publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Diabéto-Cardio

Publié le 15 avr 2023Lecture 10 min

L’essentiel 2022 en cardio-métabolisme

François DIÉVART*, Éric BRUCKERT**, *ELSAN Clinique Villette, Dunkerque, **Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris ; Pour le groupe Coeur vaisseaux et métabolisme de la Société française de cardiologie

L’actualité de l’année 2022 a été très riche concernant les lipides et le diabète et il nous a semblé utile de la classer en trois parties : les données publiées dans le domaine des lipides qui ont une implication rapide pour la pratique, celles qui n’ont encore une implication que pour la réflexion et enfin, le diabète de type 2. Dans ce dernier domaine, l’élément majeur pour la pratique cardiologique est constitué par de nouvelles recommandations pour sa prise en charge thérapeutique, devenues simples et en accord avec les données validées de la science et que tout cardiologue devrait dorénavant et connaître et appliquer.

Lipides : les études avec implications pratiques   L’étude FOURIER-OLE L’étude FOURIER-OLE(1) a été l’extension en durée de l’étude FOURIER. Cette dernière avait démontré contre placebo et avec un suivi moyen de 2,2 ans que l’évolocumab réduit significativement le risque d’événements cardiovasculaires (CV) majeurs chez des patients en prévention CV secondaire. Elle avait enrôlé 27 564 patients et la réduction relative du risque des événements cardiovasculaires du critère primaire avait été de 15 % (HR : 0,85 ; IC95 % : 0,79-0,92 ; p < 0,001). Au terme de l’étude FOURIER, 6 635 patients initialement répartis dans le groupe intervention ou le groupe contrôle sous placebo, ont reçu l’évolocumab en ouvert et donc notamment ceux initialement inclus dans le groupe placebo. Le suivi a été poursuivi 5 ans. Les renseignements et enseignements apportés par ce suivi ont été les suivants : – il est possible d’obtenir sous traitement un LDL-cholestérol en moyenne à 0,30 g/L pendant 7 ans ; – un taux aussi bas de LDL-cholestérol n’est pas associé à des taux d’événements indésirables supérieurs à ce qui a été observé chez les patients sous placebo lors de la phase en double aveugle de l’étude ; – alors que les patients initialement sous placebo et qui avaient en moyenne un LDL-cholestérol à 0,90 g/L lors de la phase en double aveugle ont eu leur LDLcholestérol abaissé en moyenne à 0,30 g/L dès la mise sous évolocumab, il y a eu moins d’événements CV majeurs lors des 3 premières années de suivi dans le groupe initialement sous évolocumab par rapport au groupe initialement sous placebo, la différence du taux d’événements n’étant plus présente entre les groupes au-delà du suivi post-essai en aveugle de 3 ans (figure 1). Ceci témoigne de ce qui est communément appelé un effet mémoire. En d’autres termes l’égalisation du LDL-cholestérol entre deux groupes n’annule pas instantanément le bénéfice d’une différence de LDL-cholestérol préalable entre ces groupes.   Un consensus pour un abaissement précoce et important du LDL lors d’un syndrome coronaire aigu Au vu des données fournies par l’étude FOURIER, mais aussi par l’étude ODYSSEY Outcomes conduite avec l’alirocumab dans le post-infarctus, il était logique qu’un consensus propose une diminution aussi rapide et importante que possible du LDL-cholestérol chez les patients venant d’avoir un syndrome coronaire aigu. Ce consensus(2) a été établi par l’Association pour les soins cardiovasculaires aigus (ACVC) et l’Association européenne de cardiologie préventive (EAPC). Il expose une stratégie de prise en charge des paramètres lipidiques qui repose sur de nombreuses données la justifiant et rapportée dans le texte du consensus. En pratique, dès l’hospitalisation pour syndrome coronaire aigu, chez les patients déjà traités ou non par une statine, les auteurs préconisent de débuter tout de suite ou, le cas échéant, de continuer la prescription de fortes doses de statines associées à l’ézétimibe, et ce, dès avant l’angiographie coronaire. Si le patient est à très haut risque cardiovasculaire parce qu’il a une maladie coronaire multitronculaire, ou une maladie polyvasculaire, ou une hypercholestérolémie familiale ou une récidive d’événement cardiovasculaire, l’utilisation en sus d’un anti- PCSK9 doit être considérée. La réévaluation tant clinique que des paramètres lipidiques doit être faite dans les 4 à 6 semaines suivant la sortie d’hospitalisation pour adapter la prise en charge. Chez les patients hospitalisés pour un syndrome coronaire aigu et ayant une intolérance aux statines, un nouvel essai de statine doit être effectué afin d’atteindre la dose maximale tolérée, et de l’ézétimibe et un anti-PCSK9 doivent être proposés. Si le patient a de nouveau des symptômes sous statine, un nouvel essai doit être fait soit avec une dose plus faible, soit avec une autre statine.   L’étude PROMINENT : échec des fibrates dans leur indication supposée préférentielle L’étude PROMINENT(3) avait pour objectif d’évaluer l’effet de prévention des événements cardiovasculaires majeurs d’un fibrate, le pémafibrate, contre placebo chez 10 497 patients ayant un diabète, un HDL-cholestérol bas (≤ 0,40 g/L) et des triglycérides élevés (compris entre 2,0 et 5,0 g/L). Alors que, par rapport au placebo, il y a eu sous traitement une diminution significative de 26 % en valeur relative de la triglycéridémie et une augmentation significative de 5,1 % du HDL-cholestérol, il n’y a eu aucun bénéfice cardiovasculaire du traitement (figure 2) et significativement plus d’effets indésirables sérieux tels que des insuffisances rénales aiguës et des phlébites et embolies pulmonaires.   Les fibrates ne sont plus proposés depuis plusieurs années comme traitement de prévention cardiovasculaire dans la plupart des recommandations du fait de leur effet modéré sur le LDL-cholestérol et de leur absence de preuve de bénéfice clinique. La seule indication jusqu’ici envisagée concernait des patients ayant un HDL-cholestérol bas et/ou des triglycérides élevés. L’étude PROMINENT démontre que même dans ce cas, ils n’apportent pas de bénéfice clinique.   Les effets musculaires des statines : quel taux réel ? Une méta-analyse des données individuelles de 155 000 patients inclus dans 23 essais thérapeutiques contrôlés conduits contre placebo pour évaluer des statines a permis de préciser les taux d’effets indésirables musculaires de ces molécules(4). En valeur relative, l’augmentation du risque de douleurs musculaires sous statine par rapport au placebo est de 7 % la première année, sans différence d’incidence entre les groupes comparés au-delà de la première année. En valeur absolue, l’incidence des douleurs musculaires la première année de traitement est, sous placebo de 15,5 % et de 16,6 % sous statine. Après la première année, l’incidence des douleurs musculaires est de 5 % tant sous placebo que sous statine. Ces éléments permettent de conclure que : – les douleurs musculaires sous statines surviennent essentiellement la première année de traitement, mais pas au-delà et leur taux relatif est faible avec une incidence réelle de 7 % ; – l’incidence des douleurs musculaires sous placebo est élevée la première année de « traitement » ; – et donc, seulement 1 cas sur 15 de douleurs musculaires survenant la première année de traitement est réellement imputable à la statine (figure 3). Au-delà de la première année, l’effet nocebo ou une autre cause aux douleurs musculaires est la principale raison de celles-ci.   L’augmentation du risque cardiovasculaire en cas de maladie inflammatoire ou auto-immune quantifié À partir d’une base de données de 22 millions d’habitants du Royaume-Uni(5), il a été possible après de multiples ajustements de quantifier l’augmentation du risque d’événements athérothrombotiques associés à 19 maladies auto-immunes (tableau 1).   Le risque d’événements athérothrombotiques est le plus élevé lorsqu’il y a 3 maladies auto-immunes associées (risque quasi multiplié par 4) et lorsqu’il y a une sclérodermie (risque multiplié par 3,59). Les maladies suivantes sont associées à risque plus que doublé d’événements athérothrombotiques (par rapport à l’absence de la maladie) : la maladie d’Addison (risque multiplié par 2,83), le lupus systémique (risque multiplié par 2,82), la présence de deux maladies auto-immunes (risque multiplié par 2,63), un diabète de type 1 (risque multiplié par 2,36), la survenue d’une maladie auto-immune avant l’âge de 45 ans (risque multiplié par 2,33), une maladie de Gougerot-Sjögren (risque multiplié par 2,08) et une cirrhose biliaire primitive (risque multiplié par 2,00). Il est donc utile de prendre en compte ces données lors de l’appréciation du risque cardiovasculaire d’un patient.   Lipides : les avancées pour la réflexion   L’acide bempédoïque L’acide bempédoïque est une prodrogue qui agit sur la synthèse du LDL-cholestérol en amont de l’HMG-CoA réductase et n’a pas d’effet indésirable musculaire. Utilisé seul, il permet de diminuer de 20 % le LDL-cholestérol, associé à l’ézétimibe de le diminuer de 40 % et si à cette association sont ajoutés 10 mg d’atorvastatine, le LDL-cholestérol diminue de 60 %. Cette molécule a été évaluée contre placebo dans un essai thérapeutique contrôlé ayant inclus 13 000 patients intolérants aux statines, l’étude CLEAR-Outcomes dont les résultats sont parus en mars 2023(6). Cette étude a démontré que l’acide bempédoïque permet de diminuer significativement de 13 à 15 % en valeur relative les événements cardiovasculaires majeurs et de 23 % les infarctus du myocarde fatals et non fatals, sans effet significatif sur le risque d’AVC, ou de décès cardiovasculaire ou sur la mortalité totale. Les principaux effets indésirables sont modérés sans plus d’arrêt de traitement que sous placebo : augmentation des enzymes hépatiques, de la créatininémie, de l’uricémie, des crises de goutte et des lithiases vésiculaires. Cette molécule devient donc une option intéressante pour la réduction du risque cardiovasculaire, d’autant plus qu’elle peut être associée à l’ézétimibe, aux anti-PCSK9, mais aussi aux statines. Elle n’est actuellement pas disponible en France.   L’inclisiran L’inclisiran est une molécule injectable interférant avec l’ARN et permettant de diminuer la PCSK9. Elle est en cours d’évaluation dans un essai thérapeutique contrôlé conduit contre placebo, l’étude ORION 4 ayant inclus 15 000 patients en prévention cardiovasculaire secondaire, et devrait permettre de connaître ses effets cliniques cardiovasculaires. Ses résultats pourraient être connus en fin d’année 2023 ou en 2024. La molécule est commercialisée dans plusieurs pays, mais pas en France. D’ores et déjà, une méta-analyse(7) des études préliminaires d’évaluation de cette molécule contre placebo conduite chez 3 652 patients indique qu’elle pourrait diminuer le risque d’événements athérothrombotiques majeurs de 25 % (HR : 0,75 ; IC95 % : 0,60-0,94 ; p = 0,013). Elle est utilisée en injection souscutanée, avec une deuxième injection trois mois après la première puis uniquement tous les 6 mois.   L’étude OCEAN (a) Dose L’olpasiran est aussi une molécule ciblant l’ARN, mais cette fois, celui conduisant à la synthèse de la Lp(a). Il a été évalué contre placebo dans une étude de phase II afin d’évaluer sa relation effet-dose sur la Lp(a). Cette étude dénommée OCEAN (a) DOSE(8) a démontré que l’olpasiran peut diminuer de 100 % la Lp(a) en une injection toutes les 12 semaines. Cette molécule fait donc maintenant l’objet d’une étude de phase III contre placebo afin de juger si elle permet de diminuer les événements athérothrombotiques majeurs.   Le diabète : un consensus des deux principales sociétés savantes de diabétologie En septembre 2022(9), est paru un texte de consensus pour la prise en charge du diabète de type 2 émanant conjointement des deux principales sociétés savantes de diabétologie, l’une européenne, l’EASD, l’autre américaine, l’ADA. En matière de thérapeutique, le changement par rapport aux recommandations précédentes est majeur, car la metformine y a une place restreinte, les inhibiteurs de la dipeptidyl peptidase de type 4 (iDPP4) n’y ont quasiment qu’une indication de niche, l’insuline ne doit pas être envisagée ou sa dose ne doit pas être augmentée sans qu’il ait été préalablement prescrit un agoniste des récepteurs au GLP1 (AR-GLP1). Ces recommandations distinguent deux grands cas de figure : le premier est celui où la priorité est de diminuer le risque cardiovasculaire, le deuxième est celui où l’objectif est de réduire la glycémie ou le poids.   Lorsque la priorité est de réduire le risque cardiovasculaire Il y a 4 situations cliniques pour lesquelles la priorité est de réduire le risque cardiovasculaire : – chez les patients en prévention cardiovasculaire secondaire ; – chez les patients à haut risque cardiovasculaire : ils sont définis par un âge au moins égal à 55 ans et la présence de deux facteurs de risque (tabac, HTA, dyslipidémies, obésité…) ; – chez les patients ayant une maladie rénale chronique : elle est définie par soit un débit de filtration glomérulaire (DFG) < 60 mL/min/m2, soit un rapport albuminurie/créatininurie > 30 mg/g ; – chez les patients ayant une insuffisance cardiaque. Lorsque la priorité est de réduire le risque cardiovasculaire, quelle que soit la valeur de l’HbA1c et, qu’il y ait ou non de la metformine : – dans les deux premiers cas, un AR-GLP1 ou un inhibiteur de la SGLT2 ou gliflozine doit être systématiquement prescrit, voire les 2 ; – dans le troisième cas, une gliflozine doit être systématiquement prescrite et un AR-GLP1 en cas d’intolérance aux gliflozines. La gliflozine doit être prescrite dès lors que le DFG est > 20 mL/min/m² et poursuivie jusqu’à la dialyse ou la transplantation rénale ; – dans le quatrième cas, une gliflozine doit être systématiquement prescrite. L’objectif glycémique est à considérer une fois ces traitements prescrits.   Lorsque la priorité est de réduire la glycémie ou le poids Lorsque la priorité est de réduire la glycémie, il faut éviter les traitements pouvant induire des hypoglycémies et donc les sulfamides, les glinides et l’insuline. Ici, la metformine peut être prescrite en première intention, mais au même titre que les associations thérapeutiques ou que les ar-GLP1. Les auteurs précisent que les AR-GLP1 sont les plus efficaces pour réduire la glycémie. Lorsque la priorité est de réduire le poids, les auteurs préconisent les AR-GLP1 en première intention, car il s’agit des traitements les plus efficaces sur cet objectif. Comme on peut le constater, il s’agit d’une profonde évolution par rapport aux propositions thérapeutiques préalables des diverses sociétés savantes de diabétologie. Ces propositions ont été reprises à l’identique dans les recommandations de l’ADA de janvier 2023.

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

  •  
  • 1 sur 52

Vidéo sur le même thème