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C Demain

Publié le 09 juin 2025Lecture 7 min

La ponction percutanée de l’artère axillaire : une voie d’abord à (re)connaître

Camil-Cassien BAMDÉ, Comlan BLITTI, Louise SCHULLER, Jules LACQUEMANNE, Claire FAVIER, Éric STEINMETZ, service de chirurgie cardiovasculaire et thoracique, CHU de Dijon (Bourgogne)*

Dans un contexte où les interventions endovasculaires deviennent de plus en plus complexes, la question de l’accès vasculaire est cruciale. Lorsque l’accès fémoral est impossible ou ne permet pas d’accéder à la lésion cible, la ponction percutanée de l’artère axillaire est une alternative fiable. Nous présentons ici notre technique de ponction, les résultats de notre expérience et les problématiques inhérentes à cet abord.

Pourquoi une alternative à la voie fémorale ?   Le traitement des anévrismes de l’aorte et des artériopathies oblitérantes des membres repose aujourd’hui majoritairement sur des techniques endovasculaires(1,2), avec des approches mini-invasives qui ont démontré une bonne faisabilité et un faible taux de complications(3,4). L’accès fémoral, gold standard(5) pour les gestes endovasculaires aortiques et périphériques, peut être difficile ou contre-indiqué en cas de tortuosité iliaque sévère, d’obésité ou d’obstacle au franchissement controlatéral (présence de kissing-stents iliaques ou d’un pontage aorto-bi-fémoral). C’est dans ce contexte que les accès à partir des membres supérieurs (radial, brachial ou axillaire) se sont développés et apparaissent comme des alternatives pertinentes(6). Historiquement utilisée en cardiologie interventionnelle pour les TAVI(7) ou le positionnement de systèmes d’assistance circulatoire(8), la voie axillaire est aujourd’hui de plus en plus utilisée pour les pathologies vasculaires périphériques. Les ponctions radiales ou brachiales, bien que reproductibles et associées à un taux relativement faible de complications, présentent plusieurs limites techniques comme la taille de l’introducteur(9), la survenue de spasmes artériels et l’existence de boucle ou de tortuosités sur le trajet rendant la navigation gênante ou dangereuse, et la nécessité de travailler avec du matériel long pour traiter les artères des membres inférieurs(10). De plus, la voie brachiale expose à un risque accru de complications locales(11), telles que les hématomes, les pseudoanévrismes et les lésions nerveuses en raison de la proximité du nerf médian et de la difficulté de compression en cas de saignement(12,13). La voie axillaire combine plusieurs avantages : diamètre artériel satis faisant, accès plus direct à la lésion cible et ponction reproductible sous repérage échographique.   La technique en pratique   La perméabilité et le diamètre de l’artère axillaire doivent faire l’objet d’une évaluation systématique préopératoire idéalement par angioscanner, pour vérifier la configuration modale de l’arche aortique et de l’artère vertébrale, et rechercher la présence d’obstacle (sténose ou occlusion de l’artère sous-clavière) et de lésions emboligènes de l’aorte (shaggy aorta). L’artère axillaire gauche doit être privilégiée pour éviter une navigation dans la crosse aortique et diminuer le risque d’accident vasculaire cérébral embolique. Nous décrirons ici la technique princeps d’une ponction axillaire gauche dans son segment 3. Au bloc opératoire, l’installation du patient se fait en décubitus dorsal, les deux bras le long du corps avec une zone radiotransparente du cou jusqu’aux artères cibles. L’amplificateur de brillance ou l’arceau de la salle hybride est positionné à droite. Un écran de radioprotection et, si possible, une jupe plombée sont placés entre la source de rayonnement et l’opérateur qui se tient à la gauche du patient, face à la table opératoire et à l’écran de scopie (figure 1). La ponction est réalisée sous guidage échographique dans le segment 3 de l’artère axillaire gauche en aval du muscle petit pectoral, pour diminuer le risque de pneumothorax et permettre si besoin une compression manuelle du point de ponction contre la tête humérale (figure 2). La ponction est réalisée à l’aide d’une aiguille 18G et du guide métallique issu du kit d’introducteur court. La vérification sous scopie du bon positionnement du guide et de l’introducteur court est primordiale, afin d’éviter toute fausseroute dans les branches de l’artère sousclavière et dans l’aorte ascendante. Après cathétérisme sous scopie d’un guide long et d’une sonde de courbure dédiée, vers l’aorte descendante, en évitant une navigation dangereuse dans la crosse, l’introducteur court est échangé pour un introducteur de longueur choisie selon la cible : 45 cm pour les artères viscérales, 65 cm et plus pour les artères des membres inférieurs. Figure 1. Installation au bloc opératoire. Patient en décubitus dorsal, opérateur à gauche, amplificateur à droite, échographe placé à la tête du patient. Figure 2. Repérage échographique de l’artère axillaire en segment 3. Coupe longitudinale centrée sur l’artère axillaire. AA : axillary artery, HH : head of humerus, PMM : pectoralis minor muscle.   L’artère axillaire est souvent de calibre suffisant pour accueillir de gros introducteurs, qui peuvent être utiles pour délivrer de gros stents ou pour apporter du support à des introducteurs plus petits lorsque l’anatomie est particulièrement tortueuse. Dans ce cas, il est judicieux de prévoir un « préclosing » à la manière de ce qui est pratiqué au niveau des artères fémorales.   Résultats dans notre expérience   Nous avons rapporté notre expérience de ponctions axillaires percutanées(14). Entre janvier 2020 et décembre 2023, 85 patients ont été inclus, dont 65 hommes (76 %), d’âge moyen 69,5 ± 9,5 ans avec un indice de masse corporelle moyen de 26,2 ± 6,3 kg/m² (valeurs extrêmes : 18-42 kg/m²). Les indications les plus fréquentes étaient des pathologies artérielles périphériques (n = 66 ; 77,6 %), et notamment des lésions aorto-iliaques (n = 32), des trépieds fémoraux (n = 22), fémoropoplitées (n = 7) et mésentériques (n = 5). Les 19 autres cas (22,4 %) étaient des pathologies aortiques complexes, incluant des endo - prothèses fenêtrées ou bifurquées (n = 13), des dissections de type B (n = 4), et des endoprothèses iliaques bifurquées (n = 2). La ponction n’a été réalisée à droite que dans 2 cas (2,4 %). Le taux de succès technique a été de 100 %, sans perdu de vue au cours du suivi. Douze patients (14,2 %) ont présenté des complications majeures à 30 jours, dont 9 patients (10,6 %) ont nécessité une conversion chirurgicale immédiate en raison d’un échec de fermeture percutanée. Deux patients (2,4 %) ont été traités par stent couvert pour une hémorragie persistante. Un des deux patients ponctionnés à droite a développé un accident vasculaire cérébral (1,2 %). Des complications mineures ont été observées chez 10 patients (11,8 %), dont 5 hématomes traités médicalement, 3 pseudoanévrismes traités par embolisation percutanée sous échographie (n = 2) et par pansement compressif prolongé (n = 1). Une dissection de l’artère axillaire et une lésion spontanément résolutive du nerf brachial ont été rapportées. Aucun cas d’ischémie aiguë du membre supérieur ni de séquelles neurologiques à distance n’a été observé. L’analyse univariée a mis en évidence une association statistiquement significative entre un indice de masse corporelle élevé et la survenue de complications (29,0 vs 25,2 ; p = 0,017). En revanche, ni la taille des introducteurs utilisés ni le type de dispositif de fermeture (Femoseal®, Terumo, Tokyo, Japon et Proglide® Abbott Vascular, Santa Clara, CA, États-Unis) n’ont montré d’influence significative sur la morbidité périopératoire.   Quelle place dans l’arsenal interventionnel ?   L’utilisation de la voie axillaire percutanée dans les interventions endovasculaires demeure encore marginale, sans doute par crainte de complications. Ce taux de complications est élevé, comme en témoigne notre expérience, notamment en cas d’obésité qui augmente les risques d’échec de ponction et d’échec des systèmes de fermeture. Nous utilisons malgré cela, la voie axillaire gauche en routine et en 1re intention dès qu’un abord haut est indiqué, préférentiellement à la voie brachiale car on est très bien installé à côté du patient, face à l’écran de scopie. On gagne en longueur de matériel, les systèmes de fermeture y sont efficaces et les conversions chirurgicales dans notre expérience ont été très bien tolérées sans séquelle. Les dispositifs de fermeture percutanée utilisés dans cet abord(9,15), notamment Femoseal® et Proglide®, ou encore Angioseal® sont aujourd’hui utilisés hors autorisation de mise sur le marché (AMM). Bien que leur efficacité ait été rapportée dans plusieurs séries, comme celle d’Haaris(16), leur taux d’échec reste conséquent. Dans notre expérience, la fermeture percu tanée était la principale source de complications majeures, justifiant une conversion chirurgicale dans 10 % des cas. En cas d’échec du système de fermeture, deux stratégies peuvent être envisagées : un abord chirurgical direct de l’artère axillaire pour contrôle et réparation, ou bien une ponction à distance(17), radiale ou humérale en général, pour amener un stent couvert au niveau de la brèche axillaire ou un ballon d’occlusion pour emboliser ensuite le sac d’un faux anévrysme sous échographie avec de la thrombine. Le choix entre ces solutions dépendra des habitudes de chacun et des conditions anatomiques locales. L’analyse préopératoire de la morphologie artérielle (diamètre, tortuosités, calcifications) et la stratégie de gestion du point de ponction doivent être analysées en amont du geste pour limiter les séquelles des complications éventuelles. Une courbe d’apprentissage existe, comme le montre la réduction progressive des complications au fil des années dans notre cohorte. Une ponction trop perpendiculaire peut entraîner des contraintes de cisaillement sur la paroi artérielle ou des fausses routes. Enfin, la ponction de l’artère axillaire droite doit être évitée, surtout chez les patients âgés et à risque embolique.   * Dijon ; Physiopathologie et épidémiologie cérébrocardiovasculaires (PEC2), EA7460, Faculté des sciences de santé, Université de Bourgogne, Dijon

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