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Chirurgie

Publié le 05 déc 2006Lecture 7 min

Fuites périprothétiques précoces et à distance de la chirurgie : diagnostic et pronostic

R. ROUDAUT, CHU de Bordeaux

Les fuites périprothétiques ou « désinsertions » correspondent aux complications structurelles les plus fréquentes des prothèses valvulaires à côté des thromboses et de l’endocardite. Mieux reconnues de nos jours grâce à l’échocardiographie, elles ont une traduction clinique très variable selon l’importance de la fuite et l’association ou non à une anémie hémolytique. Quoi qu’il en soit, le cardiologue doit connaître et rechercher systématiquement cette complication.

Différencier les fuites "périprothétiques" des fuites "intraprothétiques" Ces dernières sont rares, classiquement inexistantes au niveau des prothèses biologiques, en dehors de la dégénérescence tissulaire. En revanche, les fuites physiologiques de lavage » sont constantes avec les prothèses mécaniques de type disque basculant ou ailettes, mais absentes avec les prothèses à bille. Ces fuites physiologiques de lavage sont de faible intensité et donnent des jets localisés en Doppler couleur (figure 1). Une fuite franche centroprothétique sur valve mécanique est toujours pathologique (thrombose partielle ou totale, ou exceptionnellement rupture d’arceau !). Figure 1. Fuite péri- et intraprothétique. Prothèse mécanique en position mitrale, à noter : • 2 jets (1 et 2) intraprothétiques de lavage, • 1 jet périprothétique (3) de petite taille. Parmi les fuites périprothétiques : différencier les fuites physiologiques des fuites pathologiques   Les fuites physiologiques sont habituellement observées en phase postopératoire précoce, elles correspondent à une absence d’endothélisation des zones de sutures et disparaissent donc classiquement dans les premiers mois postopératoires. Elles sont souvent multiples, en pomme d’arrosoir. Il s’agit en règle de petits jets peu énergétiques excentrés. Ces fuites périprothétiques ont été décrites dans la période postopératoire immédiate en ETO. Quelques études de contrôle à distance ont bien confirmé la tendance à la disparition spontanée. Les fuites pathologiques peuvent être décelées dès la phase peropératoire ou postopératoire précoce ou à distance. Elles sont plus fréquentes en position mitrale (12 %) qu’en position aortique (1 à 3,5 %), bien que la chirurgie aortique soit plus fréquente ! Ces fuites sont bien reconnues à l’échocardiographie et donnent un jet excentré de hautes vitesses plus ou moins étendu. Elles peuvent être multiples !   Diagnostic des fuites pathologiques   Désinsertions : 3 grands mécanismes • Un défaut d’insertion de la prothèse par le chirurgien, selon Genoni (J Heart Valve Dis 2001 ; 10/426-30) ; sur la valve mitrale, elles sont plus fréquentes au niveau des commissures antérolatérale et postéromédiane. Leur taille et leur localisation seraient chirurgien-dépendantes ! Certains auteurs signalent que les techniques de suture par monofilaments seraient plus génératrices de désinsertion que celles des points séparés. • Le lâchage des sutures sur tissu fragilisé : sujet âgé, calcification de l’anneau, maladie des tissus élastiques. • Enfin, l’endocardite doit être évoquée systématiquement. Elle est d’autant plus à craindre que le patient a été opéré pour une endocardite bactérienne.   La clinique Ces désinsertions peuvent être asymptomatiques et découvertes de façon fortuite sur la notion de souffle ou lors de la réalisation d’un échocardiogramme. Les symptômes, quand ils sont présents, sont dominés par la dyspnée et l’hémolyse. Le travail de Genoni souligne que la présence et le degré de dyspnée sont corrélés à la taille de la désinsertion ; ainsi lorsque le hiatus est de petite taille (1 à 2 mm) la dyspnée est peu fréquente, alors que lorsque le hiatus mesure plus de 6 mm, la dyspnée est constante. En revanche, en ce qui concerne l’hémolyse, il n’y a classiquement que peu de corrélations entre la taille de la désinsertion et l’importance de l’anémie. Un petit pertuis peut être générateur d’une hémolyse importante. Celle-ci sera appréciée sur la présence de schizocytes, le taux d’haptoglobine effondré, le taux de LDH élevé (multiplié par 2-3) et la réticulocytose ; l’hémoglobinurie est plus rare.   L’échocardiographique Une désinsertion peut se traduire par un mouvement anormal de bascule de la prothèse, mais cela est rare car témoignant d’une désinsertion majeure, classiquement plus du tiers de la prothèse. Le classique ressaut protodiastolique à l’ouverture de la prothèse mitrale (hump) est également rare. De la même façon, les signes de retentissement sur les cavités cardiaques : dilatation, hyperkinésie cinétique septale avec aspect de septum « normal » chez le patient opéré, hypertension artérielle pulmonaire, sont rares et signent une désinsertion sévère. Le Doppler couleur est d’un intérêt majeur en visualisant un jet excentré. Mais il faut savoir que la fuite peut être masquée par le cône d’ombre de la prothèse, en particulier au niveau mitral (figure 2). Figure 2. Fuite paraprothétique : jet excentré en incidence parasternale. Il faut donner son importance à la mise en évidence d’une zone de convergence qui témoigne d’un hiatus en périphérie de la prothèse (figure 3). Figure 3. Fuite paraprothétique : zone de convergence sur la face ventriculaire d’une prothèse mitrale en incidence apicale 4 cavités. Les Doppler pulsé et continu peuvent mettre en évidence une modification du flux antérograde lié à l’hyperdébit. Ce gradient élevé du niveau de la prothèse devra être différencié d’une sténose au niveau mitral. Fernandes (Am J Cardiol 2002 ; 89 : 704-10) souligne l’intérêt d’étudier, en plus de la vélocité de l’onde E, le rapport des ITV mitrale/ITV chambre de chasse VG et la PHT. En présence d’une onde E > 1,9 m/s, d’un rapport d’ITV > 2,2 : • une PHT > 130 ms est en faveur d’une thrombose, • une PHT < 130 ms est en faveur d’une désinsertion. Arquès (Arch Mal Cœur 2001 ; 94 : 110-6) a validé l’évaluation quantitative de fuite périprothétique liée à la désinsertion à partir de l’étude de la zone de convergence (SOR). Le grade de la fuite à l’ETO est corrélé à la surface de l’orifice régurgitant. Cependant, les limites de l’ETT sont bien connues, l’ETO doit être réalisée au moindre doute. Cet examen doit être méthodique et utiliser une sonde multiplan qui permettra de « tourner autour de la prothèse », à la recherche d’un flux excentré plus ou moins étendu qu’il conviendra de localiser par rapport à l’aorte et à l’auricule gauche. Une fuite située en regard de l’aorte correspond à 12 h, aussi bien pour l’échocardiographiste que pour le chirurgien ; en revanche, une fuite située en regard de l’auricule correspond à 2 h pour l’échocardiographiste et à 10 h pour le chirurgien (Foster, Ann Thor Surg 1998 ; 65 : 1025-31) (figures 4 à 6). Figure 4. Fuite paraprothétique de petite taille en ETO. Figure 5. Fuite paraprothétique volumineuse avec reflux dans la VPSG en ETO. Figure 6. Représentation schématique de la localisation de la désinsertion en ETO (A) et en chirurgie (B) selon un cadran horaire (d’après Foster, Ann Thor Surg 1998 ; 65 : 1025-31). La sévérité de la fuite en ETO sera évaluée par le diamètre du jet à l’origine, et la planimétrie du flux (minimum < 3 cm2, modérée < 6 cm2, large > 6 cm2, grade 4 si reflux dans la veine pulmonaire au niveau mitral).   L’histoire naturelle de ces fuites a fait l’objet de quelques études Ainsi, le travail de Movsowitz (J Am Soc Echocardiogr 1994 ; 7 : 488-72), réalisé en peropératoire chez des patients à haut risque, souligne le risque non négligeable d’aggravation des désinsertions au suivi à moyen terme (16 mois). Pour cet auteur, toute désinsertion doit être prise en compte et surveillée. Une réopération doit être envisagée si elle s’aggrave, lorsque le risque opératoire n’est pas trop important.   La prise en charge thérapeutique Le traitement médical d’une régurgitation par désinsertion n’a rien de spécifique (IEC, diurétiques…). La notion d’hémolyse doit faire envisager un traitement par bêtabloquants afin de diminuer la fréquence cardiaque. Dans certains cas, l’érythropoïétine a été proposée au long cours, en particulier lorsque la chirurgie n’est pas réalisable. La fermeture par occluder a été proposée par quelques auteurs. Il s’agit d’une alternative à la chirurgie séduisante car beaucoup moins agressive. Cette méthode reste de nos jours très peu répandue. Cependant, sa mise en œuvre est affaire de cas particuliers. La chirurgie consiste selon les équipes soit en une réinsertion de la prothèse, soit en un remplacement de la prothèse. Le risque opératoire n’est pas nul (10 % dans la série de la Mayo Clinic sur 30 désinsertions aortiques (Miller, J Heart Valve Dis 1995 ; 4 : 160-5) et 6,7 % dans la série du Massachussetts General Hospital Boston (Akins, J Heart Valve Dis 2005 ; 14 : 792-800) sur une série de 136 patients en dehors de l’endocardite (68 % mitrale – 32 % aortiques). À noter également un risque de récidive non négligeable, voire parfois de récidives itératives.   Les recommandations Les recommandations de la Société française de cardiologie concernant la prise en charge des désinsertions prothétiques en dehors d’un contexte d’endocardite sont les suivantes : - Indication admise de traitement médical : • désinsertion limitée, avec fuite minime ou modérée et sans hémolyse importante. - Indications admises de réintervention chirurgicale : • désinsertion importante à l’origine d’une fuite volumineuse, • hémolyse importante (nécessitant des transfusions itératives malgré un traitement médical conventionnel optimal), quelle que soit l’importance de la fuite.   En pratique   Les désinsertions de prothèses représentent une complication non négligeable de remplacement valvulaire. De nos jours, elles peuvent être décelées précocement en peropératoire lorsqu’une ETO est réalisée dans un contexte de remplacement valvulaire chez un patient à haut risque. La désinsertion est plus souvent décelée dans la 1re année postopératoire ; sa survenue à distance doit faire évoquer et traquer l’endocardite. L’expérience montre qu’en raison de la tendance à l’aggravation, ces désinsertions doivent être surveillées par échocardiographie régulièrement. Toute désinsertion symptomatique (IC, hémolyse) doit être réopérée.

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