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Chirurgie

Publié le 11 avr 2006Lecture 8 min

Nouveaux challenges de la chirurgie cardiaque dans les pays en voie de développement

G. BABATASI, A. DELOCHE, S. NOU TI et D. ROUX, CHU côte de Nacre, Caen et hôpital Européen Georges Pompidou, Paris

Plus de 2 milliards de personnes n’ont pas directement accès aux soins en chirurgie cardiaque, dont plus de 50 % d’enfants. En 2001, Cox faisait un état des lieux de la chirurgie cardiaque mondiale en tenant compte de deux variables essentielles, le nombre de centres de chirurgie cardiaque et le nombre d’interventions réalisées.

Les chiffres Nombre de centres de chirurgie cardiaque par habitant : • États-Unis : 1 centre pour 120 000 habitants, • Europe et Australie : 1 centre pour 1 million d’habitants, • Asie : 1 pour 16 millions d’habitants, • Afrique (incluant l’Afrique du sud) : 1 centre pour 33 millions d’habitants. Nombre moyen d’interventions de chirurgie cardiaque par million d’habitants et par an : • États-Unis, Australie et Europe : 860 d’interventions par million d’habitants chaque année (nombre considéré comme optimal), • Reste du monde : le nombre moyen d’interventions : 60 • Amérique du Sud : 147 • Russie : 37 • Asie : 25 • Afrique : 18 Moins de 20 % de la population consomme plus de 80 % des ressources de notre planète et donc près de 5 milliards d’individus dont 2,5 milliards d’enfants n’ont pratiquement pas accès aux soins en chirurgie cardiaque.   Les pathologies rencontrées Dans ces populations défavorisées, les pathologies cardiaques  sont analysées par tranche d’âge : • chez l’enfant et l’adolescent, ce sont les cardiopathies congénitales et rhumatismales qui prédominent largement ; • chez l’adulte jeune, les cardiopathies rhumatismales sont au premier plan suivies par les cardiopathies congénitales vieillies ; • au-delà de 40 ans, on observe un cumul des valvulopathies, des cardiopathies ischémiques en progression et des atteintes myocardiques d’origines diverses avec des incidences variables selon le degré de développement des différents pays. L’incidence des cardiopathies rhumatismales n’a pas diminué dans les pays en voie de développement, elle est mille fois supérieure à celle de nos pays. L’incidence moyenne est de 0,6/1 000 dans les pays en voie de développement variant de 0,2/1 000 en Amérique du Sud, 0,3/1 000 en Chine, 1,4/1 000 en Afrique, où elle progresse à nouveau. Les cardiopathies rhumatismales affectent essentiellement les enfants après 4 ans (incidence de 0,9/1 000). Le rhumatisme articulaire à été déclaré fléau mondial par l’organisation mondiale de la santé : 12 millions d’individus seraient atteints, 500 000 décès par an lui seraient imputables et un million de patients nécessiteraient une chirurgie valvulaire avec pour cible préférentielle l’orifice mitral dans 85 % des cas.   Les actions thérapeutiques possibles La Chaîne de l’espoir, de par sa vocation, s’est impliquée depuis 15 ans pour développer une stratégie d’aide aux enfants cardiaques : • d’abord, en permettant leur accueil dans nos pays pour y être opérés. Plus de 3 000 enfants originaires de 23 pays ont été opérés en France et en Europe à travers une chaîne de solidarité et de moyens organisée et même optimisée ; • mais aussi par l’organisation de missions chirurgicales : plus de 500 enfants cardiaques ont été ainsi opérés lors de missions temporaires que ce soit en Afrique, en Asie ou en Europe de l’Est ; • dernièrement, par l’élaboration et la réalisation de structures hospitalières dans des pays en voie de développement : près de 1 500 patients ont été opérés dans les centres de chirurgie cardiaque que nous avons réalisés au Cambodge et au Mozambique. L’analyse cumulée de cette expérience permet de mieux cerner les lésions. En fait, il apparaît que 6 affections cardiaques dominent : l’atteinte valvulaire mitrale, le canal artériel, la CIV, la CIA, la tétralogie de Fallot et l’atteinte valvulaire aortique. Dix techniques chirurgicales à peine, permettent de couvrir près de 90 % des pathologies rencontrées. À peine 10 techniques chirurgicales permettent de couvrir près de 90 % des pathologies rencontrées. Les solutions qui peuvent être proposées en termes de diagnostic, de techniques chirurgicale, de programmes éducatifs, de transfert de technologie et de prévention doivent être adaptées aux pathologies rencontrées et aux contraintes économiques des pays. De plus, elles doivent être pérennes.   Le home-made ring Au Cambodge, les chirurgiens ont mis au point une technique originale de fabrication sur site des anneaux mitraux prothétiques :  le home-made ring  (HMR). La place de la cardiologie est centrale avec un développement de l’échocardiographie  adaptée au diagnostic et à l’expertise de ces pathologies. Parallèlement, l’organisation ou la participation aux programmes de prévention, notamment pour le rhumatisme, est indissociable de cette prise en charge médico-chirurgicale. La stratégie médicale et les techniques chirurgicales doivent être étroitement couplées aux particularités lésionnelles et aux contraintes économiques. La réalisation d’une anastomose palliative première transforme le pronostic des Fallots vieillis. La chirurgie valvulaire réparatrice triomphe dans les pathologies mitrales. Nous l’avons utilisée dans plus de 90 % des cas. Par ailleurs, une intervention cardiaque doit être un geste parfaitement défini sur le plan des dépenses. L’utilisation des matériaux et le choix des techniques chirurgicales répondent à des protocoles, l’objectif étant de diminuer les coûts. La fabrication de HMR se fait en utilisant des moules de taille conventionnelle. • Les matériaux utilisés : - Gore-Tex, - fil d’acier de diamètre 1,5 mm, - fil Ticron 2-0. • Un fil d’acier de 1,5 mm de diamètre est formé autour du moule pour obtenir un anneau de taille désirée. • Un Gore-Tex de 1 cm de large et 15 cm de long est alors enfilé autour de l’anneau d’acier obtenu. • Enfin le Gore-Tex est suturé de manière à contenir l’anneau d’acier, puis les deux extrémités sont suturées bout à bout.   Notre étude comporte 119 cas opérés pour insuffisance mitrale entre 2001 et 2004 dans le Centre de cardiologie de Phnom Penh par les groupes des chirurgiens de la Chaîne de l’espoir en collaboration avec les chirurgiens du Cambodge. Durant cette même période, il y eût 444 gestes sur l’orifice mitral : • remplacement valvulaire dans 50 cas (11 %), • plastie valvulaire dans 394 cas (89 %). Les 119 patients de notre série ont bénéficié d’une plastie mitrale soit : • par anneau Carpentier (29 cas), • par anneau home-made mitral ring (90 cas), Il s’agit le plus souvent d’enfants, ce qui soulève ici le problème de la croissance. Le traitement anticoagulant pose aussi d’énormes problèmes justifiant une chirurgie conservatrice à type de plastie mitrale. Les anneaux mitraux de l’industrie coûtent environ 1 000 €, ce qui limite rapidement de patients opérables. D’où l’idée de fabriquer des anneaux « home-made mitral ring » ; dont le coût est extrêmement réduit ; de plus, on dispose au bloc opératoire de toutes les tailles, ce qui permet de se soustraire aux aléas de l’approvisionnement.   Bilan des anneaux mitraux "maison" Ces anneaux sont réalisés avec une armature rigide constituée par un fil d’acier inoxydable, revêtu d’une gaine en Goretex. Ils sont donc fabriqués à partir de matériels qui ont fait la preuve depuis longtemps de leur biocompatibilité. Ces anneaux sont rigides car, les atteintes rhumatismales de la valve mitrale entraînent souvent une déformation de l’anneau ; l’anneau «home-made mitral ring» avec sa rigidité permet donc le remodelage et on peut ainsi retrouver, après la plastie, un anneau de configuration normale. Malgré toutes les précautions de fabrication, il était important de savoir si les résultats de l’anneau «Home Made Mitral Ring» et des anneaux de l’industrie étaient comparables. Un certain nombre de difficultés ne sont pas spécifiques au « home-made ring » mais sont propres aux plasties mitrales en général : • l’enfant soumis à la croissance peut voir son avenir valvulaire compromis par un anneau de petite taille . (trouvera-t-on un anneau résorbable « home-made » ?) ; • l’atteinte rhumatismale mitrale se prête parfois assez mal à la plastie en raison du remaniement important de l’appareil sous-valvulaire ce qui peut conduire au remplacement de la valvule mitrale avec ses inconvénients : anticoagulants pour les valves mécaniques et détérioration pour les valves biologiques. Enfin, cette technique est soumise à l’évolution du rhumatisme articulaire aigu et de son processus inflammatoire, les lésions valvulaires se sont pas toujours figées et on peut voir des réactivations inflammatoires avec des apparitions de fuites valvulaires nécessitant une reprise chirurgicale. Le « home-made mitral ring » ayant fait ses preuves, nous avons fabriqué de façon similaire des anneaux tricuspides. La fuite tricuspide, même fonctionnelle, doit en effet être traitée.   La maladie mitrale du Mékong À Phnom Penh, nous avons isolé cette pathologie spécifique, la maladie mitrale du Mékong : il s’agit d’une fuite mitrale par rétraction de la petite valve avec une légère symphyse des commissures et une grande valve quasiment normale. Le traitement en est tout à fait simple : un anneau pour réduire le diamètre et redonner une forme anatomique. Le résultat est toujours très bon avec une absence ou une très faible fuite postopératoire.   L’Institut du cœur comme modèle Des programmes de formations accélérées ont été instaurés en privilégiant la création d’équipes. L’expérience nous a montré l’importance des formations locales ou régionales, plus adaptées en termes de pathologies rencontrées et de type de prise en charge. Ainsi, l’équipe cambodgienne a été en majorité formée et soudée au Vietnam à l’Institut du cœur d’Ho-Chi-Minh. L’approche finale est, bien sûr, de concevoir des centres de cardiologie médico-chirurgicaux appelés Institut du cœur. Au fil des années, nous avons établi une sorte de concept pour de telles structures en définissant, de façon presque standardisée, l’architecture, la liste des équipements, le statut juridique, le fonctionnement et le mode de gestion. Un tel centre est dimensionné pour recevoir environ 20 000 consultants par an avec une activité chirurgicale de 1 000 à 1 500 interventions par an. Il faudrait théoriquement 1 centre de ce type pour 10 millions d’habitants. Les investigations invasives et la cardiologie interventionnelle font partie intégrante de ces centres qui, en plus de leur mission de soins, sont des unités de référence en matière de prévention et d’enseignement. Depuis 1 an, nous avons effectué plus d’une trentaine de pontages coronaires à cœur battant sans CEC, bien plus économiques que les pontages sous CEC et dont les bénéfices sont équivalents à la chirurgie sous CEC. Un programme similaire est en voie d’évaluation au Sénégal où une première mission en octobre 2005 a permis d’opérer 20 enfants au centre de Fann (Dakar).   Pour conclure   Notre conviction est que la participation des pays développés à une stratégie la plus globale possible dans ce domaine devient presque une nécessité. Pour nous, cardiologues et chirurgiens, ce champ d’action presque infini conduit à nous interroger sur un engagement avant tout personnel mais aussi sur le rôle possible des sociétés savantes dans ce type d’entreprise. Le rôle du milieu associatif est de regrouper les énergies tout en poursuivant un travail de réflexion et de coordination des moyens. La Chaîne de l'espoir ayant acquis récemment une dimension européenne et même internationale se trouve de plus en plus impliquée dans de vastes projets. Mais devant l'immensité de la tâche, son action reste malgré tout assez symbolique.

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