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Congrès et symposiums

Publié le 30 sep 2015Lecture 8 min

Actualités de la maladie coronaire à l’ESC 2015

J.-G. DILLINGER, Hôpital Lariboisière, Paris

Le congrès de l’European Society of Cardiology 2015, qui s’est déroulé cette année à Londres, a comme toujours apporté de nouvelles pierres à l’édifice de la prise en charge de la maladie coronaire même s’il est de plus en plus difficile de démontrer des avancées importantes. Voici quelques morceaux choisis sur les grands essais, les registres et les recommandations présentés lors de cette « grand-messe » de la cardiologie internationale.

Des déceptions… Une grande déception vient de l’étude française CIRCUS présentée par Michel Ovize (Lyon, France) dont le rationnel est la réduction des lésions myocardiques liées à la reperfusion lors d’un infarctus du myocarde (STEMI). Cette étude a pour objectif d’évaluer l’impact d’un bolus intraveineux de ciclosporine versus placebo avant angioplastie chez des patients admis pour un STEMI antérieur dans les 12 premières heures. Cette étude ne démontre pas d’amélioration sur le critère principal. Dans cet essai, 395 patients ont été inclus dans le bras ciclosporine et 396 dans le bras placebo. Le critère principal est un critère composite à un an associant la mortalité toutes causes, la réhospitalisation pour insuffisance cardiaque, l’aggravation de l’insuffisance cardiaque pendant l’hospitalisation initiale, et le remodelage myocardique pathologique (augmentation de 15 % ou plus du volume télédiastolique ventriculaire gauche). Le taux d’événements est similaire dans les deux groupes (59 % vs 58,1 % ; HR = 1,04 [0,78-1,39] ; p = 0,77). La recherche concernant la protection myocardique lors de la reperfusion chez les patients admis pour STEMI continue mais probablement sans la ciclosporine. L’étude ALBATROSS présentée par Gilles Montalescot (Paris, France) évalue l’effet d’un traitement précoce par aldostérone au décours d’un syndrome coronarien aigu (STEMI/NSTEMI) sans insuffisance cardiaque. Plus de 1 600 patients dans les 72 heures post-SCA ont été randomisés en ouvert entre adjonction d’aldostérone (IV puis per os) ou traitement conventionnel. Le critère principal à 6 mois inclut la mortalité toutes causes, l’arrêt cardiaque ressuscité, les troubles du rythme ventriculaire, la survenue d’insuffisance cardiaque ou indiction d’implantation d’un DAI. Cette étude ne montre pas d’amélioration du pronostic chez ces patients (11,8 % vs 12,2 % ; HR = 0,97 [0,73-1,28] ; p = 0,81). Par ailleurs, il y a significativement plus d’hyperkaliémie (> 5,5 mmol/l) sous aldostérone (3 % vs 0,2 % ; p < 0,0001). Petite note d’espoir, la réduction très importante de la mortalité dans le sous-groupe STEMI mais possiblement par chance dans une étude globalement négative.   Biomarqueurs dans le SCA : moins d’attente aux urgences pour nos patients… L’étude BACC (Biomarkers in Acute Cardiovascular Care) présentée par D. Westermann (Hambourg, Allemagne) évalue un algorithme rapide de prise en charge du SCA utilisant la troponine I (hsTnI) ultrasensible (STAT hsTnI ; Abbott Diagnostics). Le dosage de la troponine est une étape fondamentale dans l’algorithme aux urgences chez les patients avec suspicion de SCA. Les recommandations ESC actuelles sont fondées sur l’évolution du taux de troponine cardiaque mesurés à 3 heures d’intervalle. L’étude BACC évalue deux paramètres importants que sont le seuil de la première mesure et l’évolution précoce du taux de troponine dans cet algorithme : - la première innovation concerne le seuil retenu de détection de la souffrance myocardique du premier dosage de la hsTnI qui est très bas (6 ng/l) par rapport au seuil plus élevé de 27 ng/l habituellement utilisé (99e percentile d’une population saine) ; - la seconde spécificité concerne le délai entre les deux dosages qui est raccourci à seulement 1 heure. Dans une première cohorte multicentrique de 1 045 patients avec suspicion de SCA (184 SCA confirmés), les auteurs démontrent que le meilleur algorithme comprend un seuil pour le premier dosage de hsTnI supérieur à 6 ng/l et avec une augmentation de plus de 12 ng/l entre les deux dosages (Δ = 1 h). Cet algorithme permet d’obtenir une excellente valeur prédictive négative de 99 %. La valeur prédictive positive est de 83 %. Ce nouvel algorithme obtient des résultats identiques à ceux obtenus à 3 heures, mais bien sûr de façon plus précoce ! Cet algorithme évalué dans deux cohortes de validation indépendantes européenne et australienne (ADAPT et APACE trials) incluant plus de 4 000 patients obtient une valeur prédictive de 99,2 % et 99,7 % avec une valeur prédictive positive de 80,4 % et 81,5 %. Avec cet algorithme, le SCA est infirmé rapidement chez 41,2 % des patients qui peuvent quitter rapidement l’hôpital et confirmé chez 11,9 % avec diagnostic de SCA retenu ; 46,9 % des patients non considérés comme SCA mais avec une élévation de troponine au-dessus du seuil de 6 ng/l (zone grise) nécessitent une évaluation supplémentaire. Cet nouvel algorithme de stratification précoce (hsTnI > 6 ng/l et Δ > 12 ng/l à une heure) permet donc de réduire le délai de prise en charge aux urgences pour environ la moitié des patients présentant une douleur thoracique. L’autre enseignement de l’étude est que les patients dans la zone grise d’incertitude font autant d’événements cardiovasculaires que les patients considérés comme SCA. Sur une cohorte de 74 738 patients issus de la population générale (hors SCA), les auteurs ont dosé la hsTnI et observent un lien net entre un taux augmenté de hsTnI (> 6 ng/l) et le pronostic à long terme. Le dosage de hsTnI permet d’identifier une souffrance myocardique et confirme le rôle de la troponine comme marqueur pronostique indépendamment du SCA.   Double agrégation plaquettaire, le verre à moitié vide ou à moitié plein Après les résultats de l’étude DAPT et de PEGASUS, la durée de la double antiagrégation plaquettaire (DAPT) reste controversée. Les résultats de l’étude OPTIDUAL présenté par Gérard Helft (Paris, France) étaient donc attendus dans ce contexte. Le but de l’étude est de comparer une durée de double antiagrégation plaquettaire (aspirine et clopidogrel) classique de 12 mois à une durée prolongée de 36 mois supplémentaires chez des patients après angioplastie. Cette étude multicentrique française a inclus 1 385 patients ayant bénéficié d’une angioplastie avec au moins un stent actif (35 % de stents de première génération) le plus souvent dans le cadre d’une maladie coronarienne stable (un tiers de SCA). Malheureusement, l’étude n’a pas inclus le nombre de patients initialement prévu (1 966 patients). Sur un critère principal composite net (décès toutes causes, infarctus du myocarde, AVC, saignement majeur), il n’y a pas de différence significative entre les deux groupes (7,5 % en monothérapie vs 5,8 % en DAPT ; p = 0,17). Le taux de mortalité est respectivement de 3,5 % vs 2,3 % (p = 0,18). Le taux de thrombose de stent (0,4 % vs 0,3 % ; p = ns) et le taux de saignement majeur (2 % vs 2 % ; p = 0,95) dans cette étude sont similaires dans les deux groupes et très bas. Sur un critère ischémique post-hoc (dé c è s , infarctus, AVC), la différence est à la limite de la significativité (6,4 % vs 4,2 % ; HR = 0,64 [0,40-1,02) ; p = 0,06). L’étude OPTIDUAL peut donc être interprétée comme une étude qui aurait pu être positive mais avec un manque de puissance ou une étude négative pour une DAPT prolongée chez ces patients à faible risque (taux annuel de DC/IDM/AVC de 0,9 %) d’autant que l’effet rebond potentiel dans les 3 mois suivant l’arrêt de la DAPT prolongée n’est pas mesuré. Les nouvelles recommandations de l’ESC sur le NSTEMI persiste sur une durée de DAPT de 12 mois avec au cas par cas la possibilité de raccourcir cette DAPT à 3-6 mois chez les patients à haut risque de saignement (grade IIB, niveau d’évidence A) ou de prolonger au-delà après réévaluation du risque hémorragique et ischémique du patient (grade IIB, niveau d’évidence A).   Signal cardiovasculaire rassurant pour les antidiabétiques oraux L’étude récente SAVOR-TIMI53 (saxagliptine) a retrouvé une augmentation des épisodes d’insuffisance cardiaque chez les patients diabétiques. L’étude EXAMINE (alogliptine) n’a pas retrouvé ce signal. Une analyse de l’étude TECOS (14 671 patients) présentée pendant le congrès évaluant la non-infériorité de la sitagliptine (un inhibiteur de DPP-4) en plus du traitement habituel ne retrouve pas de différence significative entre les deux groupes sur la survenue d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque (HR = 1,00 [0,83-1,20]). Les patients diabétiques avec SCA peuvent donc prendre de la sitagliptine sans augmentation des événements cardiovasculaires même ceux avec un antécédent d’insuffisance cardiaque. Des résultats similaires avec l’étude ELIXA sont retrouvés. L’analogue GLP-1 lixisénatide est évalué chez les patients diabétiques après SCA (n = 6 068). Cette étude de noninfériorité et de supériorité ne retrouve pas de différence sur les événements CV par rapport au placebo (13,2 % vs 13,4 % ; HR = 1,02) y compris chez les patients avec un antécédent d’insuffisance cardiaque. Après toutes ces études de non-infériorité sur les antidiabétiques oraux (demandées par la FDA), il est grand temps d’envisager des études de supériorité permettant d’améliorer le pronostic de nos patients diabétiques.   Choix de l’anticoagulation dans le STEMI, l’éternel débat… L’utilisation de la bivalirudine dans le SCA, notamment pour réduire le risque hémorragique, reste un sujet de discorde en raison d’une augmentation du taux de thrombose aiguë de stent et de son coût. Un arrêt trop précoce de l’infusion de bivalirudine après angioplastie pourrait expliquer ces thromboses aiguës. L’étude européenne MATRIX a inclus et randomisé 7 213 patients entre un bras héparine ± anti- GP2b3a (n = 3 603), un bras bivalirudine pendant l’angioplastie uniquement (n = 1 811), un bras avec prolongation de la perfusion de bivalirudine pendant 4 heures après l’angioplastie (n = 1 799). Le taux d’événements à 30 jours (décès, IDM, AVC, thrombose de stent, revascularisation urgente et saignements) est similaire dans les deux groupes bivalirudine que la perfusion soit prolongée ou non (11,0 % vs 11,9 % ; HR = 0,91 ; p = 0,34). Lorsqu’on compare les bras bivalirudine au bras héparine, il n’y a pas de différence sur le critère principal à 30 jours, respectivement (11,2 % vs 12,4 % ; RR = 0,89 [0,78-1,03] ; p = 0,12). La bivalirudine est associée à une réduction des événements hémorragiques (1,4 % vs 2,5 % ; RR = 0,55 [0,39-0,78] ; p < 0,001) et une réduction de la mortalité toutes causes (1,7 % vs 2,3 % ; RR = 0,71 [0,51-0,99] ; p = 0,04).   Nouveau concept… L’étude PRESERVATION (U. Zeymer, Ludwigshafen, Allemagne) évalue l’injection intracoronaire d’une matrice cardiaque biorésorbable (alginate de sodium et gluconate de calcium) après infarctus pour prévenir le remodelage myocardique ventriculaire gauche. Des patients (n = 303) avec un IDM antérieur du myocarde sont inclus et randomisés pour recevoir entre J2 et J5 une injection intracoronaire de cette matrice ou de placebo. Le critère principal mesurant la variation du volume télédiastolique du ventricule gauche entre l’inclusion et à 6 mois est similaire dans les deux groupes.   Pas de thromboaspiration la nuit ? L’utilisation de la thromboaspiration lors de l’angioplastie primaire pour STEMI reste controversée, notamment après les résultats de l’étude TOTAL. Le Dr Fournier (Lausanne, Suisse) évalue l’effet de la thromboaspiration chez des patients admis pour STEMI dans le registre suisse (AMIS plus) en fonction de l’heure de présentation dans la journée (00h-06h ; 06h-12h ; 12h-18h ; 18h-00h). au total, 3 648 patients sont inclus entre 2008 et 2014 dont 49,3 % avec thromboaspiration et 50,7 % sans thromboaspiration. Le critère principal (mortalité hospitalière) est similaire dans les deux groupes (3,8 % vs 3,7 % ; p = 0,44). Sur la taille d’infarctus mesurée par le pic du taux de CPK, alors que celuici est similaire quelle que soit l’heure de présentation dans le sous-groupe sans thromboaspiration, il existe une élévation plus importante du taux de CPK chez les patients admis la nuit (18h-00h et 00H-06h). L’auteur conclut à un bénéfice de la thromboaspiration en journée par rapport à la nuit. Vous pouvez laisser vos cathéters de thromboaspiration dans le placard la nuit ! À méditer…

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