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Explorations-Imagerie

Publié le 21 mar 2006Lecture 8 min

Diagnostic biologique de l'insuffisance cardiaque : BNP ou Nt-pro-BNP ?

C. BAIXAS, Fédération de cardiologie, CHU Toulouse-Rangueil

Actuellement, le dosage des peptides natriurétiques de type B semble incontournable dans le diagnostic moderne de l’insuffisance cardiaque et est, à ce titre, recommandé par les sociétés savantes.
Est-ce un effet de mode ou une réelle utilité, voire une nécessité ?

    Physiopathologie   Origine Les peptides de type B, Brain Natriuretic Peptid (BNP) et N-terminal pro-BNP (Nt-pro-BNP) ainsi dénommés car découverts dans le cerveau de porc sont, comme leur nom ne l’indique pas, produits par le cœur, tout comme les peptides de type A (ANP). Mais si ces derniers sont essentiellement synthétisés par les oreillettes, les peptides de type B le sont surtout par les myocytes des ventricules cardiaques sous forme de précurseur : le pro-BNP. La synthèse et la sécrétion de celui-ci sont très faibles dans des conditions normales, mais deviennent beaucoup plus importantes lors de conditions particulières : stimulations hormonales (angiotensine, endothéline, catécholamines), hypoxie et surtout dans des conditions hémodynamiques augmentant la contrainte pariétale ventriculaire comme une surcharge volumétrique avec élévation des pressions de remplissage ventriculaires. Le pro-BNP est alors synthétisé et sécrété immédiatement dans la circulation sanguine où il se clive en deux fragments : le Nt-pro-BNP, inactif, et le BNP, biologiquement actif.   Action et élimination Le BNP s’oppose aux effets de l’insuffisance cardiaque par ses propriétés diurétiques, natriurétiques, vasodilatatrices, de relaxation musculaire et de blocage du système rénine-angiotensine. Il a également probablement une action anti-trophique cardiaque et vasculaire. Sa demi-vie plasmatique est courte (22 minutes) et il est éliminé par plusieurs voies : rénale, après fixation sur un récepteur NPR-C et par dégradation par une endopeptidase neutre. Le Nt-pro-BNP est biologiquement inactif, a une demi-vie plus longue, de l’ordre de 120 minutes, et sa clairance est essentiellement rénale.   Répercussions cliniques - Ces considérations pharmacocinétiques expliquent que les variations des pressions capillaires soient mieux reflétées par des mesures répétées du BNP toutes les deux heures contre toutes les douze heures pour le Nt-pro-BNP. - On comprend également mieux l’élévation physiologique des concentrations plasmatiques des peptides (surtout celles du Nt-pro-BNP) en fonction de l’âge ou de la fonction rénale. Cependant, ce sont dans les conditions pathologiques générées par une insuffisance cardiaque que ces peptides s’élèvent le plus, masquant ainsi ces influences physiologiques. On sait qu’ils sont parfaitement corrélés aux pressions télédiastoliques ventriculaires et à la sévérité de l’insuffisance cardiaque (ils augmentent de manière linéaire avec le stade de la NYHA) et à la dysfonction ventriculaire gauche. Cela en fait d’excellents marqueurs biologiques d’insuffisance cardiaque, en particulier dans le domaine du diagnostic de nouveaux cas ou pour exclure, le cas échéant, la probabilité d’une insuffisance cardiaque devant des signes évocateurs.   Les tests biologiques rapides Dosage du BNP. Actuellement plusieurs tests sont disponibles en Europe : le plus ancien est probablement le dosage du BNP par méthode d’immunofluorescence (Biosite Diagnostics, Bayer, CIS, Schering), capable de rendre un résultat en 15 minutes parfaitement bien corrélé avec la méthode de référence, plus longue, radio-immunologique. Il peut se réaliser sur plasma ou sang total et reste stable durant plusieurs heures. La valeur dite normale est comprise entre 0,5 et 30 pg/ml, en sachant que les valeurs les plus élevées se retrouvent chez les femmes et les sujets âgés. Le Nt-pro-BNP se dose rapidement (18 minutes) par méthode d’électrochimiluminescence (Roche Diagnostics) et les valeurs retrouvées dans une population normale sont < 125 pg/ ml chez les patients < 75 ans et < 450 pg/ml chez les patients > 75 ans. On retrouve également les mêmes particularités d’âge et de sexe. Le prélèvement reste, lui aussi, stable, plusieurs jours à température ambiante. C’est en raison de la fiabilité et de la rapidité de ces tests que le BNP et le Nt-proBNP sont devenus les marqueurs biologiques incontournables de l’insuffisance cardiaque et surtout de son diagnostic.   Valeur diagnostique   Dépistage d’une dysfonction ventriculaire gauche asymptomatique Étant donné la corrélation retrouvée entre le degré de dysfonction ventriculaire gauche et les valeurs de BNP et de Nt-pro-BNP, certains auteurs ont proposé ces marqueurs comme outils de dépistage d’insuffisance cardiaque chez une population asymptomatique. Pour le BNP, dans cette indication, les auteurs retrouvent, dans une population non sélectionnée, un seuil aux alentours de 20 pg/ml (de 15 à 22 pg/ml) avec différentes sensibilités et spécificités mais de bonnes valeurs prédictives négatives permettant d’écarter avec une bonne probabilité le diagnostic. Ce seuil de dépistage s’élève à 64 pg/ml (19 pmol/l) si on s’intéresse à une population plus âgée (70 à 84 ans). Pour le Nt-pro-BNP, les seules études ayant dépisté des patients insuffisants cardiaques asymptomatiques > 45/50 ans retrouvent des seuils compris entre 36 pmol/l (300 pg/ml) et 41,5 pmol/l (350 pg/ml), permettant d’écarter le diagnostic avec une excellente valeur prédictive négative (99 à 100 %). Il faut cependant rester prudent : en effet le BNP, tout comme le Nt-pro-BNP, reflète le niveau de pression télédiastolique ventriculaire (surtout gauche) instantané et non la fraction d’éjection ventriculaire. Les niveaux de ces marqueurs peuvent donc diminuer, même en présence d’une dysfonction ventriculaire gauche, si les conditions de charge baissent comme lors d’une hypovolémie induite par les diurétiques par exemple. Les dosages des peptides natriurétiques dans ces indications doivent donc être restreints à des populations à risque et ne sont, du reste, actuellement pas recommandés par les sociétés savantes.   Diagnostic positif d’un patient dyspnéique C’est probablement le domaine le plus anciennement étudié. Il faut cependant distinguer deux populations différentes en pratique courante : les sujets suspects d’insuffisance cardiaque vus par les généralistes, dont la moitié seront adressés au cardiologue pour affirmer ou infirmer le diagnostic, et les sujets admis aux urgences pour dyspnée aiguë (tableaux 1 et 2). Diagnostic d’insuffisance cardiaque chronique. La tentation d’éliminer une insuffisance cardiaque chronique chez un patient symptomatique par un simple test biologique est grande, surtout chez les médecins généralistes qui voient ainsi la possibilité de sélectionner plus finement les patients à adresser à leurs confrères cardiologues. Dans cette indication, le seuil de BNP retenu par les laboratoires commercialisant les tests biologiques est de 100 pg/ml, au-dessous duquel la probabilité d’une insuffisance cardiaque est faible. Cependant, la pertinence de ce seuil est de plus en plus discutée et la valeur-seuil probablement plus basse. En effet, dans cette indication, ce seuil n’aurait qu’une valeur prédictive négative de 87 %, et serait à l’origine d’une méconnaissance du diagnostic chez des patients symptomatiques dans 21 % des cas. Certains auteurs vont même jusqu’à suggérer qu’un score prédictif clinico-biologique d’insuffisance cardiaque serait meilleur qu’un simple dosage de BNP. Le seuil du Nt-pro-BNP, dans cette population de patients suspects d’insuffisance cardiaque chronique, est beaucoup plus flou, sans nette valeur consensuelle dans la littérature puisque celle-ci varie, selon les auteurs, entre 11 pmol/l (93 pg/ml) et 150 pmol/l (1270 pg/ml), chacune avec une excellente valeur prédictive négative > 95 % ! Retenons cependant que le laboratoire recommande dans cette indication les mêmes valeurs que les normales à savoir qu’une valeur : • < 125 pg/ml chez les sujets de < 75 ans, • ou < 450 pg/ml chez les sujets > 75 ans permet d’éliminer le diagnostic d’insuffisance cardiaque en ambulatoire. - Diagnostic d’insuffisance cardiaque décompensée. C’est la principale indication de dosage des peptides natriurétiques et dans laquelle les seuils convergent. Pour le BNP, une valeur < 80-100 pg/ml permet d’écarter le diagnostic d’insuffisance cardiaque chez un patient admis aux urgences pour dyspnée aiguë avec une valeur prédictive négative de 90 à 98 % selon les études ; le diagnostic est, quant à lui, affirmé avec une bonne valeur prédictive positive (94 à 98 %) si cette valeur est > 300-400 pg/ml selon les centres. Entre ces deux bornes (80-300 pg/ml), le BNP est moins discriminant et voit sa pertinence diagnostique diminuée par l’émergence de faux positifs et négatifs essentiellement liés à la présence de dyspnées d’origines respiratoires compliquées de cœurs pulmonaires élevant les valeurs de BNP. Concernant le Nt-pro-BNP, les récents résultats de l’essai PRIDE ont permis de confirmer des seuils déjà avancés par des études ancillaires : • une valeur < 300 pg/ml écarte le diagnostic dans cette indication dans 99 % des cas ; • une valeur > 900 pg/ml (450 pg/ml chez les sujets < 50 ans) l’affirme avec une valeur prédictive positive cependant discutable (77 %). Diagnostic étiologique d’insuffisance cardiaque : diagnostic d’insuffisance cardiaque diastolique Chez des patients symptomatiques et sans dysfonction systolique, une élévation des peptides natriurétiques peut traduire une dysfonction ventriculaire gauche diastolique. Cependant, les seuils sont peu discriminants et l’apport diagnostique est à peu près le même que celui du Doppler tissulaire à l’échocardiographie. Dans cette indication, on retiendra qu’une valeur de BNP < 100 pg/ml écarte le diagnostic dans 96 % des cas et de Nt-pro-BNP < 110 pg/ml dans 94 % des cas.   Les limites L’utilisation des peptides natriurétiques dans le diagnostic d’insuffisance cardiaque est d’un apport manifeste et est, à ce titre, recommandée par les sociétés savantes. Il faut toutefois nuancer l’enthousiasme actuel de cet emploi : ces marqueurs ont été étudiés dans des situations particulières et utiliser leurs seuils dans d’autres indications peut s’avérer dangereux et probablement erroné. Si les seuils du BNP et maintenant du Nt-pro-BNP sont bien établis dans les dyspnées aiguës, ils le sont moins dans les situations moins graves et dans le dépistage des patients asymptomatiques. C’est dans cette population que s’expriment le plus les élévations physiologiques liées à l’âge, au sexe et à la fonction rénale à l’origine de faux positifs et négatifs : un BNP à 110 pg/ml, par exemple, chez une femme hypertendue de 75 ans avec une créatinine à 100 µmol/l peut être normal alors qu’une valeur de 80 pg/ml chez un homme de 40 ans est plus suspecte. En situation aiguë, l’élévation considérable des valeurs sériques secondaires à la brusque augmentation des pressions de remplissage camoufle ces considérations physiologiques. Il faut cependant garder en mémoire la possibilité d’un cœur pulmonaire aigu pouvant être responsable d’une élévation modérée des peptides : la fameuse zone intermédiaire (100-300/400 pg/ ml pour le BNP et 300-900 pg/ ml (450 chez les moins de 50 ans) pour le Nt-pro-BNP.   BNP ou Nt-pro-BNP ? La bataille bat son plein entre les divers automates et marqueurs. La raison en est plus commerciale que scientifique. Il existe quelques disparités entre les différents appareils de mesure, surtout en ce qui concerne la stabilité des échantillons sanguins et la variabilité des résultats mais qui ne semblent pas avoir de répercussion en pratique clinique. On note, en effet, peu de différences notables entre les deux marqueurs en termes d’apport diagnostique surtout dans le domaine des urgences. Concernant le dépistage d’insuffisance cardiaque débutante ou modérée, certains auteurs retrouvent une meilleure précision diagnostique avec le Nt-pro-BNP.   Conclusion   Les marqueurs natriurétiques constituent une réelle avancée dans le domaine du diagnostic de l’insuffisance cardiaque en améliorant nettement la précision diagnostique de celle-ci. Il faut toutefois modérer l’engouement actuel : si les seuils sont bien établis dans le dépistage de dyspnées aiguës d’origine cardiaque, ils semblent plus discutés dans celui de l’insuffisance cardiaque chronique. Attention à ne pas extrapoler les seuils de ces marqueurs dans des situations cliniques autres que leurs domaines d’études car ils perdent alors leur pertinence diagnostique et peuvent être à l’origine d’erreurs diagnostiques. Cependant, en respectant les indications de leurs dosages et en connaissant leurs limites, ils apportent une aide incontestable dans le diagnostic d’insuffisance cardiaque.

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