ou non à une endocardite valvulaire (tricuspide dans 62,5 % des cas), mais 12 (26,7 %) ne présentent pas d’arguments en faveur d’une extension au matériel de stimulation de leur endocardite valvulaire (gauche dans tous les cas). Les germes en cause dans les endocardites gauches sans extension au matériel de stimulation sont majoritairement des streptocoques (50 %) avant les staphylocoques (41,7 %), alors qu’on observe majoritairement des infections à staphylocoque (69,7 %), en particulier à coagulase-négative chez les patients porteurs d’une endocardite sur sonde. Cette différence est rapportée aux capacités élevées d’adhésion des staphylocoques au matériel étranger. Dans le cadre d’une endocardite gauche isolée, en l’absence d’indication opératoire, il n’y a donc pas d’indication formelle à un retrait du matériel de stimulation.   Quels sont les facteurs orientant vers une infection du matériel de stimulation ?   Le terrain Les facteurs prédisposant aux infections tiennent soit au terrain (immunodépression induite par une corticothérapie au long cours), soit au contexte dans lequel est réalisée l’implantation : fièvre, présence d’une sonde d’entraînement électrosystolique ou d’anciennes sondes de pacemaker, nécessité d’une réintervention précoce. L’antibioprophylaxie est retrouvée comme un facteur protecteur dans les études prospectives comme dans les études rétrospectives. Le matériel implanté joue, lui aussi, un rôle avec un taux d’infection significativement plus élevé en cas d’implantation d’un défibrillateur que d’un pacemaker.   L’infection de loge Abcès, collection, menace d’extériorisation doivent être recherchés systématiquement bien qu’ils soient inconstants. Dans de rares cas où l’incertitude diagnostique persiste, on peut proposer de réaliser une ponction de loge. D’une part, ce geste n’est pas dénué de risque de contamination par lui-même et doit donc être bien réfléchi et exécuté en ambiance stérile ; d’autre part, il ne faut pas omettre de signaler au laboratoire de bactériologie la nécessité de poursuivre les cultures du liquide recueilli suffisamment longtemps pour permettre la croissance d’un germe déficient, souvent considéré à tort comme une souillure. Le PET scan pourrait être d’un apport diagnostique intéressant en montrant des foyers de fixation sur les sondes et/ou sur le boîtier en l’absence de signes locaux.   La présence de végétations à l’échographie L’examen de référence est l’échographie trans-œsophagienne (ETO) avec une sensibilité supérieure à 90 %, une spécificité et une valeur prédictive positive de 100 %, très nettement supérieures à celle de l’échographie transthoracique. L’échographie intracardiaque n’est pas utilisée de façon routinière, mais rapportée comme performante dans quelques études. On retient comme définition la présence d’une masse intracardiaque sur la sonde, la valve ou l’endocarde visible dans plus d’un plan en cas d’infection sanguine ou de culture de matériel positive. Outre l’intérêt diagnostique, l’ETO permet de quantifier les végétations (nombre, taille, aspect emboligène) et d’évaluer ainsi les risques emboliques d’une extraction percutanée.   Les embolies pulmonaires Elles sont fréquentes : 26 à 41 % des cas selon les études avant même toute tentative d’extraction de matériel. Leur recherche est utile soit pour étayer le diagnostic en cas d’absence de végétations à l’ETO, soit dans le cadre du bilan d’opérabilité en vue d’une extraction percutanée, celle-ci se compliquant d’emboles jusque dans 30 % des cas selon les études.   Traitement d’une infection de matériel Il repose sur l’association d’une antibiothérapie adaptée à l’extraction de tout le matériel implanté avec mise en culture des tissus de loge et des extrémités de sondes. Bien qu’aucune étude prospective n’ait randomisé une stratégie conservatrice avec l’extraction du matériel, la plupart des études rétrospectives montrent que la stratégie conservatrice est associée à un taux de récurrences et à une mortalité élevés. L’extraction de matériel doit être complète, la persistance de fragments de sonde exposant à des récidives infectieuses. Le geste est effectué soit par voie endovasculaire à l’aide de matériel spécifique (stylet d’ancrage, lasso, gaine de dissection mécanique, électrochirurgicale ou laser), soit par voie chirurgicale le plus souvent sous circulation extracorporelle. L’ablation endovasculaire est réalisable complètement dans 80 à 90 % des cas selon les études, la technique utilisée, l’ancienneté et le type de sondes. Elle expose à des complications majeures (fractures de sondes ou lésion tricuspide nécessitant un geste chirurgical, dilacérations veineuses, tamponnade, hémothorax) dans 0,4 à 6 % des cas et doit donc être effectuée dans un environnement chirurgical. La présence de végétations de plus de 10 mm n’est plus reconnue comme une contre-indication de l’extraction endovasculaire, que sa faible mortalité rend préférable à la chirurgie en première intention. La durée de l’antibiothérapie classique est de 4 à 6 semaines en cas d’endocardite. Elle peut être raccourcie après extraction du matériel en l’absence d’autre foyer infectieux associé selon l’algorithme de prise en charge de la Mayo Clinic (figure 1). En l’absence d’infection systémique, la durée d’antibiothérapie suivant l’extraction du matériel n’est pas clairement établie et dépend du germe retrouvé et de la nécessité et des modalités de la réimplantation. Lorsque l’extraction du matériel est impossible, l’antibiothérapie initiale de 1 mois est prolongée sous forme orale pour une durée supérieure ou égale à un an avec un taux de récidives de 7,3 % et des effets secondaires du traitement dans 6,5 % des cas. Figure 1. Algorithme de prise en charge des suspicions d’infection de PM ou DAI par la Mayo Clinic. Aucune étude n’a jamais évalué les délais de réimplantation en fonction des germes et de la sévérité de l’infection. Chez les patients stimulo-dépendants notre attitude personnelle est d’implanter un stimulateur épicardique au cours de la procédure d’extraction, mais certains auteurs ont proposé une réimplantations endovasculaire controlatérale dans le même temps. En l’absence de recommandations nationales, l’expérience de grands centres comme la Mayo Clinic (figure 2) peuvent servir de support. En l’absence de stimulodépendance, une réévaluation de l’indication de stimulation doit être effectuée : 13 à 52 % des patients sont ainsi non réimplantés. Figure 2. Algorithme de réimplantation de PM ou DAI post infection selon la Mayo Clinic. En pratique   Le bilan d’une fièvre inexpliquée chez un porteur de matériel de stimulation implantable doit être rigoureux à la recherche d’une infection de prothèse obligeant à l’extraction du matériel. Si les contaminations du matériel par BGN sont rares, il n’en va pas de même pour les infections à staphylocoque, en particulier à point de départ cutané. La prévention de ces infections est réalisée, outre une préparation locale soignée, par une antibioprophylaxie lors de la pose du matériel. Il n’y a actuellement pas d’indication, dans les recommandations américaines ou françaises, à une antibioprophylaxie lors d’un geste chirurgical ou invasif chez un porteur de stimulateur cardiaque, contrairement aux recommandations japonaises.

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