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Diabéto-Cardio

Publié le 22 mai 2007Lecture 8 min

Prévention cardiovasculaire secondaire chez le diabétique de type 2 : intérêt de l'acarbose

I. BIRDEN

Alors que la prévalence du diabète de type 2 atteint des proportions « épidémiques »(1), le nombre de diabétiques suivis en cardiologie ne cesse d’augmenter :
• le diabète de type 2 est associé à une multiplication par 2 à 4 du risque de maladie coronaire(2),
• celle-ci est la première cause de mortalité chez les diabétiques. Si l’hyperglycémie n’est qu’un des facteurs responsables de l’accroissement du risque cardiovasculaire au cours du diabète (avec l’hyperlipidémie, l’hypertension artérielle [HTA] et parfois le tabagisme) le déséquilibre glycémique, et en particulier l’hyperglycémie postprandiale (HGPP), sur l’importance de laquelle on insiste actuellement, se doit d’être efficacement pris en charge chez ces patients.

Les situations de prévention cardiovasculaire secondaire (PCV II) au cours du diabète de type 2 sont de deux ordres : - tantôt il s’agit d’une PCV II « classique » lorsque le patient diabétique a déjà un antécédent de maladie coronaire ou vasculaire avéré ; - tantôt le malade, sans être encore entré dans la maladie vasculaire, doit être considéré comme à haut risque cardiovasculaire. Selon l’HAS, ces cas très nombreux de « risque équivalent » regroupent : • les patients ayant une atteinte rénale définie par une albuminurie > 300 mg/24 h ou un débit de filtration glomérulaire défini par la formule de Cockroft-Gault < 60 ml/min ; • les malades dont le diabète évolue depuis plus de 10 ans et ayant au moins deux des facteurs de risque suivants : antécédents familiaux de maladie coronaire précoce (55 ans chez le père et 65 ans chez la mère), d’AVC avant 45 ans, tabagisme actuel ou interrompu depuis moins de 3 ans, HTA traitée ou non, HDL < 0,40 g/l, micro-albuminurie > 30 mg/24 h, âge > 50 ans chez l’homme ou 60 ans chez la femme ; • les sujets dont le risque de faire un accident coronarien est > 20 % dans les 10 ans pour quelque cause que ce soit. On le voit, ces situations de PCV II (ou leur équivalent) sont extrêmement fréquentes chez le diabétique de type 2. Une fois décidée, la prévention cardiovasculaire repose sur deux types de mesure : - une lutte contre les facteurs de risque modifiables dépistés chez chaque patient avec des objectifs souvent plus « drastiques » que chez les sujets non diabétiques : arrêt du tabagisme en s’aidant si besoin des substituts nicotniques, abaissement de la PA au-dessous de 130/80 mmHg, diminution du taux de LDL- cholestérol au-dessous de 1g/l (voire de 0,70 g/l après un accident coronarien selon les dernières recommandations américaines) principalement grâce à la prescription de statines, prise en charge de la microalbuminurie et a fortiori de la protéinurie, essentiellement par des inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) ou des antagonistes de l’angiotensine II (ARA II), dans certains cas un traitement antiagrégant plaquettaire ; - une prise en charge stricte de l’hyperglycémie et tout particulièrement de l’hyperglycémie post-prandiale (HGPP). C’est sur cet aspect du traitement, souvent méconnu des cardiologues, que nous insisterons tout particulièrement ici.   Hyperglycémie postprandiale et risque cardiovasculaire   Physiopathologie de l’HGPP En l’absence de diabète, la glycémie est maintenue dans d’étroites limites et la production endogène de glucose est contrôlée de façon précise afin de s’adapter à la fois à son utilisation par l’organisme et à l’apport de glucides exogènes. Au contraire, chez les diabétiques de type 2, la production hépatique de glucose n’est pas freinée en période postprandiale. De plus, la perte de la phase précoce de l’insulinosécrétion et l’insulinorésistance contribuent toutes deux à l’HGPP. L’HbA1c, étalon-or de l’évaluation de l’équilibre glycémique, ne permet pas d’apprécier correctement la variabilité glycémique au cours du nycthémère. Or, il faut rappeler qu’au cours d’une journée comportant trois repas, les phases postprandiales représentent environ 18 heures. Il est donc indispensable de tenir compte directement de ce paramètre si l’on veut obtenir un bon équilibre glycémique. En pratique, l’impact de la glycémie postprandiale sur l’hyperglycémie globale est majeur quand l’HbA1c n’est pas très élevée, c'est-à-dire le plus souvent en phase précoce du diabète ; ainsi, la GPP contribue à plus de 50 % de l’hyperglycémie globale quand l’HbA1c est < 7,3 % (3].   Impact de l’HGPP sur le risque cardiovasculaire Si les arguments épidémiologiques concernant la responsabilité de l’hyperglycémie dans les complications microvasculaires du diabète sont en faveur d’une implication forte et causale, la situation est plus complexe pour les complications macrovasculaires. Cependant, la Diabetes Intervention Study a montré, après un suivi de 11 années, une association entre l’HGPP et la mortalité(4) et, dans l’étude UKPDS, la réduction du risque de complications cardiovasculaires était de 14 % pour chaque diminution d’un point du taux d’HbA1c(5). Dans le même sens, une métaanalyse publiée en 1999 regroupant des données prospectives concernant plus de 90 000 personnes suivies pendant 12 années a mis en évidence un lien entre le risque d’événement cardiovasculaire et l’élévation des glycémies au-delà d’un seuil inférieur à celui qui définit le diabète (glycémie à jeun > 7 mmol/l et glycémie postcharge > 11,1 mmol/l)(6). Au plan physiopathologique, les effets cellulaires et tissulaires propres de l’HGPP sont difficiles à distinguer de ceux de l’hyperglycémie à jeun. On sait toutefois que les perturbations glycémiques postprandiales exacerbent la voie des polyols et l’activation de la protéine kinase C avec production de radicaux libres (stress oxydant). Ces modifications favorisent la dysfonction endothéliale et un état prothrombotique et pro-inflammatoire, dont l’importance dans la survenue des événements cardiovasculaires est de plus en plus mise en évidence. Il reste toutefois difficile de faire la part entre ce qui revient à l’hyperglycémie ou à l’hypertriglycéridémie postprandiales, les deux phénomènes étant intégrés au syndrome métabolique et sous-tendus par un mécanisme commun, l’insulino-résistance(7).   Que conclure de cette abondante littérature ? Trois grandes tendances émergent(8) : - contrairement à ce qui a été observé pour l’atteinte microvasculaire, il ne semble pas exister de seuil inférieur de la glycémie favorisant la survenue des complications cardiovasculaires ; - dès le stade d’intolérance au glucose, la glycémie postcharge semble être un meilleur élément prédictif des complications cardiovasculaires et de la mortalité que la glycémie à jeun ; - l’intérêt porté à la normalisation glycémique en cas de diabète de type 2, qui se traduit par les objectifs actuels de la HAS (qui recommande une HbA1c < 6,5 %), impose de porter une grande attention aux glycémies postprandiales. Les clés d’un bon contrôle du diabète de type 2 et en particulier de l’hyperglycémie postprandiale Pour lutter contre l’hyperglycémie à jeun et/ou postprandiale, les mesures hygiéno-diététiques (MHD) sont essentielles : la quantité de glucides absorbés à chaque repas doit être limitée et les aliments à faible effet hyperglycémiant sont à privilégier. Par ailleurs, l’exercice physique régulier agit globalement sur l’HGPP en diminuant la résistance à l’insuline des diabétiques de type 2 tandis que l’effort musculaire postprandial a de surcroît un effet hypoglycémiant immédiat. Les modifications du mode de vie sont cependant rarement suffisantes pour contrôler les fortes excursions glycémiques postprandiales et un traitement pharmacologique doit alors être associé aux MHD.   Faut-il privilégier une classe thérapeutique pour prendre en charge l’HGPP ? Parmi les antidiabétiques oraux actuellement disponibles, les glinides (répaglinide) et les inhibiteurs des alpha-glucosidases (IAG) sont plus particulièrement adaptés au contrôle de l’HGPP. Les glinides sont des insulinosécréteurs ayant une pharmacocinétique intéressante mais ils ne sont pas exempts de risques d’hypoglycémie. Les IAG (acarbose, miglitol) quant à eux, ont un mécanisme d’action qui leur permet de contrôler spécifiquement l’HGPP sans risque d’hypoglycémie. Le mécanisme d’action particulier des inhibiteurs des alpha-glucosidases En inhibant de façon compétitive et réversible le système enzymatique des alpha-glucosidases de la bordure en brosse des entérocytes, les IAG ralentissent l’absorption intestinale des glucides alimentaires complexes. Il en résulte : - une diminution de l’insulinémie postprandiale, susceptible d’augmenter la sensibilité à l’insuline , - une amélioration du profil de la sécrétion des hormones pariéto-digestives (glucagon like peptide-1 ou GLP-1), pouvant favoriser l’insulinosécrétion. Efficacité et tolérance des IAG Les essais cliniques réalisés avec l’acarbose ont démontré son efficacité sur l’équilibre glycémique aussi bien en monothérapie qu’en association à d’autres antidiabétiques oraux ou à l’insuline. Cette molécule a un impact particulier sur l’HGPP et diminue en moyenne l’HbA1c de 0,7 %(9,10). Dans une étude ouverte conduite dans des conditions proches de la pratique médicale avec 5 ans de suivi, les patients traités par acarbose (n = 1 954) ont présenté une diminution de l’HbA1c de 1,8 ± 0,2 % et une réduction des glycémies à jeun et post-prandiale respectivement de 2,7 mmol/l et de 3,4 mmol/l(11). Il faut souligner que cet effet favorable sur l’équilibre glycémique ne s’est accompagné ni de gain de poids ni de risque hypoglycémique. Les effets indésirables des IAG sont digestifs : météorisme, flatulences ou diarrhées. Afin de limiter ces troubles et d’améliorer l’observance au traitement, et donc son efficacité, il est important de prévenir le patient de leur survenue éventuelle et d’accompagner l’augmentation très progressive de la posologie d’une limitation des apports glucidiques. Effet de l’acarbose sur la morbi-mortalité cardiovasculaire Il existe d’importants arguments théoriques pour estimer que l’HGPP est un facteur de risque cardiovasculaire important chez le diabétique de type 2, et pour privilégier les IAG dans la lutte contre l’HGPP, en particulier au stade précoce. Il reste à déterminer si cette action spécifique sur l’HGPP peut se traduire cliniquement par une baisse de la morbidité cardiovasculaire. En pratique, on ne dispose pas d’études de longue durée comparant un IAG aux autres antidiabétiques oraux sur ce critère d’efficacité. On sait toutefois, grâce à une métaanalyse de 7 études à long terme conduite par M Hanefeld et coll. en 2004, que l’acarbose diminue de façon significative la morbidité cardiovasculaire comparativement au placebo chez des diabétiques de type 2(12). Cette métaanalyse a regroupé 1 248 pa-tients sous acarbose et 932 sous placebo. Il est à noter que 56,5 % des patients des groupes acarbose et 60,2 % des malades sous placebo recevaient concomitamment un ou plusieurs médicaments à visée cardiovasculaire, ce qui signifie qu’un grand nombre de ces sujets justifiaient bien une PCV II. Sur une durée de traitement d’au minimum un an, la fréquence des événements cardiovasculaires majeurs a été de 9,4 % dans les groupes placebo et de 6,1 % dans les groupes acarbose (p = 0,006). La différence était également significative lorsque seuls les infarctus du myocarde étaient pris en compte (9 cas sous acarbose contre 19 sous placebo ; p = 0,01). Dans l’escalade thérapeutique rendue indispensable par la nécessité d’une prise en charge rapide et efficace de l’hyperglycémie, tout particulièrement en situation de PCV II, les IAG présentent de ombreux avantages : mode d’action physiologique n’entraînant pas de prise de poids, activité spécifique sur l’HGPP, sécurité d’emploi liée à l’absence de risque hypoglycémique et de contre-indication liée à la dégradation de la fonction rénale, outre une diminution de la morbidité cardiovasculaire mise en évidence dans la métaanalyse de Hanefeld et coll.(12). À condition de favoriser une bonne tolérance de l’acarbose par une augmentation progressive de la posologie et par l’information donnée au patient du caractère le plus souvent transitoire et bénin des effets secondaires digestifs, ce traitement permet de concilier efficacité et sécurité pour la prise en charge initiale du diabète chez les sujets en situation de prévention cardiovasculaire secondaire, seul ou en association avec un autre ADO.   Place de IAG dans la stratégie thérapeutique du diabète de type 2, selon la HAS(13) Les IAG sont recommandés, en association aux mesures hygiéno-diététiques : - en cas d’échec des mesures hygiéno-diététiques (étape 2), si la metformine est mal tolérée ou contre-indiquée, surtout s’il existe une hyperglycémie postprandiale ; - en cas d’échec de la monothérapie initiale (étape 3), en association à la metformine ou à un insulinosécréteur (si hyperglycémie postprandiale importante).

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