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Profession, Société

Publié le 29 mar 2024Lecture 5 min

Pourquoi ai-je honte de ma journée d’épreuves d’effort ?

Noumer NASSER, Floirac

La journée d’échographie d’effort débute, les examens s’enchaînent. Plusieurs bilans de douleur thoracique, des dépistages chez des patients à haut risque cardiovasculaire, des suivis de patient coronarien sont au programme. Cette journée classique du cardiologue non invasif est-elle bien logique ?

Le test d’effort pour le dépistage de la coronaropathie « Mon cardiologue m’a prescrit une épreuve d’effort pour rechercher une maladie des artères du cœur parce que j’ai des facteurs de risque. » La mise en évidence d’une ischémie d’effort permettrait ainsi chez des patients à haut risque le dépistage et le traitement précoce d’une coronaropathie. Les performances de l’épreuve d’effort historique restant limitées, son couplage à la scintigraphie ou l’échographie ont permis une bonne amélioration de la sensibilité et de la spécificité dépassant les 0,9 dans les études avec un opérateur confirmé, pour le dépistage de l’ischémie d’effort. S’agit-il alors d’un bon examen en prévention primaire ? Malgré la fréquence de sa prescription, la réponse est non. Avec une ETT de repos normale, échographies ou scintigraphies d’effort ne dépisteront de l’ensemble des coronaropathies que celles avec une ischémie d’effort suffisamment large pour être visible. Ischémie d’un faible territoire, sténose intermédiaire non ischémiante ou thrombose chronique avec collatéralité suffisante, justifiant pourtant d’un traitement médical, ne seront pas diagnostiquées. Du fait de l’absence d’évaluation morphologique des coronaires, l’épreuve d’effort va également entraîner sa surprescription. Dans le cas d’un patient de 70 ans, tabagique à 50 PA, hypertendu, dyslipidémique, la normalité de l’échographie d’effort aura du mal à convaincre le cardiologue du caractère sain et lisse des coronaires. S’il ne souhaite pas changer d’examen pour dépister et traiter la coronaropathie, l’épreuve d’effort doit être répétée de manière rapprochée dans l’espoir qu’une ischémie d’effort apparaisse et justifie une coronarographie et un traitement médical. Les tests d’ischémie restent ainsi pour le dépistage de la coronaropathie des examens à faible rentabilité.   Le suivi du patient coronarien « Bonjour Docteur, je viens pour mon épreuve d’effort pour le suivi de mon stent. » Que rechercher sur l’épreuve d’effort du patient coronarien stable asymptomatique ? La normalité de l’examen est censée rassurer le patient et son cardiologue sur la perméabilité du réseau coronaire. À l’inverse, la mise en évidence d’une ischémie à l’effort justifierait un contrôle coronarographique et la revascularisation de la lésion responsable. Mais quel est le rationnel à ce dogme ? Les études s’accumulent à l’encontre de ce principe. Les études COURAGE en 2007 ou ISCHEMIA en 2020 ne montrent aucun bénéfice à la revascularisation de l’ischémie dans la coronaropathie stable asymptomatique en comparaison au traitement médical. En a-t-on tiré les conclusions ? La programmation des tests ischémiques reste à l’appréciation du cardiologue. Si l’examen est justifiable dans certains cas pour le suivi (angor, évaluation rythmique chez le patient porteur d’une séquelle ischémique, activité physique soutenue entre autres), le classique test d’effort annuel ou bisannuel du coronarien ne doit plus être la référence.   Quelles solutions ? Les outils d’évaluation non invasive du réseau coronarien en prévention primaire se sont accumulés depuis la création de l’épreuve d’effort en 1960. Il n’est plus logique de s’en tenir à un seul examen fonctionnel pour la recherche de la coronaropathie, de même qu’un angiologue ne peut se limiter au seul calcul de l’IPS s’il souhaite dépister un athérome des membres inférieurs. Il faut également tenir compte en 2024 du contexte de déficit croissant de la Sécurité sociale et de carence des médecins. Il est nécessaire d’optimiser pour le suivi le nombre et le coût des examens. Pouvons-nous nous permettre de continuer à remplir nos plages d’effort de patients en prévention primaire ou coronariens asymptomatiques, dont la rentabilité de l’examen sera médiocre ou sans preuve dans les études ? Le coroscanner est aujourd’hui un excellent examen de dépistage de la maladie athéromateuse avec une analyse morphologique manquant à l’épreuve d’effort. Elle permet de distinguer les patients aux coronaires lisses non calcifiées, des patients présentant des lésions justifiant une approche invasive de ceux enfin ayant une maladie athéromateuse d’indication médicale. Elle permet également d’éviter la surprescription d’examens en prévention primaire. Le patient aux coronaires lisses s’en tiendra en l’absence de symptôme à la correction de ses FDRCV et ne justifiera pas de suivi cardiologique. Une stratégie simple d’évaluation en prévention primaire pourrait être, par exemple, de sélectionner les patients à haut risque à dépister par le Score2. Les patients éligibles bénéficient d’un coroscanner. On distingue alors les patients au score calcique faible sans lésions coronaires qui ne nécessiteront pas de réévaluation morphologique systématique de ceux présentant une coronaropathie qui justifieront d’un traitement médical et d’une éventuelle approche invasive. Cet exemple permet un gain de temps important pour le cardiologue et le coût de réalisation de nombreux examens fonctionnels. Nous avons aujourd’hui des outils fiables pour le dépistage de la coronaropathie ainsi que les données scientifiques remettant en cause le rôle central de l’ischémie dans la morbi-mortalité du coronarien. Nos plannings restent néanmoins surchargés par des tests à l’effort d’indication douteuse, rassurant faussement le médecin et son patient. C’est à nous, cardiologues, de sortir de notre zone de confort et créer, par nos sociétés savantes, des recommandations claires et courageuses sur le dépistage en prévention primaire et le suivi du coronarien. Il est dommage de voir que les recommandations peuvent être écrites sous l’impulsion de l’industrie dès les premiers résultats des études des nouveaux traitements de l’insuffisance cardiaque, mais que le suivi des patients en prévention primaire ou secondaire constituant la majorité de notre patientèle n’a toujours pas de référentiel adapté malgré les progrès en imagerie et les données des études ces vingt dernières années. Sans des recommandations claires, la modification individuelle des pratiques sera confrontée à l’incompréhension et au doute, que ce soit de la part du reste de la communauté médicale ou des patients. C’est à nous, cardiologues, de nous remettre en cause et adapter intelligemment notre pratique plutôt que d’attendre passivement la sanction inéluctable de la CPAM si rien ne bouge. Libérer notre temps d’exercice, diminuer le nombre d’examens prescrits aux patients, limiter le coût des prises en charge pour la Sécurité sociale, tout le monde y gagnera.

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