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Échocardiographie

Publié le 22 avr 2008Lecture 7 min

Découverte d'une image intracavitaire à l'échographie : authentique pathologie ou variante de la norme ?

L. CABANES, hôpital Cochin, Paris

Quels que soient ses spectaculaires raffinements techniques, l’échographie reste un théâtre d’ombres, n’offrant à l’observateur, aussi qualifié soit-il, qu’une projection plus ou moins déformée du réel. Le cœur est un organe complexe, tant par son anatomie que par son embryogenèse en plusieurs bourgeons successifs, dont les dérèglements majeurs sont à l’origine des fréquentes cardiopathies congénitales et dont les dérèglements mineurs sont sans autre conséquence fâcheuse que de représenter des pièges pour l’échographiste.

La constatation d’une image « d’addition » au sein de l’une des quatre cavités, ne signifie donc pas obligatoirement tumeur, thrombus ou végétation. Il peut s’agir, non exceptionnellement, d’une variante de la norme. Des techniques d’imagerie plus lourdes (ETO, Scanner, IRM, etc.) peuvent être mises à contribution pour résoudre le problème diagnostique. Mais avant de consommer ces ressources d’imagerie coûteuses et parfois d’accès difficile, une bonne connaissance des principaux « pièges échographiques » et du contexte clinique de chaque patient suffit souvent.   Cavités droites    Ces structures qui surtout foisonnent dans l’oreillette droite sont essentiellement représentées par : - la valve d’Eustachi (figure 1) qui est visible en ETT et ETO. Elle borde l’orifice de la veine cave inférieure et apparaît le plus souvent sous forme d’un écho linéaire dense, peu mobile qui fait saillie dans l’oreillette droite vers le sinus coronaire et la cloison interauriculaire. Elle peut parfois se présenter sous une forme plus rigide, allongée et curviligne ; - le réseau de Chiari (figure 2), vestige de la valve du sinus coronaire, est une fine membrane perforée qui se présente comme un long filament mobile avec de multiples attaches sur les parois de l’oreillette droite. Il se caractérise par sa finesse et son extrême mobilité ; - la crista terminalis est une saillie verticale de la paroi latérale de l’oreillette droite qui s’étend entre les veines caves et qui sépare l’oreille droite en deux chambres : antéro-externe riche en muscles pectinés et postéro-interne lisse. Figure 1. ETO : valve d’Eustachi. Figure 2. ETO : réseau de Chiari. Frontières entre le physiologique, car fréquemment rencontrés chez l’individu tout-venant, et le pathologique : - l’hypertrophie lipomateuse du septum interauriculaire concerne plus volontiers le sujet âgé et obèse. Elle n’est pas au sens propre du terme un lipome mais correspond en fait à une accumulation de graisse dans le septum interauriculaire qui infiltre souvent l’abouchement de la veine cave supérieure, qui peut parfois bomber latéralement dans la cavité auriculaire mais qui épargne toujours la fosse ovale. Le septum interauriculaire prend alors un aspect de diabolo ou de sablier à l’échographie transœsophagienne. Cette infiltation lipomateuse des structures anatomiques, peut également concerner l’insertion de la valve tricuspide (figure 3). Figure 3. ETO : hypertrophie lipomateuse de l’insertion de la valve tricuspide. L’anévrisme du septum interauriculaire ne pose en fait guère de problème diagnostique. Il pourrait, à la rigueur, quand son excursion est très importante et quand il est épaissi, faire évoquer un thrombus serpentin, mais le diagnostic est vite rectifié en l’absence de toute autre structure correspondant au septum interauriculaire. Les muscles pectinés, fréquents à droite, dessinent des trabéculations longitudinales à l’apex du ventricule droit (figure 4). Piliers et cordages accessoires sont non exceptionnels. Figure 4. ETT muscles pectinés intra VD (chez ce même patient avec syndrome de non-compaction et prothèse mécanique mitrale). Les « corps étrangers » Le cathéter central ou la sonde de pacemaker se présente sous forme d’un écho linéaire dans l’oreillette droite ou l’oreillette droite et le ventricule droit. On peut suivre l’arrivée de la sonde ou du cathéter dans la veine cave supérieure et son trajet dans les cavités droites par ETO. La frontière entre l’aspect habituel fibrineux et pathologique — thrombus ou végétation — est difficile. Il est, en effet, usuel d’observer un aspect épaissi de l’extrémité du cathéter. Signalons également qu’un thrombus organisé, calcifié, adhérant à la paroi auriculaire peut persister de façon non exceptionnelle après l’ablation du matériel étranger quel qu’il soit (figure 5). Plus inquiétantes sont les masses bien limitées, mobiles, insérées sur la paroi libre de l’oreillette d’autant plus lorsque le contexte est celui d’un sepsis ou celui d’accidents emboliques pulmonaires. Figure 5. ETO 4 cavités : thrombus organisé après ablation d’un cathéter central. Après avoir écarté ces structures physiologiques qui correspondent donc le plus souvent à des reliquats embryonnaires, ces anomalies « frontières » et le « matériel étranger », les masses intracardiaques doivent être analysées en premier lieu en fonction du contexte puis de certaines caractéristiques échographiques.   Thrombus des cavités droites Relativement typique, le thrombus mobile issu d’une thrombose veineuse périphérique est allongé (moulé par la veine) et flotte dans les cavités droites (figure 6). Le diagnostic est souvent évident. Il ne peut être confondu avec un réseau de Chiari, lui aussi mobile, mais qui n’apparaît que sous forme d’un écho linéaire très fin. Un thrombus adhérent est en revanche de diagnostic plus difficile. On pourrait soupçonner un reliquat embryonnaire comme la crista terminalis. Mais ce type de thrombus est en fait rare et se forme habituellement dans des conditions bien particulières soit de stase sanguine, soit de maladie de l’hémostase, soit de matériel étranger en place dans les cavités droites. Figure 6. ETO : thrombus de l’OD. Les tumeurs du cœur droit Le myxome est moins fréquent à droite qu’à gauche. Moins typique également, il s’insère n’importe où dans l’oreillette droite, sans localisation préférentielle. Son point d’attache est plus large et souvent sa consistance « gélatineuse » aisément identifiable dans l’oreillette gauche est moins typique dans l’oreillette droite. Les autres tumeurs du cœur droit sont le plus souvent ma-lignes, elles apparaissent sous forme de volumineuses masses polylobées (figures 7 et 8). Elles peuvent infiltrer de façon extensive le myocarde et le péricarde (tumeurs secondaires, sarcomes, lymphomes et mélanomes, etc.). Souvent, l’échographie ne peut trancher entre un thrombus volumineux et une tumeur non infiltrative mais, quoi qu’il en soit, ces tumeurs malignes du cœur droit, souvent volumineuses, ne peuvent guère se confondre avec un reliquat embryonnaire. Figure 7. ETO : tumeur de l’OD. Figure 8. ETO : tumeur maligne des cavités droites (sarcome). Cavités gauches   Les images « pièges » Bien que moins fréquentes en comparaison avec le côté droit, certaines structures anatomiques observées dans les cavités gauches peuvent prêter à confusion avec une tumeur ou une thrombose intracavitaire tels : - l’aspect pseudo tumoral du confluent auricule gauche/veine pulmonaire (éperon) (figure 9), qui est très fréquent et qui ne doit pas faire évoquer une tumeur cardiaque ; - la réverbération de cet éperon dans l’auricule gauche parfois prise à tort pour un thrombus auriculaire gauche ; - l’aspect des auricules gauches plurilobés et des muscles pectinés auriculaires gauches : une confusion avec un thrombus est, là encore, possible (figure 10) ; - les piliers et cordages accessoires qui sont de façon non exceptionnelle mis en évidence dans le ventricule gauche tout comme quelques trabéculations en rapport avec un syndrome a minima de non-compaction du ventricule gauche (figure 11) ; - les « reliquats » intraventriculaires gauches de chirurgie cardiaque qui doivent pouvoir être identifiées (piliers et cordages laissés en place après un remplacement valvulaire mitral par exemple). La relecture du compte rendu opératoire lève facilement un éventuel doute. Ces images « pièges » identifiées, nous détaillerons rapidement les grands traits caractéristiques des tumeurs et thrombus des cavités gauches. Figure 9. ETO : hypertrophie de l’éperon. Figure 10. ETO : muscles pectinés auriculaires. Figure 11. ETT : non-compaction du VG a minima chez un patient ayant par ailleurs une valve mécanique mitrale. Les tumeurs Le myxome de l’oreillette gauche (figure 12) est la plus fréquente des tumeurs bénignes du cœur. Sa présentation typique est celle d’une masse de quelques centimètres de diamètre de consistance gélatineuse, homogène, bien circonscrite, s’insérant sur le septum interauriculaire au moyen d’un pédicule et animée d’un mouvement de va-et-vient. À côté de cette présentation très suggestive de myxome, des aspects moins typiques peuvent être rencontrés et le diagnostic différentiel avec une tumeur maligne ou un thrombus est difficile. Le lipome se présente sous forme de masse bien encapsulée souvent enchâssée dans la paroi. Le fibroélastome papillaire (figure 13) est une tumeur bénigne mais le plus souvent valvulaire, dont les caractéristiques - petite formation arrondie homogène - font qu’on le différencie en général aisément d’un simple remaniement/épaississement ou d’une calcification valvulaire. Le fibroélastome est mobile avec la valve et ne présente pas, contrairement aux végétations, de mobilité propre. Concernant les tumeurs malignes (sarcome, lymphome, métastase), même si elles sont en principe et comme à droite fréquemment polylobées, hétérogènes, mal délimitées, infiltrantes, avec une extension péricardique, voire extracardiaque fréquente, elles peuvent néanmoins se présenter dans certains cas comme un myxome ou un thrombus intracavitaire. Figure 12. ETO : myxome de l’OG. Figure 13. ETO : fibroélastome papillaire mitral. Le thrombus intracavitaire de l’oreillette gauche (figures 14 et 15) Il survient habituellement dans un contexte de cardiopathie générant une stase sanguine (en premier lieu la fibrillation auriculaire) et plus rarement dans le cadre d’une maladie de l’hémostase. Dans ces circonstances, le diagnostic est souvent évident d’autant plus lorsque sont associés, un contraste spontané, des cavités dilatées, des basses vitesses de vidange auriculaires. Le thrombus du ventricule gauche (figure 16) ne pose guère de soucis diagnostiques car il est le plus souvent mis en évidence dans un contexte bien particulier d’infarctus apical, d’anévrisme ventriculaire gauche, de cardiomyopathie dilatée sévère et, là encore, beaucoup plus rarement de maladie de l’hémostase. Figure 14. ETO : thrombose auriculaire gauche. Figure 15. ETO : petit thrombus au fond de l’auricule gauche. Figure 16. ETT 4 cavités : thrombus intra VG. Conclusion Connaissant les localisations et l’aspect des reliquats embryonnaires intracardiaques et les présentations parfois atypiques des structures cardiaques, toute image demeurant suspecte doit, répétons-le, être très soigneusement interprétée en fonction du contexte clinique qui a motivé l’examen échographique. Des investigations supplémentaires ne seront programmées que si l’on subodore qu’elles pourront avoir un impact potentiel sur la prise en charge du patient. Au-delà de l’imagerie descriptive pure, la réalisation d’une échographie par un cardiologue doit rester une démarche clinique globale.

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