publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Explorations-Imagerie

Publié le 16 mai 2006Lecture 9 min

Recherche de la viabilité myocardique - Quel examen pour quel patient ? Comment choisir en pratique ?

P. GUERET, hôpital Henri Mondor, Créteil

La recherche de la viabilité myocardique est particulièrement intéressante dans le cadre des dysfonctions ventriculaires gauches chroniques d’origine ischémique — ou myocarde hibernant — car la mise en évidence de zones pouvant récupérer une fonction contractile après revascularisation revêt un intérêt fonctionnel et pronostique majeur.

Pour un dépistage précoce   Chez les patients restant symptomatiques sous traitement (angine de poitrine ou signes d’insuffisance cardiaque), la revascularisation peut contribuer à soulager les symptômes et à améliorer le pronostic vital en augmentant la performance ventriculaire gauche. L’importance et le délai au terme duquel cette amélioration peut être observée sont très variables d’un patient à l’autre et dépendent de nombreux facteurs, dont la sévérité et l’ancienneté de l’ischémie myocardique, le caractère plus ou moins complet de la revascularisation, mais aussi du degré et de l’étendue des altérations structurelles des cellules myocardiques. Il est donc important de pouvoir détecter le plus précocement possible cette viabilité myocardique, afin de faire bénéficier le patient de la revascularisation avant que les lésions cellulaires ne soient trop avancées et les dégâts anatomiques devenus irréversibles.   Les méthodes   Pour ce faire, plusieurs méthodes sont à la disposition du clinicien. Avant de développer les avantages et les limites respectifs des méthodes d’imagerie non invasive, citons pour mémoire la potentialisation post-extrasystolique parfois observée au cours d’une cinéangiographie ventriculaire gauche. Cette méthode, peu reproductible en routine, est d’autant moins usitée que l’étude de la fonction ventriculaire gauche se fait maintenant le plus souvent en ayant recours aux méthodes non invasives. Il en est de même de la technique très sophistiquée de la cartographie électromécanique (système NOGA), actuellement réservée à l’investigation clinique. Indiquons tout d’abord que ces méthodes vont tenter de répondre à la même question, à savoir la présence éventuelle de zones myocardiques dysfonctionnelles mais viables, et par des voies physiopathologiques différentes. Cette remarque permet de comprendre certains résultats apparemment discordants. Les méthodes isotopiques vont permettre d’explorer le métabolisme cellulaire et l’intégrité membranaire, alors que l’échocardiographie de stress va tenter de mettre en évidence une réserve contractile. L’IRM, quant à elle, va explorer la perfusion myocardique à l’aide d’un agent de contraste (gadolinium) mais également la réserve contractile si la fonction est étudiée sous dobutamine.   Échocardiographie Sur la simple échographie de repos, la mise en évidence d’une paroi myocardique amincie, à fortiori d’apparence fibreuse en imagerie, fait soupçonner une plaque cicatricielle de nécrose sans aucun potentiel de récupération après revascularisation (figure 1). Figure 1. Échocardiographie en mode TM (voie parasternale). A : akinésie antérieure avec conservation de l’épaisseur pariétale pouvant inciter à une recherche de viabilité ; B : akinésie dans le même territoire chez un autre patient dont l’épaisseur pariétale est diminuée (avec un aspect de cicatrice fibreuse) rendant illusoire la recherche de viabilité. Dans les autres cas, l’échographie sous dobutamine vise à détecter une amélioration de l’épaississement pariétal qui témoigne d’un potentiel de contraction cellulaire après revascularisation. Le protocole est actuellement bien standardisé, avec injection initiale de faibles doses de dobutamine (5 à 10 mg/kg/min) dans des limites n’accélérant pas la fréquence cardiaque basale de plus de 10 batt/min, puis de plus fortes doses (jusqu’à 40 mg/kg/min), à la recherche d’une réponse biphasique (amélioration de la contraction à faible dose suivie d’une détérioration à forte dose) qui s’est révélée être le critère le plus sensible (figure 2). Figure 2. Échographie sous dobutamine. Injection initiale de faibles doses de dobutamine (5 à 10 mg/kg/min), puis de plus fortes doses (jusqu’à 40 mg/kg/min), pour obtenir une réponse biphasique (amélioration de la contraction à faible dose suivie d’une détérioration à forte dose). Dans les conditions habituelles de surveillance et de monitorage, la tolérance s’est révélée bonne, sans effet secondaire notable : une hypotension ou la survenue d’arythmies graves conduisent rarement à l’interruption du test. La performance diagnostique dépend en grande partie de la qualité de l’image sur laquelle les variations d’épaississement myocardique sont évaluées. Chez les patients peu échogènes, l’usage des agents de contraste de dernière génération qui franchissent le lit vasculaire pulmonaire s’est révélé très utile, offrant une meilleure détection de l’écho de l’endocarde et de son déplacement au cours de la systole (figure 3). Figure 3. Échocardiographie sous dobutamine. Injection d’un agent de contraste (Sonovue) permettant une meilleur visualisation de l’endocarde. Le temps tissulaire de pénétration de l’agent de contraste, très intéressant dans son principe pour l’étude de la perfusion, n’est pas usuel car les validations les plus prometteuses effectuées sur des modèles très purs d’ischémie expérimentale se heurtent à de nombreuses difficultés rencontrées chez les patients, en particulier les pluritronculaires, ainsi qu’à des limites fondamentales liées à la physique des ultrasons, en particulier la mauvaise visualisation de la perfusion dans le champ latéral et profond (paroi latérale dans l’incidence apicale 4C et paroi antérieure dans l’incidence 2C). Enfin, L’analyse de l’écho de stress reste actuellement visuelle et les méthodes de quantification proposées (color kinesis, Doppler tissulaire) se sont révélées modérément contributives pour améliorer la performance diagnostique de façon reproductible et ne sont donc pas recommandées en routine.   Méthodes isotopiques Tomographie à émission de positons (TEP) Cette technique offre la possibilité d’étudier simultanément la perfusion myocardique et le métabolisme cellulaire. Habituellement, l’utilisation du glucose par la cellule est évaluée par l’analogue FDG et comparée à la perfusion régionale analysée par différents marqueurs (N13 ammonium, rubidium 82, eau marquée à l’O15). Métabolisme conservé et perfusion normale ou perfusion diminuée et captation du glucose normale, voire augmentée (mismatch), sont en faveur de la présence de viabilité. En revanche, l’altération conjointe de la perfusion et du métabolisme est en faveur de tissus cicatriciels, sans possibilité de récupération. Pendant longtemps, la TEP a été considérée comme la méthode de référence en raison de son approche simultanée et complémentaire des deux fonctions de perfusion et de métabolisme, ainsi que de la possibilité de quantifier les résultats. Cependant, la diffusion très limitée des appareils dans notre pays lui a fait perdre son attrait auprès des cliniciens, progressivement convaincus, par ailleurs, de la bonne performance de la scintigraphie et de l’échocardiographie de stress et, plus récemment, séduits par les possibilités très prometteuses de l’imagerie de coupe, en particulier de l’IRM. Le développement progressif du parc des caméras à émission de positons actuellement encouragé par les tutelles, bien que dévolu principalement à l’oncologie, pourrait rendre cette technique de nouveau attrayante en cardiologie. La scintigraphie Les principaux traceurs utilisés sont le thallium 201, qui est analogue du potassium et dont la fixation est proportionnelle au débit sanguin régional, et le technétium 99 (sestamibi ou tétrofosmine) évaluant la perfusion et la fonction mitochondriale. Plusieurs protocoles d’acquisition ont été proposés mais, pour la simple étude de la viabilité, les séquences repos/redistribution 4 heures plus tard sont raisonnablement performantes et semblent un bon compromis entre la faisabilité et la valeur diagnostique (figure 4). La synchronisation sur l’électrocardiogramme des images recueillies avec les agents “ technétiés ” permet l’évaluation simultanée de la fonction contractile et de la perfusion, avec une performance diagnostique accrue par l’adjonction d’un dérivé nitré. Les deux marqueurs peuvent être associés dans leur utilisation avec injection de thallium au repos puis de sestamibi après un stress pharmacologique ou un effort physique. En termes de seuil, le meilleur compromis entre sensibilité et spécificité apparaît se situer à 50 % pour la fixation maximale du traceur sur une étendue intéressant au moins 60 % du myocarde. Figure 4. Scintigraphie au thallium 201. Imagerie en coupes : IRM Comme en échocardiographie, la simple évaluation initiale de l’épaisseur pariétale en diastole peut orienter vers une étude plus détaillée de la viabilité. En effet, lorsque la paroi apparaît amincie (< 6 mm) et akinétique, les chances de viabilité myocardique résiduelle sont extrêmement faibles. Dans les autres cas, une étude plus détaillée est justifiée, soit en recherchant un rehaussement myocardique tardif après injection de gadolinimum, soit en pratiquant une IRM de stress sous dobutamine. La présence d’un aspect de rehaussement tardif après injection de gadolinium correspond aux zones myocardiques nécrosées cicatricielles et non viables. L’excellente résolution spatiale de l’IRM permet de préciser la nature plus ou moins transmurale de cette séquelle (figure 5) et il a été mis en évidence par Kim et coll. une relation entre cette transmuralité et les chances d’amélioration de la fonction régionale après revascularisation : – un rehaussement tardif limité (< 25 % de l’épaisseur myocardique) est associé à près de 80 % de chances d’amélioration ; – à l’inverse, un aspect cicatriciel étendu (> 50 %) est habituellement synonyme d’absence de viabilité (moins 10 % de chances d’amélioration). Figure 5. IRM : rehaussement tardif après injection de gadolinium. A : infarctus antérieur transmural ; B : infarctus inférieur sous-endocardique. Il est plus difficile de trancher dans les cas intermédiaires (25 à 50 % de transmuralité du rehaussement tardif) et, chez ces patients, l’IRM de stress sous dobutamine peut être proposée, à la recherche d’une réserve contractile, selon un protocole semblable à celui de l’échocardiographie de stress, avec comme avantage une excellente qualité d’image chez tous les patients et une très bonne résolution spatiale, mais comme inconvénient, une disponibilité moindre de l’appareillage et surtout un déroulement de l’examen un peu plus compliqué dans l’environnement du puissant champ magnétique.   Comment choisir en pratique : quels patients explorer et avec quelle méthode ?   Nous disposons de plusieurs études de validation ayant comparé la performance diagnostique de ces techniques entre elles, en particulier les méthodes isotopiques et l’échocardiographie. Une métaanalyse récente permet de bien fixer les idées (figure 6). Figure 6. Comparaison des méthodes pour la recherche de viabilité. Métaanalyse de Bax (JACC 1997) portant sur 37 études. Il apparaît clairement maintenant que l’échocardiographie est moins sensible que la scintigraphie, mais plus spécifique. Plusieurs explications peuvent rendre compte de ces différences : • la première raison tient au fait que les zones considérées comme viables avec les méthodes isotopiques peuvent contenir des îlots cellulaires en trop petit nombre ou surtout localisés dans les couches sous-épicardiques et n’ayant donc pas de réserve inotrope exploitable efficace après revascularisation ; • ensuite, la préservation du métabolisme énergétique et de l’intégrité de la membrane cellulaire ne signifient pas toujours que le potentiel contractile soit préservé. Le tableau résume les avantages et les limites respectives de ces techniques, y compris en termes de coût. Le choix de l’examen le mieux adapté va tenir compte de plusieurs paramètres, dont l’accessibilité de l’appareillage et l’expérience de l’opérateur ou de l’équipe qui va réaliser l’examen, mais également du patient lui-même en termes de contre-indications à certaines méthodes d’investigation et de ses caractéristiques propres telles que l’importance des ses symptômes, l’accessibilité de ses lésions coronaires à une revascularisation par angioplastie ou par pontages et, dans ce dernier cas, du risque opératoire ou encore de l’existence de lésions associées comme une insuffisance mitrale dont la correction éventuelle va entrer dans la discussion thérapeutique. Au total   Quelle que soit la méthode utilisée, la notion de l’étendue du territoire dysfonctionnel mais viable est absolument cruciale, en particulier en termes de pronostic. Il a été clairement démontré qu’il n’est utile d’envisager une recherche de viabilité que si l’asynergie est étendue et la dysfonction sévère (fraction d’éjection < 30 ou 35 %) et surtout si le résultat de l’examen choisi était en faveur d’une large zone viable (> 4 segments/16 en échocardiographie par exemple), ce qui représente au moins 25 % du ventricule gauche. En deçà de ces valeurs, le bénéfice escompté est moindre, en particulier en termes d’amélioration de la performance ventriculaire (augmentation de la fraction d’éjection) et donc de pronostic vital.

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

  •  
  • 1 sur 45