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Congrès et symposiums

Publié le 15 jan 2013Lecture 7 min

L’insuffisance cardiaque

F. MOUQUET, Cardiologie et Soins intensifs, Polyclinique du Bois, Lille

Le congrès de l’American Heart Association est un rendez-vous incontournable de la cardiologie. L’année 2012 ne restera pas inoubliable dans le domaine de l’insuffisance cardiaque, mais les études cliniques présentées et les sessions de synthèse ont apporté des informations intéressantes.

CARRESS-HF : faut-il dialyser les patients en insuffisance cardiaque aiguë avec une insuffisance rénale ?    Cette étude, multicentrique, randomisée, sans insu, a inclus 188 patients hospitalisés pour décompensation cardiaque associée à une insuffisance rénale (majoration de la créatinine de 3 mg/l les 10 jours précédant l’hospitalisation ou depuis l’admission), randomisés dans un groupe « diurétiques » ou un groupe « ultrafiltration ». L’objectif principal était l’évolution de la créatinine et du poids à J4. L’âge moyen des patients était de 65 ans, avec une fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) moyenne à 30 %. Près de 80 % avaient été hospitalisés pour insuffisance cardiaque l’année précédente et la créatinine moyenne était de 20 mg/l. La perte de poids a été équivalente dans les deux groupes (environ 6 kg), mais les patients du groupe « ultrafiltration » ont présenté une dégradation plus importante de la fonction rénale, et plus d’événements principalement liés aux complications de la dialyse (saignement au point de ponction, infections, etc.). Parmi les objectifs secondaires, il n’a pas été noté de différence en termes de mortalité ou de réhospitalisation pour insuffisance cardiaque entre les deux groupes.    En conclusion, chez les patients en insuffisance cardiaque aiguë associée à une dégradation de la fonction rénale, l’ultrafiltration n’apporte pas de bénéfice, comparé au traitement médical et diurétique actuel(1).    Les patients insuffisants cardiaques décompensés avec insuffisance rénale (syndrome cardio-rénal) sont des patients à très haut risque. Ainsi, le taux de réhospitalisation pour insuffisance cardiaque à 60 jours était de près de 25 %. En cas d’insuffisance cardiaque aiguë sans insuffisance rénale, l’ultrafiltration garde un intérêt potentiel comme l’avait suggéré l’étude Unload qui montrait une amélioration significative à court terme et une diminution de la mortalité ou du risque d’hospitalisation à 3 mois.   Relax-AHF : la sérelaxine améliore-t-elle les patients en insuffisance cardiaque aiguë ?    La sérelaxine est une forme recombinante de la relaxine, hormone naturelle sécrétée durant la grossesse et possédant des propriétés vasodilatatrices et diurétiques. L’étude, multicentrique, internationale, en double aveugle, a inclus 1 160 patients hospitalisés pour décompensation cardiaque et présentant une insuffisance rénale modérée et une pression artérielle systolique au moins égale à 125 mmHg. La moitié des patients recevait le traitement conventionnel, l’autre moitié recevait, en plus du traitement conventionnel, une perfusion de sérelaxine 30 μg/kg/j durant 48 heures. Le critère principal était l’amélioration de la dyspnée à 24 h et J5, évaluée par deux échelles de score différentes. Les critères secondaires étaient la mortalité à 60 et 180 jours, ou un critère combiné de « mortalité ou réadmission pour insuffisance cardiaque ». Les patients sous sérelaxine ont présenté une amélioration significative de la dyspnée à J5, comparativement aux patients du groupe placebo. Après 60 jours, il n’y avait pas de diminution de la mortalité ni du risque de réhospitalisation pour insuffisance cardiaque. Cependant, après 180 jours, une diminution significative de la mortalité totale et de la mortalité par insuffisance cardiaque a été observée parmi les patients du groupe « sérelaxine ».    En conclusion, la sérelaxine diminue significativement les symptômes lors d’une décompensation cardiaque et semble diminuer la mortalité à court terme (3 mois)(2).    La sérelaxine est la première molécule démontrant, dans une étude randomisée, des effets positifs dans l’insuffisance cardiaque aiguë, principalement en améliorant les symptômes à court terme, mais également avec des effets à distance sur la mortalité. Ce dernier point reste cependant à confirmer. En effet, le lien éventuel entre l’effet de la sérelaxine à court terme durant l’hospitalisation et la diminution de la mortalité à 3 mois reste à expliquer. Dans tous les cas, il s’agit du premier traitement de l’insuffisance cardiaque aiguë démontrant une diminution de la mortalité au décours de l’hospitalisation.   Un point sur la thérapie cellulaire    Les études randomisées de thérapie cellulaire cardiaque appliquée dans les jours suivant un infarctus du myocarde ont pour l’instant produit des résultats mitigés. Constat malheureusement confirmé par les deux études présentées à l’AHA (SWISS-AMI et TIME) qui sont négatives. Ceci n’est pas vraiment une surprise dans la mesure où les principales limites identifiées à la fois sur le plan expérimental et clinique ne sont pour l’instant pas résolues : apoptose importante et rapide des cellules administrées, système de délivrance peu efficient, capacité de régénération des cellules autologues assez limitée…    Une autre approche de la thérapie cellulaire consiste à traiter des patients insuffisants cardiaques du fait d’une cardiopathie ischémique avec une dysfonction systolique chronique.    L’étude SCIPIO évalue actuellement l’efficacité des cellules souches cardiaques autologues. Les cellules sont isolées à partir d’une biopsie de l’auricule droit réalisée lors d’un pontage coronaire pour revascularisation des territoires viables. Après quelques semaines, les cellules souches cardiaques sont injectées par voie endocoronaire dans les territoires non viables. Les premiers résultats sont encourageants (diminution de la cicatrice d’infarctus et amélioration de la FEVG d’environ 15 %) mais concerne un nombre restreint de patients.    L’étude ALCADIA est plus innovante et évalue l’efficacité d’une approche multiple et complémentaire associant :  - une revascularisation des territoires viables par pontage coronaire ;  - l’injection intramyocardique de cellules souches cardiaques autologues ;  - et la délivrance locale de facteurs de croissance de type basic fibroblast growth factor (bFGF). Les premiers résultats sont encourageants mais encore très préliminaires.    Après un peu plus de 10 années de recherche expérimentale et clinique, la thérapie cellulaire peine à démontrer un effet thérapeutique dans les suites immédiates de l’infarctus du myocarde, quels que soient le type de cellule ou le mode de délivrance utilisé. Il en sera très probablement de même pour l’insuffisance cardiaque chronique. En revanche, les approches d’ingénierie tissulaire, associant les cellules souches à des matrices biologiques et/ou des facteurs de croissance pourraient s’avérer plus adaptées.   Enfin, d’excellentes sessions de synthèse    Imagerie et insuffisance cardiaque  L’imagerie a pris une part importante dans la gestion de l’insuffisance cardiaque. Dans une approche multimodale et complémentaire, elle permet d’affiner le diagnostic et de préciser le pronostic à l’échelon individuel. Si l’échographie cardiaque reste l’examen de base incontournable, l’IRM cardiaque et la scintigraphie sont complémentaires et apportent des informations utiles à la prise en charge dans la plupart des cas. Pour ne citer que quelques exemples : l’IRM est actuellement la seule méthode permettant de détecter les plages de fibrose dans le cadre des cardiopathies hypertrophiques et d’affiner le risque rythmique de certains patients. La scintigraphie à la MIBG, basée sur l’analyse de l’innervation sympathique myocardique, est en cours d’évaluation pour affiner le risque rythmique des patients en insuffisance cardiaque systolique. Elle pourrait également être une exploration utile dans l’évaluation de la réponse au traitement médical ou à l’assistance ventriculaire gauche.  Assistance ventriculaire gauche  Les sessions de synthèse ont proposé une mise au point sur la prise en charge au long cours des patients assistés, concernant la prévention et la prise en charge des complications habituelles : infection de la ligne d’alimentation, complication de l’anticoagulation ou surveillance de la fonction ventriculaire droite. Outre une fiabilité maintenant reconnue, la technologie continue de s’améliorer. La miniaturisation des pompes et le développement de système d’alimentation sans fil laisse entrevoir la possibilité à court terme (3-5 ans) d’assistance gauche implantable de manière mini-invasive, la possibilité d’assistance biventriculaire et peut-être des systèmes complètement implantables !    En pratique    On retiendra probablement de cet AHA 2012 les résultats positifs de la sérelaxine pour le traitement de l’insuffisance cardiaque aiguë. Mais également le fait que l’insuffisance cardiaque est une pathologie complexe nécessitant une approche multimodale sur le plan thérapeutique (traitement médical, électrique, assistance ventriculaire) et diagnostique (échographie, IRM, scintigraphie). Une prise en charge collégiale est donc indispensable, mais il est probablement souhaitable, comme cela s’est fait naturellement pour l’hémodynamique ou la rythmologie, de développer et de reconnaître une spécialisation en insuffisance cardiaque afin d’optimiser la prise en charge qui ne cesse de se complexifier.

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