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Coronaires

Publié le 04 oct 2011Lecture 9 min

Gestion de l’infarctus : comment améliorer l’angioplastie primaire ?

P. COMMEAU, Polyclinique Les Fleurs, Ollioules

Bien que ce ne soit pas le cas en France, l’infarctus du myocarde (IDM) reste la première cause de mortalité dans le monde. Son évolution est directement liée à l’étendue de la zone nécrosée. La priorité absolue pour limiter la taille de l’infarctus est d’effectuer une reperfusion la plus précoce possible et ainsi de réduire au maximum le temps entre le début de la douleur thoracique et la désobstruction coronaire par angioplastie. En fonction des délais des différentes étapes composant ce cheminement, le recours aux thérapeutiques « de lyse » (fibrinolyses et antiplaquettaires) aidera à cette désobstruction coronaire.

Quelle que soit la durée de l’intervalle entre le début des manifestations d’occlusion coronaire et son admission dans la salle de cathétérisme, une fois le patient sur la table de coronarographie, il est très difficile de savoir quelle est la masse de myocarde à sauver car cela dépendra de l’importance de la collatéralité et de la résistance des myocytes à l’ischémie éventuellement exacerbée par un possible préconditionnement (épisodes succincts d’ischémie transitoire préalable à l’occlusion définitive, situation fréquente correspondant à l’angor spontané précédant souvent l’infarctus). Ainsi il est nécessaire lors de l’angioplastie primaire de mettre tous les atouts de son côté pour optimiser la revascularisation et surtout ne pas aggraver l’ischémie coronaire par des manœuvres inappropriées ou délétères. L’optimisation de l’angioplastie primaire peut être pharmacologique, mécanique (thrombectomie, protection distale, choix du stent, assistance circulatoire) et procédurale (post-conditionnement, procédure minimaliste conservatrice, approche radiale).   Optimisation pharmacologique L’administration de thérapeutique fibrinolytique ou antiplaquettaire par voie intraveineuse (IV) ne suffit pas dans une grande majorité des cas à produire une désobstruction suffisante et soutenue de l’artère coronaire occluse. Cela tient à la masse de thrombus et probablement aussi à la concentration insuffisante du produit actif sur le site de l’occlusion. Même si l’administration intracoronaire (IC) de ces molécules n’a pas fait la preuve de sa supériorité, des études récentes concernant plus particulièrement l’administration IC d’antiGP-IIb/IIIa ont suggéré leur bénéfice. Le bénéfice théorique de cette injection intracoronaire est basé sur l’hypothèse qu’une concentration plus importante de l’agent actif diminuera la masse thrombotique, améliorera le flux d’aval, réduira le risque de phénomène de no-reflow et ainsi la taille de l’infarctus. Une étude rétrospective publiée en 2003 suggérait que l’administration IC d’abciximab lors d’angioplastie réalisée pour IDM ou angor instable était plus puissante que son administration IV(1). Le taux d’événements cardiaques majeurs (MACE) était significativement plus bas dans le sous-groupe de patients recevant le médicament par voie IC (figure 1). Plus récemment dans l’étude ICE, l’administration d’eptifibatide IC lors de syndrome coronaire aigu (SCA) a été responsable d’un taux d’occupation des récepteurs GP-IIb/IIIa mesurés dans le sang du sinus coronaire significativement plus élevé qu’après injection IV, que ce soit après le premier bolus mais aussi le deuxième (figure 2). Simultanément la microcirculation, appréciée par le TIMI frame count corrigé, est significativement améliorée(2). Figure 1. Taux de MACE après injection d’abciximab IV vs IC (403 patients avec SCA bénéficiant d’une angioplastie). Figure 2. Occupation des récepteurs GP2b3a mesurés dans le sang du sinus coronaire après administration d’antiGP2b3a V vs IC (étude ICE). L’étude CICERO, appréciant de façon prospective et randomisée l’administration d’abciximab IC lors de SCA ST+, a montré une meilleure reperfusion évaluée par le grade blush et par les marqueurs enzymatiques avec réduction de la taille de l’infarctus de près de 30 %. Néanmoins, le taux de résolution du segment ST à l’ECG n’était pas différent dans les 2 groupes(3). Cette étude n’avait pas la puissance statistique suffisante pour détecter des écarts significatifs pour les événements cliniques. En attendant des études multicentriques randomisées de plus grande taille, il apparaît préférable, quand cela est possible, de procéder à l’administration IC de l’antiGPIIb/IIIa.   Optimisation mécanique Le recours à l’assistance circulatoire, en particulier la contrepulsion intra-aortique par ballon, ne sera pas abordé ici car il est guidé par l’étendue des dégâts myocardiques et le statut clinique du patient. Il se fait donc au coup par coup et n’est en rien systématique. En revanche, le recours aux systèmes de thrombectomie et de protection ainsi que le choix du type de stent peuvent avoir un impact sur la qualité de la revascularisation à court, moyen et long termes.   Systèmes de protection et de thrombectomie Sur le plan expérimental, l’injection répétée de bolus de microsphères de 42 µm de diamètre dans l’artère circonflexe de chiens anesthésiés provoque une altération passagère du flux sanguin coronaire après chaque injection, mais avec un retour à des valeurs normales en quelques minutes(4). Cependant, l’altération de l’épaississement de la paroi postérieure est progressive et s’aggrave après chaque embolisation sans retour à la normale (figure 3). Figure 3. Effets de l’injection répétée dans l’artère circonflexe de chiens anesthésiés d’emboles de 30 000 microsphères de 42 µm de diamètre (flèches) sur le flux coronaire (CBF) et l’épaississement de la paroi postérieure (PWT). Il est donc séduisant de penser qu’une thrombectomie pour diminuer la masse thrombotique ou qu’un système de protection embolique pourrait ainsi préserver au mieux le myocarde sous-jacent. La métaanalyse de 30 études réalisée par Bavry comparant l’utilisation ou non de tels ustensiles montre que seule la thrombo-aspiration par cathéter est significativement efficace sur la mortalité(5). La thrombectomie mécanique et la protection embolique sont soit sans effet, soit délétères (figure 4). Figure 4. Effets des différents dispositifs de protection sur la mortalité après revascularisation pour infarctus aigu du myocarde. Méta-analyse de Bavry. La métaanalyse menée par Burzotta appréciant l’impact du type de matériel de thrombectomie (manuel ou non) montre que seule l’aspiration manuelle par cathéter dédié réduit significativement la mortalité (figure 5)(6). Cette métaanalyse conforte les résultats de l’étude randomisée TAPAS testant chez 1 071 patients l’efficacité du cathéter d’aspiration manuelle EXPORT® sur la résolution du segment ST, sur le blush myocardique(7) et sur la mortalité à un an(8) (figure 6). Les recommandations ACC/ AHA 2009 et ESC/EACTS 2010 classent respectivement la thrombo-aspiration manuelle IIa-B et IIa-A dans le cadre du SCA ST+. Figure 5. Effets des différents dispositifs de thrombectomie sur la mortalité après revascularisation pour infarctus aigu du myocarde. Méta-analyse de Burzotta. Figure 6. Mortalité à 1 an dans l’étude TAPAS (thrombectomie manuelle vs angioplastie conventionnelle). Stents L’infarctus du myocarde apparaissant comme le prédicteur le plus puissant de thrombose de stent, intuitivement il existe une réticence à implanter un stent actif (DES) plutôt qu’un stent nu (BMS) dans le cadre d’une angioplastie primaire. Néanmoins la métaanalyse de Kastrati portant sur 2 786 patients avec un suivi de 12 à 24,2 mois souligne la supériorité du DES sur le BMS sur le critère composite associant décès, infarctus du myocarde et réintervention (figure 7)(9). Figure 7. Méta-analyse de Kastrati comparant la probabilité de survenue des événements combinés (décès, infarctus du myocarde et réintervention) après la pose de stent actif (DES) ou de stent nu (BMS). Ces résultats ont été confortés par l’étude du registre de la Massachusetts Medical Society portant sur 7 217 patients ayant bénéficié de la mise en place d’un BMS ou d’un DES lors d’une angioplastie pour SCA ST+ et ST-. Il existait une réduction significative de la mortalité et des réinterventions sur le vaisseau coupable à 2 ans(10). Malgré tout, la décision d’implanter un DES doit être guidée avant tout par la capacité d’observance thérapeutique du patient traité dans des circonstances particulières où l’interrogatoire est souvent délicat. Ainsi, il est préférable de réserver le DES aux patients et aux lésions à risque de réintervention, tels les vaisseaux de petit diamètre, les lésions longues, les atteintes pluritronculaires, les patients diabétiques, l’IVA proximale et le tronc commun de la coronaire gauche, nonobstant les discordances pouvant être retrouvées selon les recommandations (HAS, LPPR, sociétés savantes). Le BMS sera proposé en première intention pour les lésions courtes siégeant sur des artères de gros calibre > 3,5 mm, chez les patients dont l’observance est imprévisible ou douteuse, lorsqu’il existe un thrombus résiduel ou que les lésions sont difficiles d’accès car d’anatomie complexe ou massivement calcifiées. Quelques innovations thérapeutiques concernant les stents implantés dans ces conditions particulières sont en voie de commercialisation, tel l’enrobage du stent par un filet polymérique plaquant le thrombus sur la paroi et évitant ainsi sa migration. L’atteinte du sujet très âgé doit être étudiée au cas par cas.   Optimisation procédurale   Revascularisation « révisée » Bien qu’indispensable, la revascularisation n’est pas toujours suffisante. Elle est en effet constamment associée aux effets potentiellement délétères de la reperfusion. Les lésions de reperfusion sont connues de longue date. Elles peuvent se surajouter aux lésions ischémiques et les aggraver. Leur mécanisme est complexe et probablement lié au relargage des radicaux libres oxygénés accroissant la perméabilité membranaire et le calcium intracellulaire. Des phénomènes inflammatoires et mitochondriaux sont probablement à l’origine de la souffrance myocytaire et endothéliale. Ainsi, beaucoup prêchent une reperfusion douce et contrôlée afin d’éviter les lésions secondaires à une reperfusion brutale. Plusieurs voies sont étudiées, plus particulièrement celles du pré- et du post-conditionnement. Le préconditionnement consiste à appliquer de courtes occlusions induisant une résistance accrue de la cellule myocardique. Ce mécanisme protégerait, au moins partiellement, le myocarde lors de la survenue de l’occlusion coronaire prolongée. Dans le cadre de l’IDM, il est impossible par définition d’effectuer ces brefs épisodes d’ischémie au préalable. Mais un préconditionnement ischémique « naturel » se produit grâce à l’angor instable qui précède l’infarctus. Le post-conditionnement ischémique réalisé par de courtes séquences d’ischémie-reperfusion appliquées dans les premières secondes de la reperfusion aurait un effet protecteur similaire à celui du préconditionnement sur la taille de l’infarctus. Une équipe lyonnaise a mené une étude pilote et a montré une réduction de 36 % de la taille de l’infarctus déterminée par la cinétique de libération des CPK dans les 3 premiers jours(11) (figure 8). Cette même équipe a confirmé l’effet bénéfique à long terme par la mesure de la taille de l’infarctus par la scintigraphie réalisée à 6 mois(12). Des études à grande échelle devront être réalisées pour confirmer ces résultats préliminaires encourageants. À côté du post-conditionnement ischémique qui sera, à n’en pas douter, difficile à appliquer à l’ensemble des patients, un post-conditionnement pharmacologique par des drogues utilisées au moment de la reperfusion et ayant un effet protecteur pourrait être efficace. La même équipe lyonnaise a récemment testé la ciclosporine en phase aiguë d’infarctus avec des résultats encourageants. Une étude multicentrique de grande envergure (CIRCUS) doit être lancée prochainement et visera à apprécier ce post-conditionnement par la ciclosporine sur les événements cliniques.Dans l’attente d’une confirmation de l’effet bénéfique de tels procédés de reperfusion, d’autres équipes travaillent sur l’intérêt d’une recanalisation coronaire minimale en utilisant soit le guide de dilatation, soit un ballon de petite taille afin d’éviter la rupture de la plaque ou une dissection coronaire(13). Figure 8. Réduction de la taille de l’infarctus après post-conditionnement (Staat). Une fois obtenu un flux coronaire normal (TIMI III), le choix délibéré est de laisser en l’état la lésion coronaire et d’y associer un traitement antithrombotique maximal. Un contrôle ultérieur dont la date est à discuter (72 h ou plus ?) permettra de juger de la nécessité d’un geste complémentaire. Dans une étude menée par une équipe stéphanoise, le flux TIMI III a été obtenu chez 83 % des patients avec un degré de sténose résiduelle de 80 ± 10 %. Un stenting complémentaire ultérieur a été réalisé chez seulement 75 % des patients. Aucun cas de rethrombose précoce, avant le contrôle programmé, n’a été noté.   Accès artériel Il ne fait de doute pour personne que diminuer les complications procédurales liées à la voie d’abord diminue de facto la mortalité hospitalière(14). Celle-ci est directement corrélée aux complications hémorragiques et à la nécessité de transfusion. L’abord brachial et plus particulièrement radial (sans négliger l’abord cubital également intéressant) permet une réduction significative de ces complications (figure 9). Il s’agit donc de la voie d’abord de choix dans le cadre de l’angioplastie primaire qui s’effectue toujours dans un contexte d’anticoagulation et d’anti-agrégation plaquettaire puissantes, potentiellement sources d’une augmentation des complications hémorragiques sévères. Figure 9. Comparaison des approches radiale et fémorale (méta-analyse de Jolly). En pratique Dans le cadre de l’angioplastie primaire, il est nécessaire d’optimiser toutes les phases de la revascularisation pour éviter : - lésions de reperfusion ; - embolies coronaires distales ; - récidives thrombotiques et sténotiques ; - surmortalité par complications liées à la procédure. Les outils disponibles sont capables de nous faire atteindre ces objectifs.

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