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Congrès et symposiums

Publié le 28 fév 2014Lecture 5 min

Faut-il hospitaliser toute douleur thoracique suspecte ?

S. CHARPENTIER, Pôle de Médecine d’Urgences, Inserm UMR 1027, Université Paul Sabatier, Toulouse III

JESFC

La douleur thoracique est un motif fréquent de recours à l’urgence. Les recommandations pour la prise en charge des syndromes coronaires aigus (SCA) préconisent un appel au centre de réception des appels d’urgence(1). De ce fait, les campagnes d’information incitent les patients à appeler le Service d’aide médicale urgente (SAMU) dès qu’ils présentent une douleur thoracique. Il a été également clairement montré que, dans le cadre des syndromes coronaires aigus avec sus-décalage du segment ST (SCA ST+), le passage par un autre effecteur (urgentiste, médecin généraliste, cardiologue) augmentait significativement les délais de prise en charge des patients avec des conséquences en termes de morbi-mortalité(2). De ce fait, la douleur thoracique est devenue le motif de recours à la médecine d’urgence et en premier lieu à la régulation.

D’autres champs de la médecine d’urgence vont être concernés par la prise en charge des douleurs thoraciques, les services mobiles d’urgence et de réanimation (SMUR) et les urgences intrahospitalières. Pour chacune de ces structures, l’objectif et les moyens de la prise en charge sont différents. Le médecin urgentiste doit également avoir une bonne connaissance de l’épidémiologie des douleurs thoraciques qu’il prend en charge et savoir quel risque il fait prendre au patient en fonction de l’orientation décidée.   Épidémiologie   En France, la douleur thoracique représente 1 % des appels au SAMU, 18 % des interventions SMUR et 5 % des admissions aux urgences (données ORU MiP 2012, www.orumip.fr). Les pathologies dont le motif de recours à l’urgence est une douleur thoracique sont multiples mais dans deux tiers des cas, le diagnostic va rester indéterminé à la fin de la prise en charge ou en rapport avec une pathologie musculo-squelettique(3). Les études anglo-saxonnes ont montré que les SCA représentaient 15 % des douleurs thoraciques admises aux urgences(4). Cela en fait le premier diagnostic identifiable. Dans une étude récente française multicentrique un jour donné, il a été montré que les SCA représentaient 16 % des douleurs thoraciques régulées, 25 % des douleurs thoraciques prises en charge en SMUR et 10 % aux urgences (sous presse). Les autres pathologies pouvant mettre en jeu le pronostic vital du patient, embolie pulmonaire, dissection aortique, pathologies pleuro-pulmonaires ou digestives sont beaucoup plus rares de l’ordre de 1 à 5 % chacune. Aussi, toute douleur thoracique n’est pas un SCA mais c’est l’étiologie de douleur thoracique le plus souvent identifiable en médecine d’urgence.   Faire le diagnostic de gravité   L’objectif du médecin urgentiste devant une douleur thoracique va être de diagnostiquer ou d’exclure les pathologies les plus graves avec un niveau d’efficience et de sécurité suffisant et ce, avec les moyens dont il dispose suivant le contexte de la prise en charge des patients. Les trois champs de la médecine d’urgence ne vont pas disposer des mêmes moyens diagnostiques et n’auront donc pas les mêmes objectifs de prise en charge. À la régulation, l’objectif est de détecter une urgence vitale immédiate dès l’appel du patient et de déclencher des moyens de secours adaptés. Le médecin dispose seulement de l’interrogatoire du patient ou de l’entourage. En SMUR, l’objectif est d’identifier les patients les plus graves, de débuter les traitements adaptés et d’orienter les patients dans la meilleure filière de prise en charge. Le médecin dispose de l’interrogatoire, l’examen clinique, l’électrocardiogramme (ECG) et, plus rarement d’examens biologiques délocalisés ou d’échographie. Aux urgences, l’objectif reste d’identifier les patients les plus graves, mais également d’exclure les pathologies nécessitant une prise en charge, de traiter et d’orienter les patients. À chaque niveau de cette prise en charge, la question doit se poser d’hospitaliser ou non les patients et dans l’affirmative, dans quelle structure.   Une prise en charge efficiente   Concernant le SCA, l’hospitalisation ou les retours à domicile doivent être décidés en fonction du niveau de risque acceptable de laisser ou de renvoyer à domicile un patient qui aurait un SCA à la régulation, en SMUR ou aux urgences. En 2000, une étude avait montré que 5 % des patients sortis des urgences avaient, in fine, un diagnostic de SCA(5). Pour ces patients, la mortalité était le double de celle des patients identifiés comme des SCA. À partir de cette étude, des préconisations sur le risque d’erreur acceptable ont été proposées en particulier dans le domaine des biomarqueurs et des stratégies diagnostiques. Actuellement, une prise en charge aux urgences est dite efficiente si elle induit moins de 2 % d’erreurs diagnostiques(6,7). On comprend dans ce cas, qu’il est extrêmement difficile au regard du simple interrogatoire du patient à la régulation de ne donner qu’un conseil médical sans envoi d’un effecteur afin de ne pas méconnaître un patient avec une présentation atypique. De la même façon, lors d’une prise en charge SMUR, les patients ont rarement des modifications sur l’ECG évocatrices de SCA (< 30 %) et la majorité des patients avec un diagnostic de SCA auront un ECG normal. Aussi, les patients les plus facilement identifiables (SCA ST+ ou SCA non ST+ avec ECG modifié) pourront être orientés vers un centre de cardiologie interventionnelle, alors que les autres devront continuer à avoir des investigations, le plus souvent aux urgences ou dans des unités dédiées à la prise en charge des douleurs thoraciques. Ainsi les médecins urgentistes adoptent une stratégie sécuritaire avec, comme premier objectif, de ne pas méconnaître un SCA. Aux urgences, l’apport des biomarqueurs et de l’imagerie va permettre d’augmenter le niveau de certitude diagnostique et les patients sans récidives douloureuses ni modification ECG ni élévation des biomarqueurs cardiaques pourront être renvoyés à domicile s’ils ont un niveau de risque faible ou intermédiaire et si les diagnostics différentiels ont été éliminés(8). Toutefois, il serait réducteur que la prise en charge du médecin urgentiste se résume à exclure un diagnostic de SCA. De façon simultanée, il faut également affirmer le diagnostic avec une certitude suffisante pour mettre en place des traitements à haut risque de saignements et orienter le patient vers les centres de cardiologie sans les emboliser avec des patients qui ne le nécessitent pas. Concernant les SCA ST+, la probabilité diagnostique doit être supérieure à 80 % pour mettre en place une stratégie de reperfusion myocardique. Les modifications ECG spécifiques permettent de répondre à cet objectif. Pour le SCA non ST+, l’étude ACCOAST vient de montrer qu’il était délétère de prétraiter des patients qui n’avaient pas de haut niveau de risque(9). De ce fait, seuls les patients à forte probabilité de SCA et à haut risque pronostique doivent être traités par une double antiagrégation plaquettaire et un anticoagulant. Cela représente moins de 5 % des douleurs thoraciques prises en charge en préhospitalier.   En pratique   L’hospitalisation des douleurs thoraciques suspectes est souvent la règle en médecine d’urgence. Mais, au regard de la prévalence du SCA en médecine d’urgence, celle-ci ne doit pas se faire systématiquement dans un service de cardiologie. L’objectif du médecin urgentiste est d’exclure avec une sécurité maximale un SCA et d’affirmer également avec un niveau de preuve élevé la pathologie avant de traiter le patient et de l’orienter vers un service de cardiologie.

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