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Explorations-Imagerie

Publié le 06 avr 2010Lecture 5 min

L'étude de Framingham : avantages et limites

F. DIEVART, Dunkerque

Si l’étude de Framingham est à l’origine d’une profonde révolution intellectuelle et pratique, elle a des limites, régulièrement soulignées, mais dont une partie a progressivement été comblée.

« A WASP study » Une des limites de l’étude de Framingham régulièrement mise en avant est qu’elle a enrôlé un type de population que les anglais dénomment WASP, pour White Anglo-Saxon Protestant. Ce terme désigne des Blancs d’origine européenne (surnommés « anglo-saxons ») et protestante qui ont émigré en masse aux États-Unis dès les premières colonies fondatrices, et dont la pensée et le mode de vie ont structuré cette nation. Ainsi, les données recueillies dans l’étude de Framingham concernaient un type particulier de sujets et pouvaient ne pas être universelles, donc ne pas s’appliquer à toutes les catégories humaines. Depuis que ces limites ont été mises en avant, de nombreuses études, dont la plus importante et la plus récente est l’étude INTERHEART (réalisée selon le modèle cas-témoins et ne concernant que le premier infarctus du myocarde) ont montré que les marqueurs de risque identifiés dans l’étude de Framingham sont universels. Une faible cohorte L’étude initiale n’avait enrôlé que 5 209 patients, ce qui pouvait diminuer sa puissance. Ainsi, plusieurs constatations faites dans cette étude ont été initialement imparfaites. Mais deux éléments ont contribué à combler cette limite : - un suivi prolongé et de qualité permettant d’enregistrer un nombre d’événements de plus en plus importants. Et, ce n’est pas la taille d’une population qui confère de la puissance à une étude, mais le nombre d’événements enregistrés ; - la réalisation d’autres études du même type sur des suivis plus courts mais avec des cohortes très importantes. L’exemple type d’une limite de l’étude de Framingham et de sa correction par d’autres études est celui de la relation entre cholestérol total et risque coronaire. Dans l’analyse initiale de l’étude de Framingham, il semblait y avoir un seuil dans la relation entre cholestérol total et risque et ce seuil était de 2 g/l : en deçà, la relation paraissait nulle, au-delà, elle était exponentielle. Dans les années 1980, l’étude MRFIT, avec une cohorte de plus de 350 000 hommes, a montré que, même en dessous de la valeur de 2 g/l de cholestérol total, la relation avec le risque coronaire est exponentielle (figure 3). Figure 3. Etude MR FIT : disparition du seuil entre cholestérolémie et risque coronaire. La limite de la faible population enrôlée et le fait que l’étude ait débuté en 1948, va avoir une conséquence indirecte mais primordiale : les marqueurs de risque qui seront mis en évidence dans les premiers travaux seront à la fois des marqueurs simples à évaluer (ceux qu’il était possible de quantifier avec les moyens de l’époque), des marqueurs de forte prévalence et surtout des marqueurs puissants. Une étude limitée à une certaine classe d’âge La population initialement enrôlée dans l’étude de Framingham avait un âge compris entre 29 et 62 ans. La relation entre les marqueurs et le risque dans les tranches d’âge plus jeunes et plus âgées n’a pu être déterminée dans les travaux initiaux de Framingham. Cette limite a été comblée en partie par l’extension de l’étude. Les patients avançant en âge, les relations entre les paramètres mesurés à différents âges et le pronostic ont été évaluées. D’autres études ont complété les données enregistrées dans Framingham en évaluant des sujets âgés ou plus jeunes. L’ensemble de ces données a montré que la relation entre certains marqueurs et le risque cardiovasculaire pouvait être différente selon l’âge. Un des exemples type de cette modification de la relation entre un marqueur et le risque cardiovasculaire induite par l’âge est celui de la pression artérielle : en dessous de 50 ans, c’est surtout la pression artérielle diastolique qui est un marqueur puissant du risque cardiovasculaire, au-dessus de 70 ans, c’est surtout la pression artérielle systolique. Cet élément a son importance, puisqu’il montre une relation particulière entre deux variables justifiant de les prendre en compte de façon adaptée dans l’élaboration d’une équation de risque. Une prédiction limitée au risque coronaire Les données initiales de l’étude de Framingham concernaient principalement le risque d’infarctus du myocarde. Plusieurs des algorithmes de prédiction du risque dérivés de cette étude permettent ainsi d’évaluer le risque coronaire mais pas le risque d’AVC ni le risque d’événements cardiovasculaires. Depuis la publication des premiers algorithmes prédictifs, l’étude de Framingham s’est régulièrement enrichie de nouveaux travaux qui permettent maintenant d’évaluer indépendamment : le risque coronaire, le risque d’AVC ou le risque cardiovasculaire global, comme cela a été montré par une publication de D’Agostino en 2008. Tous ces algorithmes sont disponibles sur Internet (http://www. framinghamheartstudy.org/risk/index.html). Des algorithmes de prédiction non reproductibles Enfin, un des grands reproches fait à l’étude de Framingham est que le niveau de risque qu’il permet d’évaluer correspond à celui de sujets blancs vivant sur la côte est des états-Unis et que l’application de l’algorithme à des populations différentes donne une estimation erronée du risque dans ces populations. Ainsi, il est estimé que l’utilisation de la grille de Framingham donne une valeur de risque absolu de l’ordre de deux fois la valeur réelle de celle d’un sujet vivant en France. Pour la France, il est proposé d’utiliser une grille de risque élaborée en 1994 à partir de celle de Framingham et qui applique un facteur correcteur permettant une meilleure appréciation du risque. La grille de risque avec un facteur correcteur proposée pour la France a aussi ses limites : elle n’a pas été validée à large échelle dans différents segments de la population française. Le reproche fait à la grille de Framingham n’a plus lieu d’être. En 2001, l’équipe de Framingham a évalué le risque fourni par l’application de son algorithme dans différentes catégories de la population américaine, pour lesquelles des études épidémiologiques étaient disponibles (JAMA 2001 ; 286 : 180-187). Ces études ont été les études ARIC (Atherosclesosis Risk in Communities), PHS (Physicians’Health Study), HHP (Honolulu Heart Program), PR (Puerto Rico Heart Health program), SHS (Strong Heart Study), CHS (Cardiovascular Health Study). Elles permettaient de disposer des données de 23 424 sujets, dont des Blancs, des Noirs, des Asiatiques, des Hispaniques, des Indiens, des sujets âgés… Ce travail important a montré que l’algorithme de prédiction de Framingham était fiable dans tous les segments de population après une recalibration prenant en compte la prévalence des facteurs de risque et le taux d’événements cardiovasculaires dans chacune des populations. Une formule mathématique, complexe pour le clinicien, a donc été fournie qui permet dès lors que certaines données épidémiologiques sont connues dans une population, de recalibrer l’algorithme de Framingham, pour que ses résultats s’appliquent à cette population. Ce n’est donc pas l’algorithme de Framingham qui est en défaut, c’est parfois le manque de données épidémiologiques dans une population donnée qui ne permet pas d’utiliser à bon escient l’algorithme de Framingham. En pratique Les limites de l’étude de Framingham ont progressivement été comblées, soit par l’extension de l’étude, soit par des études complémentaires. Soixante-deux ans après son début, cette étude reste toujours d’actualité.

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