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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 31 mar 2014Lecture 8 min

La fibrillation atriale en Europe : état des lieux - Le registre PREFER in AF

P. ATTALI, CHR de Strasbourg

La prise en charge actuelle de la FA est marquée par l'avènement des anticoagulants directs oraux (AOD) et par l'utilisation large des techniques d'ablation. La FA, déjà fréquente dans les pays européens, le sera de plus en plus du fait du vieillissement de la population. La morbi-mortalité associée à la FA est élevée, liée surtout aux complications thromboemboliques, AVC et embolies systémiques, mais aussi aux épisodes de décompensation cardiaque. Les AVK sont utilisés dans la prévention des complications thromboemboliques de la FA depuis plus de 60 ans… mais de façon sous-optimale ! Des connaissances actualisées au sujet de la FA, tenant compte des nouveautés thérapeutiques et de l’épidémiologie actuelle de la population, étaient nécessaires. 

Le registre PREFER in AF (PREvention oF thromboembolic events – European Registry in Atrial Fibrillation) a été mis en place à l’échelle européenne pour obtenir des informations approfondies sur les caractéristiques des patients européens atteints de FA et sur leur prise en charge actuelle, en particulier au sujet de la prévention des événements thromboemboliques.   Le protocole   Dans ce registre d’observation prospectif, ont été recrutés, de janvier 2012 à janvier 2013, de manière non sélective, 7 235 patients atteints de FA, de plusieurs pays européens : Autriche (AU), France (FR), Allemagne (GE), Italie (IT), Espagne (ES), Suisse (CH) et Royaume-Uni (UK). Les patients devaient avoir un âge ≥ 18 ans et un antécédent documenté de FA dans les 12 mois précédant la visite d’inclusion. Tous les patients ont signé un consentement éclairé. Pour toutes les analyses, le terme « Allemagne » comprend aussi l’Autriche et la Suisse. Pour chacun de ces pays, des données robustes ont pu être obtenues du fait du grand nombre de patients inclus (de 854 pour l’Espagne à 1 886 pour l’Italie ; pour la France : 1 529). Concernant la répartition des sites « cabinet/hôpital », elle paraît globalement équilibrée ; cependant, en France et en Allemagne, on note une prépondérance de sites en cabinet alors qu’en Italie, en Espagne et au Royaume-Uni, ce sont plutôt les sites hospitaliers. La très grande majorité des médecins qui ont participé à ce registre sont des cardiologues (83 %), particulièrement en France (99 %).   Les patients   Les caractéristiques de base L’âge moyen des patients atteints de FA en Europe était de 71,5 ans (FR 72,9 ans). Dans tous les pays, une prépondérance de patients âgés ont été enrôlés dans ce registre, et particulièrement en France où la cohorte des patients très âgés (> 85 ans) était la plus grande par rapport aux autres pays (figure 1). La répartition par sexe était assez équilibrée, quoique avec un peu plus d’hommes dans l’ensemble des pays. L’IMC moyen le plus bas a été observé en France (27,3 kg/m2) et en Italie (27,2 kg/m2) comparativement aux autres pays, le plus élevé étant constaté au Royaume-Uni (29,3 kg/m2).   Figure 1. Registre PREFER in AF : caractéristiques des patients par pays et catégorie d’âge.   Les facteurs de risque et les comorbidités L’hypertension artérielle était le facteur de risque prédominant : 72 % des patients. L’insuffisance rénale chronique avait une prévalence comparable à celle d’autres registres (autour de 13 %). Les autres comorbidités étaient bien moins fréquentes : diabète 22,4 % (FR 16,8 % - GE 31,2 %) ; obésité 27,5 % (IT 21,9 % - UK 36,0 %). Les valvulopathies étaient très fréquentes (38,2 %), de même que les atteintes vasculaires, et en particulier les coronaropathies (23,5 % ; FR 18,2 % - GE 29,6 %), et que les insuffisances cardiaques (21,3 % ; UK 15,4 % - GE 28,4 %). Les AVC ischémiques (8,4 % au total ; IT 6,5 % - GE 10,7 %) et les artériopathies des membres inférieurs (4,4 %) étaient, en revanche, un peu moins fréquents. L’âge et la fréquence des comorbidités expliquent le score CHA2DS2-VASc moyen élevé égal à 3,4 (UK 3,2 - GE 3,7), témoignant d’un risque thromboembolique augmenté. Environ, 85 % des patients avaient un score CHA2DS2-VASC ≥ 2 ; et seulement environ 5 % étaient sans aucun facteur de risque. À l’exception de l’Allemagne, avec une valeur plus élevée (3,7) de son score moyen, seules des différences mineures dans la classification des scores a été constatée entre les autres pays. Enfin, environ 30 % des patients présentaient un risque hémorragique élevé (score HAS-BLED ≥ 3), sans différence majeure observée dans la classification du score entre les pays.   Le type de FA et le score de gêne fonctionnelle EHRA Environ un tiers des patients appartenait à chacun des groupes de type de FA : paroxystique, persistante et permanente. La répartition était homogène entre les pays. La fatigue (classe EHRA II 23,1 % et classe EHRA III 10,8 %) et la dyspnée (classe EHRA II 20,2 % et classe EHRA III 11,3 %) étaient les symptômes prédominants.   Les événements cliniques   Les événements cliniques au cours des 12 derniers mois précédant la visite de base ont été moindres en France (14,2 %) et en Allemagne (14,8 %) par rapport aux autres pays (moyenne des 5 pays : 23,4 %). La FA symptomatique (55,1 %) ou compliquée d’une insuffisance cardiaque décompensée (24,8 %) ont été les événements cliniques survenant le plus souvent dans tous les pays. Le taux d’AVC dans ce registre a été bas (4,3 %), mais il a été tout de même plus élevé que celui observé dans les essais cliniques. Les événements hémorragiques majeurs nécessitant une hospitalisation ont été bas dans tous les pays : en particulier, hospitalisations pour saignements, 2,3 % et hémorragies intracrâniennes, 6,5 %.   Le traitement   La cardioversion électrique et l’ablation par isolation des veines pulmonaires Les taux les plus bas de cardioversion électrique ont été observés en France (14,2 %) et en Espagne (14,6 %) par rapport aux autres pays (moyenne de l’ensemble : 18,1 %). Les cardioversions ont été réalisées plus fréquemment en ambulatoire en Espagne (56,1 %) et au Royaume-Uni (71,4 %) que dans les autres pays (moyenne de l’ensemble : 37,0 %). En Espagne, les ablations ont été assez fréquemment (1/3) effectuées dans un cadre ambulatoire (moyenne de l’ensemble : 11,0 %).   Les AVK dans la FA La gestion de l’INR Les mesures de l’INR ont été effectuées une ou deux fois par mois chez la majorité des patients. Les principales différences observées entre les pays de ce registre concernent plutôt le lieu de contrôle de l’INR et avec une faible utilisation de l’automesure dans tous les pays (3,0 %) (figure 2). L’INR a été considéré comme étant stabilisé, si sa valeur était dans la zone thérapeutique (entre 2 et 3) lors des 3 dernières mesures. Cette stabilité a été sensiblement égale pour les pays du registre, avec le plus haut niveau en Allemagne (81,7 %). À noter que les médecins peuvent surestimer la qualité du contrôle de l’INR (en moyenne, valeur estimée 82,7 % pour une valeur mesurée un peu moindre 75,4 %). Figure 2. Registre PREFER in AF : fréquence de la mesure de l’INR par pays. La gestion du traitement anticoagulant La majorité des patients étaient sous traitement anticoagulant, mais la gestion du traitement anticoagulant par AVK était très disparate selon les pays, que ce soit en termes de nombre de patients sous AVK, de classe pharmacologique utilisée et de lieu de mesure de l’INR. Tout d’abord, la proportion des patients en FA recevant un AVK diffère d’environ 15 % selon les pays : FR (86,0 %) et IT (71,4 %). Ensuite, l’AVK le plus utilisé : warfarine (UK 74,9 % et IT 62,0 %), phénprocoumone (GE 74,1 %), acénocoumarol (ES 67,2 %) et fluindione (FR 61,8 %) (figure 3). Enfin, le lieu de mesure de l’INR. Ces lieux de mesure se répartissent entre hôpital, centre d’anticoagulation, cabinet médical, domicile (automesure) et autres (laboratoire biologique). Le lieu prépondérant en France est le laboratoire biologique (figure 4). Ainsi, en dépit d’une relative homogénéité des profils de FA dans les pays européens, la prise en charge de l’anticoagulation reste disparate, principalement pour le type d’AVK et le mode de surveillance de l’INR, mais sans que ces disparités n’affectent la qualité de l’anticoagulation. Figure 3. PREFER in AF : types d’AVK. Figure 4. Registre PREFER in AF : lieux de mesure de l’INR par pays.   La sous-utilisation des anticoagulants en 2012 était associée à certaines caractéristiques Les dernières mises à jour de l’ESC sur la prise en charge de la FA préconisent par souci d’efficience de plutôt repérer les peu nombreux patients qui sont à bas risque et qui ne relèvent donc pas d’un traitement anticoagulant (< 65 ans et score CHA2DS2-VASc à 0). Mais, malgré cette très basse prévalence des patients avec un score CHA2DS2-VASc égal à 0, trop de patients (moyenne 17,7 %) ne recevaient pas de traitement anticoagulant : 11,2 % recevaient un traitement antiagrégant plaquettaire (AAP) seul, et 6,5 % aucun traitement.   Ces patients non traités par un ACO (sous AAP ou rien) avaient moins fréquemment une dilatation atriale (59,0 % et 48,3 %, respectivement vs 70,1 %, p < 0,01) et plus souvent une FA paroxystique (51,4 % et 51,0 % vs 30,0 %, p < 0,01). À noter aussi des différences quant à la moyenne d’âge : 67 ans dans le groupe sans traitement ACO contre 71 ans dans le groupe sous AAP et dans la totalité (p < 0,01). Les patients très âgés (≥ 86 ans) étaient davantage sous AAP (8,3 %) que sous AVK (5,3 %). Ainsi, la proportion de patients atteints de FA avec un risque thromboembolique élevé sans traitement préventif approprié est encore trop élevée, surtout chez les patients au début de leur maladie.   Les raisons des traitements combinés AVK/AAP La prise concomitante AVK/AAP reste découragée en raison du risque augmenté de saignement face à un bénéfice incertain sur l’efficacité. Chez les 7 243 patients inclus dans le registre global et traités par au moins un médicament antithrombotique, 66,3 % ont reçu un AVK, 11,2 % un AAP seul, 9,9 % un traitement combiné AVK/AAP (88,8 % avec aspirine, 21,0 % avec clopidogrel et 3,1 % avec un autre AAP). Par rapport aux patients traités uniquement par AVK, ceux traités par l’association AVK/AAP avaient plus souvent une FA paroxystique (28,1 vs 23,5 %) ou persistante (29,7 vs 23,5 %), ainsi qu’une plus grande prévalence de diabète, d’obésité, de dyslipidémie ou d’insuffisance rénale chronique (p < 0,05, pour tous). De plus, comme on pouvait s’y attendre, ils étaient plus fréquemment atteints d’une maladie coronaire (58,9 vs 19,0 % ; p < 0,01) ou d’une artériopathie périphérique (10,6 vs 3,8 % ; p < 0,01). Leur score CHA2DS2-VASc moyen était significativement plus élevé (3,8 vs 3,5), de même que leur score HAS-BLED moyen (2,8 vs 1,9) (p < 0,01, pour les 2 scores). La plupart de ces associations AVK/AAP ont été considérées comme étant inappropriées, du fait de l’absence de stenting coronaire ou de syndrome coronaire aigu récent. En conclusion, le traitement combiné AVK/AAP est trop fréquemment prescrit en Europe, très souvent du fait de l’association à la FA d’une maladie coronaire ou d’une artériopathie périphérique. Mais, cette coprescription d’antithrombotiques est dans la grande majorité des cas inappropriée. En toute logique, dans le groupe de patients avec l’association AAP/AVK, on retrouve plus fréquemment une maladie coronaire ou une artériopathie des membres inférieurs.   Les AOD dans la FA Les AOD ont été peu utilisés dans ce registre (2,1 % pour les anti- Xa et 4,0 % pour les anti-IIa), et ils l’ont été principalement en Allemagne et un peu moins en France et en Espagne pour le dabigatran. Les patients sous AOD étaient légèrement plus jeunes. Le profil clinique et les facteurs de risque cardiovasculaire des patients traités par les AOD dans la FA peuvent être distingués en plusieurs types. Les dernières mises à jour des recommandations ESC ont validé l’usage des AOD en raison des preuves de leur efficacité et de leur sécurité d’emploi, mais aussi du fait de leur avantage en termes de praticité par rapport aux AVK (nécessité d’un monitoring, interactions alimentaires médicamenteuses, longs délais d’action et de disparition de l’effet anticoagulant). Sur les 7 243 patients, 6,1 % étaient traités par un AOD (dabigatran ou rivaroxaban) et 66,3 % par un AVK. Les patients qui recevaient un AOD étaient significativement un peu plus jeunes (70 ans) que ceux qui recevaient un AVK (72 ans, p < 0,01), avec une proportion légèrement plus élevée d’hommes (61,8 vs 58,4 %). Les scores CHAD2DS2-VASc (3,4 ± 1,7 vs 3,5 ± 1,7) et les scores HAS-BLED (2,0 ± 1,1 vs 1,9 ± 1,1) étaient similaires. Une FA paroxystique était plus fréquente chez les patients sous un AOD que chez ceux sous un AVK (43,0 % vs 23,5 %, p < 0,01), à l’inverse de ce qui a été constaté pour la FA persistante ou permanente (30,3 % vs 45,2 %, p < 0,01). Ainsi, dans ce registre européen les patients traités par un AOD étaient plus jeunes et avaient des formes moins avancées (paroxystique) de FA que ceux traités par un AVK. En revanche, il n’y avait pas de différence significative pour ce qui concernait les risques thromboemboliques ou hémorragiques. Tout ceci suggère que les patients plus jeunes ont eu plus fréquemment accès aux AOD.  

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