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Explorations-Imagerie

Publié le 01 juin 2022Lecture 9 min

Nouveautés du coroscanner : de la FFR-CT au scanner à comptage photonique

Adrien PASTEUR-ROUSSEAU, Institut Cœur Paris Centre (ICPC) ; Cinique Turin, Paris ; Clinique du Parc Monceau, Paris ; Clinique Floréal, Bagnolet

Le scanner cardiaque occupe une place grandissante dans notre pratique cardiologique quotidienne. Initialement utilisé uniquement pour éliminer une cause coronaire dans un contexte de douleurs thoraciques atypiques chez un patient à faible probabilité de coronaropathie, il est aujourd’hui un examen de première ligne pour l’évaluation des douleurs thoraciques à la fois chez les patients ayant une faible probabilité, mais également une probabilité intermédiaire à élevée de coronaropathie. Il n’est cependant pas indiqué actuellement dans le cadre des syndromes coronaires aigus.

Μalgré tout, des études intéressantes comme une sous-étude de VERDICT(1) ou encore l’étude RAPID-CCTA(2) montrent qu’environ un quart à la moitié des patients classés SCA ST- n’ont pas de coronaropathie significative sous-jacente et pourraient donc éviter la coronarographie si le coroscanner permettait d’éliminer immédiatement une sténose coronaire significative. N’oublions pas que l’étude SCOT-HEART(3) a prouvé que l’évaluation par coroscanner d’une douleur thoracique comparativement à un test d’ischémie faisait diminuer les événements cardiovasculaires de 41 % notamment grâce à l’instauration de thérapies préventives chez les patients ayant des sténoses non significatives. Le coroscanner est très intéressant dans les check-up cardiovasculaires pour évaluer le niveau de risque d’un patient en séparant les patients à coronaires strict ment saines des patients ayant déjà une maladie athéromateuse coronaire plus ou moins évoluée et bénéficiant donc d’un traitement préventif. Il est en cela plus performant que le score calcique qui ne détecte pas les plaques athéromateuses non calcifiées. Le scanner cardiaque est par ailleurs indiqué avant certaines interventions. On pense bien sûr au scanner pré-TAVI, au scanner pré-ablation de fibrillation atriale, mais aussi en pré-fermeture de l’auricule gauche ou pré-fermeture d’une CIA. Les perspectives sont nombreuses et des études en cours nous fourniront des informations complémentaires dans les années à venir. Le scanner utilisant des rayons X, il est intéressant de noter que sa dosimétrie est en baisse constante depuis dix ans et qu’on peut aujourd’hui être moins irradiant avec un scanner cardiaque qu’avec un score calcique ! Nous verrons dans cet article qu’avec le scanner à comptage photonique, la dosimétrie va encore baisser tandis que la résolution va s’améliorer. Nous allons traiter ici des dernières nouveautés concernant le scanner cardiaque qui viendront progressivement s’intégrer dans notre pratique quotidienne. • La FFR-CT Le principe de la FFR-CT (fractional flow reserve derived from coronary CT angiography) est d’évaluer la perfusion myocardique coronaire à partir d’un scanner cardiaque effectué au temps artériel pour opacifier les coronaires. À la base, la FFR est réalisée en coronarographie en administrant un vasodilatateur (adénosine) intracoronaire qui est censé majorer l’hypoperfusion en aval d’une sténose. On utilise donc une vasodilatation maximale (hyperhémie) pour comparer la pression artérielle en aval de la sténose à la pression artérielle proximale. On considère la sténose significative en dessous de 0,80 de FFR c’est-à-dire lorsqu’on a une perte de pression d’au moins 20 % par rapport à la pression proximale. Une start-up californienne nommée HeartFlow® a mis en place un logiciel permettant d’estimer la perfusion coronaire lorsqu’on lui envoie à distance un scanner cardiaque qui peut même être réalisé dans un autre pays. Cette entreprise a été fondée en 2010 dans la Silicon Valley par un chirurgien et un ingénieur, issus de l’université de Stanford. Elle a été approuvée par la FDA en 2014, mais elle est commercialisée depuis 2011. Depuis 2017, HeartFlow® est en étroite collaboration avec Siemens Healthineers® et potentiellement intégrée au logiciel d’analyse Siemens. Le principe est l’utilisation de l’intelligence artificielle pour comparer les images du patient à celles de dizaines de milliers de coroscanners pré-enregistrés dans la base de données utilisée par l’application pour évaluer ainsi la perfusion myocardique. L’entreprise HeartFlow® qui a développé le software affirme que les technologies utilisées dans l’aérodynamique et notamment la dynamique des fluides sont à l’origine de la mise au point de leur technologie. L’avantage est donc de bénéficier d’une analyse à la fois anatomique et dynamique en un seul examen. On peut ainsi imaginer que pour toutes les sténoses semblant significatives au scanner coronaire standard, l’examen serait adressé à cette entreprise qui nous renverrait le résultat de la perfusion myocardique. La technique est apparue prometteuse dans les études réalisées pour la comparer à la FFR en coronarographie. On se souvient de l’étude du JAMA en 2012(4) comparant la FFR-CT à la FFR en coronarographie avec les résultats suivants pour la FFR-CT : sensibilité : 90 % ; spécificité : 54 % ; valeur prédictive positive : 67 % ; valeur prédictive négative : 84 %. La précision diagnostique globale était évaluée à 73 %. Une réévaluation de la littérature en 2017(5) retrouvait une précision diagnostique globale de 81,9 %, plus précise pour les sténoses vraiment significatives, d’une part (86,4 %), et pour les sténoses non significatives, d’autre part (97,9 %), la valeur la plus basse se retrouvant pour les valeurs de FFR entre 0,70 et 0,80 où la précision diagnostique n’était que de 46,1 %. L’étude de Driessen et coll. publiée dans le JACC en 2019(6) retrouvait une précision diagnostique de 87 %, une sensibilité de 90 % et une spécificité de 86 % avec une meilleure aire sous la courbe de la FFR-CT que celle du PET (positron emission tomography) et du SPECT (single-photon emission computed tomography). L’étude CREDENCE publiée dans le JACC en 2020(7) montrait également une meilleure aire sous la courbe de la FFR-CT pour évaluer une hypoperfusion en se comparant à la FFR invasive < 0,80 en coronarographie par rapport aux tests d’ischémie. Fait notable, les nouvelles recommandations américaines de cardiologie (AHA) de novembre 2021 ont inclus la FFR-CT dans les examens à réaliser en priorité devant une douleur thoracique avec un niveau de recommandation 2a (niveau de preuve B). Cependant, le frein majeur de cette technique reste son coût très élevé, 1 500 $ par examen, beaucoup plus élevé que le prix du scanner cardiaque d’origine dans de nombreux pays, ce qui le rend cohérent aux États-Unis, au Canada ou en Angleterre, mais pas dans un pays comme la France, où la Sécurité sociale considère le prix total du coroscanner à quelques dizaines d’euros. Ainsi, il apparaît plus simple et plus économique en France de commencer par un coroscanner classique puis de compléter si besoin avec une IRM cardiaque de stress chez un patient présentant une sténose de plus de 50 % d’une artère coronaire au coroscanner, plutôt qu’envisager d’envoyer l’examen outre-Atlantique pour une estimation de la FFR-CT à un coût très élevé. (Figures 1 et 2). • Évaluation de la perfusion coronaire par « scanner de stress » L’idée avait déjà été évoquée par exemple de faire pédaler un patient pendant un coroscanner et d’évaluer sa perfusion myocardique par administrations répétées d’agent de contraste iodé. Ce qui est à l’étude actuellement, c’est de protocoliser une évaluation pharmacologique de la perfusion coronaire grâce à un vasodilatateur puissant de type adénosine ou dipyridamole. Le premier temps de l’examen sera ainsi l’acquisition à visée morphologique de l’arbre coronaire sous bolus de produit de contraste iodé. Ensuite, après analyse rapide de l’arbre coronaire, si une sténose semblant significative est décelée, pourrait être mise en place la seconde partie de l’examen à savoir une administration d’un agent vasodilatateur comme l’adénosine ou le dipyridamole puis une séquence de perfusion serait réalisée, à savoir soit une acquisition unique, soit des acquisitions successives faible dose (de rayons X) du massif cardiaque permettant dans un troisième temps d’évaluer, toujours grâce à l’intelligence artificielle et à des softwares de plus en plus performants, le rehaussement tissulaire sous iode des différents territoires. Ainsi, une sténose coronaire pourrait être corrélée ou non à une hypoperfusion tissulaire concordante grâce à un seul examen. Cet examen aurait pour but d’éviter à la fois un test d’ischémie séparé et d’éviter une coronarographie avec FFR invasive de la lésion coupable, permettant donc de programmer d’emblée l’angioplastie coronaire ou les pontages si besoin. Les études en cours pourront nous permettre de savoir si cette option sera envisageable ou non dans notre pratique clinique. L’étude de Pontone et coll. publiée dans le JACC en 2019(8) était déjà prometteuse à ce sujet en montrant que la technique était aussi fiable que la FFR-CT. Dans une publication annexe(9), ils livraient la dosimétrie qui était deux fois supérieure avec le protocole de perfusion sous adénosine qu’un coroscanner seul. Une autre étude(10) montrait quant à elle que la FFR-CT faisait mieux que le scanner de stress sous adénosine et restait donc la référence. La question reste donc ouverte aujourd’hui du développement de ces deux techniques d’évaluation de la perfusion coronaire. (Figures 3 et 4) • Le scanner à comptage photonique La technologie d’acquisition des images du scanner a bénéficié d’évolutions progressives et continue aujourd’hui son développement. On se souvient de l’avènement du scanner spiralé en 1990 puis du scanner à large détecteur en 2004 suivi du scanner bi-tube en 2005 et du scanner à détecteurs double-couches en 2013. La nouvelle technologie de rupture qui commence à arriver sur le marché est le scanner à comptage photonique. On va donc passer des scanners équipés de détecteurs à scintillation solide aux détecteurs à comptage photonique qui transforment directement les photons de rayons X en signaux électriques au lieu d’un processus en deux étapes, comprenant l’absorption des rayons X convertis en lumière visible dans le cristal de scintillation puis la conversion de la lumière obtenue en signal électrique par une photodiode fixée à l’arrière de chaque cellule de détection. La méthode utilisée jusqu’à maintenant ne permettait plus de gagner en résolution et il devenait difficile de réduire la dosimétrie. Les nouveaux détecteurs à comptage photonique vont permettre de repousser les limites des détecteurs de scanners actuels en fournissant des données tomodensitométriques à très haute résolution spatiale, sans bruit électronique, caractérisées par un rapport contraste sur bruit amélioré, une dose de rayonnement plus faible et des informations spectrales intrinsèques. Rien que ça ! L’efficacité de dose est optimisée par rapport aux détecteurs classiques avec une réduction de dose estimée à 30 % et les pixels des détecteurs à comptage photonique sont également beaucoup plus petits, ce qui permet d’obtenir une bien meilleure résolution spatiale, environ 5 fois meilleure qu’avec un scanner classique. L’analyse spectrale permet d’envisager d’étudier le tissu traversé par le rayon X sans recours à un produit de contraste iodé et pourrait apporter des informations très utiles à la fois dans l’athérosclérose et dans le domaine de la cancérologie. Dans le monde du coroscanner, l’augmentation de la résolution spatiale est attendue de longue date. Et pour cause, celle-ci va permettre deux progrès majeurs : d’une part, l’étude des artères de plus petit calibre comme les sous-branches (diagonale, marginale, IVP ou RVP) dont l’évaluation est possible, mais plus délicate au coroscanner actuel ; d’autre part, l’analyse de la plaque d’athérosclérose dans l’intima des artères coronaires, afin de mieux stratifier les plaques à risque de rupture et les plaques stabilisées. Une meilleure résolution permettra également d’étudier plus aisément les stents coronaires qui sont actuellement mal visualisés. On peut également envisager l’analyse spectrale du stent coronaire basée sur son K-edge, par exemple si ce stent est en chrome, en cobalt, en nickel ou en titanium. Chaque atome a une raie d’atténuation précise qui correspond à l’éjection d’un électron de sa couche K vers sa couche L, par exemple 33 KeV pour l’iode ou 50,2 KeV pour le gadolinium, et un photon ayant exactement ce niveau d’énergie est complètement absorbé par l’atome. La valeur de K-edge est spécifique de chaque atome. Le scanner à comptage photonique permet ainsi de visualiser spécifiquement un atome déterminé, basé sur son K-edge. On peut donc envisager de mettre au point des traceurs spécifiques de la plaque d’athérosclérose et, grâce au scanner photonique à analyse spectrale, de pouvoir les localiser lors du scanner coronaire. Il suffit d’utiliser le K-edge du traceur injecté pour obtenir une cartographie spécifique du radiotraceur souhaité. On peut même imager plusieurs agents suivis simultanément grâce à leur information spectrale différente (exemple un marqueur de l’inflammation et un marqueur lipidique qui co-localiseraient dans la plaque athéroscléreuse). On le comprend donc, la mise au point puis l’utilisation large du scanner à comptage photonique ont toutes les chances de révolutionner nos pratiques et d’augmenter encore davantage l’apport du scanner dans la pathologie cardiaque, notamment coronaire.

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