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Diabéto-Cardio

Publié le 08 avr 2008Lecture 9 min

LIFE : diabétique de type 2 hypertendu, les bénéfices cliniques du losartan sont encore plus importants que chez le non-diabétique

M. DEKER, Paris

Étant donné la prévalence croissante du diabète dans la population, sa corrélation avec l’hypertension artérielle et le risque cardiovasculaire accru par la coexistence de ces deux facteurs de risque, les questions relatives au choix du traitement antihypertenseur prennent un relief particulier dans cette population. Outre l’atteinte des objectifs tensionnels particulièrement stricts, on est en droit d’attendre du traitement antihypertenseur des bénéfices en termes de morbidité et de mortalité chez le diabétique, comme chez le patient non diabétique. Qui plus est, le traitement antihypertenseur ne doit pas mettre en péril le fragile équilibre métabolique du sujet hypertendu et favoriser le développement d’un diabète, ce qui augmenterait son risque. L’étude LIFE (Losartan Intervention For Endpoint in Hypertension study) a bien montré les bénéfices d’une stratégie de traitement antihypertenseur par losartan sur la morbi-mortalité des patients ayant une hypertension artérielle essentielle, au-delà de son effet sur la pression artérielle, chez les patients non diabétiques et plus encore chez les diabétiques(1,2).

Les études épidémiologiques nous ont appris que le diabète double le risque de maladie cardiovasculaire, y compris chez les hypertendus, que le diabète et l’hypertension artérielle sont fréquemment associés, chacun étant prédicteur de l’autre et que la majorité des diabétiques meurent de maladie cardiovasculaire. En revanche, chez le diabétique de type 2, la baisse de pression artérielle diminue le risque cardiovasculaire : dans l’étude UKPD(3), une diminution de 10 mmHg réduit les événements cardiovasculaires et la mortalité respectivement de 12 % et 18 %. Alors qu’aucune différence statistiquement significative n’avait été mise en évidence entre deux stratégies de traitement antihypertenseur en termes de morbi-mortalité chez les diabétiques de type 2 dans les études comparatives évaluant des thérapeutiques autres qu’un ARA II, l’étude LIFE a apporté la preuve qu’une stratégie de traitement basée sur le losartan confère des bénéfices additionnels sur la morbi-mortalité cardiovasculaire, au-delà du contrôle tensionnel, chez le diabétique(2), comme chez le non-diabétique(1). Les recommandations de la HAS sur le traitement de l’hypertension artérielle chez l’adulte(4) sont pour partie fondées sur les résultats de cet essai. Chez le patient diabétique, les objectifs de contrôle tensionnel ont été fixés par la HAS(4), d’après les résultats des différentes études d’intervention, à des valeurs < 130/80 mmHg. La HAS précise que le choix du traitement antihypertenseur en première intention doit se faire en tenant compte des indications préférentielles des cinq classes médicamenteuses ayant démontré un bénéfice clinique, en plus de leur effet sur la pression artérielle. Ainsi, chez le diabétique de type 1 ou 2, un bloqueur du système rénine-angiotensine (SRA), IEC ou ARA II, doit être privilégié dès le stade de microalbuminurie ; on peut opter pour ce même type de molécule en cas d’insuffisance cardiaque associée, et en faveur du losartan et d’un diurétique thiazidique en cas d’hypertrophie ventriculaire gauche associée. En outre, il est admis qu’une association de plusieurs antihypertenseurs est le plus souvent nécessaire pour parvenir aux objectifs tensionnels.   La méthodologie de l’étude LIFE LIFE est une étude randomisée en double insu en groupes parallèles, multicentrique, réalisée chez des patients porteurs d’une hypertension artérielle (HTA) essentielle associée à une hypertrophie ventriculaire gauche (HVG) définie sur des critères électrocardiographiques, un marqueur puissant et indépendant de morbi-mortalité cardiovasculaire. Son objectif premier était d’établir si le blocage sélectif de l’angiotensine II par le losartan était capable de faire régresser l’HVG, au-delà de la baisse de la pression artérielle, et de diminuer la morbi-mortalité cardiovasculaire. Deux stratégies de traitement ont été comparées dans cet essai chez 9 193 patients (âgés de 55 à 80 ans) hypertendus (PAS : 160 à 200 mmHg ; PAD : 95 à 115 mmHg) et porteurs d’une HVG électrique : - losartan + hydrochlorothiazide (HCTZ) ; - aténolol + hydrochlorothiazide. Les doses de losartan et d’aténolol ont été augmentées par paliers, après une ou deux semaines de placebo, jusqu’à 100 mg/j pour chacune des deux molécules + HCTZ 12,5 à 25 mg/j. Un autre traitement antihypertenseur pouvait être prescrit en sus de la combinaison à l’étude pour atteindre les objectifs tensionnels (< 140/90 mmHg), à l’exception d’un bloqueur du SRA (IEC ou ARA II) et d’un bêtabloquant. Ce traitement a été poursuivi au moins pendant 4 ans, jusqu’à ce que 1 040 patients présentent un événement cardiovasculaire du critère principal.   Les critères d’évaluation • Le critère principal d’évaluation était un critère composite : mortalité cardiovasculaire, accident vasculaire cérébral (AVC), infarctus du myocarde (IDM). • D’autres critères d’évaluation comprenaient notamment la mortalité totale, ainsi que les nouveaux cas de diabète apparus sous traitement.   Population, durée de l’étude, posologie La population incluse dans l’étude était âgée en moyenne de 66,9 ans (54 % de femmes), avec une pression artérielle moyenne de 174,5/97,8 mmHg. Les deux groupes étaient parfaitement homogènes en ce qui concerne les caractéristiques démographiques, la sévérité de l’hypertension, l’évaluation de l’HVG (Cornell : 2 828,8 mm x ms en moyenne ; Sokolow-Lyon : 30 mm en moyenne), le score de Framingham et le pourcentage de fumeurs. Il en était de même des antécédents médicaux ; à noter que 13 % des patients inclus dans les deux groupes de randomisation souffraient de diabète, soit 1 195 patients de la cohorte au total. Cette population particulière a fait l’objet d’une analyse préspécifiée(2). La durée moyenne de suivi a été de 4,8 ans, de la randomisation jusqu’au décès, à la perte de vue ou à la fin de l’étude. Les patients sont restés sous le traitement alloué dans respectivement 84 et 80 % des groupes losartan et aténolol. La majorité d’entre eux ont dû recevoir une association des deux antihypertenseurs (losartan ou aténolol + HCTZ ± autre antihypertenseur), tel que le prévoyait le protocole de l’étude (tableau 1). En fin d’étude, 50 % des patients recevaient une dose de 100 mg de losartan ± HCTZ et 43 % une dose d’aténolol 100 mg ± HCTZ. Dans le sous-groupe des diabétiques, ces pourcentages sont respectivement de 51 et 47 %. C’est bien majoritairement à la dose de 100 mg de losartan que ces preuves de protection cardiovasculaire ont été montrées dans LIFE et LIFE-Diabète. Résultats   Sur la pression artérielle La baisse de la pression artérielle systolique et diastolique a été comparable dans les deux groupes : de 30,2 ± 18,5 /16,6 ± 10,1 mmHg dans le groupe losartan et 29,1 ± 19,2 /16,8 ± 10,1 mmHg dans le groupe aténolol.   Les effets sur la morbi-mortalité La stratégie à base de losartan s’est avérée plus efficace sur le critère composite principal – AVC, IDM et mortalité cardiovasculaire – permettant une réduction du risque relatif global de 13 % (p = 0,02), comparativement à l’aténolol (de 14,6 % sans ajustement ; p = 0,009). Concernant les AVC mortels ou non, le traitement par losartan permet de les diminuer, comparativement à l’aténolol, de -24,9 % (p = 0,01). S’agissant de la mortalité cardiovasculaire et des IDM mortels ou non, il n'y a pas eu de différence significative entre les 2 groupes, autrement dit le losartan et l'aténolol ont montré les même bénéfices sur ces 2 critères CV.   Les autres résultats • À la fin de l’étude, une réduction statistiquement plus prononcée de l’HVG a été mise en évidence dans le groupe de traitement basé sur le losartan comparativement à l’aténolol, sur les deux indices, le produit de Cornell et l’indice de Sokolow-Lyon (p < 0,0001). Cet effet bénéfique est confirmé par les résultats d’une sous-étude échographique qui montre une diminution significativement plus prononcée de la masse ventriculaire gauche (VG) et de l’index de masse VG chez les patients du groupe losartan(5). • Une sous-étude de LIFE s’est intéressée à l’effet du traitement sur le risque de fibrillation auriculaire (FA) durant l’étude(6). Le risque de FA a été diminué de 33 % chez les patients du groupe losartan, comparativement aux patients sous aténolol (n = 150 versus 221 ; p < 0,001). • Le risque de survenue d’un diabète sous traitement a été significativement plus faible sous traitement par le losartan, comparativement à l’aténolol, de 25 % (p < 0,001)(1,7). Ce résultat est à mettre en relation avec les résultats d’une analyse récente des données de LIFE ayant montré une corrélation entre la régression de l’HVG sous traitement antihypertenseur et l’incidence des diabètes de novo(8).   LIFE chez les patients diabétiques Parmi la cohorte de patients inclus dans l’étude LIFE, 1 195 étaient diabétiques au départ : 586 ont été affectés au groupe losartan et 609 au groupe aténolol. Ce sous-groupe fait l’objet d’une analyse préspécifiée(7). • Comparativement aux patients non diabétiques de l’étude LIFE, les patients diabétiques de l’étude se distinguaient par des valeurs plus élevées de l’indice de masse corporelle (30 ± 5,5 versus 27,7 ± 4,6) et du score de risque de Framingham, des antécédents cardiovasculaires plus fréquents, une pression artérielle systolique plus élevée (de 3 mmHg), une pression artérielle diastolique plus basse. Les traitements associés étaient également répartis entre les deux groupes, qu’il s’agisse des antidiabétiques, des hypolipidémiants ou de l’aspirine. • Durant la période de suivi d’au moins 4 ans, soit 5 596 patients-années (PA) de suivi, 103 événements cibles composant le principal critère d’évaluation sont survenus dans le groupe losartan, comparativement à 139 dans le groupe aténolol (39,2 versus 53,6/1 000 PA).   LIFE-Diabète : synthèse des résultats chez le patient hypertendu diabétique Sur tous les critères d’évaluation, la supériorité de la stratégie basée sur le losartan comparativement à l’aténolol est montrée : - sur le critère composite principal {décès cardiovasculaire, AVC et IDM} : une réduction significative du risque relatif (RRR) de 24,5 % est observée (IC95% : 0,58-0,98 ; p = 0,031) (tableau 2 et figure 1) ; - on retrouve une diminution de 36,6 % de la mortalité cardiovasculaire (p = 0,028) et de 38 % de la mortalité totale (p = 0,002) - concernant les IDM mortels ou non (p=0,073) et les AVC mortels ou non (p = 0,204), il n'y a pas de différence significative comparativement à l'aténolol. Figure 1. LIFE-Diabète : résultats sur le critère principal composite. • Ces résultats ont été obtenus alors que la baisse de pression artérielle était sensiblement équivalente dans les deux groupes d’étude (réductions de 31/17 et 28/17 mmHg dans les groupes losartan et aténolol respectivement, 85 et 82 % des patients ayant atteint les objectifs tensionnels en fin d’étude). • Les résultats en ce qui concerne l’HVG sont nettement à l’avantage du losartan : diminutions très significatives du produit de Cornell et de l’indice de Sokolow-Lyon (p < 0,0001) comparativement à l’aténolol. • Il est également à noter que le pourcentage de patients ayant présenté une albuminurie sous traitement a été près de deux fois inférieur dans le groupe losartan (7 versus 13 % ; p = 0,002). • Une analyse post-hoc des résultats de LIFE chez les patients diabétiques montre en outre une diminution significative de 51 % des décès par mort subite dans le groupe losartan comparativement à l’aténolol (14 versus 30 cas ; p = 0,027), résultats qui n’ont pas été observés chez les patients non diabétiques de l’étude LIFE(9). Au total, les résultats obtenus chez les patients diabétiques de l’étude LIFE sont non seulement très en faveur du losartan mais encore de plus grande ampleur que chez l’ensemble de la cohorte : - la réduction du risque combiné d’AVC, IDM et mortalité cardiovasculaire est près de deux fois plus importante (24,5 % versus 13 % tous patients de LIFE) (figures 1 et 2); - la mortalité totale est diminuée de 38 % (versus 10 %) ; - le risque de mort subite cardiaque est diminué de 51 % sous losartan comparativement à l’aténolol alors qu’il est équivalent chez les patients non diabétiques. Figure 2. LIFE: résultats sur le critère principal composite. Ces bons résultats plaident en faveur d’un effet bénéfique spécifique du losartan sur la morbi-mortalité cardiovasculaire, au-delà de son effet sur la pression artérielle. En témoigne également la régression de l’HVG plus prononcée sous traitement par losartan, probablement liée au mécanisme d’action du losartan c’est-à-dire à l’inhibition de l’angiotensine II. En outre, une analyse récente des données de l’étude LIFE a montré que la régression de l’HVG est elle-même indépendamment corrélée à une diminution du risque de mort subite(10). L’effet spécifique de blocage du SRA pourrait en outre expliquer la moindre incidence de nouveaux diabètes observée dans la cohorte de patients non diabétiques dans le groupe losartan.   Au total L’ensemble des données de l’étude LIFE montre qu’une stratégie de traitement antihypertenseur basée sur le losartan confère des bénéfices cliniques au-delà de la baisse des chiffres tensionnels, chez l’hypertendu à risque : régression de l’HVG, diminution de la morbi-mortalité cardiovasculaire, diminution du risque de FA et diminution du risque de diabète de novo. Chez les patients diabétiques et hypertendus, les bénéfices à attendre sont encore plus importants en termes de morbi-mortalité.

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