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Explorations-Imagerie

Publié le 22 nov 2005Lecture 6 min

Faut-il doser HDL et LDL-cholestérol en routine ?

P. AMBROSI, CHU Marseille

Nous avons pris l’habitude de doser les fractions lipidiques avant et sous traitement hypolipémiant, alors que nous ne mesurons pas l’activité plaquettaire avant et sous aspirine. Dans une démarche pragmatique, peut-on envisager de prescrire les statines comme l’aspirine ?

HDL et LDL-cholestérol : des facteurs de risque indiscutables de la maladie athérothrombotique C’est ce qui explique que ces fractions lipidiques ont été utilisées comme critères d’inclusion dans nombre d’essais d’intervention avec les hypolipémiants. Cependant, certains essais, et non des moindres, comme 4S, n’ont sélectionné les patients que sur le cholestérol total et non le LDL-cholestérol. Pour le praticien, dans une approche traditionnelle, ces dosages ont pour intérêt, en cas d’hypercholestérolémie modérée, de faire la part entre celles dues à l’élévation du « bon » cholestérol, à négliger, et les autres. De plus, toutes les recommandations, y compris celles émises récemment par l’AFSSAPS, font référence au LDL, voire au HDL, pour guider le traitement hypolipémiant. Dans ces recommandations, ces fractions lipidiques jouent à la fois un rôle majeur comme seuil d’intervention et comme cible thérapeutique, avec l’exception notable cependant des récentes recommandations européennes (2003) où le cholestérol total joue un rôle clef dans l’algorithme décisionnel (tableau 1). Il est cependant temps de revoir complètement notre conception du traitement hypolipémiant à la lumière des essais les plus récents. Longtemps celui-ci a eu pour ambition de normaliser le cholestérol. Aujourd’hui, on sait qu’il peut être bénéfique, même lorsque le cholestérol initial est normal, dès lors que le niveau de risque vasculaire est élevé. Dans ces conditions est-il toujours utile de doser LDL et HDL ?   HDL et LDL, quels seuils d’intervention ? Pour répondre à cette question, il faut d’abord évaluer l’intérêt de ces dosages pour mesurer le risque vasculaire global. La leçon de tous les essais récents est d’avoir démontré de manière cohérente que le bénéfice d’un traitement hypolipémiant dépend en gros de deux facteurs : la nature (molécule et dose) de l’hypolipémiant utilisé et le niveau de risque vasculaire des patients. En d’autres termes, dès lors que le niveau de risque est élevé, une statine efficace à dose efficace permet de diminuer de manière significative le risque vasculaire. Le niveau de risque initial peut être élevé pour diverses raisons : antécédent de maladie vasculaire (4S, etc.), hypercholestérolémie (WOSCOPS), hypertension associée à d’autres facteurs de risque (ASCOT-LLA), diabète associé à d’autres facteurs de risque (CARDS)… C’est ce qui explique que toutes les recommandations récentes conseillent une évaluation initiale du risque, avec ou sans table de risque. La détermination du LDL ou du HDL permet-elle d’affiner le calcul du risque vasculaire par rapport à un modèle où l’on fait entrer cholestérol total + sexe + âge + pression artérielle + habitude tabagique + présence d’un diabète ? La réponse est non. En effet, d’une part, cholestérol total et LDL-cholestérol sont très fortement corrélés entre eux et, d’autre part, le petit avantage à utiliser le LDL-cholestérol s’efface devant le poids des autres facteurs de risque comme le tabac. Cette démonstration a récemment été apportée lors de la construction de la table SCORE permettant de calculer le risque vasculaire dans les pays du sud de l’Europe et donc la France. Par ailleurs, il n’y a pas de niveau de LDL-cholestérol initial identifié, en dessous duquel le traitement hypolipémiant est inefficace. Les études HPS et CARDS ont montré que, chez des patients à haut risque, dans des situations de prévention primaire et secondaire, le traitement par statine diminue le risque vasculaire de la même manière, quel que soit le niveau de LDL initial. De manière concordante, plusieurs essais ont montré un bénéfice du traitement hypocholestérolémiant chez des patients à cholestérol initial normal ou plutôt bas. Rappelons que, dans la population générale masculine française d’âge mûr, la moyenne du cholestérol total est de 2,4 g/l et celle du LDL de 1,6 g/l, sans traitement. En prévention primaire chez l’hypertendu à haut risque, l’étude ASCOT-LLA a montré un bénéfice chez des patients avec un LDL initial en moyenne à 1,3 g/l. De même, le risque a été significativement diminué chez des coronariens par une statine dans l’étude PROVE-IT pour un cholestérol total initial < 2,4 g/l. Le cas des patients en prévention primaire dont le principal facteur de risque est l’hypercholestérolémie est probablement différent. Il est, en effet, logique qu’il existe chez ces patients un niveau de LDL-cholestérol en dessous duquel le traitement hypolipémiant n’apporte pas de bénéfice significatif. Mais il est également très probable que la mesure du cholestérol total et l’estimation du risque global en tenant compte des autres facteurs de risque suffisent à identifier les bons candidats au traitement hypolipémiant. A-t-on identifié un niveau de LDL en dessous duquel le traitement hypolipémiant est dangereux ? Pas pour le moment. En particulier dans TNT et PROVE-IT, il n’est pas signalé de plus mauvaise tolérance chez les patients dont le LDL initial était bas (un quart avait moins de 0,9 g/l à l’inclusion dans PROVE-IT !). Il existe cependant une réserve majeure à cette constatation rassurante : c’est qu’il faut désormais réaliser ces études dans « la vie réelle » (hors essai) et des populations de plus grande taille pour bien apprécier la tolérance d’un médicament.   HDL et LDL, cibles du traitement ? Récemment, plusieurs essais sur les statines ont comparé un traitement intensif à un traitement conventionnel (tableau 2). Il en ressort que, chez les coronariens, de fortes doses de statines sont plus efficaces en termes de prévention que des doses habituelles. L’étude A to Z, quoique négative, n’est pas discordante car, sous 80 mg de simvastatine, le LDL différait peu du LDL atteint sous 20 mg. Dans les groupes de PROVE-IT et de TNT recevant la forte dose d’atorvastatine, le LDL a baissé en moyenne de 0,6 à 0,8 g/l. Faut-il en conclure que le traitement doit se fixer comme valeur cible un LDL à 0,7 g/l chez les coronariens ? C’est abusif pour au moins 3 raisons : - Aucun des essais réalisés jusqu’à présent n’a utilisé la bonne méthode pour valider une valeur cible de HDL ou de LDL-cholestérol. En effet, il aurait fallu pour cela comparer deux groupes auxquels on aurait assigné des cibles différentes (comme cela avait été fait par l’étude HOT dans le domaine de l’HTA). - La tolérance des fortes doses de statine demeure problématique. S’il est vrai que, dans les essais cités ci-dessus, elle était acceptable pour l’atorvastatine 80 mg, il n’en demeure pas moins que les principaux effets indésirables des statines sont dose-dépendants. La pharmacovigilance l’a formellement établi depuis longtemps. Les essais les plus récents n’échappent pas à la règle. Ainsi, dans les études TNT et PROVE-IT, l’incidence des élévations des transaminases > 3N est multipliée par 3 à 6 fois sous forte dose. Dans A to Z, 9 patients ont fait une myopathie sous 80 mg de statine contre 1 sous 20 mg. Ces effets indésirables sont évidemment plus fréquents dans la vraie vie que dans les essais cliniques. On manque donc de recul pour affirmer l’innocuité d’une prescription à large échelle des fortes doses de statine. - Enfin, dans ces essais, les valeurs très basses de LDL (autour de 0,7 g/l) sous fortes doses de statines, ont été observées dans des populations dont la cholestérolémie initiale était normale ou basse. Pour atteindre les mêmes cibles chez des patients hypercholestérolémiques, des associations de fortes doses d’hypolipémiants seraient nécessaires. Or, ni l’efficacité, ni la tolérance de telles associations n’ont correctement été évaluées dans des essais de prévention.   En conclusion Le dosage du LDL et du HDL-cholestérol en routine présente un intérêt discutable à la lumière des essais les plus récents. On l’a vu, le seuil d’intervention est défini par le niveau de risque évalué en tenant compte du sexe, de l’âge, de la pression artérielle, du diabète, des habitudes tabagiques et du cholestérol total. Le praticien a besoin de savoir si, dans une situation donnée, il va donner une faible ou une forte dose de statine, un autre hypolipémiant ou une association. Pour le moment, les essais répondent incomplètement à cette question. En tout cas, ils ne valident pas de cible de LDL ou de HDL. En revanche, il demeure indispensable de doser le cholestérol total avant et sous traitement, pour écarter les hypocholestérolémies (< 1,5 g/l), évaluer le risque vasculaire et renforcer l’observance.

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